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Aurialie Jublin

Le Crédit Social chinois et le dilemme éthique de la confiance par la notatio... - 1 views

  • Qu’est-ce que ce Crédit social ? Un système par lequel le comportement de chacun des citoyens chinois ainsi que les personnes morales sera évalué et noté. Une version béta est actuellement en test. Des entreprises, parmi lesquelles on retrouve par exemple China Rapid Finance, partenaire de Tencent (WeChat), Sésame Credit, une filiale de Alibaba et Didi Chuxing (équivalent chinois de Uber), participent à ce programme-pilote basé sur le volontariat mais qui deviendra obligatoire en 2020. Les citoyens seront ainsi notés selon cinq facteurs : leur historique de crédit, leur capacité à remplir leurs obligations contractuelles, leurs informations personnelles, mais aussi leurs comportements et préférences, et enfin leurs relations interpersonnelles.
  • Les propos tenus sur les réseaux sociaux seront ainsi analysés pour repérer les « énergies positives » : des messages favorables au gouvernement ou positifs sur l’économie du pays feront grimper le score des individus. Pour le moment les propos négatifs ne seraient pas pris en compte. Mais au-delà des paroles, les actes seront analysés. Un représentant de Sésame Crédit admet par exemple inférer des jugements sur les personnes en fonction du type de produit acheté : « quelqu’un qui joue aux jeux vidéo dix heures par jour sera considéré comme une personne inactive (ou fainéante) », alors qu’une personne qui « achète fréquemment des couches sera considérée comme un probable parent, qui par comparaison sera plus à même d’avoir le sens des responsabilités ». Rachel Botsman précise de façon pertinente que le système ne fait pas qu’analyser les comportements, mais qu’il les façonne et biaise les citoyens afin qu’ils adoptent des attitudes jugées plus vertueuses par les gouvernements.
  • Dans un autre contexte, la notion d’exemplarité en Chine atteint parfois des points qui seraient comiques, s’ils n’étaient pas attentatoires aux libertés des personnes. Un système de reconnaissance faciale et  « name and shame » a ainsi été mis en place à certains carrefours : lorsqu’une personne traverse alors qu’elle n’en a pas l’autorisation, sa photo et son nom sont projetés sur un panneau pendant quelques minutes afin de la pointer comme l’exemple à ne pas suivre.
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  • Mais pourquoi les Chinois accepteraient-ils un tel système de surveillance ? Pour le moment celui-ci se fait sur la base du volontariat. Les individus ayant choisi d’y participer ne gagnent pas seulement le droit d’être bien vus du gouvernement, mais obtiennent également des droits au crédit supplémentaires ainsi que des récompenses. Si leurs scores dépassent les 600 points (sur 950 possibles), ils auront accès à des offres de crédit à la consommation, à 650, le droit de louer une voiture sans dépôt de garantie, au-delà de 750, un billet coupe-file pour l’obtention d’un visa Schengen, etc. Des rétributions qui ne sont pas du tout symboliques. Et c’est bien là que le parallèle entre des logiques en cours dans l’économie numérique et leur appropriation par un État pose question.
  • La Chine n’a jamais eu de système de crédit institutionnalisé tel que nous les connaissons avec pour conséquence un déficit de confiance : beaucoup de contrats ne sont en effet pas honorés. Ce Social Credit system a pour vocation à y remédier, alors que la consommation de masse s’impose depuis peu, en se calant sur des standards occidentaux. Il commence néanmoins à avoir des effets négatifs sur certains citoyens dont le score est trop bas. Bien que le système ne soit pour le moment qu’en phase de test, et non déployé sur l’ensemble de la population (il le sera en 2020), on apprend dans un article de Fast Company daté du 24 avril que 11 millions de chinois ne peuvent déjà plus voyager en avion, quatre millions ne le peuvent plus en train. On touche là à des finalités qui ne sont plus le seul droit au crédit, mettant en cause les libertés fondamentales des individus. 
  • Parmi ces droits fondamentaux figurent les droits à la protection des données personnelles. Le règlement européen, en imposant notamment le principe de finalité  : les données personnelles ne peuvent être utilisées pour d’autres usages que celles pour lesquelles elles ont été collectées, sauf base légale spécifique ou nouvelle demande de consentement. Par ailleurs, dans son article 22, le RGPD interdit « la prise de décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé […] produisant des effets juridiques la concernant ou l'affectant de manière significative de façon similaire. » A n’en pas douter, ne plus pouvoir se déplacer en train ou en avion entre dans cette catégorie.
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    "Quand la Chine travaille sur une version béta de son Social Credit System, un système de notation obligatoire des individus basé sur l'ensemble de leurs comportements, c'est le principe même de la confiance par la notation qui questionne des pratiques largement généralisées en occident. "
Aurialie Jublin

Tous évalués, tous menacés - 0 views

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    "Enquête de satisfaction, fiche d'évaluation, site de notation d'hôtels ou de restaurants, aujourd'hui, tout le monde peut donner son avis sur tout le monde. Au risque parfois, de ruiner une carrière ou de mettre en péril la santé d'une entreprise."
Aurialie Jublin

« Le cyberminimalisme libère du temps, réhabilite les rencontres, préserve la... - 0 views

  • D'autres principes s'adressent à tous, comme posséder le moins d’objets connectés possible. Cesser de noter autrui, aussi, permettrait d'éviter de basculer vers le système de « crédit social » chinois. Même si cela semble ludique ou que l'on pense bien faire en notant son prochain sur Uber ou Airbnb, ce sont les prémisses d'une société à la chinoise. Si on n'y prend pas garde, on y va tout droit.
  • J’ai cherché un mot permettant de refléter la façon dont j’avais envie de vivre, entre la mise à distance des objets connectés et le désir de vivre dans mon époque. Je me suis intéressée à l'équipément et aux usages, en listant 7 principes. Certains concernent la jeunesse, comme « ne pas fournir de téléphone portable avant 15 ans ».
  • Le minimalisme matériel concerne aussi les logiciels, donc il faut alléger son téléphone. On peut « libérer » son portable et son ordinateur en optant pour des logiciels libres qui respectent davantage la vie privée. Mais le libre peut prendre du temps et nous river de nouveau aux écrans, c’est toute son ambiguïté.
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  • Il y a plusieurs enjeux avec le « life log », c’est-à-dire le fait de mettre sa vie en ligne en permanence. Il y a la perte de temps, d’abord. C’est une activité qui peut prendre le pas sur la vie réelle. Certains ont des vies sur instagram devenues plus intenses que leur vie réelle. D’autres saluent Instagram tous les soirs, « bonne nuit Insta », mais à qui s’adresse-t-on ?
  • Je suis optimiste de nature donc j’ai tendance à estimer que les quelques résistances à l’oeuvre sont des bons signes. On peut parler des éleveurs de « Faut pas pucer » dans le Tarn, qui refusent d’accrocher une boucle électronique à leurs animaux. Les animaux sont parfaitement identifiés par ailleurs, ils ont reçu toute la prophylaxie nécessaire, mais ils n’entrent pas dans la nouvelle norme… Ces éleveurs sont en difficulté et ils ont besoin de soutien. 
  • Je pense à deux autres résistances. Des élus locaux de New York viennent de fermer la porte à Amazon qui voulait y installer son siège social. Craignant une hausse des prix et une gentrification du quartier pressenti pour le projet, ils refusent aussi par principe d’accorder une aide fiscale à Jeff Bezos, l’homme le plus riche du monde. C’est une résistance politique très intéressante. Je pense aussi à la Cour de Cassation qui, en novembre 2018, a requalifié en contrat de travail la relation contractuelle d'un livreur à vélo et de la plateforme de livraison de repas Take Eat Easy. Elle a estimé qu’il y avait un lien de subordination entre le livreur et la plateforme, et non une relation de type travail indépendant. On voit donc des juges qui ne se laissent pas faire, des élus locaux résistant à l'ogre Amazon, et des éleveurs qui tentent d'élever leurs chèvres avec du bon sens. 
  • Il n’y a aucun débat démocratique sur la société cybernétique. Il n’y a donc de la place que pour des résistances locales ou individuelles. Mon espérance est que cela devienne un sujet politique, qu’on nous pose des questions scientifiques, à propos de la société numérique, et que chacun puisse se positionner. Veut-on vraiment des voitures autonomes ? Une médecine « connectée » et « à distance » ? Veut on vraiment tomber sur des répondeurs plutôt que sur des gens ? Bien sûr, il y a d’autres priorités, je ne prétends pas que ce soit toujours le sujet numéro 1. Mais à travers ce thème de l'artificialisation du monde, il y a la question de l’écologie, de la démocratie, de la jeunesse. Il faut faire émerger le débat. 
  • Je trouverais intéressant de faire émerger un nouveau droit fondamental qui donnerait le droit, par exemple, d’accéder aux services publics sans passer par un écran, en allant trouver un humain à un guichet. C’est important pour toutes les personnes qui sont allergiques aux écrans, qui souffrent énormément de passer par Internet, pour les personnes âgées, pour les personnes qui n’ont pas les moyens. Il faut retrouver l’humain dans ce rapport à l’administration. Les enfants et les jeunes doivent de leur côté conserver le droit de vivre de façon non connectée. Cela suppose de renoncer au projet fou de numérisation progressive de l’école. 
  • C’est une démarche qui d’abord libère du temps. Renoncer au « life log » (la captation et la publication de sa vie) permet de laisser moins de données derrière soi, et donne de la liberté mentale en se sentant moins dépendant de l'approbation d'autrui. Le cyberminimalisme apporte aussi du bien-être puisque l’idée est de réhabiliter les rencontres réelles, de privilégier les coups de fil plutôt que les courts messages, les sorties sans téléphone, s’autoriser quelques soirées sans écran et enrichir l'amitié. Enfin il y a préservation de la biosphère par l'achat systématique de numérique d'occasion afin de remettre en circulation les objets déjà produits, et soulager ainsi la Terre d'une activité extractive très polluante. 
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    "Le tout-numérique n'est pas une fatalité et la résistance, déjà à l'oeuvre, doit grossir ses rangs. Tel est le message au coeur de Cyberminimalisme, à la fois essai critique et manuel pratique, paru le 7 février au Seuil dans la collection Anthropocène. Entretien avec son auteure, Karine Mauvilly."
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