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Aurialie Jublin

De la tyrannie des métriques | InternetActu.net - 0 views

  • Pour Muller, nous sommes obsédés par les chiffres. Nous avons une pression irrépressible à mesurer la performance, à en publier les chiffres, et à récompenser les performances depuis ceux-ci, quand bien même l’évidence nous montre que cela ne fonctionne pas si bien. Pour Muller, notre problème n’est pas tant la mesure que ses excès. Trop souvent nous préférons substituer des chiffres, des mesures, à un jugement personnel. Trop souvent le jugement est compris comme personnel, subjectif, orienté par celui qui le produit, alors que les chiffres, en retour, eux, sont supposés fournir une information sûre et objective.
  • Trop souvent, les métriques sont contre-productives, notamment quand elles peinent à mesurer ce qui ne l’est pas, à quantifier ce qui ne peut l’être.
  • Muller montre par de nombreux exemples comment nous nous ingénions à contourner les mesures, à l’image des hôpitaux britanniques qui avaient décidé de pénaliser les services dont les temps d’attente aux urgences étaient supérieurs à 4 heures. La plupart des hôpitaux avaient résolu le problème en faisant attendre les ambulances et leurs patients en dehors de l’hôpital !
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  • Pour Muller, l’obsession des métriques repose sur : la croyance qu’il est possible et désirable de remplacer le jugement acquis par l’expérience personnelle et le talent, avec des indicateurs numériques de performance comparative basés sur des données standardisées ; la croyance que rendre ces mesures publiques (c’est-à-dire transparentes) assure que les institutions effectuent leurs buts (c’est-à-dire leur responsabilité) ; la croyance que la meilleure façon de motiver les gens dans les organisations est de les attacher à des récompenses ou des pénalités depuis ces mesures de performance (que les récompenses soient monétaires ou réputationnelles)
  • Il souligne que trop souvent, on mesure le plus ce qui est le plus facile à mesurer, le plus simple. Mais c’est rarement le plus important. En mesurant le plus simple, on en oublie la complexité : ainsi quand on mesure les objectifs d’un employé, on oublie souvent que son travail est plus complexe que cela. On mesure plus facilement les sommes dépensées ou les ressources qu’on injecte dans un projet que les résultats des efforts accomplis. Les organisations mesurent plus ce qu’elles dépensent que ce qu’elles produisent.
  • Bien souvent, la mesure, sous prétexte de standardisation, dégrade l’information, notamment pour rendre les choses comparables au détriment des ambiguïtés et de l’incertitude.
  • Quant aux manières de se jouer des métriques, elles sont là aussi nombreuses : simplifier les objectifs permet souvent de les atteindre au détriment des cas difficiles ; améliorer les chiffres se fait souvent en abaissant les standards… sans parler de la triche, on ne peut plus courante.
  • C’est vraiment avec Frederick Taylor, cet ingénieur américain qui va inventer le management scientifique au début du 20e siècle, que la mesure va s’imposer. Le but même du taylorisme était de remplacer le savoir implicite des ouvriers avec des méthodes de production de masse, développées, planifiées, surveillées et contrôlées par les managers. Le Taylorisme va s’imposer en promouvant l’efficacité par la standardisation et la mesure, d’abord dans l’industrie avant de coloniser avec le siècle, tous les autres secteurs productifs.
  • Les métriques se sont imposées dans les secteurs où la confiance était faible. Les décisions humaines sont devenues trop dangereuses à mesure qu’elles impliquaient une trop grande complexité de facteurs : d’où la prolifération des métriques, des process, des règles… La demande d’un flux constant de rapports, de données, de chiffres… a finalement diminué l’autonomie de ceux qui étaient les plus bas dans les organisations.
  • Dans son livre, Muller évoque nombre de secteurs où les chiffres n’ont pas produit ce qu’on attendait d’eux. Dans le domaine scolaire, en médecine, dans le domaine militaire, dans la police et bien sûr dans les affaires… les chiffres sont souvent mal utilisés et ne parviennent pas à mesurer l’important. Bien souvent, les chiffres déplacent les objectifs, favorisent le court-termisme, découragent la prise de risque, l’innovation, la coopération… coûtent du temps
  • voire sont dommageable pour la productivité elle-même (« Une question qui devrait être posée est de savoir dans quelle mesure la culture des métriques a elle-même contribué à la stagnation économique ? »)…
  • Pour lui, il faut d’abord se poser la question de ce que l’on cherche à mesurer en se souvenant que plus un objet mesuré est influencé par la procédure de mesure, moins il est fiable. Et que ce constat empire quand la mesure repose sur l’activité humaine, plus capable de réagir au fait d’être mesurée, et pire encore quand des systèmes de récompenses ou de punition sont introduits…
  • L’information est-elle utile ? Le fait que quelque chose soit mesurable ne signifie pas qu’il faille le faire (au contraire, bien souvent la facilité à mesurer est inversement proportionnelle à sa signification !). « Posez-vous la question de ce que vous voulez vraiment savoir ! », conseille l’historien.
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    "On n'a pas attendu le numérique pour produire des métriques, mais celui-ci a incontestablement simplifié et amplifié leur production. Quitte à produire un peu n'importe quelles mesures puisque celles-ci semblent désormais accessibles et ajustables en quelques clics. On connaît la rengaine : « ce qui ne peut être mesuré ne peut être géré » (même si la formule de Peter Drucker est en fait plus pertinente que ce que nous en avons retenu). Est-ce pour autant qu'on ne gère que ce que l'on sait chiffrer ?"
Aurialie Jublin

dWeb : vers un web (à nouveau) décentralisé ? | InternetActu.net - 0 views

  • Les partisans du web décentralisé, explique Corbyn, souhaitent promouvoir et développer un web qui ne dépendrait plus des grandes entreprises qui amassent nos données pour en tirer profit. Pour ses promoteurs (parmi lesquels on trouve Tim Berners-Lee, Brewster Kahle ou Ted Nelson…), l’enjeu est de revenir à un web originel, avant qu’il ne soit perverti par les grandes plateformes qui ont émergé avec le web 2.0. Redistribuer le web afin que les utilisateurs gardent le contrôle de leurs données, interagissent et échangent des messages directement avec les autres membres du réseau sans passer par des services centralisés : tel est l’enjeu du dWeb.
  • Dans une série de billets un peu techniques présentant des applications concrètes de ce nouveau web décentralisé, on découvre plusieurs solutions émergentes comme Scuttlebutt, un réseau social décentralisé qui repose sur un protocole chiffré qui permet de stocker ses messages en local afin de les partager avec d’autres utilisateurs en pair à pair ; WebTorrent, un lecteur de torrent qui fonctionne dans le navigateur ; ou encore IPFS, un protocole pour remplacer le protocole HTTP du web…
  • Si ce web décentralisé est encore balbutiant, ce mouvement a été largement renouvelé par le développement des protocoles blockchain. De nouvelles applications sont apparues, comme Stealthy (un système de messagerie instantanée décentralisée), OpenBazaar (une place de marché décentralisée), GraphiteDocs (une alternative à Google Doc), Textile (une alternative à Instagram), Matrix (une alternative à Slack), DTube (une alternative à YouTube)… On y trouve aussi bien sûr les alternatives décentralisées aux réseaux sociaux que sont Akasha et Diaspora… Et même un navigateur pour explorer le web en pair à pair : Beaker Browser basé sur le protocole dat (voire les explications).
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  • Cet espace ressemble plutôt à une niche de geeks, à l’image des vidéos que l’on trouve sur DTube. La contestation de la centralisation ne suffira pas à faire décoller ce nouvel attrait pour la décentralisation, pointait-il avec pertinence.
  • Dans cet essai, intitulé « Information Civics » (qu’on pourrait traduire par la citoyenneté de l’information ou par l’éducation civique des réseaux), Frazee invite à reprendre le pouvoir sur les grands réseaux sociaux. Il rappelle combien nous sommes déconnectés de la gouvernance des grandes plateformes et que cette déconnexion est ce qui motive la réponse proposée par la décentralisation.
  • Paul Frazee rappelle néanmoins que toute décentralisation n’est pas démocratique pour autant. Il égratigne notamment la gouvernance de Bitcoin qui est plus ploutocratique qu’autre chose, donnant le pouvoir à ceux qui ont le plus de capital. Etherum a provoqué la colère de nombre de ses membres lorsque l’état du registre a été modifié pour contrer un piratage. Pour Frazee, cet exemple est également la preuve que des autorités existent en dehors du code du protocole. « Ces controverses montrent que nous pourrions avoir une vision incomplète de la gouvernance et de l’autorité ».
  • Peut-on considérer la décentralisation comme étant simplement une élimination de toute autorité ? Si c’était le cas, nous n’aurions pas à discuter d’éducation civique aux réseaux, estime-t-il. Pour lui, la décentralisation ne peut pas seulement reposer sur la maximalisation de la répartition du pouvoir, au risque de donner plus de pouvoir à certains qu’à d’autres.
  • Dans les applications centralisées comme Facebook ou Google, toute autorité est confiée au serveur. Pour Frazee, ils sont par essence des services autoritaires. Les utilisateurs n’ont aucun mécanisme à leur disposition pour contraindre ou ignorer les décisions du serveur. Aucune loi ne restreint la puissance du serveur. Dire qu’ils sont autoritaires n’est pas les dénigrer, c’est décrire leur conception politique. Cet autoritarisme est particulièrement saillant lors de controverses, comme lors de mécontentement des utilisateurs dû à des changements d’interfaces, lors de colères contre les politiques de modération, la conception d’algorithmes, le placement publicitaire ou l’utilisation des données personnelles des utilisateurs… Mais au-delà de leur indignation, les utilisateurs n’ont aucun pouvoir sur ces politiques autoritaires, qui, si elles apportent du confort, apportent aussi leur lot d’anxiété quant à la manipulation, la surveillance ou la censure. Dans ce système politique, pour l’utilisateur, se révolter consiste à changer de service, bien souvent au détriment de leurs données – perdues -, ce qui ne laisse en fait pas beaucoup de place à la révolte. En passant d’un service à un autre, « les utilisateurs ne trouvent aucune libération politique ».
  • Proposer des alternatives nécessite donc de distribuer l’autorité, à l’image des services P2P, des services d’adressage chiffrés, des blockchains… Chacune de ces méthodes n’empêche pas l’utilisation de serveurs centraux ni la formation d’autorités, mais vise à les réduire. Proposer de nouvelles applications nécessite également de nouveaux protocoles qui sont plus lents à changer et à se déployer. Mais au-delà des défis techniques et sociaux liés à la mise en application, il existe des défis politiques liés à trouver des accords sur ces nouvelles normes tout comme à trouver des processus de partage de pouvoir qui ne provoquent pas de dysfonctionnements.
  • Pour y remédier, Frazee propose de s’appuyer sur des « protocoles de réseaux constitutionnels », c’est-à-dire des protocoles qui appliquent automatiquement le code, comme dans les contrats intelligents. Le code est alors une constitution parce qu’elle fournit les règles pour le fonctionnement de l’autorité et que les utilisateurs peuvent s’assurer à tout moment que la constitution est respectée. « Le constitutionnalisme de réseaux a pour effet de transférer l’autorité de l’opérateur au code » : elle assure du processus, décrit des autorités et limites leurs possibilités d’action.
  •  Je crois en l’engagement civique. Nous disposons d’outils puissants qui encodent des valeurs et des droits. Nous devons transformer les architectures de pouvoir qui sont les nôtres. »
  • Pour améliorer la structure civique du web – le rendre plus démocratique -, il faut donc rééquilibrer les droits. Peut-on permettre que les clients (c’est-à-dire les ordinateurs de chacun) aient plus de droits que les serveurs, qu’ils aient le droit de publier, le droit d’avoir une identité, le droit de déployer du code (pour décider de comment ils souhaitent que leurs applications fonctionnent) ? Seuls les réseaux pair-à-pair déploient des noeuds avec des droits égaux, rappelle-t-il. Cette question n’est pas qu’une question technique, estime Frazee, c’est une question démocratique, une question civique. Les techniciens n’ont pas à résoudre les problèmes pour les gens, mais à laisser les gens résoudre ces problèmes comme ils veulent.
  • En février, l’entrepreneur et investisseur Chris Dixon (@cdixon) était déjà revenu sur l’importance de la décentralisation. Il rappelait que le premier internet était basé sur des protocoles décentralisés, mais qu’il avait été dépassé dans les années 2000 par des services qui avaient supplanté les capacités des protocoles ouverts, comme ceux des majors du web. Pour lui aussi, la centralisation est l’une des causes des tensions sociales qui s’expriment aujourd’hui que ce soit la désinformation, la surveillance, les brèches de données… Pour autant, souligne-t-il, les réseaux décentralisés ne résoudront pas tous les problèmes.
  • Pour Primavera De Filippi (@yaoeo) – qui a publié avec Aaron Wright, Blockchain and the law ainsi qu’un Que-sais-Je ? sur ces sujets -, le web décentralisé pose également des défis juridiques et de gouvernance : qui est responsable des problèmes quand tout est décentralisé ?
  • Comme elle le souligne en conclusion de son livre, si ces systèmes promettent d’améliorer la société, ils pourraient également restreindre plus que renforcer l’autonomie et la liberté des individus. L’hypothèse qui veut que la règle du code soit supérieure à celle du droit n’est pas sans poser problème. Comme Lawrence Lessig l’a déjà dit : « Quand le gouvernement disparaît, ce n’est pas comme si le paradis allait prendre sa place. Quand les gouvernements sont partis, d’autres intérêts prendront leur place. » Pour Primavera de Filippi et Aaron Wright, le déploiement de systèmes autonomes régulés seulement par le code nous pose de nouveaux défis de responsabilité.
  • Comme le dit Yochai Benkler : «Il n’y a pas d’espace de liberté parfaite hors de toute contrainte ». Tout ce que nous pouvons faire est de choisir entre différents types de contraintes. (…) Les applications décentralisées basées sur une blockchain pourraient bien nous libérer de la tyrannie des intermédiaires centralisés et des autorités de confiance, mais cette libération pourrait se faire au prix d’une menace beaucoup plus grande encore : celle de la chute sous le joug de la tyrannie du code. »
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    "La journaliste Zoë Corbyn, pour le Guardian est revenue sur le Sommet pour un web décentralisé (vidéos), qui se tenait début août à San Francisco."
Aurialie Jublin

Les objets connectés sont de plus en plus utilisés pour le harcèlement et l'i... - 0 views

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    "Lors de son entretien avec les agents de centres d'appel, une femme rapportait par exemple qu'elle avait allumé son climatiseur, mais celui-ci s'est éteint sans qu'elle y touche. Une autre expliquait que les numéros de code de la serrure numérique de sa porte d'entrée changeaient tous les jours et elle n'arrivait pas à comprendre pourquoi. Une autre femme encore expliquait qu'elle entendait toujours la sonnerie de la porte se déclencher, mais personne n'était à la porte. Selon le New York Times, ces histoires font partie d'un nouveau modèle de menaces ou de violences qui s'est invité dans les maisons avec la montée en puissance des objets connectés. Ces objets connectés sont de plus en plus utilisés par des personnes malveillantes pour harceler, surveiller, contrôler ou se venger sur d'autres personnes, souligne le New York Times. Graciela Rodriguez, qui gère un refuge d'urgence de 30 lits au Centre for Domestic Peace à San Rafael, en Californie, aurait déclaré au New York Times que certaines personnes sont déjà venues la voir avec des histoires de « ;trucs fous ;» comme des thermostats connectés allant soudainement jusqu'à 100 degrés ou des haut-parleurs intelligents qui se mettaient à jouer la musique à fond. Sans explication sur ce problème qui pourrait ressembler à un mauvais film d'exorcisme, ces personnes ont déclaré qu'elles commençaient à perdre le contrôle de leur maison et à devenir folles. Il faut préciser que les personnes malveillantes utilisant ces objets connectés à mauvais escient ne sont pas forcément des personnes hors de la vie des maisons ciblées. Quelques fois, il s'agirait d'un conjoint ayant mal digéré une rupture et disposant toujours des mots de passe des objets intelligents installés dans la maison. Une négligence donc de la part des victimes qui serait aggravée par le manque de connaissance sur le fonctionnement de ces appareils, soutient le New York Tim
Aurialie Jublin

« Il existe deux Internets : celui des « précurseurs » et celui des classes p... - 0 views

  • Ce qui est frappant, c’est que les milieux populaires participent très peu en ligne. Sur Internet, la prise de parole est très fortement associée au niveau de diplôme. Des enquêtes comme celle menée par Trevor Pinch et Filip Kesler montre ainsi que la plupart des top reviewers d’Amazon sont des hommes, très diplômés… Aujourd’hui la vraie fracture est ici, au niveau de la participation et de la production en ligne. C’est comme si maintenant tout le monde avait Internet, mais que certains s’en servaient pour faire des choses que les autres n’osent pas faire. J
  • Il existe ainsi deux Internets : celui des gens qui innovent, produisent, sont créatifs etc. et l’Internet des classes populaires, qui est un Internet à bas bruit, où l’on communique avec les gens de sa famille et qui est très présent dans la vie, très central – mais qui n’est pas le même que l’autre. Et il n’y a pas d’échanges entre l’internet « précurseur » et l’internet à bas bruit, qui est très très important pour ceux qui l’ont, mais n’est pas ouvert sur autre chose.
  • Le hasard heureux, la « sérendipité » en ligne… arrivent plutôt à des gens qui sont très, très diplômés. Ceux que j’ai étudié ne font que recopier ce que les autres ont déjà dit ! Ils communiquent beaucoup avec des images, des textes écrits par d’autres… Cela s’explique relativement bien : beaucoup de ces personnes ne sont pas allés longtemps à l’école. Même si Internet permet d’écrire avec des fautes, elles préfèrent passer par des images et des phrases déjà conçues.
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  • Je m’attendais à voir des gens qui n’arrivaient pas à trouver ce qu’ils cherchaient, or ce n’était pas du tout le cas. Ils utilisaient tout le temps Internet pour faire des recherches et pour apprendre. Ils cherchent souvent des savoirs très spécialisés, pratiques : apprendre à jongler, danser telle danse, construire sa maison… Internet fonctionne alors comme une deuxième école, où acquérir des savoirs non certifiés par le système scolaire. Et ça représente des enjeux très forts pour de petites mobilités sociales, pour des gens qui ne sont pas allés à l’école. Je pense par exemple à cet homme qui va très tôt sur le marché de Caen acheter des sacs Chanel, qui a appris en ligne à estimer leur valeur, à rédiger des notices sur son compte Ebay, et qui correspond désormais avec un client anglais et un japonais : il ne parle aucune de ces langues mais il utilise Google Traduction. Ou encore à ce pâtissier qui confectionne des « wedding cakes » et des recettes inspirées par des chefs américains ou japonais dans un tout petit village…
  • En quoi peut-on parler de « petites mobilités sociales » ? Avec Internet, ces gens peuvent, sans changer nécessairement de métier, changer leur manière d’être au monde. Maintenant on peut très facilement récupérer des informations qui étaient auparavant complètement inaccessibles, faute d’interlocuteurs, de ressources... Des femmes employées dans des maisons de retraite, dans des positions très subalternes, des agents de service par exemple, me racontaient qu’elles rentraient chez elles le soir et cherchaient des mots employés par les médecins dans la journée. Le lendemain, elles avaient repris un peu de « pouvoir », comme diraient les gens qui travaillent avec le concept d’empowerment. Il y a indéniablement une ouverture sur des zones de connaissance et de façon d’être moins, à défaut d’un autre mot, démunie — Internet ouvre des façons d’être au monde en n’étant pas subalterne du côté du savoir.
  • Facebook propose un même dispositif à tout le monde, mais si vous êtes cadre supérieur vous y mettrez tous vos contacts professionnels et si vous êtes manœuvre en usine, vous posterez des clips de Johnny, des bandes annonces de Sophie Marceau et des nouvelles de la famille. Ces outils sont des dispositifs plastiques, dont les gens peuvent s’emparer de manière très différente.
  • Le mail n’est pas aimé. C’est de l’écrit, qui n’est pas censé être complètement phonétique (contrairement à Facebook), c’est asynchrone… Le mail est assimilé à une non-relation. Il n’est pas utilisé pour la correspondance personnelle mais les achats et les contacts avec l’administration. J’ai ainsi rencontré des gens qui ont 500 mails non ouverts… Ceci pose un problème majeur dans la communication avec Pôle Emploi, la CAF : tout ceci fonctionne largement par mail, or ces mails sont perdus dans un océan de pub venant des sites d’achats.
  • Personne ne m’en a parlé. Lors des entretiens, les aspects néfastes d’Internet apparaissaient sous l’angle de la perte de la communication en face à face, des problèmes de l’anonymat… Mais pas de la collecte de données. Est-ce que ça veut dire que c’est une inquiétude qui n’a pas traversé cette zone sociale ? C’est possible. Il faudrait peut-être des campagnes d’information auprès des milieux populaires. Car c’est une question qui n’est jamais sortie en entretien. Comme s’il n’y avait pas les mêmes problèmes publics dans tous les milieux sociaux.
  • L’échec du contact dématérialisé avec les services sociaux est majeur – tout comme l’est le succès des applications bancaires. Ce qui montre bien que cet échec n’est pas lié à une méfiance de la dématérialisation. J’ai rencontré une femme qui consulte son appli bancaire avant de faire chaque course. On voit bien que ces dispositifs sont entrés dans les habitudes, parce qu’ils rendent un service énorme, qu’ils sont désangoissants : on sait quand arrivent les virements, les prélèvements, on sait exactement ce qui reste… Mais ce n’est pas utilisé de la même manière dans les classes supérieures, qui ne s’en servent pas comme d’un fil continu.
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    "Sociologue, Dominique Pasquier a mené une recherche de plusieurs années sur les usages numériques des familles modestes. Avec des entretiens qualitatifs et l'examen de comptes Facebook, elle a dessiné une cartographie, sensible et précise, des usages des Français des « classes populaires ». Elle décrit un « autre Internet », bien différent de celui des classes supérieures, mais qu'elle refuse de décrire comme plus pauvre."
Aurialie Jublin

Le Défenseur des droits appelle le Gouvernement à respecter les droits des us... - 0 views

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    "Or la responsabilité de l'État est de ne pas dématérialiser un service sans mettre à disposition une alternative papier ou humaine faute de quoi l'usager perd toute possibilité d'échanger avec l'administration lorsqu'un bug informatique se produit ou lorsqu'un dossier est perdu. Nombreux sont les usagers qui ont perdu leur permis et donc leur emploi. Le Défenseur des droits recommande notamment que les services préfectoraux et les centres d'expertise et de ressources des titres (CERT) cessent d'orienter les usagers vers des prestataires privés pour la réalisation de leurs démarches et recommande à l'État de faire en sorte que le site de l'ANTS apparaisse avant les sites privés dans les résultats des moteurs de recherche afin que l'usager ne soit pas amené à payer, par erreur, des prestations qui sont gratuites. Prenant en considération les objectifs du gouvernement de dématérialiser l'ensemble des démarches administratives d'ici 2022, le Défenseur des droits recommande également d'introduire dans la loi une clause de protection des usagers, prévoyant l'obligation d'offrir une voie alternative au service numérique lors de la dématérialisation d'un service public ou d'une procédure administrative. En effet, l'enjeu est celui du maintien de la cohésion sociale : une dématérialisation trop rapide des services publics entraîne des risques d'exclusion et une augmentation du non-recours aux droits, mettant en péril l'égalité de toutes et tous devant le service public qui constitue un principe fondamental de la République. "
Aurialie Jublin

L'internet des familles modestes : les usages sont-ils les mêmes du haut au b... - 0 views

  • Le plus étonnant finalement, c’est de constater que pour des gens qui se sont équipés sur le tard, combien ces usages sont devenus aisés et rituels. Je m’attendais à trouver plus de difficultés, plus d’angoisses… Mais cela n’a pas été le cas. Les familles modestes se sont emparées d’internet à toute vitesse. Ils font certes des usages plutôt utilitaristes de ces outils polymorphes. Ils ont peu de pratiques créatives. Participent peu. Mais n’en ont pas particulièrement besoin. L’outil s’est glissé dans leurs pratiques quotidiennes, d’une manière très pragmatique. Les gens ont de bonnes raisons de faire ce qu’ils font de la manière dont ils le font.
  • Oui, internet est une seconde école. Et ce constat n’est pas sans vertus pour des populations qui bien souvent ne sont pas allées à l’école ou qui n’ont pas le bac. Internet leur propose des manières d’apprendre qui leur correspondent mieux, sans hiérarchie ni sanction. On pourrait croire par exemple qu’en matière d’information ils ne recherchent pas des choses importantes, mais si. Ils cherchent à comprendre les termes qu’emploient le professeur de leurs enfants ou le médecin qu’ils consultent. Quelque chose s’est ouvert. L’enjeu n’est pas pour eux de devenir experts à la place des experts, mais de parvenir à mieux argumenter ou à poser des questions. D’être mieux armés.
  • La dématérialisation de l’administration est inhumaine et brutale. Les familles modestes utilisent peu le mail. Leurs adresses servent principalement aux achats et aux relations avec les administrations. Mais les courriers de l’administration se perdent dans le spam qu’ils reçoivent des sites d’achat. Pour eux, le mail est un instrument de torture et ce d’autant plus qu’il est l’outil de l’injonction administrative.
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  • Pour les familles modestes, le mail n’est pas un outil de conversation agréable. Il est asynchrone et écrit. Envoyer et attendre une réponse ne correspond pas aux valeurs du face à face dans l’échange, qui reste très fort dans les milieux populaires. Il demeure de l’ordre du courrier, ce qui en fait un dispositif formellement distant.
  • Les usagers ne sont pas contre la dématérialisation pourtant. Le public que j’ai rencontré utilise quotidiennement les applications bancaires par exemple, matins et soirs. Ils n’ont pas de mal à gérer leurs factures en ligne. Mais les relations avec les institutions sociales, en ligne, sont particulièrement difficiles.
  • Les familles disposent bien souvent d’une seule adresse mail partagée. C’est un moyen de tenir un principe de transparence familial… (et de surveillance : une femme ne peut pas recevoir de courrier personnel). Ce principe de transparence se retrouve également dans les comptes Facebook, dans les SMS,… La famille intervient sur les comptes de ses membres, on regarde les téléphones mobiles des uns et des autres. On surveille ce qu’il se dit. Les familles modestes ne voient pas de raison à avoir des outils individuels.
  • Effectivement, l’internet n’est jamais vu comme un moyen de contribution. J’ai demandé ainsi à une femme qui souhaitait se remarier et qui me confiait avoir beaucoup consulté de forums pour se décider à franchir le pas de la famille recomposée… si elle posait des questions sur ces forums. Elle m’a clairement répondu non, comme si c’était impensable. Ce qui l’intéressait c’était la réponse aux questions qu’elle aurait pu poser.
  • Ces partages se font avec des gens qu’on connaît. On ne cherche pas à étendre sa sociabilité.
  • Les gens que j’ai vus ne sortent pas de leur monde, sauf en ce qui concerne les connaissances, mais pas en matière de culture ni de sociabilité. Ils utilisent internet pour apprendre des choses qu’ils ne connaissent pas ou perfectionner des pratiques, comme le tricot, la cuisine, le jardinage… Mais ce n’est pas une ouverture sur des nouveaux goûts culturels. Il n’y en a pas du tout dans mon public. Les liens partagés servent aussi beaucoup à rappeler le passé, à le célébrer ensemble une nostalgie. Leur fonction consiste plus à évoquer une culture commune et à renforcer le consensus qu’à une ouverture culturelle. Mais ces résultats auraient certainement été très différents si j’avais regardé les pratiques de leurs enfants.
  • « Sur le Bon Coin, chacun garde sa fierté ». Y vendre ou y acheter des produits, même très peu chers – et beaucoup des produits qu’on y échange le sont pour quelques euros -, c’est un moyen de conserver sa fierté, d’affirmer qu’on n’est pas des assistés. Il faut entendre l’omniprésence de la peur du déclassement dans ces populations, limites financièrement.
  • En tout cas, il n’y a plus ce qu’observait Olivier Schwartz, à savoir que les femmes trouvaient leur épanouissement dans la tenue du foyer. Il faut dire que contrairement aux enquêtes qu’il a réalisées dans les familles de mineurs, ces femmes travaillent. C’est sans doute la transformation du marché du travail qui fait bouger les lignes à la maison.
  • Pour autant, ce n’est pas la guerre non plus. On trouve plus d’endroits où on échange des maximes célébrant le couple que le contraire. C’est moins vrai pour les hommes célibataires. Dans les milieux populaires, les hommes sans qualification (comme les femmes trop qualifiées) ont du mal à entrer en couples. D’où l’expression d’un vif ressentiment.
  • Les mères, qui se sont mises au jeu et qui ont compris qu’elles étaient accros à leur tour, ont une meilleure compréhension de ce qu’il se passe quand on ne peut pas s’arrêter. Les disputes sur le temps d’écran sont moins présentes. Reste qu’une grande partie de la vie des enfants échappe au périmètre familial et c’est difficile à vivre pour les parents. Ils ont l’impression parfois de contrôler ce que font leurs enfants en ligne, mais ils se trompent.
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    "Alors qu'il n'y a pas si longtemps, la fracture numérique semblait ne pouvoir se résorber, les usagers les plus modestes semblent finalement avoir adopté les outils numériques très rapidement, à l'image de l'introduction de la photographie au début du XXe siècle dans les sociétés rurales traditionnelles qu'évoquait Pierre Bourdieu dans Un art moyen. L'internet des classes dominantes et urbaines a colonisé la société, rapporte Dominique Pasquier dans son étude où elle s'est intéressée aux employées (majoritairement des femmes) travaillant principalement dans le secteur des services à la personne et vivant dans des zones rurales. En matière de temps, d'utilisation des services en lignes, les usages d'internet des plus modestes ont rejoint les taux d'usages des classes supérieures. Reste à savoir si les usages sont les mêmes du haut au bas de l'échelle sociale. Interview."
Aurialie Jublin

An Apology for the Internet - From the People Who Built It - 1 views

  • There have always been outsiders who criticized the tech industry — even if their concerns have been drowned out by the oohs and aahs of consumers, investors, and journalists. But today, the most dire warnings are coming from the heart of Silicon Valley itself. The man who oversaw the creation of the original iPhone believes the device he helped build is too addictive. The inventor of the World Wide Web fears his creation is being “weaponized.” Even Sean Parker, Facebook’s first president, has blasted social media as a dangerous form of psychological manipulation. “God only knows what it’s doing to our children’s brains,” he lamented recently.
  • To keep the internet free — while becoming richer, faster, than anyone in history — the technological elite needed something to attract billions of users to the ads they were selling. And that something, it turns out, was outrage. As Jaron Lanier, a pioneer in virtual reality, points out, anger is the emotion most effective at driving “engagement” — which also makes it, in a market for attention, the most profitable one. By creating a self-perpetuating loop of shock and recrimination, social media further polarized what had already seemed, during the Obama years, an impossibly and irredeemably polarized country.
  • The Architects (In order of appearance.) Jaron Lanier, virtual-reality pioneer. Founded first company to sell VR goggles; worked at Atari and Microsoft. Antonio García Martínez, ad-tech entrepreneur. Helped create Facebook’s ad machine. Ellen Pao, former CEO of Reddit. Filed major gender-discrimination lawsuit against VC firm Kleiner Perkins. Can Duruk, programmer and tech writer. Served as project lead at Uber. Kate Losse, Facebook employee No. 51. Served as Mark Zuckerberg’s speechwriter. Tristan Harris, product designer. Wrote internal Google presentation about addictive and unethical design. Rich “Lowtax” Kyanka, entrepreneur who founded influential message board Something Awful. Ethan Zuckerman, MIT media scholar. Invented the pop-up ad. Dan McComas, former product chief at Reddit. Founded community-based platform Imzy. Sandy Parakilas, product manager at Uber. Ran privacy compliance for Facebook apps. Guillaume Chaslot, AI researcher. Helped develop YouTube’s algorithmic recommendation system. Roger McNamee, VC investor. Introduced Mark Zuckerberg to Sheryl Sandberg. Richard Stallman, MIT programmer. Created legendary software GNU and Emacs.
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  • How It Went Wrong, in 15 Steps Step 1 Start With Hippie Good Intentions …
  • I think two things are at the root of the present crisis. One was the idealistic view of the internet — the idea that this is the great place to share information and connect with like-minded people. The second part was the people who started these companies were very homogeneous. You had one set of experiences, one set of views, that drove all of the platforms on the internet. So the combination of this belief that the internet was a bright, positive place and the very similar people who all shared that view ended up creating platforms that were designed and oriented around free speech.
  • Step 2 … Then mix in capitalism on steroids. To transform the world, you first need to take it over. The planetary scale and power envisioned by Silicon Valley’s early hippies turned out to be as well suited for making money as they were for saving the world.
  • Step 3 The arrival of Wall Streeters didn’t help … Just as Facebook became the first overnight social-media success, the stock market crashed, sending money-minded investors westward toward the tech industry. Before long, a handful of companies had created a virtual monopoly on digital life.
  • Ethan Zuckerman: Over the last decade, the social-media platforms have been working to make the web almost irrelevant. Facebook would, in many ways, prefer that we didn’t have the internet. They’d prefer that we had Facebook.
  • Step 4 … And we paid a high price for keeping it free. To avoid charging for the internet — while becoming fabulously rich at the same time — Silicon Valley turned to digital advertising. But to sell ads that target individual users, you need to grow a big audience — and use advancing technology to gather reams of personal data that will enable you to reach them efficiently.
  • Harris: If you’re YouTube, you want people to register as many accounts as possible, uploading as many videos as possible, driving as many views to those videos as possible, so you can generate lots of activity that you can sell to advertisers. So whether or not the users are real human beings or Russian bots, whether or not the videos are real or conspiracy theories or disturbing content aimed at kids, you don’t really care. You’re just trying to drive engagement to the stuff and maximize all that activity. So everything stems from this engagement-based business model that incentivizes the most mindless things that harm the fabric of society.
  • Step 5 Everything was designed to be really, really addictive. The social-media giants became “attention merchants,” bent on hooking users no mater the consequences. “Engagement” was the euphemism for the metric, but in practice it evolved into an unprecedented machine for behavior modification.
  • Harris: That blue Facebook icon on your home screen is really good at creating unconscious habits that people have a hard time extinguishing. People don’t see the way that their minds are being manipulated by addiction. Facebook has become the largest civilization-scale mind-control machine that the world has ever seen.
  • Step 6 At first, it worked — almost too well. None of the companies hid their plans or lied about how their money was made. But as users became deeply enmeshed in the increasingly addictive web of surveillance, the leading digital platforms became wildly popular.
  • Pao: There’s this idea that, “Yes, they can use this information to manipulate other people, but I’m not gonna fall for that, so I’m protected from being manipulated.” Slowly, over time, you become addicted to the interactions, so it’s hard to opt out. And they just keep taking more and more of your time and pushing more and more fake news. It becomes easy just to go about your life and assume that things are being taken care of.
  • McNamee: If you go back to the early days of propaganda theory, Edward Bernays had a hypothesis that to implant an idea and make it universally acceptable, you needed to have the same message appearing in every medium all the time for a really long period of time. The notion was it could only be done by a government. Then Facebook came along, and it had this ability to personalize for every single user. Instead of being a broadcast model, it was now 2.2 billion individualized channels. It was the most effective product ever created to revolve around human emotions.
  • Step 7 No one from Silicon Valley was held accountable … No one in the government — or, for that matter, in the tech industry’s user base — seemed interested in bringing such a wealthy, dynamic sector to heel.
  • Step 8 … Even as social networks became dangerous and toxic. With companies scaling at unprecedented rates, user security took a backseat to growth and engagement. Resources went to selling ads, not protecting users from abuse.
  • Lanier: Every time there’s some movement like Black Lives Matter or #MeToo, you have this initial period where people feel like they’re on this magic-carpet ride. Social media is letting them reach people and organize faster than ever before. They’re thinking, Wow, Facebook and Twitter are these wonderful tools of democracy. But it turns out that the same data that creates a positive, constructive process like the Arab Spring can be used to irritate other groups. So every time you have a Black Lives Matter, social media responds by empowering neo-Nazis and racists in a way that hasn’t been seen in generations. The original good intention winds up empowering its opposite.
  • Chaslot: As an engineer at Google, I would see something weird and propose a solution to management. But just noticing the problem was hurting the business model. So they would say, “Okay, but is it really a problem?” They trust the structure. For instance, I saw this conspiracy theory that was spreading. It’s really large — I think the algorithm may have gone crazy. But I was told, “Don’t worry — we have the best people working on it. It should be fine.” Then they conclude that people are just stupid. They don’t want to believe that the problem might be due to the algorithm.
  • Parakilas: One time a developer who had access to Facebook’s data was accused of creating profiles of people without their consent, including children. But when we heard about it, we had no way of proving whether it had actually happened, because we had no visibility into the data once it left Facebook’s servers. So Facebook had policies against things like this, but it gave us no ability to see what developers were actually doing.
  • McComas: Ultimately the problem Reddit has is the same as Twitter: By focusing on growth and growth only, and ignoring the problems, they amassed a large set of cultural norms on their platforms that stem from harassment or abuse or bad behavior. They have worked themselves into a position where they’re completely defensive and they can just never catch up on the problem. I don’t see any way it’s going to improve. The best they can do is figure out how to hide the bad behavior from the average user.
  • Step 9 … And even as they invaded our privacy. The more features Facebook and other platforms added, the more data users willingly, if unwittingly, released to them and the data brokers who power digital advertising.
  • Richard Stallman: What is data privacy? That means that if a company collects data about you, it should somehow protect that data. But I don’t think that’s the issue. The problem is that these companies are collecting data about you, period. We shouldn’t let them do that. The data that is collected will be abused. That’s not an absolute certainty, but it’s a practical extreme likelihood, which is enough to make collection a problem.
  • Losse: I’m not surprised at what’s going on now with Cambridge Analytica and the scandal over the election. For long time, the accepted idea at Facebook was: Giving developers as much data as possible to make these products is good. But to think that, you also have to not think about the data implications for users. That’s just not your priority.
  • Step 10 Then came 2016. The election of Donald Trump and the triumph of Brexit, two campaigns powered in large part by social media, demonstrated to tech insiders that connecting the world — at least via an advertising-surveillance scheme — doesn’t necessarily lead to that hippie utopia.
  • Chaslot: I realized personally that things were going wrong in 2011, when I was working at Google. I was working on this YouTube recommendation algorithm, and I realized that the algorithm was always giving you the same type of content. For instance, if I give you a video of a cat and you watch it, the algorithm thinks, Oh, he must really like cats. That creates these feeder bubbles where people just see one type of information. But when I notified my managers at Google and proposed a solution that would give a user more control so he could get out of the feeder bubble, they realized that this type of algorithm would not be very beneficial for watch time. They didn’t want to push that, because the entire business model is based on watch time.
  • Step 11 Employees are starting to revolt. Tech-industry executives aren’t likely to bite the hand that feeds them. But maybe their employees — the ones who signed up for the mission as much as the money — can rise up and make a change.
  • Harris: There’s a massive demoralizing wave that is hitting Silicon Valley. It’s getting very hard for companies to attract and retain the best engineers and talent when they realize that the automated system they’ve built is causing havoc everywhere around the world. So if Facebook loses a big chunk of its workforce because people don’t want to be part of that perverse system anymore, that is a very powerful and very immediate lever to force them to change.
  • Duruk: I was at Uber when all the madness was happening there, and it did affect recruiting and hiring. I don’t think these companies are going to go down because they can’t attract the right talent. But there’s going to be a measurable impact. It has become less of a moral positive now — you go to Facebook to write some code and then you go home. They’re becoming just another company.
  • Step 12 To fix it, we’ll need a new business model … If the problem is in the way the Valley makes money, it’s going to have to make money a different way. Maybe by trying something radical and new — like charging users for goods and services.
  • Parakilas: They’re going to have to change their business model quite dramatically. They say they want to make time well spent the focus of their product, but they have no incentive to do that, nor have they created a metric by which they would measure that. But if Facebook charged a subscription instead of relying on advertising, then people would use it less and Facebook would still make money. It would be equally profitable and more beneficial to society. In fact, if you charged users a few dollars a month, you would equal the revenue Facebook gets from advertising. It’s not inconceivable that a large percentage of their user base would be willing to pay a few dollars a month.
  • Step 13 … And some tough regulation. Mark Zuckerberg testifying before Congress on April 10. Photo: Jim Watson/AFP/Getty Images While we’re at it, where has the government been in all this? 
  • Stallman: We need a law. Fuck them — there’s no reason we should let them exist if the price is knowing everything about us. Let them disappear. They’re not important — our human rights are important. No company is so important that its existence justifies setting up a police state. And a police state is what we’re heading toward.
  • Duruk: The biggest existential problem for them would be regulation. Because it’s clear that nothing else will stop these companies from using their size and their technology to just keep growing. Without regulation, we’ll basically just be complaining constantly, and not much will change.
  • McNamee: Three things. First, there needs to be a law against bots and trolls impersonating other people. I’m not saying no bots. I’m just saying bots have to be really clearly marked. Second, there have to be strict age limits to protect children. And third, there has to be genuine liability for platforms when their algorithms fail. If Google can’t block the obviously phony story that the kids in Parkland were actors, they need to be held accountable.
  • Stallman: We need a law that requires every system to be designed in a way that achieves its basic goal with the least possible collection of data. Let’s say you want to ride in a car and pay for the ride. That doesn’t fundamentally require knowing who you are. So services which do that must be required by law to give you the option of paying cash, or using some other anonymous-payment system, without being identified. They should also have ways you can call for a ride without identifying yourself, without having to use a cell phone. Companies that won’t go along with this — well, they’re welcome to go out of business. Good riddance.
  • Step 14 Maybe nothing will change. The scariest possibility is that nothing can be done — that the behemoths of the new internet are too rich, too powerful, and too addictive for anyone to fix.
  • García: Look, I mean, advertising sucks, sure. But as the ad tech guys say, “We’re the people who pay for the internet.” It’s hard to imagine a different business model other than advertising for any consumer internet app that depends on network effects.
  • Step 15 … Unless, at the very least, some new people are in charge. If Silicon Valley’s problems are a result of bad decision-making, it might be time to look for better decision-makers. One place to start would be outside the homogeneous group currently in power.
  • Pao: I’ve urged Facebook to bring in people who are not part of a homogeneous majority to their executive team, to every product team, to every strategy discussion. The people who are there now clearly don’t understand the impact of their platforms and the nature of the problem. You need people who are living the problem to clarify the extent of it and help solve it.
  • Things That Ruined the Internet
  • Cookies (1994) The original surveillance tool of the internet. Developed by programmer Lou Montulli to eliminate the need for repeated log-ins, cookies also enabled third parties like Google to track users across the web. The risk of abuse was low, Montulli thought, because only a “large, publicly visible company” would have the capacity to make use of such data. The result: digital ads that follow you wherever you go online.
  • The Farmville vulnerability (2007)   When Facebook opened up its social network to third-party developers, enabling them to build apps that users could share with their friends, it inadvertently opened the door a bit too wide. By tapping into user accounts, developers could download a wealth of personal data — which is exactly what a political-consulting firm called Cambridge Analytica did to 87 million Americans.
  • Algorithmic sorting (2006) It’s how the internet serves up what it thinks you want — automated calculations based on dozens of hidden metrics. Facebook’s News Feed uses it every time you hit refresh, and so does YouTube. It’s highly addictive — and it keeps users walled off in their own personalized loops. “When social media is designed primarily for engagement,” tweets Guillaume Chaslot, the engineer who designed YouTube’s algorithm, “it is not surprising that it hurts democracy and free speech.”
  • The “like” button (2009) Initially known as the “awesome” button, the icon was designed to unleash a wave of positivity online. But its addictive properties became so troubling that one of its creators, Leah Pearlman, has since renounced it. “Do you know that episode of Black Mirror where everyone is obsessed with likes?” she told Vice last year. “I suddenly felt terrified of becoming those people — as well as thinking I’d created that environment for everyone else.”
  • Pull-to-refresh (2009) Developed by software developer Loren Brichter for an iPhone app, the simple gesture — scrolling downward at the top of a feed to fetch more data — has become an endless, involuntary tic. “Pull-to-refresh is addictive,” Brichter told The Guardian last year. “I regret the downsides.”
  • Pop-up ads (1996) While working at an early blogging platform, Ethan Zuckerman came up with the now-ubiquitous tool for separating ads from content that advertisers might find objectionable. “I really did not mean to break the internet,” he told the podcast Reply All. “I really did not mean to bring this horrible thing into people’s lives. I really am extremely sorry about this.”
  • The Silicon Valley dream was born of the counterculture. A generation of computer programmers and designers flocked to the Bay Area’s tech scene in the 1970s and ’80s, embracing new technology as a tool to transform the world for good.
  •  
    Internet en 15 étapes, de sa construction à aujourd'hui, regards et regrets de ceux qui l'ont construit... [...] "Things That Ruined the Internet" les cookies 1994 / la faille Farmville 2007 / le tri algorithmique 2006 / le "like" 2009 / le "pull to refresh" 2009 / les "pop-up ads" 1996 [...]
Aurialie Jublin

Livreur.ses de tous les pays, unissons-nous ! | La Rue est notre Usine - 0 views

  • Du côté des institutions, après de longues procédures d’investigation le ministère du Travail vient de lancer une procédure en attaquant Deliveroo pour salariat déguisé. Le ministère des Transports s’en prend lui à l’absence de licence des livreurs en scooter et a également commencé une procédure. Elles n’en sont qu’au stade de dépôt au parquet. Si nous ne pouvons que nous réjouir de la prise de conscience des ministères publics des problèmes de l’ubérisation, nous restons attentifs et relativement inquiets des conséquences que pourront avoir les jugements. Peut-on craindre qu’après un jugement positif en notre faveur les multinationales soient obligées de cesser leurs activités en France ? Et donc de mettre à la rue un grand nombre de livreurs ? Nous réaffirmons nos revendications qui sont de profiter des avantages sociaux comme l’ensemble des autres travailleurs et de gérer les boîtes à la base par et pour les livreurs, par et pour nous.
  • Une des perspectives d’émancipation des livreurs, face au refus de Deliveroo de tout dialogue concernant l’amélioration de nos conditions de travail, est de créer nos propres structures. La forme privilégiée repose sur des structures coopératives autogérées par et pour les livreurs. Si la création de coopératives semble difficile à penser dans un grand nombre de secteurs (industrie par ex.), notamment parce qu’il faut un capital de départ important, difficile à réunir sans passer par des banques (on peut néanmoins citer l’exemple des Fralib qui après des années de luttes ont réussi à récupérer leur outil de travail), elle s’affranchit de beaucoup de problématiques pour la question des livraisons de repas.
  • Il nous paraît tout de même important de ne pas idéaliser les coopératives comme une solution finale. Les coopératives ont en effet deux buts liés et non exclusifs. Elles doivent être pour nous, à la fois comprises comme une perspective de lutte et d’émancipation. Mais cette stratégie ne peut pas se passer des luttes sociales chez Deliveroo, car tant que ces multinationales exploiteront leurs travailleurs, une coopérative ne pourra pas être concurrentielle en termes de tarif et devra donc se contenter de marchés limités, ne pouvant ainsi pas fournir un travail à tous les livreurs, qui devront donc continuer à se faire exploiter. De plus, en cas de manque de commandes, les livreurs sont obligés de s’auto-exploiter. Il faut donc voir les coopératives comme un élément d’une lutte générale contre les multinationales qui ne peut pas se passer de l’auto-organisation des travailleur.se.s.
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  • C’est le but de l’association Coopcycle qui développe depuis 2016 une application qui permet de répartir les commandes entre les livreurs. Elle est utilisée par deux coopératives à Bordeaux et Molenbeek. Le but est simple et le résultat efficace, se passer des multinationales, éviter le vol de la plus-value et pouvoir répartir collectivement les bénéfices. Ces coopératives sont également la solution, de fait, pour les livreurs virés/réprimés pour s’être battus. Les camarades livreurs de la CGT à Bordeaux, qui ont été parmi les premiers mobilisés de France, ont pour la plupart aujourd’hui été virés de Deliveroo ou de Foodora après les mouvements de grèves. Ils ont ainsi créé leur propre coopérative, la coopérative des coursiers bordelais.
  • On voit clairement que les syndicats ont cherché à intégrer les livreurs et leurs spécificités dans un moule qui ne correspond pas forcément à leurs besoins. Cependant nous avons toujours pu compter sur des équipes spécifiques de la CGT et de Solidaires pour nous soutenir, que ce soit sur le plan financier, juridique ou organisationnel. Un certain nombre de militants de ces structures, parce qu’ils ont compris le risque que présente l’ubérisation, nous ont été d’une aide inestimable, et nous ne saurons jamais les remercier assez. Ils ont, c’est certain, fait beaucoup plus que quiconque pour rapprocher les jeunes précaires des structures syndicales qu’ils considéraient bien trop souvent comme des coquilles vides et inutiles.
  • Se battre lorsqu’on est précaire dans un travail qui n’est pas indispensable à l’économie est difficile. Mais lorsqu’on est individualisé à l’extrême cela devient très compliqué. C’est pourquoi nous sommes convaincus qu’une amélioration de nos conditions de travail et de vie ne peut se faire qu’en lien avec d’autres secteurs précaires et le reste du monde du travail. Nous tâchons donc d’essayer de prendre contact avec un maximum de monde, de créer des convergences de luttes avec d’autres secteurs pour pouvoir échanger sur nos conditions de travail, nos stratégies de luttes, mais également pouvoir partir ensemble dans un affrontement contre la précarité. Par exemple Stuart, start up française de livraison a été rachetée par le groupe La Poste. Il n’est pas inenvisageable, au vu des stratégies actuelles de flexibilisation du travail menées par ce groupe, que vos colissimos soient livrés 7/7j par des autoentrepreneurs. Afin d’éviter les divisions et parce que nous avons les mêmes intérêts objectifs que les postiers, nous sommes entrés en contact avec leurs syndicats pour réfléchir collectivement à une réponse positive pour les deux secteurs.
  • C’est pourquoi dès la première journée de mobilisation à Paris en août 2017 nous avons cherché à nous coordonner avec les autres collectifs de livreurs en France afin de faire valoir nos mobilisations au même moment et de nous mettre d’accord sur des mots d’ordre et des revendications. Cela a donné naissance à la CAVAL (Coordination d’actions vers l’autonomie des livreurs), structure nationale pérenne de mobilisations et d’échange d’informations. Ce qui a permis que, par la suite, la plupart des journées d’actions soient nationales. Mais pour mettre une pression suffisante sur Deliveroo, présent dans la plupart des pays européens, ce n’est pas suffisant. C’est pourquoi nous avons entrepris depuis quelques mois de nous coordonner au niveau européen. Nous avons ainsi rencontré des livreurs de Turin, Bologne, Vienne, Londres et nous sommes allés soutenir les grèves du mois de Janvier à Bruxelles.
  • La grève est très souvent considérée comme un outil daté, qui ne fonctionnerait plus. Le capitalisme se serait modifié et les nouvelles formes du travail seraient particulièrement touchées par ce constat. Nous pensons au contraire que la grève reste le moyen le plus efficace et le plus juste pour gagner le rapport de force qui oppose les livreurs et la multinationale. Parce que c’est le principal levier que nous avons pour engager un bras de fer économique avec la multinationale et qu’il se fait à la base par les travailleurs, les premiers concernés. Cependant, en raison des caractéristiques spécifiques de notre exploitation, il nous faut repenser la grève pour l’adapter aux modalités de ces nouvelles formes de travail. Nous avons pris la décision de bloquer les restaurants pour mettre un maximum la pression et faire perdre le plus d’argent possible aux multinationales.
  • Pour éviter la répression, nous devons être nombreux pour ne pas nous faire virer instantanément, mettre nos téléphones en mode avion (ils ont accès à notre géolocalisation) et faire masse. Cela permet de discuter entre nous plus longtemps que 5 minutes entre deux livraisons, de recréer une conscience collective du travail : nous sommes collègues et non concurrents. Nous étions pour la plupart masqués lors des premières mobilisations, mais paradoxalement c’est beaucoup plus radical de se mobiliser à visage découvert et de revendiquer qu’en France en 2018 on a le droit de se battre pour nos conditions de travail. Par la grève, et la grève seule, nous pourrons nous emparer des moyens de production et faire en sorte que Deliveroo appartienne à ses livreurs et non à des obscurs actionnaires et des fonds de pension.
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    "L'ubérisation, stade suprême du capitalisme ? Depuis quelques années, les plateformes numériques réorganisent et transforment le travail, permettent à leurs propriétaires de maximiser leurs profits et de diviser les travailleurs. Ces derniers paient le prix fort : mal rémunérés, payés à la tâche, condamnés à la précarité. Malgré ces obstacles, les forçats de la pédale s'organisent et mènent des luttes. Dans cet article, un membre du collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP) nous raconte les mobilisations en cours face à Deliveroo. Au niveau local, national et transnational, les livreurs s'organisent, font alliance avec les syndicats et font pression sur la multinationale. Ils inventent des solutions qui permettront à l'avenir de créer une économie au service de ceux qui la font tourner."
Aurialie Jublin

Tous évalués, tous menacés - 0 views

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    "Enquête de satisfaction, fiche d'évaluation, site de notation d'hôtels ou de restaurants, aujourd'hui, tout le monde peut donner son avis sur tout le monde. Au risque parfois, de ruiner une carrière ou de mettre en péril la santé d'une entreprise."
Aurialie Jublin

La directive Copyright n'est pas une défaite pour l'Internet Libre et Ouvert ... - 0 views

  • Trop souvent, nous avons concentré nos énergies sur des combats législatifs, hypnotisés par l’idée que le décompte des voix conduirait à une sorte « d’ordalie démocratique ». Cela nous a donné plusieurs fois l’illusion d’avoir remporté quelque chose, comme au moment du rejet de l’ACTA, alors que les racines du problème restaient intactes. Mais heureusement en sens inverse, si la victoire n’est jamais acquise en cas de succès législatif, il en est de même pour la défaite. Et rien ne serait plus faux que de penser que le vote de cette semaine sur la directive Copyright constitue la fin de l’histoire, sous prétexte que nous aurions encaissé là une défaite décisive !
  • Certes les articles 11 et 13 du texte, qui instaurent une obligation de filtrage automatisé des plateformes et une taxe sur les liens hypertextes au profit des éditeurs de presse, représentent des monstruosités contre lesquelles il était nécessaire de lutter. Mais il convient à présent d’apprécier exactement la portée de ces mesures, pour réadapter très rapidement notre stratégie en conséquence à partir d’une appréhension claire de la situation. Or cette « vision stratégique d’ensemble » est à mon sens précisément ce qui a manqué tout au long de cette campagne dans le camp des défenseurs des libertés numériques et il est inquiétant de constater que ces erreurs de jugement n’ont pas disparu maintenant que l’heure est venue d’analyser les conséquences du scrutin.
  • On a pu voir par exemple cette semaine l’eurodéputée du Parti Pirate Julia Reda expliquer sur son blog que ce vote constituait un « coup dur porté à l’internet libre et ouvert » (Today’s decision is a severe blow to the free and open internet). De son côté, Cory Doctorow a écrit un article sur le site de l’EFF, où il affirme que « l’Europe a perdu Internet » (Today, Europe lost the Internet). Sur Next INpact, Marc Rees déplore dans la même veine « une mise au pilori du Web tel que nous le connaissons, un affront à la liberté d’expression. » Ces appréciations font écho au mot d’ordre qui fut celui des défenseurs des libertés en campagne contre les articles 11 et 13 de la Directive : Save Your Internet (Sauvez votre Internet).
  • ...12 more annotations...
  • Or lorsqu’on lit attentivement ces articles, tels qu’amendés par le vote des eurodéputés, on se rend compte qu’ils ne visent pas pas « l’Internet » ou « le Web » tout entier, mais seulement une catégorie d’acteurs déterminés, à savoir les plateformes centralisées à but lucratif. Ce n’est donc pas « l’Internet libre et ouvert » qui va être frappé par cette directive, mais plutôt exactement ce qui représente son antithèse ! A savoir cette couche d’intermédiaires profondément toxiques qui ont dénaturé au fil du temps les principes sur lesquels Internet et le Web s’appuyaient à l’origine pour nous faire basculer dans la « plateformisation ».
  • Or le grand mensonge sur lesquels s’appuient les GAFAM – principaux responsables de cette centralisation -, c’est de chercher à faire croire qu’ils représentent à eux-seuls l’Internet tout entier, comme si rien ne pouvait plus exister en dehors de leur emprise. En ce sens quand j’entends Cory Doctorow dire que nous « avons perdu Internet » à cause de mesures ciblant les acteurs centralisés lucratifs, je ne peux que frémir. Avec tout le respect que je peux avoir pour ce grand monsieur, ses propos paraissent avoir incorporé la prétention des GAFAM à recouvrir le web et c’est particulièrement grave. Car c’est précisément cela qui constituerait la défaite finale des défenseurs des libertés : se résigner à cet état de fait et ne pas agir sur les marges dont nous disposons encore pour briser cette hégémonie.
  • Sur Next INpact, Marc Rees identifie avec raison le changement le plus profond que ce texte va amener : il remet en question la distinction classique entre hébergeurs et éditeurs, issue de la directive eCommerce de 2000. Jusqu’à présent, les hébergeurs bénéficiaient d’une responsabilité atténuée vis-à-vis des actes commis par leurs utilisateurs. Au lieu de cela, la directive Copyright introduit une nouvelle catégorie d’intermédiaires dits « actifs » qui devront assumer la responsabilité des contenus qu’ils diffusent, même s’ils ne sont pas directement à l’origine de leur mise en ligne.
  • On voit que le « rôle actif » se déduit de trois éléments : la taille de l’acteur, son but lucratif et la hiérarchisation automatisée de contenus. Ce sont donc bien des plateformes centralisées lucratives, type Facebook ou YouTube, qui devront assumer cette nouvelle responsabilité. Pour y échapper, elles devront conclure des accords de licence pour rémunérer les ayant droits et, à défaut, déployer un filtrage automatisé des contenus a priori. En pratique, elles seront certainement toujours obligées de mettre en place un filtrage, car il est quasiment impossible d’obtenir une licence capable de couvrir l’intégralité des œuvres pouvant être postées.
  • La directive a par ailleurs pris le soin de préciser que les « prestataires sans finalité commerciale, comme les encyclopédies en ligne de type Wikipedia » ainsi que les « plateformes de développement de logiciels Open Source » seraient exclus du champ d’application de l’article 13, ce qui donne des garanties contre d’éventuels dommages collatéraux.
  • Marc Rees nous explique que cette évolution est dangereuse, parce que l’équilibre fixé par la directive eCommerce constituerait le « socle fondamental du respect de la liberté d’expression » sur Internet. Mais cette vision me paraît relever d’une conception purement « formelle » de la liberté d’expression. Peut-on encore dire que ce qui se passe sur Facebook ou YouTube relève de l’exercice de la liberté d’expression, alors que ces acteurs soumettent leurs utilisateurs à l’emprise d’une gouvernance algorithmique de plus en plus insupportable, que cible précisément la notion de « rôle actif » ?
  • Il est peut-être temps de tirer réellement les conséquences de la célèbre maxime « Code Is Law » de Lawrence Lessig : le droit n’est qu’une sorte de voile dans l’environnement numérique, car c’est le soubassement technique sur lequel s’appuie les usages qui conditionne réellement l’exercice des libertés. Quoi que dise la directive eCommerce, il n’y a quasiment plus rien qui relève de l’exercice de la liberté d’expression sur les plateformes centralisées lucratives, sinon une grotesque parodie qui salit le nom même de la liberté et nous en fait peu à peu perdre jusqu’au sens ! En le lisant « en creux », l’article 13 dessine au contraire l’espace sur Internet où la liberté d’expression peut encore réellement s’exercer : le réseau des sites personnels, celui des hébergeurs ne jouant pas un rôle actif et – plus important encore – les nouveaux services s’appuyant sur une fédération de serveurs, comme Mastodon ou Peertube.
  • Ce qui va se passer à présent avec l’obligation de filtrage automatisée, c’est que les grandes plateformes centralisées lucratives, type YouTube ou Facebook, vont sans doute devenir des espaces où les utilisateurs éprouveront le poids d’une répression « à la chinoise » avec la nécessité de se soumettre à un contrôle algorithmique avant même de pouvoir poster leurs contenus. Le contraste n’en sera que plus fort avec les espaces restant en dehors du périmètre de l’article 13, que les créateurs et leur public seront d’autant plus incités à rejoindre. Doit-on réellement le déplorer ?
  • On retrouve ici le problème de « l’agnosticisme économique » dont j’ai déjà parlé sur ce blog à propos du fonctionnement même des licences libres. En refusant de discriminer selon les types d’usages économiques, les défenseurs du Libre se sont en réalité privés de la possibilité de développer une réelle doctrine économique. C’est ce même aveuglement aux questions économiques qui conduit à des aberrations de positionnement comme celles que l’on a vu au cours de cette campagne contre la directive Copyright. Comment mobiliser autour du mot d’ordre « Save Your Internet », alors que cet « Internet » que l’on a voulu faire passer pour « le notre » comprend en réalité les principaux représentants du capitalisme de surveillance ? C’est le sens même de nos luttes qui disparaît si nous ne nous donnons pas les moyens d’opérer des distinctions claires parmi les acteurs économiques.
  • En juin dernier, c’est-à-dire avant même le premier vote sur la directive, La Quadrature du Net a commencé à développer ce type d’analyses, en suggérant de ne pas s’opposer à l’introduction du critère du « rôle actif » des plateformes pour au contraire le retourner comme une arme dans la lutte contre la centralisation
  • L’enjeu n’est pas de chercher – sans doute vainement – à supprimer l’article 13, mais de réussir à délimiter clairement son périmètre pour s’assurer qu’il ne s’appliquera qu’à des acteurs centralisés lucratifs procédant à une hiérarchisation des contenus. Manœuvrer ainsi ferait peser sur les GAFAM une charge écrasante, tout en préservant un espace pour développer un réseau d’acteurs éthiques non-centralisés et inscrits dans une logique d’économie solidaire. Il n’y a qu’au sein d’une telle sphère que l’on puisse encore espérer œuvrer pour un « Internet Libre et Ouvert ».
  • Il faut aussi sortir de l’urgence immédiate imposée par cette série de votes pour se replacer dans le temps long. De toutes façons, quelle que soit l’issue des dernières négociations, il restera encore plusieurs années (3, 4, peut-être plus ?) avant que la directive ne soit transposée dans les pays de l’Union. C’est un délai appréciable qui nous laisse encore le temps de travailler au développement de cette sphère d’acteurs alternatifs.
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    "Bien que la directive droit d'auteur soit le symptôme d'une soumission économique de nos industries aux géants du Web, elle crée néanmoins l'opportunité de remettre en cause ces géants, au profit de l'Internet décentralisé. C'est ce que nous rappelle Calimaq, membre de La Quadrature du Net, dans cette tribune - initialement publiée sur son blog."
Aurialie Jublin

Culture et numérique : quelle place pour les femmes ? - La Coop - 0 views

  • Florence Sèdes illustrait la situation dans le monde de l’informatique, dans lequel les inégalités de représentation existent dès les cursus scolaires, puisqu’on compte moins de 15 % d’étudiantes à l’université ou dans les IUT dédiés à l’informatique. « Il n’y a pas de vivier » ; contrairement au domaine de la culture, les filles ne sont pas, aujourd’hui, candidates pour de telles formations. Cela n’a pas toujours été le cas : les tous débuts de l’informatique ont compté nombre de femmes (Grace Hopper, Margaret Hamilton…) – jusqu’au développement de l’informatique personnelle et à sa démocratisation dans les dernières décennies du 20e siècle, qui a vu une chute drastique des effectifs au profit des hommes.
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    "La 3e édition de Culture Futur, organisée dans le cadre du Festival Jour&Nuit les 7 et 8 septembre derniers, portait cette année sur un thème nous tenant à cœur : la place des femmes dans les secteurs de la culture et du numérique. Une première table-ronde rassemblait des actrices de la culture, de l'informatique, du numérique, afin de croiser les regards, de mettre en lumière ces réalités et d'évoquer des pistes pour faire évoluer les choses."
Aurialie Jublin

Technologie : l'âge sombre | InternetActu.net - 0 views

  • Pire, la technologie s’est fait la complice de tous les défis auxquels nous sommes confrontés : à la fois d’un système économique hors de contrôle qui ne cesse d’élargir les inégalités, la polarisation politique comme le réchauffement climatique. Pour Bridle, la technologie n’est pas la solution à ces défis, elle est devenue le problème. Il nous faut la comprendre plus que jamais, dans sa complexité, ses interconnexions et ses interactions : mais cette compréhension fonctionnelle ne suffit pas, il faut en saisir le contexte, les conséquences, les limites, le langage et le métalangage.
  • Trop souvent, on nous propose de résoudre ce manque de compréhension de la technologie par un peu plus d’éducation ou son corollaire, par la formation d’un peu plus de programmeurs. Mais ces deux solutions se limitent bien souvent en une compréhension procédurale des systèmes. Et cette compréhension procédurale vise surtout à renforcer la « pensée computationnelle », c’est-à-dire la pensée des ingénieurs et des informaticiens qui n’est rien d’autre que le métalangage du solutionnisme technologique 
  • Les systèmes techniques sont devenus de plus en plus complexes. Trop critiques et interconnectés pour être compris, pensés ou conçus. Leur compréhension n’est disponible plus que pour quelques-uns et le problème est que ces quelques-uns sont les mêmes que ceux qui sont au sommet des structures de pouvoir. Pour James Bridle, il y a une relation causale entre la complexité des systèmes, leur opacité, et les violences et inégalités qu’ils propagent.
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  • Le cloud (l’informatique en nuage) n’est plus une métaphore du réseau, c’est l’incarnation de ce système global et surpuissant qu’aucun d’entre nous ne peut désormais attraper. Ce nuage est pourtant une bien mauvaise métaphore. Rien de ce qu’il recèle n’y est sans poids, rien n’y est amorphe ou invisible. Le cloud cache une infrastructure physique complexe faite de lignes téléphoniques, de fibre optique, de satellite, de vastes entrepôts d’ordinateurs, qui consomment d’énormes quantités d’énergie et qui influent sur de multiples juridictions. Le cloud est l’incarnation d’une nouvelle industrie.
  • De la sécurité nationale aux secrets industriels, il y a beaucoup de raisons à obscurcir ce que recouvre ce nuage. Mais ce qui s’en évapore est assurément notre propriété (dans les nuages, tout appartient à d’autres) et notre agentivité, c’est-à-dire notre capacité à faire.
  • Le réseau donne l’impression d’être à la fois l’idéal de progrès le plus abouti et l’idéal de base de notre culture tout en paraissant avoir émergé inconsciemment, poursuivant son but d’interconnexion sans fin pour lui-même et par lui-même… « Nous présumons que l’interconnexion est inhérente et inévitable. Le réseau semble être devenu le résultat du progrès, son accomplissement ultime », à l’image de machines qui accompliraient ainsi leurs propres désirs. Internet semble avoir accompli l’idéal des Lumières, l’idéal du progrès : celui que plus de connaissance et plus d’information conduit toujours à prendre de meilleures décisions.
  • Mais n’est-ce pas plutôt le contraire auquel nous assistons ? « Ce qui était censé éclairer le monde l’a obscurci. L’abondance d’information et la pluralité d’opinion accessible à tous n’ont pas produit un consensus cohérent, mais au contraire a déchiré la réalité en narrations simplistes, en théories fumeuses et en politique d’opinion. Contrairement au Moyen Âge, où l’âge sombre était lié à une perte de connaissance antique, l’âge sombre moderne est lié à une abondance de connaissance dont nous ne savons plus démêler collectivement l’apport. »
  • L’obscurité dont parle Bridle c’est notre incapacité à voir clairement ce qui est devant nous, avec capacité et justice. Pour Bridle pourtant, ce constat ne doit pas être lu comme une condamnation de la technologie. Au contraire. Pour relever l’âge sombre qui s’annonce, il nous faut nous engager plus avant dans la technologie, avec elle, mais avec une compréhension radicalement différente de ce qu’il est possible d’en faire, en retrouver un sens que la seule recherche d’efficacité nous a fait perdre. Tout comme le changement climatique, les effets de la technologie s’étendent sur le globe et affectent tous les aspects de nos vies. Mais comme le changement climatique, ses effets sont potentiellement catastrophiques et résultent de notre incapacité à comprendre les conséquences de nos propres inventions. Nous devons changer de manière de voir et penser le monde, nous invite Bridle, un peu facilement ou naïvement.
  • « En rapprochant la simulation de l’approximation, les grands prêtres de la pensée computationnelle pensent remplacer le monde par des modèles biaisés de lui-même ; et en le faisant, les modeleurs s’assurent du contrôle du monde. » James Bridle s’inscrit dans la continuité des constats de l’historien des sciences David Noble qui, dans Le progrès sans le peuple notamment, soulignait combien la pensée des ingénieurs avait contribué à donner du pouvoir aux puissants plutôt que favoriser l’équité ou la démocratie ; comme dans celle de Richard Sclove du Loka Institute, qui dans Choix technologiques, choix de société, soulignait combien les enjeux démocratiques restaient le parent pauvre de la question technologique.
  • La pensée computationnelle s’infiltre partout : elle devient notre culture. Elle nous conditionne à la fois parce qu’elle nous est illisible et à la fois parce que nous la percevons comme neutre émotionnellement et politiquement. Les réponses automatisées nous semblent plus dignes de confiance que celles qui ne le sont pas. Dans la pensée computationnelle, nous sommes victimes du biais d’automatisation : « nous avons plus confiance dans l’information automatisée que dans notre propre expérience, même si elle est en conflit avec ce qu’on observe ». Les conducteurs de voitures comme les pilotes d’avion ont plus tendance à croire leurs instruments que leur expérience, même si celle-ci n’est pas alignée.
  • Pour Bridle, l’informatique, en ce sens, est un piratage de notre capacité cognitive, de notre capacité attentionnelle, qui renvoie toute responsabilité sur la machine. « À mesure que la vie s’accélère, les machines ne cessent de prendre en main de plus en plus de tâches cognitives, renforçant par là leur autorité – sans regarder les conséquences ». « Nous nous accommodons de mieux en mieux et de plus en plus aux confortables raccourcis cognitifs que nous proposent nos machines. L’informatique remplace la pensée consciente. Nous pensons de plus en plus comme des machines, ou plutôt nous ne pensons plus du tout ! ».
  • « Ce qui est difficile à modéliser, à calculer, à quantifier, ce qui est incertain ou ambigu, est désormais exclu du futur possible. » L’informatique projette un futur qui ressemble au passé (« Les algorithmes ne prédisent pas le futur, ils codifient le passé », disait déjà Cathy O’Neil). La pensée computationnelle est paresseuse. Elle propose finalement des réponses faciles. Elle nous fait croire qu’il y a toujours des réponses.
  • les réseaux souffrent d’une gouvernance fragmentée, sans responsabilités claires, peu cartographiés et sous-financés ; des infrastructures en silos ; des investissements privés comme publics insuffisants et plus encore un manque de compréhension de la complexité de leur fonctionnement… expliquent leur fragilité intrinsèque et la difficulté de leur maintenance. Ajoutez à cela les impacts du changement climatique sur leur maintenance et leur évolution et vous comprendrez que les réseaux ne sont pas dimensionnés pour faire face au futur. Bref, non seulement l’informatique contribue largement au réchauffement climatique, mais elle risque d’en être l’une des principales victimes.
  • Mais les grands volumes de données ne produisent pas de la connaissance automatiquement. Dans la recherche pharmacologique par exemple, les dépenses et investissements n’ont jamais été aussi forts alors que les découvertes, elles, n’ont jamais produit aussi peu de nouveaux traitements. On appelle cela la loi d’Eroom : l’exact inverse de la loi de Moore. Le nombre de résultats de recherche chute et ces résultats sont de moins en moins dignes de confiance. Si les publications scientifiques n’ont jamais été aussi volumineuses (au détriment de leur qualité), les rétractions ont augmenté et le nombre de recherches ayant un impact significatif, elles, ont diminué proportionnellement. La science connaît une crise de réplicabilité majeure.
  • Plusieurs facteurs expliquent ce revirement de la loi du progrès. La première est que les choses les plus évidentes à découvrir ont été exploitées. La régulation est également devenue plus exigeante et la société moins tolérante aux risques. Mais le problème principal relève certainement des méthodes désormais employées. Historiquement, la découverte de médicament était le fait de petites équipes de chercheurs qui se concentrait intensément sur de petits groupes de molécules. Mais depuis 20 ans, ces processus ont été largement automatisés, sous la forme de ce qu’on appelle le HTS (High-throughput screening pour criblage à haut débit) qui consiste en des recherches automatisées de réactions potentielles via de vastes bibliothèques de composants. Le HTS a priorisé le volume sur la profondeur. Ce qui a marché dans d’autres industries a colonisé la recherche pharmaceutique : automatisation, systématisation et mesures… Certains commencent à douter de l’efficacité de ces méthodes et voudraient revenir à l’empirisme humain, au hasard, au bordel, au jeu… À nouveau, « la façon dont nous pensons le monde est façonnée par les outils à notre disposition ». Nos instruments déterminent ce qui peut être fait et donc, ce qui peut être pensé. À mesure que la science est de plus en plus technologisée, tous les domaines de la pensée humaine le sont à leur tour. Les vastes quantités de données ne nous aident qu’à voir les problèmes des vastes quantités de données.
  • Les bourses et places de marchés d’antan ont été remplacées par des entrepôts, des data centers, anonymes, dans des banlieues d’affaires impersonnelles. La dérégulation et la numérisation ont transformé en profondeur les marchés financiers. La vitesse des échanges s’est accélérée avec la technologie. Les transactions à haute fréquence (HFT, High-frequency trading) reposent sur la latence et la visibilité. La latence, c’est-à-dire la rapidité d’échange où des millions peuvent s’échanger en quelques millisecondes et la visibilité (sauf pour les non-initiés), c’est-à-dire le fait que les échanges sont visibles de tous les participants, instantanément. Les échanges reposent sur des algorithmes capables de calculer des variations éclair et de masquer les mouvements de fonds. Les échanges sont plus opaques que jamais : ils s’imposent sur des forums privés, les « dark pools » (en 2015, la SEC, l’organisme américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, estimait que les échanges privés représentaient 1/5e du total des échanges)… Les échanges financiers ont été rendus obscurs et plus inégaux que jamais, rappelle Bridle.
  • Pour Bridle, l’une des clefs qui expliquent que les inégalités se renforcent avec la technologie est intrinsèquement liée à l’opacité des systèmes. Comme les robots des entrepôts d’Amazon et ses employés commandés par des commandes vocales émanant de robots, nous sommes en train d’arranger le monde pour rendre les machines toujours plus efficaces, quitte à ce que le monde devienne incompréhensible et inadapté aux humains. Les travailleurs deviennent le carburant des algorithmes, utiles seulement pour leurs capacités à se déplacer et à suivre des ordres. Pour Bridle, les startups et les Gafam signent le retour des barons voleurs, ces tyrans industriels du XIXe siècle. La technologie est venue couvrir d’un voile d’opacité la prédation : l’avidité s’est habillée de la logique inhumaine des machines. Amazon ou Uber cachent derrière des pixels lumineux un système d’exploitation sans faille
  • Pour la sociologue Deborah Cowen (@debcowen), nous sommes entrés dans la tyrannie de la techne explique-t-elle dans The Deadly Life of Logistics (2014) : l’efficacité est devenu primordiale sur tous les autres objectifs, sur toutes les autres valeurs
  • Autre exemple avec How-Old.net un outil de reconnaissance faciale qui tente de prédire l’âge d’une personne, et qui a été utilisée pour deviner l’âge de migrants arrivants au Royaume-Uni. Microsoft, qui a développé cette application, s’est défendu et a dénoncé cette utilisation… comme les 2 chercheurs chinois. Ceux-ci expliquaient néanmoins dans leur défense que leur système était « sans préjugé » (sic). Comme souvent, on nous explique que la technologie, et plus encore l’apprentissage automatisé, est neutre. Mais « la technologie n’émerge pas de nulle part. Elle est toujours la réification de croyances et de désirs, notamment de ses créateurs. Leurs biais sont encodés dans les machines et les bases de données ou les images que nous prenons du monde. »
  • Pour Bridle, le problème n’est pas tant que les machines puissent réécrire la réalité, mais que la réalité, le passé comme le futur, ne puissent plus être correctement racontés. DeepDream de Google illustre parfaitement cela. L’enjeu n’est pas pour nous de comprendre ce qu’est l’image, mais de nous demander ce que le réseau de neurones veut y voir ?
  • Pour Bridle, nous devrions ajouter une 4e loi aux trois lois de la robotique d’Asimov. Les machines intelligentes devraient être capables de s’expliquer aux humains. Ce devrait être une loi première, car éthique. Mais le fait que ce garde-fou ait déjà été brisé laisse peu d’espoir quant au fait que les autres règles le soient à leur tour. « Nous allons devoir affronter un monde où nous ne comprendrons plus nos propres créations et le résultat d’une telle opacité sera toujours et inévitablement violent ».
  • Pour Bridle, l’alliance entre l’humain et la machine peut encore fonctionner, comme l’a montré Garry Kasparov avec les échecs avancés, consistant à ce qu’une IA et qu’un humain jouent ensemble plutôt qu’ils ne s’affrontent. C’est dans la perspective d’associer les talents des humains et des machines, d’associer leurs différences d’une manière coopérative plutôt que compétitive que nous parviendrons à réduire l’opacité computationnelle. La perspective que l’intelligence des machines nous dépasse dans nombre de disciplines est une perspective destructrice. Nous devons trouver la voie d’une éthique de la coopération avec les machines, plutôt qu’un affrontement.
  • Bridle s’en prend également longuement à la surveillance et notamment à la surveillance d’Etat pour souligner combien elle nous est masquée et continue à l’être, malgré les révélations d’Edward Snowden. Vous pouvez lire n’importe quel e-mail dans le monde d’une personne dont vous avez l’adresse. Vous pouvez regarder le trafic de tout site web. Vous pouvez suivre les mouvements de tout ordinateur portable à travers le monde. Pour Bridle, cela nous a montré qu’il n’y a pas de restriction possible à la capacité de surveillance du réseau. L’échelle et la taille de la surveillance a excédé ce que nous pensions comme étant techniquement possible.
  • En opposition au secret, nous demandons de la transparence, mais elle n’est peut-être pas le bon levier. La NSA et Wikileaks partagent la même vision du monde avec des finalités différentes, rappelle Bridle. Les deux pensent qu’il y a des secrets au coeur du monde qui, s’ils étaient connus, pourraient rendre le monde meilleur. Wikileaks veut la transparence pour tous. La NSA veut la transparence pour elle. Les deux fonctionnent sur une même vision du monde. Wikileaks ne voulait pas devenir le miroir de la NSA, mais voulait briser la machine de surveillance. En 2006, Assange a écrit « Conspiracy as Governance » (.pdf). Pour lui, tout système autoritaire repose sur des conspirations, car leur pouvoir repose sur le secret. Les leaks minent leur pouvoir, pas par ce qui fuite, mais parce que la peur et la paranoïa dégradent la capacité du système autoritaire à conspirer. Mais les fuites de données ne suffisent pas à remettre en cause ou à abattre l’autorité. Les révélations ne font pas bouger l’opinion, sinon, nous aurions réagi bien avant les révélations de Snowden. Tant que les organisations de surveillance ne changent pas de l’intérieur, ceux qui sont en dehors de ces organisations, comme les lanceurs d’alertes, n’ont pas de capacité d’action. Ils attendent que des fonctionnaires ou que la justice confirment ce qu’ils avancent.
  • Mais la lumière du calcul nous dépossède de pouvoir, car elle nous fait crouler sous l’information et nous donne un faux sens de la sécurité. C’est là encore une conséquence de la pensée computationnelle. « Notre vision est devenue universelle, mais notre capacité d’action, elle, s’est réduite plus que jamais. » A l’image du réchauffement climatique, à nouveau, « nous savons de plus en plus de choses sur le monde, mais nous sommes de moins en moins capable d’agir sur lui ». Au final, nous nous sentons plus démunis que jamais. Plutôt que de reconsidérer nos hypothèses, nous nous enfonçons dans la paranoïa et la désintégration sociale.
  • Le monde est devenu trop complexe pour des histoires simples. En fait, « la démultiplication de l’information ne produit pas plus de clarté, mais plus de confusion ». L’un des symptômes de la paranoïa consiste à croire que quelqu’un vous surveille. Mais cette croyance est désormais devenue raisonnable, s’amuse Bridle en évoquant la surveillance d’Etat comme la surveillance des services numériques. Nous sommes entièrement sous contrôle, tant et si bien qu’on peut se demander qui est paranoïaque désormais ?
  • « Les théories conspirationnistes sont le dernier ressort des sans pouvoirs, imaginant ce que serait que d’être puissant », avance Bridle. Pour le spécialiste de la postmodernité, Frederic Jameson, les théories conspirationnistes sont « la cartographie cognitive des plus démunis dans un âge postmoderne ». C’est la figure dégradée de la logique par ceux qui ont le moins de capital culturel, une tentative désespérée de se représenter un système qu’ils ne comprennent pas. Encerclé par l’évidence de la complexité, l’individu a recours à un récit simpliste pour tenter de regagner un peu de contrôle sur la situation. À mesure que la technologie augmente et accélère le monde, celui-ci devient plus complexe. Les théories conspirationnistes deviennent alors des réponses, étranges, intriquées et violentes, pour s’en accommoder.
  • Ainsi, si vous cherchez de l’information sur les vaccins, vous tomberez invariablement sur de l’information contre les vaccins. Si vous cherchez de l’information sur la rotondité de la terre, vous tomberez inexorablement sur ceux qui pensent qu’elle est plate. Ces opinions divergentes semblent devenir la majorité tant elles sont exprimées et répétées avec force. « Ce qui se passe quand vous désirez en savoir de plus en plus sur le monde entre en collision avec un système qui va continuer à assortir ses réponses à n’importe quelle question, sans résolution ». Vous trouverez toujours quelqu’un pour rejoindre vos points de vue. Et toujours un flux pour les valider. Voici l’âge de la radicalisation algorithmique (à l’image de ce que disait Zeynep Tufekci de YouTube). Les théories conspirationnistes sont devenues la narration dominante. Elles expliquent tout. Dans la zone grise des connaissances, tout prend un sens.
  • Les failles des algorithmes sont les dernières failles du capitalisme où certains s’infiltrent non pas pour le renverser, mais pour tenter de gratter un peu d’argent que les plus gros systèmes s’accaparent. Au final, des vidéos automatisées finissent par être vues par des enfants. Leurs personnages préférés y font n’importe quoi, parfois suggèrent des scènes de meurtre ou de viols. Ces effets de réseaux causent des problèmes réels. Les algorithmes de YouTube ont besoin d’exploitation pour produire leurs revenus. Derrière leurs aspects séduisants, ils encodent les pires aspects du marché, notamment l’avidité. « La capacité à exploiter l’autre est encodée dans les systèmes que nous construisons », pointe très justement James Bridle, puisque leur efficacité repose sur leur capacité à extraire de l’argent de nos comportements.
  • À défaut d’une solution, Google annonçait en avril que l’application YouTube Kids allait devenir « non-algorithmique »… À croire, comme le pointait très justement le chercheur Olivier Ertzscheid, que l’algorithimsation n’est pas une solution sans limites.
  • Pour Bridle, les humains sont dégradés des deux côtés de l’équation : à la fois dans l’exploitation qui est faite de leur attention et à la fois dans l’exploitation de leur travail. Ces nouvelles formes de violence sont inhérentes aux systèmes numériques et à leur motivation capitaliste. Le système favorise l’abus et ceux qui le produisent sont complices, accuse-t-il. L’architecture qu’ils ont construite pour extraire le maximum de revenus des vidéos en ligne a été hackée par d’autres systèmes pour abuser d’enfants à une échelle massive. Les propriétaires de ces plateformes ont une responsabilité forte dans l’exploitation qu’ils ont mise en place. « C’est profondément un âge sombre quand les structures qu’on a construites pour étendre la sphère de communications sont utilisées contre nous d’une manière systématique et automatique. »
  • Pour Bridle, les fausses nouvelles ne sont pas le produit de l’internet. Elles sont le produit de la cupidité et de la démocratisation de la propagande où tout a chacun peut devenir un propagandiste. Elles sont un amplificateur de la division qui existe déjà dans la société, comme les sites conspirationnistes amplifient la schizophrénie.
  • Mais ce qu’il y a de commun avec le Brexit, les élections américaines ou les profondeurs de YouTube, c’est que malgré tous les soupçons, il reste impossible de savoir qui fait ça, qu’elles sont leurs motivations, leurs intentions. On peut regarder sans fin ces flux vidéos, on peut parcourir sans fin les murs de mises à jour de statuts ou de tweets… cela ne permet pas de discerner clairement ce qui est généré algorithmiquement ou ce qui est construit délibérément et soigneusement pour générer des revenus publicitaires. On ne peut pas discerner clairement la fiction paranoïaque, l’action d’États, la propagande du spam… Ces confusions servent les manipulateurs quels qu’ils soient bien sûr, mais cela les dépasse aussi. C’est la manière dont le monde est. Personne ne semble réellement décider de son évolution… « Personne ne veut d’un âge sombre, mais nous le construisons quand même et nous allons devoir y vivre. »
  • Exploiter plus de données pour construire de meilleurs systèmes est une erreur. Cette méthode ne parviendra pas à prendre en compte la complexité humaine ni à la résoudre. Le développement de l’information n’a pas conduit à une meilleure compréhension du monde, mais au développement de points de vue alternatifs et concurrents. Nous devons changer nos façons de penser comme nous y invitait Lovecraft. Nous ne survivrons pas plus à l’information brute qu’à la bombe atomique. Le nouvel âge sombre est un lieu où le futur devient radicalement incertain et où le passé devient irrévocablement contesté. Mais c’est le présent dans lequel nous devons vivre et penser. Nous ne sommes pas sans pouvoir ni capacités. Mais pour cela nous devons nous défaire des promesses illusoires de la pensée computationnelle. Penser le monde autre, c’est ce à quoi nous invite James Bridle dans le nouvel âge sombre.
  • Reste à savoir si cet âge sombre des technologies est vraiment notre avenir. L’âge sombre du Moyen Âge n’a jamais vraiment existé ailleurs que dans les lacunes des historiens. On peut douter également de cette nouvelle obscurité ou regretter le titre faussement prophétique. Reste que la complexité et l’intrication du monde que décrit James Bridle, montrent combien il nous faut, plus que jamais, nous défaire justement d’une vision simple et manichéenne de la technologie.
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    "Ce New Dark Age porte un titre prophétique et apocalyptique. Un peu trop peut-être. C'est effectivement un livre très critique sur notre rapport à la technologie, très éloigné du rapport souvent curieux et amusé que Bridle portait aux technologies avec la nouvelle esthétique. En une dizaine de chapitres, Bridle explore les glitchs qui sont désormais devenus des schismes, des scissions, des ruptures… comme s'ils n'étaient plus aussi distrayants. Dans son livre, il montre combien les bugs se cristallisent en caractéristiques. Combien la complexité technique que nous avons construite s'entremêle pour produire des effets en réseau, complexes, profonds, intriqués que nous ne parvenons plus vraiment à démêler. Son constat principal consiste à dire que ces dysfonctionnements ne sont pas amenés à être corrigés. Ils sont au contraire intrinsèques à la nature même des technologies qui se déploient aujourd'hui. Contrairement à ce que nous annonçaient les pionniers et les prophètes des technologies, pour Bridle, la technologie n'annonce pas de nouvelles Lumières ou une Renaissance, mais, comme Jules Michelet parlait du Moyen Âge, un âge sombre, une ère d'obscurité pour ne pas dire d'obscurantisme. Ni les réseaux sociaux, ni l'intelligence artificielle, ni les systèmes techniques ne vont nous aider à faire monde commun. Au contraire."
Aurialie Jublin

De l'imbrication algorithmique | InternetActu.net - 0 views

  • Pour la programmeuse et essayiste Ellen Ullman, le problème est que la programmation est de plus en plus éloignée de la compréhension humaine du fait de l’intrication des programmes, algorithmes et données. Les gens pensent souvent que les algorithmes peuvent être modifiés, mais le plus souvent, ils s’exécutent et évoluent par eux-mêmes (cf. notre dossier, réinventer la programmation). Leurs concepteurs ne les contrôlent pas vraiment et ce d’autant plus qu’ils font appellent à des bases de données, à des bibliothèques de programmes distants, à d’autres algorithmes qui évoluent également.
  • Mais désormais, les algorithmes désignent des systèmes logiciels de prise de décision complexes, avec un nombre de règles et de critères volumineux, souvent interreliés et interdépendants. Or, ils nous ont été toujours présentés comme des promesses d’objectivité, d’où le fait qu’ils se soient étendus à nombre de décisions de la vie courante : octroi de prêts, de prestations, de places… Pourtant, ces décisions ne sont pas sans biais, du fait de la manière même dont ces relations sont conçues par les ingénieurs.
  • Le problème, c’est que quand l’algorithme apprend, nous ne savons plus quels sont les règles et les paramètres qu’il utilise puisqu’il les transforme. Ces algorithmes-là ne sont plus prévisibles et peuvent se mettre à produire des résultats erratiques. Pour Smith ce sont des « algorithmes Frankenstein », des machines qui créent leurs propres règles, comme ceux qui dominent désormais les marchés financiers via les transactions à haute fréquence. Pour Neil Johnson, physicien de la complexité à l’université George Washington, Facebook peut ainsi avoir des algorithmes simples pour reconnaître un visage dans une photo… Mais que se passe-t-il quand des milliers d’algorithmes travaillent ensemble sur des milliards de profils ? « Vous ne pouvez pas prédire le comportement global appris à partir de règles microscopiques ».
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  • Pour la mathématicienne Cathy O’Neil (@mathbabedotorg), dans l’environnement algorithmique complexe actuel, il est difficile de définir les responsabilités des différents segments de codes imbriqués les uns aux autres. Les Flash Crash, ces krachs financiers éclair, n’ont pas lieu que sur les marchés financiers. La tarification algorithmique d’Amazon s’emballe aussi parfois en faisant grimper le prix de livres à des hauteurs folles. Or, comprendre où se situe la responsabilité de ces emballements n’est pas si simple. « Comme dans la finance, le déni est intégré au système ».
  • Éviter les conflits de code sur des millions de lignes de code alimentés par des flux d’information constants est extrêmement difficile. Pour l’historien des sciences George Dyson, le problème est que nous construisons des systèmes qui vont au-delà de nos moyens intellectuels pour les contrôler. Or, nous pensons que si un système est déterministe (c’est-à-dire qu’il agit selon des règles fixes), alors il est prévisible et que s’il est prévisible alors il peut être contrôlé. Mais ces deux hypothèses sont fausses, estime Dyson. « La loi d’Ashby dit qu’un système de contrôle doit être aussi complexe que le système qu’il contrôle ». Mais cela se révèle difficile. Nous ne savons pas tester cette complexité de manière exhaustive.
  • Une étude sur les attaques par drones au Pakistan entre 2003 et 2013 a ainsi montré que 2 % des personnes tuées par drones étaient des cibles présentant une menace. 20 % étaient considérés comme des non-combattants… Et 75 % étaient des cibles… « non identifiés ». Pour elle, nous sommes face à une technologie d’identification très grossière. Dans ce contexte, la perspective du développement d’armes autonomes laisse plus que perplexe. Pour Lilly Irani (@gleemie) de l’université de Californie, les choix des concepteurs d’algorithmes nous sont trop souvent présentés comme objectifs quand ils cachent des enjeux politiques.
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    "On se souvient de la mort d'Elaine Herzberg, première humaine tuée par une voiture autonome en mars 2018 (voir l'enquête qu'en dressait l'écrivain Thierry Crouzet). Pour le Guardian, le journaliste Andrew Smith (@wiresmith) revient sur les hésitations de l'algorithme de la voiture à reconnaître ce qu'il se passait."
Aurialie Jublin

affordance.info: Les algorithmes du Dr Frankenstein (ou pourquoi faut pas pou... - 0 views

  • néo-fascisme documentaire distinguant une humanité sur-documentée d'une humanité sous-documentée, néo-fascisme nourri d'un fétichisme du fichier (et du fichage). Et je milite et alerte comme je peux sur l'impérieuse nécessité et urgence de nourrir une réflexion politique radicale visant à une forme de "nationalisation" des grandes plateformes et du code informatique, et à réinstaurer des formes légitimes de "communs" (dont un index indépendant du web entre autres). 
  • Le problème n'est plus tant de se demander comment construire des technologies avec des sciences comportementales que de voir s'il est encore possible, pour en limiter l'impact politique et démocratique, de déconstruire la logique qui a mené quelques grandes plateformes à construire et à normer des comportements avec des technologies opérant dans le cadre d'architectures techniques toxiques.  
  • En gros le pitch de l'article du Guardian est, à partir notamment des travaux de Cathy O'Neil (les algorithmes comme "armes de destruction matheuse") et Neil Johnson, et en remobilisant des exemples issus du Trading Haute-fréquence ou du récent fait-divers sur le premier décès "accidentel" causé par une voiture autonome (dont je vous avais moi-même longuement parlé), de revenir en détail sur ces nouvelles "approches algorithmiques" ou "l'algorithme" ne désigne plus simplement la trivialité d'une série d'instructions logico-mathématiques mais un environnement complexe d'automatismes décisionnels sur la base de gigantesques jeux de données (Datasets) que plus personne n'est en mesure de comprendre ou d'englober dans leur totalité, à commencer par ceux-là mêmes qui développent lesdits algorithmes et jeux de données**.
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  • Et l'article du Guardian évoque donc ces "Franken-algorithms" : ces algorithmes semblables à la créature du Dr Frankenstein, des Franken-algorithmes qui deviennent totalement imprévisibles (et donc potentiellement très dangereux) non seulement au travers de leur mode opératoire "auto-apprenant" (on parle aussi d'algorithmes "génétiques" et "d'apprentissage renforcé" - Reinforced Learning) mais aussi et surtout au travers de ce que leur marge d'incertitude et d'imprévisibilité intrinsèque peut donner lorsqu'elle entre en interaction avec d'autres algorithmes, avec des comportements sociaux individuels ou collectifs, ou avec le monde - et les objets - physique(s).
  • Voilà ce qui, sur mon petit schéma donne naissance au "SPA", une sorte de "Service Public de l'Algorithmie" que mon côté Marxiste idéalise peut-être mais que je crois nécessaire et urgent de bâtir si nous voulons éviter de prendre le risque d'un Hiroshima technologique désormais plus que probable à l'échelle de nos formes démocratiques de gouvernance qui ont déjà en partie basculé dans les formes assumées et délétères de surveillance.
  • Au-delà de la seule transmission de connaissances ou d'informations, l'enjeu de l'apprentissage est de permettre à "celui qui apprend" de pouvoir un jour s'affranchir de la dépendance à "celui qui lui enseigne" certaines règles et certains codes sociaux. Et d'être en capacité de pouvoir à son tour "faire", "transmettre", "produire", "jouer" mais aussi "tricher" ou "faire semblant". Le souci, me semble-t-il, est que nous sommes aujourd'hui majoritairement et collectivement incapables de formuler clairement la raison pour laquelle nous voulons que ces algorithmes apprennent et nous échappent autrement.
  • Voilà pourquoi sans aller vers un radicalisme luddite dont Eric Sadin et quelques autres sont les opportunistes ténors, il nous faut construire une alternative politique qui, après le temps numérique de la "désintermédiation", soit celui de formes de remédiations respectueuses du corps social et partant de sa partie la plus fragile, la plus pauvre, et la plus exposée.
  • La vie de la cité aujourd'hui (c'est à dire "le" politique au sens étymologique), notre vie, est prise entre des techno-craties qui organisent l'espace économique et des techno-structures qui organisent l'espace social. Les plateformes comme Facebook, Google ou Amazon ont comme point commun d'être les premières techno-craties algorithmiques dans lesquelles les données ont fonction d'infrastructure et qui organisent l'espace social pour satisfaire à des impératifs d'organisation économique. 
  • Dans la montée partout en Europe (et ailleurs) des néo-fascismes qu'une pudibonderie tout à fait déplacée nous désigne sous l'euphémisme de "droites extrêmes", au moment où chacun est conscient de l'impact que jouent les architectures techniques toxiques dans la polarisation de l'opinion, alors même qu'il est établi, comme le rappelait récemment Cory Doctorow que  "le problème de Facebook n'est pas un problème de contrôle des esprits mais un problème de corruption : Cambridge Analytica n'a pas convaincu des gens ordinaires de devenir racistes mais ils ont convaincu des racistes d'aller voter", il ne faudrait pas qu'aux algorithmes du Dr Frankenstein s'ajoutent les ambitions politiques d'Anénoïd Hynkel.
Aurialie Jublin

« Mise en cause par les grandes entreprises, l'idée même d'intérêt général et... - 0 views

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    "Amazon et Starbucks ont refusé de payer la nouvelle taxe que voulait leur imposer Seattle, et fait plier la municipalité. « Une défaite morale et économique pour le politique », estime dans sa chronique Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde »."
Aurialie Jublin

Aucun algorithme, jamais, ne pourra défendre la démocratie - Libération - 0 views

  • Comment avons-nous pu nous retrouver au début du XXIe siècle dans une situation où Mark Zuckerberg – et quelques autres patrons de plateformes numériques – se fixent comme objectif récurrent de «protéger la démocratie», principalement à grands coups «d’algorithmes» et «d’intelligence artificielle» et affirment que cela sera une de leurs principales «missions» au sein de leur entreprise et à l’échelle du monde ?
  • En 2011, deux théoriciens de l’intelligence artificielle traitant des problèmes éthiques qu’allaient poser les algorithmes écrivaient que «les algorithmes de plus en plus complexes de prise de décision sont à la fois souhaitables et inévitables, tant qu’ils restent transparents à l’inspection, prévisibles pour ceux qu’ils gouvernent, et robustes contre toute manipulation» (Bostrom et Yudowski, «The Ethics of Artificial Intelligence»).
  • Aujourd’hui, «les algorithmes» dont nous parlons se déploient au sein d’architectures techniques toxiques englobant des millions ou des milliards d’utilisateurs. Aujourd’hui, «les algorithmes» dont nous parlons reposent sur des jeux de données propriétaires et donc totalement opaques. Aujourd’hui, «les algorithmes» dont nous parlons sont explicitement développés pour se doter d’un niveau d’autonomie (ou «d’apprentissage») qui rend leur «comportement» et leurs décisions souvent imprévisibles pour leurs créateurs eux-mêmes. Aujourd’hui, «les algorithmes» dont nous parlons interagissent en permanence avec d’autres algorithmes, d’autres jeux de données et d’autres architectures techniques toxiques ; et ils le font à des échelles toujours plus vastes et dans des environnements toujours plus contraints qui augmentent encore le niveau de risque et d’incertitude.
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  • Pendant les dix dernières années, le combat principal d’activistes, de journalistes, de défenseurs des libertés numériques fut celui visant à limiter l’impact de l’empreinte algorithmique sur nos vies privées et intimes. Ce combat-là est terminé, obsolète et, pour l’essentiel, perdu. C’est un autre combat qu’il nous faut aujourd’hui mener, sur un tout autre front, avec une tout autre urgence et à une tout autre échelle. C’est le combat pour limiter l’impact de l’empreinte algorithmique décisionnelle sur notre vie publique, sur nos infrastructures sociales communes et sur notre destin collectif
  • Il est urgent et impératif que toute forme, ambition ou projet de gouvernance algorithmique, dès lors qu’il touche à des secteurs régaliens (transport, éducation, santé, justice, sécurité) soit, obligatoirement et par contrainte législative, développé sur le modèle des licences GNU GPL du logiciel libre pour garantir a minima l’auditabilité complète et pérenne des processus à l’œuvre.
  • Il est urgent et impératif que le développement d’un modèle universel de portabilité de l’ensemble de nos données (1) soit une priorité des Etats, et qu’il soit imposé à l’ensemble des acteurs du monde économique en lien avec la conservation ou le dépôt de données numériques, et ce quels qu’en soient la nature, le volume et l’usage.
  • Il est urgent et impératif que les entreprises qui captent aujourd’hui l’essentiel des données et des flux numériques (en gros les Gafam, Natu et autres Batx) soient taxées à la hauteur réelle de leur volume d’affaire et que cet impôt finance directement les actions précitées, ce processus de redistribution devant impérativement rester hors du contrôle desdites sociétés. Car le processus inverse a déjà commencé, celui dans lequel quelques entreprises omnipotentes s’arrogent le droit de défier la puissance publique et l’intérêt général dans la levée de l’impôt, comme Amazon et Starbucks en ont encore récemment fait la démonstration à Seattle.
  • L’enjeu est de savoir si nous serons capables à très court terme de construire une alternative qui, après le temps numérique de la «désintermédiation» des vingt dernières années, sera celle de formes de remédiations algorithmiques respectueuses du corps social et partant de sa partie la plus fragile, la plus pauvre, et la plus exposée. Alors peut-être, et alors seulement, les questions de gouvernance algorithmique pourront commencer d’être envisagées sereinement.
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    "Nous avons perdu la bataille contre les algorithmes en ce qui concerne la vie privée. Il faut aujourd'hui se battre pour limiter leur impact sur nos vies publiques et notre destin collectif. "
Aurialie Jublin

Linux : Linus Torvalds fait une pause pour corriger son attitude - 0 views

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    "Open Source : Le créateur de Linux se retire de son travail sur le noyau Linux. Linus Torvalds annonce qu'il doit changer de comportement vis-à-vis des autres développeurs et s'excuse pour ceux qu'il a pu heurter."
Aurialie Jublin

Amazon Investigates Employees Leaking Data for Bribes - WSJ - 0 views

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    "Employees, through intermediaries, are offering internal data to help merchants increase their sales on the website"
manonmolins

Technology May Seek To Flatten The World, But The Digital South Will Chart Its Own Course - 1 views

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    L'article donne les résultats de "The Digital Planet" - une étude comparatives des usages des technologies entre Nord et Sud de "The Fletcher School/Mastercard". L'auteur invite les acteurs majeurs du numérique qui souhaitent "reinventer le web" à sortir de leur visions centrées sur les problématiques du Nord. "Overall, the energy, attitudes and pace of digital transformation in the Digital South are very different from that in the North. In many ways, tech innovators, investors and policymakers are in the process of re-inventing the digital value proposition given our collective reckoning of the risks of these technologies. As they do so they must examine the digital development of the South and evaluate it by its own measures and rules and not assume it will follow the historical precedent of the North.
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