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Aurialie Jublin

Souhaite-t-on créer une société à trois vitesses, constituée de salariés, d'i... - 0 views

  • Plutôt que de créer un cadre juridique plus clair et plus juste pour ces travailleurs – qui ont, pour la plupart, le statut de micro-entrepreneurs –, cette idée avance sans le dire vers la reconnaissance du statut d’indépendant. Statut qui, rappelons-le, profite en premier lieu aux plateformes, en ce qu’il les libère des charges et obligations (cotisations sociales et autres) liées au travail salarié.
  • En effet, le principe de l’adoption d’une charte inscrit la relation qui lie les travailleurs à leur(s) plate(s)-forme(s) en droit commercial, et non en droit du travail. Cela aurait pour effet de laisser les plateformes décider seules des conditions de travail et de rémunération, ainsi que de la protection sociale de ces travailleurs.
  • Les chartes prévues, unilatérales, ne contiennent pas de socle minimum de protection. Souhaite-t-on, aujourd’hui en France, déléguer à des entreprises britanniques (Deliveroo) ou américaines (Uber) le soin de déterminer de quelle protection sociale doivent bénéficier des travailleurs français ? Souhaite-t-on créer une société à trois vitesses, constituée de salariés, d’indépendants et de travailleurs au statut hybride, dont les conditions sont ensuite décidées par les juges au cas par cas, aboutissant de facto à la création d’un nouveau précariat ?
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  • De ces consultations, nécessaires à l’élaboration de politiques publiques adaptées aux enjeux du XXIe siècle, il ressort jusqu'à présent que : Le statut des travailleurs des plateformes n’étant pas clarifié, il fait peser sur ces derniers les inconvénients du modèle salarié et du modèle indépendant, d’un côté l’absence de protection sociale et de l’autre l’absence de pouvoir de négociation sur le prix des prestations. La question de la protection sociale de ces travailleurs, de leur couverture en cas d’accidents du travail ou de maladies, doit impérativement être éclaircie, et ce par les pouvoirs publics. De nombreux acteurs préfèrent l’instauration, plutôt que des chartes, d’un véritable dialogue social et l’amélioration de la transparence des plateformes sur les conditions de travail de ces travailleurs.
  • Le Conseil national du numérique rappelle également que les jurisprudences française, espagnole et britannique sont en faveur d’une requalification des travailleurs en salariés et donc d’une protection accrue de ces derniers. Loin d’être à la pointe de l’Europe, et à rebours des décisions de justice, la LOM ferait prendre un retard certain à la France et constitue une fausse réponse à un vrai problème.
  • Pire, elle dissimule les autres pistes susceptibles d’améliorer la situation des travailleurs des plateformes, par exemple une amélioration substantielle du statut d’indépendant. Nous souhaitons que les travailleurs des plateformes soient garantis de la même protection des droits que les autres catégories sociales dans notre pays afin que les plateformes ne puissent s’affranchir des règles de protection sociale existantes.
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    "Le Conseil national du numérique (CNNum) s'oppose à la mise en place des chartes unilatérales de responsabilité sociale des plateformes prévues par la loi d'orientation des mobilités (LOM) et appelle plutôt à l'instauration d'un véritable dialogue social sur les nouvelles formes de travail issues de l'économie numérique."
Aurialie Jublin

Aux Etats-Unis, Uber verse 20 millions de dollars à des chauffeurs qui contes... - 0 views

  • Le texte ne vient en revanche pas trancher le conflit sur le fond, à savoir si Uber doit des rattrapages de rémunération aux chauffeurs et si les travailleurs affiliés à une plateforme sont des travailleurs indépendants ou doivent être considérés légalement comme des employés avec salaire et protection sociale afférents. L’accord prévoit aussi qu’Uber cesse notamment de désactiver le compte des chauffeurs les moins actifs ou crée une procédure d’appel pour les chauffeurs suspendus du service, selon le texte consulté mardi par l’AFP.
  • Sous l’impulsion de son successeur, Dara Khosrowshahi, le groupe s’attache à redorer son image et assainir ses finances dans le but de s’introduire en Bourse très prochainement. Plusieurs cas de travailleurs affiliés à une plateforme demandant leur reconnaissance comme salariés, se sont faits jour dans plusieurs pays, notamment en France. En novembre, la Cour de cassation a reconnu le lien de subordination entre la société de livraison de repas Take Eat Easy et l’un de ses coursiers à vélo, rebattant les cartes concernant la définition du salariat et le recours des plateformes de services à des indépendants. En janvier, la cour d’appel de Paris a estimé que le lien qui unissait un ancien chauffeur indépendant à Uber était bien un contrat de travail, une première concernant le géant américain en France. Ce dernier a depuis formé un pourvoi en cassation
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    "Uber a accepté de payer 20 millions de dollars pour solder des poursuites lancées par des chauffeurs qui contestaient leur statut de sous-traitant les privant de salaire minimum et de protection sociale. Cet accord, déposé au tribunal lundi soir, couvre quelque 13 600 chauffeurs Uber ayant transporté des passagers entre août 2013 (date initiale des poursuites) et le 28 février 2019 dans les Etats du Massachusetts (est) et de Californie (ouest), où se trouve le siège de la plateforme. Avec cet accord, qui doit encore formellement être entériné par un juge et ne vaut pas aveu de culpabilité de la part d'Uber, les plaignants s'engagent à abandonner les poursuites. "
Aurialie Jublin

Bastien Sibille : une alternative à l'ubérisation des services est possible - 0 views

  • Ici, le statut d’entrepreneur salarié associé (ESA) réunis dans des coopératives d’emploi et d’activité (CAE) est une vraie solution. Mobicoop réfléchit activement au déploiement d’une CAE dédiée aux métiers de la mobilité. Celle-ci permettrait par exemple aux travailleurs des plateformes de mobilité (Uber, Deliveroo etc.) de garder le statut d’indépendant auquel ils sont attachés tout en bénéficiant de mécanismes de protection sociale et de représentation collective.
  • Les collectivités territoriales, en entrant dans leur gouvernance, peuvent les lier durablement aux territoires. Le problème n’est donc pas tant technique ou juridique que celui de la volonté des acteurs politiques et économiques à s’asseoir à une table commune pour construire les mécanismes collaboratifs d’un XXIème siècle... non ubérisé ! 
  • Il faut ensuite que les utilisateurs et les travailleurs des plateformes puissent être associés aux grandes décisions des plateformes auxquelles ils sont liés, de façon à avoir leur mot à dire sur les évolutions de celles-ci, qu’elles soient technique ou économique. Cela peut se faire si la plateforme adopte des statuts coopératifs qui permettent aux utilisateurs et aux travailleurs de devenir membres coopérateurs.
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  • Il faut d’abord introduire une forme de justice économique entre les plateformes et leurs utilisateurs. La richesse créée sur les plateformes est, pour l’essentiel, produite par les utilisateurs finaux : ce sont les chauffeurs, les conducteurs, les livreurs qui rendent le service. Il serait normal que les bénéfices réalisés par les plateformes leurs reviennent au moins en partie. Cela peut se faire en associant systématiquement les utilisateurs au capital (que ce soit des sociétés de capitaux ou des coopératives) des plateformes de façon à se voir distribuer des dividendes quand les plateformes font des bénéfices.
  • Il est également urgent de donner un statut et une protection aux travailleurs des plateformes. La situation des conducteurs d’Uber ou des livreurs de Deliveroo est la parfaite illustration des risques qui pèsent sur les travailleurs de plateformes. Leur relation avec la plateforme est un contrat de droit privé et non un contrat de travail : ils ne sont pas salariés mais prestataires. Dès lors, ils ne bénéficient pas des protections liées au droit du travail ; ils ne bénéficient que de façon très incomplète de la protection sociale ; ils ne bénéficient pas instances de représentation collective.
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    "Bastien Sibille, président de la plateforme de covoiturage Mobicoop, alerte sur l'exploitation des utilisateurs de la plupart des plateformes comme Uber ou Deliveroo, et leur propose un modèle de fonctionnement plus soucieux de la justice, de la démocratie et de la protection des travailleurs. Tribune."
Aurialie Jublin

Uber, Deliveroo : le statut spécial voulu par le gouvernement censuré - 0 views

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    Le Conseil constitutionnel a rejeté pour des raisons de procédure l'article de la loi « Avenir professionnel » ouvrant la possibilité pour les plates-formes de conclure une charte sociale couvrant leurs travailleurs. Motif : aucun lien avec le texte initial de la loi.
Aurialie Jublin

Jérôme, 49 ans, ancien livreur de repas à vélo : «Il y a dans l'ubérisation u... - 0 views

  • «Je ne me bats pas contre le statut d’autoentrepreneur, mais c’est un cheval de Troie. Il y a dans l’ubérisation une forme d’occupation idéologique et politique où l’on valorise surtout le pouvoir d’achat», analyse-t-il. Autre motif d’espoir : son collectif, le Clap, a rencontré d’autres associations de livreurs à Bruxelles en octobre. Avec pour but de porter collectivement leurs revendications sociales.
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    "Pourtant, lorsqu'il s'inscrit en tant que livreur sur la plateforme Tok Tok Tok en 2014 (fermée depuis), Jérôme n'est pas un militant. Après une longue période de chômage, cet ex-animateur périscolaire voit dans la livraison de repas à domicile un bon moyen de se remettre en activité. «Quand j'ai entendu parler de ça, je me suis dit que c'était comme être serveur dans tout Paris et à vélo. Je trouvais ça génial !» se souvient-il. Comme d'autres, il crée un statut d'autoentrepreneur et signe un contrat d'intermédiation avec la société. «Très vite, je m'aperçois que ce n'est pas aussi fun que ça. Quand je signe mon contrat, je suis payé à la course. Au bout d'un mois, je perds 10 kilos et je suis fatigué», décrit-il. Lorsqu'il se blesse dans un accident en pleine livraison, son congé n'est pas pris en charge. Un proche lui conseille de parler de sa situation avec un juriste. Comme les autres livreurs, il porte une tenue de l'entreprise, a un téléphone et une carte bancaire de la boîte. «Je lui ai envoyé 30 pages, il a halluciné, il m'a dit "formellement, t'es salarié"», se souvient Jérôme. Il découvre aussi qu'une clause dans son contrat l'empêche de travailler pour une autre entreprise de livraison pendant deux ans. «Là, le juriste m'explique ce qu'est la subordination et je tombe des nues.»"
Aurialie Jublin

Un tiers médiaire | La Quadrature du Net - 0 views

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    "Pour avancer encore dans nos discussions sur le statut des hébergeurs et la régulation d'Internet, nous partageons aujourd'hui une tribune de Laurent Chemla, membre de La Quadrature du Net."
Aurialie Jublin

Interview des auteurs du livre : "Blockchain - vers de nouvelles chaînes de v... - 0 views

  • Une monnaie, qu’elle qu’en soit la forme, remplit une fonction d’utilité : principalement celle d’être un moyen d’échange facilitant les transactions. Le point commun entre les pièces d’argile, les pièces métalliques, les monnaies fiduciaire et scripturale est donc de remplir cette fonction de média d’échange. L’utilisation d’un média d’échange dans le cadre d’une transaction permet de réduire les coûts associés à celle-ci.
  • Le troc est facilement imaginable, notamment au sein de petites communautés, mais est extrêmement coûteux puisqu’il nécessite « une coïncidence des volontés ». Il faut qu’à un instant t, deux personnes aient besoin du bien proposé par l’autre mais surtout que chacun estime que la transaction est équitable. L’utilisation d’une monnaie supprime ce problème : je peux vendre un bien, conserver la monnaie en « réserve de valeur » avant de racheter un autre bien lorsque l’envie m’en prendra. Plus largement, une monnaie remplit donc classiquement trois fonctions économiques : medium d’échange, réserve de valeur (possibilité de transférer des valeurs dans le temps) et unité de compte (métrique / libellé de référence pour des acteurs).
  • Vous dites aussi qu’une autre caractéristique de la monnaie est qu’elle n’a peu ou pas de valeur intrinsèque.En effet. La valeur qu’on lui accorde dépasse de loin sa valeur fondamentale. Nul doute que le poids du métal d’une pièce de deux euros valle bien moins que deux euros. La valeur d’une monnaie repose sur la confiance, la croyance collective que lui apporte un groupe d’individus, le symbole. Nous aimons beaucoup les thèses de Yuval Noah Harari sur la construction collective des mythes et des croyances ; selon nous, une monnaie en est une. La monnaie est «l’avatar le plus représentatif de la capacité des hommes à créer des mondes intersubjectifs ». Ce constat est d’autant plus fort depuis que la fin de la convertibilité or du dollar a été actée en 1971.
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  • Nous démontrons que les média d’échange ont toujours évolué dans l’histoire économique, prise dans le temps long. A ce titre, Bitcoin ne mérite pas de statut plus négatif que le billet de banque lors de son invention. Cette évolution historique n’est certes pas linéaire, et prudence doit être de mise pour ne pas tomber ni dans l’anachronisme ni dans un évolutionnisme mal placé. On peut toutefois identifier de grands changements associés au progrès technique : à chaque révolution industrielle son support. L’apprentissage de la manipulation des métaux a permis la création des pièces métalliques, l’invention de l’imprimerie a ouvert la voie à la création des billets et de la monnaie fiduciaire, la création de la comptabilité en partie double au XVe siècle a rendu possible la compensation de compte à compte sans déplacement physique de moyens d’échange. Il n’y a donc rien d’aberrant ou de surprenant à voir émerger de nouvelles formes d’échanges et de monnaies, comme le bitcoin, au gré des évolutions technologiques et sociétales. En cela, Bitcoin et la blockchain constituent une étape supplémentaire dans l’évolution de l’histoire monétaire et des transactions.
  • Pourtant, aujourd’hui, le bitcoin est rarement utilisé comme une monnaie.C’est vrai. Certes Bitcoin s’inscrit dans la continuité de l’histoire monétaire, repose sur un nouveau consensus, une nouvelle construction collective ; comme c’est le cas pour le dollar depuis des dizaines d’années. Cependant, nous pensons qu’à date Bitcoin remplit imparfaitement les fonctions monétaires, de médium d’échange, de réserve de valeur et dans une moindre mesure d’unité de compte. Imparfaitement puisque la volatilité reste trop importante et l’acceptation trop limitée pour prétendre au même statut que le dollar ou l’euro.
  • Avec le Bitcoin, c’est la première fois dans l’Histoire que l’évolution des médias d’échange se traduit par une décentralisation absolue, ou presque. Rappelons pour les novices que le protocole Bitcoin — et d’autres — permettent de transférer des valeurs en pair-à-pair, c’est-à-dire sans l’intervention de tiers centralisé, donc complètement à côté du système monétaire, financier et bancaire actuel. Bitcoin s’est donc construit selon une gouvernance diamétralement opposée au système monétaire actuel, sans lien aux Etats ou aux banques centrales ; mais aussi sans entreprise.
  • Le paradoxe en question réside dans le fait que se libérer d’un pouvoir ou d’une autorité donné ne signifie pas pour autant échapper à toute forme de contrôle. Ainsi, Bitcoin et d’autres protocoles parviennent à trouver des moyens d’échapper aussi bien au contrôle des États de manière générale, qu’à celui de la banque centrale pour ce qui concerne l’application monétaire de cette technologie. Mieux encore, elle abolit l’idée même d’autorité entre agents, ce qui constitue la condition sine qua non de l’accomplissement de la liberté dans l’optique crypto-anarchiste où fut élaborée cette technologie.
  • C’est précisément parce que tout est traçable et transparent au sein de la chaîne, que se crée une double situation dont on peut douter qu’elle soit propice à une liberté authentique. D’une part, par la sécurisation de l’information, chacun devient aliéné à son passé transactionnel, la blockchain enchaînant au sens propre l’utilisateur — fût-il anonyme — aux opérations qu’il accompli. D’autre part, au sein du système disparaissent les notions de secret et d’opacité, qui semblent constituer des fondements tout aussi décisifs d’une liberté concrète comme la volonté de ne pas être soumis à une surveillance continue.
  • Il ne faut pas confondre la dissimulation, qui est une négation — je ne suis pas identifiable — et la liberté, qui est une affirmation — je suis maître de ma volonté et de mes actes de telle sorte qu’ils me soient imputables. Or, à moins de disposer d’une définition extrêmement pauvre de la liberté — ne pas être identifié –, il semble impossible de déduire d’un anonymat la preuve d’une liberté effective ; par ailleurs, le propre de la blockchain consiste justement à rendre impossible (ou du moins difficile) l’attribution de transactions à l’identité réelle d’un individu donné. La condition même par laquelle l’individu échappe au contrôle devient la raison pour laquelle sa liberté perd son sens puisque que rien ne peut lui être imputé et que rien ne s’apparente de près ou de loin à une maîtrise responsable de sa volonté et de ses actes.
  • Enfin, la soustraction à l’endroit d’une certaine forme de contrôle (autorité, État, banques) ne garantit en rien d’éviter l’activation d’une autre forme de contrôle, plus contraignante encore puisqu’accomplie au nom de la sacro-sainte transparence mais supposant un contrôle autrement plus poussé et aliénant que le contrôle traditionnel de la puissance publique.
Aurialie Jublin

Revue Sur-Mesure | Aujourd'hui, la vie est comme cela "Le logement comme service" - 0 views

  • Et si demain, de la même manière, le logement n’était plus commercialisé comme un objet physique, une surface bâtie de X m² à tel endroit et dont vous êtes propriétaire ou locataire, mais comme un service, c’est-à-dire comme un abonnement auprès d’un fournisseur de « logement as a service » vous offrant la possibilité, à chaque étape de votre vie, de disposer d’un logement de la taille et de la localisation qui correspondent à votre besoin du moment1 ?
  • Ce constat d’une plus grande élasticité de la taille du ménage se combine avec une plus grande élasticité des revenus et des statuts professionnels. Comme le rappelait André Yché, Président du directoire de Caisse des Dépôts Habitat (ex-SNI), « l’économie du logement en France reste encore fondée sur un modèle d’emploi caractéristique de la seconde moitié du XXe siècle : 20 % d’emplois publics, 60 % d’emplois salariés privés, 15 % de professions indépendantes, le taux de chômage étant contenu autour de 5 %. S’agissant de location comme d’accession, le modèle est linéaire : le revenu du locataire, comme celui qui accède à la propriété, est supposé croître modérément et progressivement, sans fluctuation significative ». […] Ce modèle perd du terrain. Une part croissante de la population active est en train de sortir du salariat : auto-entrepreneurs, travailleurs intermittents, polyactifs… sont autant de statuts qui se développent rapidement. La linéarité des revenus est de moins en moins assurée »5.
  • Ainsi, une offre de « logement comme un service » viserait d’abord à permettre l’évolutivité du logement, en permettant à chacun d’avoir à tout instant le logement adapté à ses besoins, notamment à la composition de son ménage et au niveau de ses revenus. Aujourd’hui, le logement évolutif a le vent en poupe : cloisons modulaires, loggia transformable ou grandes hauteurs sous plafond permettent d’adapter le logement à de nouveaux besoins. Mais cette recherche de modularité, qui joue sur le logement comme objet physique, atteint ses limites, précisément du fait de sa dimension physique.
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  • De même, le métier de « producteur de logement comme un service » consisterait alors moins à produire des mètres carrés qu’à offrir à l’individu une agrégation, dans la durée, entre des fonctions qui jusqu’à présent étaient prises en charge directement par lui : recherche logement, revente ancien logement, négociation avec les banques, agent immobilier, notaire, etc.
  • Autrement dit, l’opérateur de cette forme d’immobilier serviciel ne porte plus sur des biens localisés (un appartement, un immeuble ou un plateau de bureaux), mais sur des usages. La proposition de valeur consiste à pouvoir proposer à chaque usager un espace immobilier qui correspond à ses besoins du moment… et donc à adapter l’offre proposée à chaque fois que ses besoins évoluent. Il devrait se développer en lien avec les trajectoires de vie personnelles et professionnelles de moins en moins linéaires.
  • Ce concept peut comprendre également une deuxième dimension (voir l’axe vertical sur l’illustration 3 et au dessin de l’illustration 6), qui correspond davantage à un élargissement de l’offre « logement » par la composition d’un « bouquet de services » qui met l’accent sur les services associés au logement.
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    "Et si on habitait comme certains se déplacent ? Non plus avec son véhicule personnel (son logement) mais avec un mode de transport différent à chaque étape du parcours. Suite à une étude sur les opérateurs de services urbains de la ville de demain, nos auteurs proposent une vision étonnante de l'habiter. Une offre séduisante ? Un profond bouleversement de la production immobilière !"
Aurialie Jublin

Construire des communs numériques - 0 views

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    "Ce livre blanc vise à augmenter la quantité et la viabilité des services numériques administrés en tant que communs, c'est-à-dire en tant que ressources mises en partage et exploitées de manière pérenne par une communauté. Pour cela, il clarifie le vocabulaire, décrit les contraintes minimales sans lesquelles des ressources numériques ne pourront jamais accéder au statut de communs, et propose des pistes concrètes pour en faciliter l'émergence. Ce document décrit les grandes catégories d'engagements mutuels et de comportements nécessaires pour garantir un usage libre, juste et pérenne des services numériques qui servent l'intérêt général, en particulier lorsqu'ils sont coproduits par des acteurs publics. Au-delà de ces catégories, il propose des bonnes pratiques qui permettent la constitution de véritables communs dans lesquels les usagers sont au cœur des décisions."
Aurialie Jublin

Conditions de travail des livreurs : Frichti dans la tourmente - Libération - 0 views

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    Après la publication du témoignage d'un livreur, la start-up française Frichti a été épinglée pour ses conditions de travail. Depuis, un débat s'est ouvert sur les réseaux, notamment sur le recours au statut d'auto-entrepreneur.
Aurialie Jublin

La fibre, « facteur clé » de la survie des FAI associatifs - 0 views

  • Pour la fédération, une éviction de ses membres de la fibre est « tout à fait inquiétant ». Aujourd'hui, le marché est dominé par l'opérateur historique (voir notre analyse), qui compte pour plus des deux tiers de recrutement de clients en fibre, en embarquant notamment des abonnés ADSL de concurrents. « On est en train de refermer un marché vivace, qui a permis à une foule d'acteurs locaux d'exister, sur quelques gros acteurs qui n'ont pas la même capacité d'innovation » appuie FFDN.
  • Il serait donc nécessaire de défendre l'accès de ces petits acteurs aux réseaux FTTH, à la fois pour leurs offres « neutres » et pour leur statut de « poisson-pilote », avec des compétences particulières. La fédération se targue de fournir un regard unique, fondé sur les droits fondamentaux et une longue expérience. Elle répond aussi bénévolement à des problèmes locaux (comme les réseaux hertziens en zones blanches) ou en palliant les manquements des opérateurs commerciaux. « La santé des associations que je représente est un des marqueurs du respect ou non de l'intérêt général sur ce marché. On est un peu des canaris, déclare Oriane Piquer-Louis. Si les plus petits meurent, les plus grands doivent quitter la mine. » 
  • Les réseaux d'initiative publique (RIP), initiés par des départements et régions, sont la voie la plus évidente vers la fibre pour les FAI associatifs. Ces réseaux sont tenus à une obligation de non-discrimination, soit les mêmes conditions tarifaires pour l'ensemble des opérateurs qui veulent y proposer leurs offres. Or, pour FFDN, les conditions ne conviennent pas à des acteurs qui comptent quelques centaines d'abonnés sur toute la France, alors que Bouygues Telecom ou Free négocient avec les délégataires des réseaux publics sur des millions de lignes.
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  • Qu'en disent les réseaux publics ? Pour l'Avicca, la principale association de collectivités sur le numérique, une partie des difficultés des FAI associatifs résulteraient de l'absence d'offres activées sur certains réseaux publics. Une situation qui devrait changer.
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    "Alors que la fibre jusqu'à l'abonné grignote chaque trimestre des dizaines de milliers d'abonnés à l'ADSL. Au sein de FFDN, des fournisseurs d'accès associatifs cherchent une porte d'entrée vers ces nouveaux réseaux, encore inaccessibles pour ces petits acteurs."
Aurialie Jublin

Technologie : l'âge sombre | InternetActu.net - 0 views

  • Pire, la technologie s’est fait la complice de tous les défis auxquels nous sommes confrontés : à la fois d’un système économique hors de contrôle qui ne cesse d’élargir les inégalités, la polarisation politique comme le réchauffement climatique. Pour Bridle, la technologie n’est pas la solution à ces défis, elle est devenue le problème. Il nous faut la comprendre plus que jamais, dans sa complexité, ses interconnexions et ses interactions : mais cette compréhension fonctionnelle ne suffit pas, il faut en saisir le contexte, les conséquences, les limites, le langage et le métalangage.
  • Trop souvent, on nous propose de résoudre ce manque de compréhension de la technologie par un peu plus d’éducation ou son corollaire, par la formation d’un peu plus de programmeurs. Mais ces deux solutions se limitent bien souvent en une compréhension procédurale des systèmes. Et cette compréhension procédurale vise surtout à renforcer la « pensée computationnelle », c’est-à-dire la pensée des ingénieurs et des informaticiens qui n’est rien d’autre que le métalangage du solutionnisme technologique 
  • Les systèmes techniques sont devenus de plus en plus complexes. Trop critiques et interconnectés pour être compris, pensés ou conçus. Leur compréhension n’est disponible plus que pour quelques-uns et le problème est que ces quelques-uns sont les mêmes que ceux qui sont au sommet des structures de pouvoir. Pour James Bridle, il y a une relation causale entre la complexité des systèmes, leur opacité, et les violences et inégalités qu’ils propagent.
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  • Le cloud (l’informatique en nuage) n’est plus une métaphore du réseau, c’est l’incarnation de ce système global et surpuissant qu’aucun d’entre nous ne peut désormais attraper. Ce nuage est pourtant une bien mauvaise métaphore. Rien de ce qu’il recèle n’y est sans poids, rien n’y est amorphe ou invisible. Le cloud cache une infrastructure physique complexe faite de lignes téléphoniques, de fibre optique, de satellite, de vastes entrepôts d’ordinateurs, qui consomment d’énormes quantités d’énergie et qui influent sur de multiples juridictions. Le cloud est l’incarnation d’une nouvelle industrie.
  • De la sécurité nationale aux secrets industriels, il y a beaucoup de raisons à obscurcir ce que recouvre ce nuage. Mais ce qui s’en évapore est assurément notre propriété (dans les nuages, tout appartient à d’autres) et notre agentivité, c’est-à-dire notre capacité à faire.
  • Le réseau donne l’impression d’être à la fois l’idéal de progrès le plus abouti et l’idéal de base de notre culture tout en paraissant avoir émergé inconsciemment, poursuivant son but d’interconnexion sans fin pour lui-même et par lui-même… « Nous présumons que l’interconnexion est inhérente et inévitable. Le réseau semble être devenu le résultat du progrès, son accomplissement ultime », à l’image de machines qui accompliraient ainsi leurs propres désirs. Internet semble avoir accompli l’idéal des Lumières, l’idéal du progrès : celui que plus de connaissance et plus d’information conduit toujours à prendre de meilleures décisions.
  • Mais n’est-ce pas plutôt le contraire auquel nous assistons ? « Ce qui était censé éclairer le monde l’a obscurci. L’abondance d’information et la pluralité d’opinion accessible à tous n’ont pas produit un consensus cohérent, mais au contraire a déchiré la réalité en narrations simplistes, en théories fumeuses et en politique d’opinion. Contrairement au Moyen Âge, où l’âge sombre était lié à une perte de connaissance antique, l’âge sombre moderne est lié à une abondance de connaissance dont nous ne savons plus démêler collectivement l’apport. »
  • L’obscurité dont parle Bridle c’est notre incapacité à voir clairement ce qui est devant nous, avec capacité et justice. Pour Bridle pourtant, ce constat ne doit pas être lu comme une condamnation de la technologie. Au contraire. Pour relever l’âge sombre qui s’annonce, il nous faut nous engager plus avant dans la technologie, avec elle, mais avec une compréhension radicalement différente de ce qu’il est possible d’en faire, en retrouver un sens que la seule recherche d’efficacité nous a fait perdre. Tout comme le changement climatique, les effets de la technologie s’étendent sur le globe et affectent tous les aspects de nos vies. Mais comme le changement climatique, ses effets sont potentiellement catastrophiques et résultent de notre incapacité à comprendre les conséquences de nos propres inventions. Nous devons changer de manière de voir et penser le monde, nous invite Bridle, un peu facilement ou naïvement.
  • « En rapprochant la simulation de l’approximation, les grands prêtres de la pensée computationnelle pensent remplacer le monde par des modèles biaisés de lui-même ; et en le faisant, les modeleurs s’assurent du contrôle du monde. » James Bridle s’inscrit dans la continuité des constats de l’historien des sciences David Noble qui, dans Le progrès sans le peuple notamment, soulignait combien la pensée des ingénieurs avait contribué à donner du pouvoir aux puissants plutôt que favoriser l’équité ou la démocratie ; comme dans celle de Richard Sclove du Loka Institute, qui dans Choix technologiques, choix de société, soulignait combien les enjeux démocratiques restaient le parent pauvre de la question technologique.
  • La pensée computationnelle s’infiltre partout : elle devient notre culture. Elle nous conditionne à la fois parce qu’elle nous est illisible et à la fois parce que nous la percevons comme neutre émotionnellement et politiquement. Les réponses automatisées nous semblent plus dignes de confiance que celles qui ne le sont pas. Dans la pensée computationnelle, nous sommes victimes du biais d’automatisation : « nous avons plus confiance dans l’information automatisée que dans notre propre expérience, même si elle est en conflit avec ce qu’on observe ». Les conducteurs de voitures comme les pilotes d’avion ont plus tendance à croire leurs instruments que leur expérience, même si celle-ci n’est pas alignée.
  • Pour Bridle, l’informatique, en ce sens, est un piratage de notre capacité cognitive, de notre capacité attentionnelle, qui renvoie toute responsabilité sur la machine. « À mesure que la vie s’accélère, les machines ne cessent de prendre en main de plus en plus de tâches cognitives, renforçant par là leur autorité – sans regarder les conséquences ». « Nous nous accommodons de mieux en mieux et de plus en plus aux confortables raccourcis cognitifs que nous proposent nos machines. L’informatique remplace la pensée consciente. Nous pensons de plus en plus comme des machines, ou plutôt nous ne pensons plus du tout ! ».
  • « Ce qui est difficile à modéliser, à calculer, à quantifier, ce qui est incertain ou ambigu, est désormais exclu du futur possible. » L’informatique projette un futur qui ressemble au passé (« Les algorithmes ne prédisent pas le futur, ils codifient le passé », disait déjà Cathy O’Neil). La pensée computationnelle est paresseuse. Elle propose finalement des réponses faciles. Elle nous fait croire qu’il y a toujours des réponses.
  • les réseaux souffrent d’une gouvernance fragmentée, sans responsabilités claires, peu cartographiés et sous-financés ; des infrastructures en silos ; des investissements privés comme publics insuffisants et plus encore un manque de compréhension de la complexité de leur fonctionnement… expliquent leur fragilité intrinsèque et la difficulté de leur maintenance. Ajoutez à cela les impacts du changement climatique sur leur maintenance et leur évolution et vous comprendrez que les réseaux ne sont pas dimensionnés pour faire face au futur. Bref, non seulement l’informatique contribue largement au réchauffement climatique, mais elle risque d’en être l’une des principales victimes.
  • Mais les grands volumes de données ne produisent pas de la connaissance automatiquement. Dans la recherche pharmacologique par exemple, les dépenses et investissements n’ont jamais été aussi forts alors que les découvertes, elles, n’ont jamais produit aussi peu de nouveaux traitements. On appelle cela la loi d’Eroom : l’exact inverse de la loi de Moore. Le nombre de résultats de recherche chute et ces résultats sont de moins en moins dignes de confiance. Si les publications scientifiques n’ont jamais été aussi volumineuses (au détriment de leur qualité), les rétractions ont augmenté et le nombre de recherches ayant un impact significatif, elles, ont diminué proportionnellement. La science connaît une crise de réplicabilité majeure.
  • Plusieurs facteurs expliquent ce revirement de la loi du progrès. La première est que les choses les plus évidentes à découvrir ont été exploitées. La régulation est également devenue plus exigeante et la société moins tolérante aux risques. Mais le problème principal relève certainement des méthodes désormais employées. Historiquement, la découverte de médicament était le fait de petites équipes de chercheurs qui se concentrait intensément sur de petits groupes de molécules. Mais depuis 20 ans, ces processus ont été largement automatisés, sous la forme de ce qu’on appelle le HTS (High-throughput screening pour criblage à haut débit) qui consiste en des recherches automatisées de réactions potentielles via de vastes bibliothèques de composants. Le HTS a priorisé le volume sur la profondeur. Ce qui a marché dans d’autres industries a colonisé la recherche pharmaceutique : automatisation, systématisation et mesures… Certains commencent à douter de l’efficacité de ces méthodes et voudraient revenir à l’empirisme humain, au hasard, au bordel, au jeu… À nouveau, « la façon dont nous pensons le monde est façonnée par les outils à notre disposition ». Nos instruments déterminent ce qui peut être fait et donc, ce qui peut être pensé. À mesure que la science est de plus en plus technologisée, tous les domaines de la pensée humaine le sont à leur tour. Les vastes quantités de données ne nous aident qu’à voir les problèmes des vastes quantités de données.
  • Les bourses et places de marchés d’antan ont été remplacées par des entrepôts, des data centers, anonymes, dans des banlieues d’affaires impersonnelles. La dérégulation et la numérisation ont transformé en profondeur les marchés financiers. La vitesse des échanges s’est accélérée avec la technologie. Les transactions à haute fréquence (HFT, High-frequency trading) reposent sur la latence et la visibilité. La latence, c’est-à-dire la rapidité d’échange où des millions peuvent s’échanger en quelques millisecondes et la visibilité (sauf pour les non-initiés), c’est-à-dire le fait que les échanges sont visibles de tous les participants, instantanément. Les échanges reposent sur des algorithmes capables de calculer des variations éclair et de masquer les mouvements de fonds. Les échanges sont plus opaques que jamais : ils s’imposent sur des forums privés, les « dark pools » (en 2015, la SEC, l’organisme américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, estimait que les échanges privés représentaient 1/5e du total des échanges)… Les échanges financiers ont été rendus obscurs et plus inégaux que jamais, rappelle Bridle.
  • Pour Bridle, l’une des clefs qui expliquent que les inégalités se renforcent avec la technologie est intrinsèquement liée à l’opacité des systèmes. Comme les robots des entrepôts d’Amazon et ses employés commandés par des commandes vocales émanant de robots, nous sommes en train d’arranger le monde pour rendre les machines toujours plus efficaces, quitte à ce que le monde devienne incompréhensible et inadapté aux humains. Les travailleurs deviennent le carburant des algorithmes, utiles seulement pour leurs capacités à se déplacer et à suivre des ordres. Pour Bridle, les startups et les Gafam signent le retour des barons voleurs, ces tyrans industriels du XIXe siècle. La technologie est venue couvrir d’un voile d’opacité la prédation : l’avidité s’est habillée de la logique inhumaine des machines. Amazon ou Uber cachent derrière des pixels lumineux un système d’exploitation sans faille
  • Pour la sociologue Deborah Cowen (@debcowen), nous sommes entrés dans la tyrannie de la techne explique-t-elle dans The Deadly Life of Logistics (2014) : l’efficacité est devenu primordiale sur tous les autres objectifs, sur toutes les autres valeurs
  • Autre exemple avec How-Old.net un outil de reconnaissance faciale qui tente de prédire l’âge d’une personne, et qui a été utilisée pour deviner l’âge de migrants arrivants au Royaume-Uni. Microsoft, qui a développé cette application, s’est défendu et a dénoncé cette utilisation… comme les 2 chercheurs chinois. Ceux-ci expliquaient néanmoins dans leur défense que leur système était « sans préjugé » (sic). Comme souvent, on nous explique que la technologie, et plus encore l’apprentissage automatisé, est neutre. Mais « la technologie n’émerge pas de nulle part. Elle est toujours la réification de croyances et de désirs, notamment de ses créateurs. Leurs biais sont encodés dans les machines et les bases de données ou les images que nous prenons du monde. »
  • Pour Bridle, le problème n’est pas tant que les machines puissent réécrire la réalité, mais que la réalité, le passé comme le futur, ne puissent plus être correctement racontés. DeepDream de Google illustre parfaitement cela. L’enjeu n’est pas pour nous de comprendre ce qu’est l’image, mais de nous demander ce que le réseau de neurones veut y voir ?
  • Pour Bridle, nous devrions ajouter une 4e loi aux trois lois de la robotique d’Asimov. Les machines intelligentes devraient être capables de s’expliquer aux humains. Ce devrait être une loi première, car éthique. Mais le fait que ce garde-fou ait déjà été brisé laisse peu d’espoir quant au fait que les autres règles le soient à leur tour. « Nous allons devoir affronter un monde où nous ne comprendrons plus nos propres créations et le résultat d’une telle opacité sera toujours et inévitablement violent ».
  • Pour Bridle, l’alliance entre l’humain et la machine peut encore fonctionner, comme l’a montré Garry Kasparov avec les échecs avancés, consistant à ce qu’une IA et qu’un humain jouent ensemble plutôt qu’ils ne s’affrontent. C’est dans la perspective d’associer les talents des humains et des machines, d’associer leurs différences d’une manière coopérative plutôt que compétitive que nous parviendrons à réduire l’opacité computationnelle. La perspective que l’intelligence des machines nous dépasse dans nombre de disciplines est une perspective destructrice. Nous devons trouver la voie d’une éthique de la coopération avec les machines, plutôt qu’un affrontement.
  • Bridle s’en prend également longuement à la surveillance et notamment à la surveillance d’Etat pour souligner combien elle nous est masquée et continue à l’être, malgré les révélations d’Edward Snowden. Vous pouvez lire n’importe quel e-mail dans le monde d’une personne dont vous avez l’adresse. Vous pouvez regarder le trafic de tout site web. Vous pouvez suivre les mouvements de tout ordinateur portable à travers le monde. Pour Bridle, cela nous a montré qu’il n’y a pas de restriction possible à la capacité de surveillance du réseau. L’échelle et la taille de la surveillance a excédé ce que nous pensions comme étant techniquement possible.
  • En opposition au secret, nous demandons de la transparence, mais elle n’est peut-être pas le bon levier. La NSA et Wikileaks partagent la même vision du monde avec des finalités différentes, rappelle Bridle. Les deux pensent qu’il y a des secrets au coeur du monde qui, s’ils étaient connus, pourraient rendre le monde meilleur. Wikileaks veut la transparence pour tous. La NSA veut la transparence pour elle. Les deux fonctionnent sur une même vision du monde. Wikileaks ne voulait pas devenir le miroir de la NSA, mais voulait briser la machine de surveillance. En 2006, Assange a écrit « Conspiracy as Governance » (.pdf). Pour lui, tout système autoritaire repose sur des conspirations, car leur pouvoir repose sur le secret. Les leaks minent leur pouvoir, pas par ce qui fuite, mais parce que la peur et la paranoïa dégradent la capacité du système autoritaire à conspirer. Mais les fuites de données ne suffisent pas à remettre en cause ou à abattre l’autorité. Les révélations ne font pas bouger l’opinion, sinon, nous aurions réagi bien avant les révélations de Snowden. Tant que les organisations de surveillance ne changent pas de l’intérieur, ceux qui sont en dehors de ces organisations, comme les lanceurs d’alertes, n’ont pas de capacité d’action. Ils attendent que des fonctionnaires ou que la justice confirment ce qu’ils avancent.
  • Mais la lumière du calcul nous dépossède de pouvoir, car elle nous fait crouler sous l’information et nous donne un faux sens de la sécurité. C’est là encore une conséquence de la pensée computationnelle. « Notre vision est devenue universelle, mais notre capacité d’action, elle, s’est réduite plus que jamais. » A l’image du réchauffement climatique, à nouveau, « nous savons de plus en plus de choses sur le monde, mais nous sommes de moins en moins capable d’agir sur lui ». Au final, nous nous sentons plus démunis que jamais. Plutôt que de reconsidérer nos hypothèses, nous nous enfonçons dans la paranoïa et la désintégration sociale.
  • Le monde est devenu trop complexe pour des histoires simples. En fait, « la démultiplication de l’information ne produit pas plus de clarté, mais plus de confusion ». L’un des symptômes de la paranoïa consiste à croire que quelqu’un vous surveille. Mais cette croyance est désormais devenue raisonnable, s’amuse Bridle en évoquant la surveillance d’Etat comme la surveillance des services numériques. Nous sommes entièrement sous contrôle, tant et si bien qu’on peut se demander qui est paranoïaque désormais ?
  • « Les théories conspirationnistes sont le dernier ressort des sans pouvoirs, imaginant ce que serait que d’être puissant », avance Bridle. Pour le spécialiste de la postmodernité, Frederic Jameson, les théories conspirationnistes sont « la cartographie cognitive des plus démunis dans un âge postmoderne ». C’est la figure dégradée de la logique par ceux qui ont le moins de capital culturel, une tentative désespérée de se représenter un système qu’ils ne comprennent pas. Encerclé par l’évidence de la complexité, l’individu a recours à un récit simpliste pour tenter de regagner un peu de contrôle sur la situation. À mesure que la technologie augmente et accélère le monde, celui-ci devient plus complexe. Les théories conspirationnistes deviennent alors des réponses, étranges, intriquées et violentes, pour s’en accommoder.
  • Ainsi, si vous cherchez de l’information sur les vaccins, vous tomberez invariablement sur de l’information contre les vaccins. Si vous cherchez de l’information sur la rotondité de la terre, vous tomberez inexorablement sur ceux qui pensent qu’elle est plate. Ces opinions divergentes semblent devenir la majorité tant elles sont exprimées et répétées avec force. « Ce qui se passe quand vous désirez en savoir de plus en plus sur le monde entre en collision avec un système qui va continuer à assortir ses réponses à n’importe quelle question, sans résolution ». Vous trouverez toujours quelqu’un pour rejoindre vos points de vue. Et toujours un flux pour les valider. Voici l’âge de la radicalisation algorithmique (à l’image de ce que disait Zeynep Tufekci de YouTube). Les théories conspirationnistes sont devenues la narration dominante. Elles expliquent tout. Dans la zone grise des connaissances, tout prend un sens.
  • Les failles des algorithmes sont les dernières failles du capitalisme où certains s’infiltrent non pas pour le renverser, mais pour tenter de gratter un peu d’argent que les plus gros systèmes s’accaparent. Au final, des vidéos automatisées finissent par être vues par des enfants. Leurs personnages préférés y font n’importe quoi, parfois suggèrent des scènes de meurtre ou de viols. Ces effets de réseaux causent des problèmes réels. Les algorithmes de YouTube ont besoin d’exploitation pour produire leurs revenus. Derrière leurs aspects séduisants, ils encodent les pires aspects du marché, notamment l’avidité. « La capacité à exploiter l’autre est encodée dans les systèmes que nous construisons », pointe très justement James Bridle, puisque leur efficacité repose sur leur capacité à extraire de l’argent de nos comportements.
  • À défaut d’une solution, Google annonçait en avril que l’application YouTube Kids allait devenir « non-algorithmique »… À croire, comme le pointait très justement le chercheur Olivier Ertzscheid, que l’algorithimsation n’est pas une solution sans limites.
  • Pour Bridle, les humains sont dégradés des deux côtés de l’équation : à la fois dans l’exploitation qui est faite de leur attention et à la fois dans l’exploitation de leur travail. Ces nouvelles formes de violence sont inhérentes aux systèmes numériques et à leur motivation capitaliste. Le système favorise l’abus et ceux qui le produisent sont complices, accuse-t-il. L’architecture qu’ils ont construite pour extraire le maximum de revenus des vidéos en ligne a été hackée par d’autres systèmes pour abuser d’enfants à une échelle massive. Les propriétaires de ces plateformes ont une responsabilité forte dans l’exploitation qu’ils ont mise en place. « C’est profondément un âge sombre quand les structures qu’on a construites pour étendre la sphère de communications sont utilisées contre nous d’une manière systématique et automatique. »
  • Pour Bridle, les fausses nouvelles ne sont pas le produit de l’internet. Elles sont le produit de la cupidité et de la démocratisation de la propagande où tout a chacun peut devenir un propagandiste. Elles sont un amplificateur de la division qui existe déjà dans la société, comme les sites conspirationnistes amplifient la schizophrénie.
  • Mais ce qu’il y a de commun avec le Brexit, les élections américaines ou les profondeurs de YouTube, c’est que malgré tous les soupçons, il reste impossible de savoir qui fait ça, qu’elles sont leurs motivations, leurs intentions. On peut regarder sans fin ces flux vidéos, on peut parcourir sans fin les murs de mises à jour de statuts ou de tweets… cela ne permet pas de discerner clairement ce qui est généré algorithmiquement ou ce qui est construit délibérément et soigneusement pour générer des revenus publicitaires. On ne peut pas discerner clairement la fiction paranoïaque, l’action d’États, la propagande du spam… Ces confusions servent les manipulateurs quels qu’ils soient bien sûr, mais cela les dépasse aussi. C’est la manière dont le monde est. Personne ne semble réellement décider de son évolution… « Personne ne veut d’un âge sombre, mais nous le construisons quand même et nous allons devoir y vivre. »
  • Exploiter plus de données pour construire de meilleurs systèmes est une erreur. Cette méthode ne parviendra pas à prendre en compte la complexité humaine ni à la résoudre. Le développement de l’information n’a pas conduit à une meilleure compréhension du monde, mais au développement de points de vue alternatifs et concurrents. Nous devons changer nos façons de penser comme nous y invitait Lovecraft. Nous ne survivrons pas plus à l’information brute qu’à la bombe atomique. Le nouvel âge sombre est un lieu où le futur devient radicalement incertain et où le passé devient irrévocablement contesté. Mais c’est le présent dans lequel nous devons vivre et penser. Nous ne sommes pas sans pouvoir ni capacités. Mais pour cela nous devons nous défaire des promesses illusoires de la pensée computationnelle. Penser le monde autre, c’est ce à quoi nous invite James Bridle dans le nouvel âge sombre.
  • Reste à savoir si cet âge sombre des technologies est vraiment notre avenir. L’âge sombre du Moyen Âge n’a jamais vraiment existé ailleurs que dans les lacunes des historiens. On peut douter également de cette nouvelle obscurité ou regretter le titre faussement prophétique. Reste que la complexité et l’intrication du monde que décrit James Bridle, montrent combien il nous faut, plus que jamais, nous défaire justement d’une vision simple et manichéenne de la technologie.
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    "Ce New Dark Age porte un titre prophétique et apocalyptique. Un peu trop peut-être. C'est effectivement un livre très critique sur notre rapport à la technologie, très éloigné du rapport souvent curieux et amusé que Bridle portait aux technologies avec la nouvelle esthétique. En une dizaine de chapitres, Bridle explore les glitchs qui sont désormais devenus des schismes, des scissions, des ruptures… comme s'ils n'étaient plus aussi distrayants. Dans son livre, il montre combien les bugs se cristallisent en caractéristiques. Combien la complexité technique que nous avons construite s'entremêle pour produire des effets en réseau, complexes, profonds, intriqués que nous ne parvenons plus vraiment à démêler. Son constat principal consiste à dire que ces dysfonctionnements ne sont pas amenés à être corrigés. Ils sont au contraire intrinsèques à la nature même des technologies qui se déploient aujourd'hui. Contrairement à ce que nous annonçaient les pionniers et les prophètes des technologies, pour Bridle, la technologie n'annonce pas de nouvelles Lumières ou une Renaissance, mais, comme Jules Michelet parlait du Moyen Âge, un âge sombre, une ère d'obscurité pour ne pas dire d'obscurantisme. Ni les réseaux sociaux, ni l'intelligence artificielle, ni les systèmes techniques ne vont nous aider à faire monde commun. Au contraire."
Aurialie Jublin

Une Charte mondiale contre l'uberisation du travail - Pôle emploi - Emploi Pa... - 0 views

  • L’élaboration d’un système de gouvernance internationale qui établisse un socle de droits et protections et impose aux plateformes (et à leurs clients) de les respecter devient donc un enjeu essentiel pour l’OIT qui estime qu’aucune régulation ne pourra se faire en dehors d’instances internationales.
  • Elle propose, entre autres, un droit universel à l’apprentissage tout au long de la vie, une protection sociale universelle de la naissance à la vieillesse, une garantie universelle permettant à tous les travailleurs, quels que soient leur régime contractuel ou leur statut professionnel, de jouir des droits fondamentaux des travailleurs et d’un « salaire assurant des conditions d’existence convenables », etc. Le programme est non seulement très ambitieux mais il est entièrement axé autour de l’idée que l’action majeure est celle de la gestion de la technologie et de sa mise au service d’un travail décent et durable. Et cela passe par une approche dans laquelle l’intelligence artificielle reste sous contrôle humain et implique que « les décisions finales touchant le travail soient prises par des êtres humains ».
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    "Pour son centenaire, l'OIT (Organisation Internationale du Travail) veut faire adopter un programme d'actions mondial pour réguler les évolutions du travail et garantir des droits à tous les travailleurs. Les actions proposées sont extrêmement ambitieuses et seront discutées en juin."
Aurialie Jublin

Uberland : l'avenir du travail à l'heure des algorithmes | InternetActu.net - 0 views

  • Pour Alex Rosenblat, Uber a provoqué « un changement culturel fondamental sur ce que signifie avoir un emploi ». Uber a tiré un maximum de valeur des conducteurs en surfant sur les limites et ambiguïtés des normes culturelles et juridiques. Pour Adrian Chen, la gestion algorithmique d’Uber est moins une révolution qu’un affinage, à l’image des chauffeurs de taxi eux-mêmes, qui ont longtemps été dans une situation entre autonomie et dépendance, notamment avec nombre d’intermédiaires influant sur leurs possibilités de travail. Uber a simplement rendu cette sous-traitance plus efficace.
  • Adrian Chen pour Intelligencer explique que cette gestion algorithmique de la force de travail suppose une surveillance totale (jusqu’aux tremblements du téléphone pour s’assurer que le conducteur conduit en toute sécurité ! ce qui montre à nouveau, s’il en était besoin, que Uber n’est pas seulement un intermédiaire pour réaliser une transaction). Pourtant, de nombreux chauffeurs semblent satisfaits du travail qu’ils réalisent : ils apprécient la flexibilité et le complément de salaire que leur travail apporte. Même si les récits que Rosenblat a recueillis témoignent principalement d’une résignation épuisée. «Pour certains chauffeurs, ce travail est un véritable boulet, et pour d’autres, c’est un gilet de sauvetage».
  • Dans une interview pour CityLab, la chercheuse rappelle que malgré les efforts d’Uber, le taux de désengagement des chauffeurs est assez fort : 68 % d’entre eux quittent la plateforme dans les 6 mois. Elle pointe néanmoins que les outils d’Uber proposent des services que les collectivités ne savaient pas fournir, notamment en offrant des modalités de transports là où elles n’existaient pas (voir « Plateformes et métropoles » et « Vers une ville numérique ingouvernable »). Uber, derrière sa neutralité de façade, a surtout profité d’un Far West réglementaire pour s’imposer. Partout où elle s’est imposée, la firme a profondément déstabilisé la société (autour de la question du statut des chauffeurs), tout en offrant des avantages populaires (ouvrant de nouvelles dessertes et des prix bas notamment). Toute la question reste de trouver la balance entre les avantages et les inconvénients
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  • Dans une tribune pour le New York Times, la chercheuse rappelait la difficulté de cette gestion algorithmique de la relation de travail (voir également « Qui des algorithmes ou des clients seront nos nouveaux patrons »). Une relation profondément asymétrique et qui se crispe notamment dès qu’il y a un problème. Elle souligne combien les informations que délivre Uber à ses chauffeurs comme à leurs passagers sont asymétriques. Un chauffeur de New York évoquait par exemple un échange avec un client qui montrait que celui-ci était facturé 40$ alors que pour le chauffeur, la course n’en coûtait que 28 !
  • Dans les années 70, le sociologue du travail britannique Michael Burawoy, dans son livre Produire le consentement (1979, traduit en français en 2015) constatait que si les travailleurs consentaient à leur propre exploitation, c’était en fait surtout par jeu. Burawoy expliquait que lorsque le travail prenait la forme d’un jeu, la principale source de tension n’était plus dans la relation des travailleurs avec les dirigeants, mais s’étendait aux autres travailleurs, aux machines et contre eux-mêmes. En proposant un sentiment d’autonomie et de contrôle relatifs, la ludification propose aux travailleurs de souscrire aux objectifs de l’entreprise. Lyft propose ainsi des défis à ses conducteurs en échange d’une prime supplémentaire : des défis assez difficiles à décrocher qui reposent sur le nombre de courses à réaliser à certains créneaux horaires.
  • 50 % des conducteurs de Uber cessent d’utiliser l’application au bout de deux mois. 4 % des conducteurs le sont encore après une année. Des rapports récents estiment que le revenu des chauffeurs à l’heure est souvent inférieur au salaire minimum.
  • Sur les forums de chauffeurs ou dans leurs discussions, ceux-ci spéculent sans cesse sur les algorithmes et les moyens de les déjouer, mais sans réellement ne jamais y parvenir. Ils tentent fréquemment de faire des déconnexions en masse de l’application pour faire monter les prix des courses, sans que l’effet n’ait jamais vraiment été assuré. Ces formes de déconnexion volontaires et organisées ressemblent à des microgrèves, à des microprotestations, sans jamais avoir permis de réelles émancipations.
  • Burawoy est à nouveau utile pour comprendre pourquoi. Le fait de « jouer » permet aux travailleurs d’exercer un contrôle limité sur le processus de travail. Mais les victoires qu’ils remportent renforcent leur engagement et leur consentement aux règles du jeu. À l’inverse, leurs échecs dirigent leur insatisfaction contre les obstacles du jeu, et non contre ceux qui en fixent les règles. Apprendre à utiliser intelligemment les paramètres du jeu, de l’algorithme, devient pour eux la seule option imaginable.
  • Après des semaines d’une conduite maniaque pour améliorer sa note… elle a constaté que cette amélioration était sans incidence directe (tant qu’elle restait au-dessus de 4,6/5) : cela ne générait ni réel bonus ni amélioration du niveau de rémunération. « En fait, je perdais de l’argent en essayant de flatter les clients avec des bonbons et de garder ma voiture scrupuleusement propre », simplement parce qu’elle souhaitait rester un pilote bien côté. « Ce qui est à la fois si brillant et affreux dans la ludification de Lyft et Uber, c’est qu’elle repose sur notre seul désir d’être utile, aimé et bon. Les semaines où je suis très bien noté, je suis plus motivé à conduire. Les semaines où je suis mal noté, je suis également plus motivé à conduire. » Une fois qu’on est pris dans la zone du jeu, il n’y a plus d’échappatoire !
  • Heureusement, la réaction à l’ubérisation s’est aussi peu à peu musclée. Pour Les Inrocks, Benoît Fabien revient sur le lancement de la Fédération transnationale des coursiers (FTC), qui a rassemblé fin octobre à Bruxelles des livreurs à domicile de toute l’Europe, à l’initiative du Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative, de l’Alter Summit et du réseau ReAct, qui encourage les mobilisations transnationales face aux grandes entreprises. Un moyen de contrer la division et l’individualisation des plateformes de livraison pour rééquilibrer les relations de travail imposées par celles-ci. Les revendications sont nombreuses, mais s’organisent : salaire minimum, transparence des algorithmes, la liberté de se réunir en collectif…
  • les chauffeurs d’Uber s’informent des nouvelles fonctionnalités de la plateforme via ces outils, notamment quand Uber teste sur certains d’entre eux de nouvelles fonctionnalités. Le géographe Mark Graham a montré que plus de 50 % de travailleurs freelances qui utilisent des plateformes comme le Mechanical Turk d’Amazon ou Freelancer, sont en contact avec d’autres travailleurs de plateformes et échangent sur les tarifs, sur les tâches proposées et la qualité de ceux qui proposent du travail. Ces groupes servent souvent à des formes de coordination, comme l’a montré la grève des enseignants de Virginie-Occidentale, où 70 % des 35 000 enseignants de l’État étaient présents et ont permis d’articuler les revendications et d’organiser les protestations. Les groupes permettent également de fabriquer des hashtags, des gifs, des vidéos et des mêmes pour publiciser leurs actions. Si ces outils ne sont pas conçus pour soutenir le militantisme, le relai est assuré par des sites dédiés comme Coworker.org, permettant par exemple aux employés de Starbucks de faire pression sur la direction pour limiter le « clopening », le fait qu’un même employé soit chargé de la fermeture et de l’ouverture d’un magasin.
  • Reste que ces services ne sont pas toujours suffisamment en lien avec les syndicats existants : ils manquent d’assistance juridique, comme le proposent les syndicats, ou de fonds pour être maintenus. Les « startups du travail » ont assurément besoin de la force des syndicats pour se transformer. En Allemagne, IG Metal, l’un des plus importants syndicats, permet aux autoentrepreneurs de le rejoindre. Il a également lancé un site pour comparer les conditions de travail sur les plateformes baptisé Fair Crowd Work.
  • Pour Fredrik Soderqvist de Unionen, un syndicat suédois, les syndicats doivent apprendre également à mieux utiliser les données afin de permettre de créer des services adaptés aux transformations du monde… À l’exemple de Mystro, une application pour conducteurs, qui leur permet de basculer d’un service à l’autre, d’évaluer les demandes, de rejeter celles qui ne sont pas rentables, afin d’aider les conducteurs à prendre de meilleures décisions pour eux-mêmes. Assurément, s’emparer activement de la technologie pour les syndicats et les travailleurs peut leur permettre de contrer l’ubérisation… Ça ne remplace ni la lutte sociale ni la lutte légale, mais la lutte technologique peut permettre de faire des contre-propositions concrètes, de fournir des outils d’aide à la décision des travailleurs algorithmisés pour les aider à en comprendre le fonctionnement et à resymétriser la relation.
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    "Dans Uberland : comment les algorithmes réécrivent les règles du travail (2018, Presse universitaire de Californie, non traduit), la chercheuse Alex Rosenblat (@mawnikr) a synthétisé quatre années de recherche ethnographique avec les conducteurs d'Uber. Un livre où transparaît une vision dystopique du travail où des millions de conducteurs sont gérés par un système technique qui combine à la fois l'autoritarisme du management scientifique à la Frederick Taylor et le leadership cynique d'un Michael Scott (le personnage incarné par Steve Carell dans la série The Office), rapporte Intelligencer."
Aurialie Jublin

The next billion users : une immersion dans l'internet des pauvres - Digital Society Forum - 0 views

  • Rien n’y fait : équipés d’Internet, les pauvres ne font pas du tout ce qu’on attend d’eux, à savoir se sortir de la pauvreté. Les cabines numériques disposées dans les villages indiens deviennent des bornes d’arcade et, surprise, les cent millions d’ordinateurs de l’opération « One laptop per child » (financée par des entreprises, notamment AMD, Brightstar Corporation, eBay, Google, Marvell, etc.) n’ont pas réduit le fossé éducatif, sans doute parce qu’ils avaient été distribués à des enfants ne sachant parfois ni lire ni écrire. Des absurdités de ce type, l’autrice en dresse une longue liste, comme ces smartphones que l’on distribue à de jeunes femmes n’ayant le droit de s’en servir que pour passer des appels d’urgence. A New Delhi, d’autres jeunes femmes (les « computer girls ») deviennent des craques de l’informatique, mais restent assignées à leur statut traditionnel, système de castes oblige. Le constat est sans ambiguïté : non seulement la technologie tombe du ciel sans être intégrée dans une quelconque stratégie sociale, mais toute tentative de réappropriation est méprisée et découragée.
  • Histoire similaire en Chine, où l’on craignait que les cybercafés populaires ne favorisent les activités anti-régime. Ils furent rapidement interdits aux mineurs et on y généralisa le tracking, une pratique désormais monnaie courante dans l’Empire du Milieu. D’exemple en exemple, Payal Arora démontre que les décisions prises par les pouvoirs en place n’ont eu de cesse de réduire l’accès à Internet et à la culture aux personnes les moins dotées, sous prétexte que l’usage qui en serait fait n’entrerait pas dans les bons standards de moralité. Comme souvent, les pauvres font l’objet de politiques paternalistes : on leur demande d’être vertueux et le moindre faux pas les condamne.
  • A l’inverse, la débrouille des quartiers défavorisés est érigée en exemple à suivre. La mode de l’innovation frugale (ou « Jugaad innovation » ) qui consiste à innover avec des ressources limitées, en témoigne. En Inde par exemple, la customisation des véhicules afin de transporter plus de passagers est souvent mise en avant. Cependant, elle augmente sensiblement le nombre d’accidents : « la frugalité a un coût, celui de la sécurité », écrit Arora. Les Nano cars de Tata – des petites voitures accessibles au plus grand nombre – quant à elles, sont certes pratiques mais occasionnent de lourds dégâts environnementaux : rien ne dit aujourd’hui que ces innovations améliorent réellement la vie des pauvres, affirme la chercheuse
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  • Plus grave encore, il y a fort à parier qu’elles freinent les solutions de plus long terme comme par exemple le développement de transports publics accessibles à tous. Côté mobile, une application comme AquaSift permet de détecter la toxicité de l’eau mais ne résout en rien le fait que dans beaucoup de communautés pauvres, y accéder reste difficile. On ne change pas le gouvernement avec une application. Si l’innovation frugale rencontre un succès fulgurant en Occident, ce n’est que parce que nous en avons totalement romantisé l’image.
  • En somme, la frugalité (Jugaad en Inde, « Shan-zaï » en Chine, « Gambiarra », « Bacalhau » ou « Jeitinho » au Brésil) est aussi une forme de solutionnisme technologique qui repose, une fois encore, sur la confortable conviction que les pauvres ont toutes les ressources en eux pour s’en sortir, pourvu qu’ils articulent habilement leurs problèmes aux dernières technologies disponibles.
  • Payal Arora n’a pas de mots assez durs pour dénoncer la vaste supercherie du système. Non seulement aucune relation de causalité n’a prouvé son efficacité, mais en plus, il structure l’éducation dans un sens qui pose une multitude de questions d’ordre éthiques et politiques. Ainsi, ces appareils et les programmes soi-disant éducatifs avec lesquels ils fonctionnent restent des boîtes noires, indisponibles à tout audit sérieux. L’expérimentation, qui dure 75 jours, nécessite la présence d’un ou plusieurs adultes dont on ne connaît pas la rémunération et le protocole de suivi des enfants est tout sauf rigoureux scientifiquement. Des études plus sérieuses ont rapporté que la plupart des machines ne fonctionnaient pas, faute de connexion Internet. Et quand elles marchaient, elles étaient souvent monopolisés par de jeunes garçons devant des jeux vidéos. Enfin, les contenus pédagogiques, souvent en anglais, présentent un danger pour la pérennité des langues traditionnelles. Pour le professeur Mark Warschauer (University of California), cité par Arora, ces dispositifs sont un échec total. Pourtant, Mitra a bien récolté un million d’euros grâce au Ted Prize pour cette « école dans le cloud » résolument inefficace… Pour Arora, cette triste histoire trouve ses racines dans la foi encore trop peu contestée dans le constructivisme , une théorie qui stipule que l’enfant peut apprendre seul et sans professeur.
  • En prenant un peu de hauteur, la chercheuse critique plus largement une certaine forme de philanthropie très à la mode dans les milieux technologiques. Elle l’accuse ouvertement d’être contre-productive et de servir les intérêts de grandes corporations plus que des populations pauvres : « la technologie est devenue une institution en soi, la pauvreté une opportunité. La croyance néolibérale en l’efficacité absolue du marché transforme n’importe quelle inégalité en actif pour l’innovation. » Pour Arora, cette idéologie vient justifier la nécessité de tester sur les moins aisés de nouvelles solutions qu’un riche Occidental n’imaginerait même pas pour ses propres enfants. Les pauvres n’ont pas besoin de plus d’innovation, mais de moins d’innovation, affirme-telle : « Si l’innovation est une courroie de transmission pour des projets pilote, alors les pauvres seront mieux sans. Ils ne devraient pas servir de rats de laboratoires pour les nouvelles technologies. Le simple fait qu’une technologie est nouvelle ne devrait pas justifier en soi qu’on l’expérimente sur des pauvres ».
  • Sa dénonciation englobe aussi le projet « AltSchool » largement financé par Mark Zuckerberg et Priscilla Chan, une sorte de « classe Ikea », où les enfants terminent seuls devant des écrans, pour un prix conséquent et sans que son efficacité réelle soit démontrée. Le plus grand problème selon elle, reste que le marché pardonne plus facilement les défaillances technologiques qu’humaines : la Silicon Valley peut réinjecter des millions de dollars pour trouver une nouvelle solution technique à un problème ancien, mais elle refuse de réfléchir aux problèmes de fond, comme le manque de professeurs ou l’état désastreux des écoles dans certains quartiers.
  • En dernière partie d’ouvrage, Payal Arora attaque les questions liant surveillance et vie privée. On le savait déjà, les pauvres en ont toujours été surveillés. Le « social credit system » chinois et son cousin indien « Unique Digital Number » (UID) sont ainsi connus pour conforter les hiérarchies sociales en place et agir par contagion : en Chine, fréquenter une personne dont le score est bas revient à prendre le risque de voir baisser son propre score. On en déduirait un peu rapidement que dans les pays pauvres, et plus généralement en dehors de l’Occident, la vie privée aurait moins de valeur aux yeux des individus. A y regarder de près, cela semble un peu plus compliqué. En interrogeant plus largement les usages quotidiens des réseaux sociaux dans les favelas et autres bidonvilles, Arora montre qu’ici comme là-bas, la vie privée n’est pas sans valeur ni abstraite, mais un concept avant tout lié à des particularités culturelles. Au Brésil par exemple, une jeune femme déclare ne pas en vouloir à sa mère de la « stalker » en ligne (c’est-à-dire à suivre ces déplacements, fouiller ses messages et autres réseaux d’amis)
  • En Inde, Facebook est pour de nombreux jeunes l’occasion de parler au sexe opposé, chose difficile dans la vie réelle. Le Chat est à ce titre tout à fait adapté à la romance, à travers des poèmes et autres conversations romantiques. Cependant, à l’échelle mondiale, un tiers de ces échanges se font anonymement, avant tout pour protéger les données personnelles et par souci de réputation, notamment en Asie.
  • Arora en profite pour démonter les profonds préjugés qui tendent nous à faire croire que parce que l’on est pauvre, parce que l’on vit dans une communauté étroitement liée, parfois à plusieurs dans une même pièce, on ne valoriserait pas la vie privée. En réalité, les pauvres, dans les pays étudiés par Arora, ne sont pas moins attachés à la confidentialité que les Occidentaux, même si celle-ci prend différentes significations en fonction des pays, des cultures et des genres. Dans un village en Jordanie, la confidentialité sert avant tout à protéger la vertu féminine et l’honneur masculin (préserver son image dans la communauté, ne pas s’exposer publiquement pour les femmes). Dans une famille aisée du Royaume-Uni, elle préserve l’innocence des jeunes (notamment à travers le filtrage des contenus). Plus encore qu’en Occident, préserver sa confidentialité dans les pays pauvres relève de la lutte car le succès immense des réseaux amène aussi son lot de danger : « revenge porn » et harcèlement peuvent ruiner la réputation d’un individu, conduire à l’exil et même au suicide.
  • The Next Billion Users, Digital Life Beyond the West est, en résumé, une étude inestimable, formidablement documentée et regorgeant d’illustrations plus pertinentes les unes que els autres. Loin des théories globalisantes qui tendent à mettre dans un même sac « Les Chinois », « Les Indiens », quitte à les opposer à l’Occident dans une lutte pour la puissance technologique, cette enquête de terrain vient au contraire contredire nos préjugés sur ce monde que nous jugeons bien souvent à l’emporte-pièce et sans nous embarrasser de détails. A travers son étude et notamment ses entretiens et anecdotes, la chercheuse met en lumière les relents colonialistes qui ponctuent les relations Nord-Sud, notamment en matière numérique. Arora brise notre propension à romantiser la pauvreté, à ne l’envisager qu’à travers nos lunettes postcoloniales, comme une tribu de bons sauvages qu’il faudrait éduquer à notre mode de vie. Enfin, elle réduit en poussière le fantasme du pauvre débrouillard, entrepreneur par nature, auto-organisé et vertueux. Cette vision, biaisée, n’a pour objet que d’asseoir les projets technocratiques de l’Occident, qui ne regarde que ses intérêts propres et surtout pas ceux des populations « à civiliser ».
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    "A quoi ressemble l'Internet des pauvres ? Pas à l'image romantique forgée par la philanthropie occidentale, explique l'anthropologue Payal Arora. Pourtant, cette conception paternaliste de la pauvreté informe toujours nombre d'initiatives de développement par la technologie, qui s'apparentent à une nouvelle forme de solutionnisme."
Asso Fing

« On cherche à éveiller la conscience éthique des développeurs et data scient... - 0 views

  • Comment la communauté Data For Good utilise-t-elle les algorithmes ? Qu’est-ce qui vous différencie des grandes entreprises tech ? Avec Data For Good, on veut permettre aux associations, aux projets citoyens et aux institutions d’avoir accès à la data science, qui est utilisée uniquement par les grandes entreprises comme les GAFA et les start-up pour l’instant, car c’est un service qui coûte très cher. Notre communauté bénévole soutient certains projets comme celui de l’association Frateli, qui travaille sur du mentorat. On leur a créé une plateforme de matching, avec des algorithmes, pour matcher en un clic un mentor avec un mentoré, alors qu’avant tout était fait à la main sur un tableur Excel. L’humain garde la décision finale, il peut changer les résultats donnés par l’algorithme, mais cela reste beaucoup plus rapide.
  • Notre but n’est pas de récolter des données, on ne fait pas des algorithmes qui utilisent les données des utilisateurs pour faire de la publicité. De plus, les codes sources produits par Data For Good sont tous en open source, donc si une autre association veut les utiliser, elle peut le faire gratuitement et librement. Les GAFA ouvrent certains de leurs codes sources, mais c’est avant tout pour attirer des développeurs, et ils n’ouvrent que des bribes de leurs codes. Et ils savent très bien que sans les données qu’ils possèdent, ces extraits de codes ne servent à rien.
  • Vous travaillez aussi chez AlgoTransparency, une plateforme qui cherche à décrypter les mécanismes de l’algorithme de YouTube : avez-vous réussi à savoir comment était construit cet algorithme, qui est un secret bien gardé par YouTube ? Sur YouTube, on est enfermé dans une spirale de recommandations qui ne montre pas forcément le meilleur de l’humanité... Sur AlgoTransparency, on a mis en place un robot qui est capable de mesurer quelle vidéo est recommandée, à partir de quelle vidéo. On a donc des données sur ces vidéos, mais comprendre comment fonctionne l’algorithme est très compliqué car celui-ci est très complexe, et il évolue en permanence car il est ré-entraîné tous les jours. Nous, on a décidé d’étudier nos données, en rentrant des mots clés, et de voir ce qu’il en sort.
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  • L’algorithme de la plateforme, et YouTube le dit lui-même, c’est de maximiser le temps passé sur la plateforme, le « watch time ». Et quand l’algorithme voit que les gens passent plus de temps sur la plateforme quand ils regardent des vidéos complotistes par exemple, il va plus recommander ce contenu. Il fait juste le boulot pour lequel on l’a programmé.
  • Et dans un second temps, on pourrait créer pour la plateforme un statut hybride, qui serait entre l’hébergeur, qui n’a pas de responsabilité sur le contenu qu’il héberge, et le média, qui a toute la responsabilité sur ce qu’il partage. Pour l’instant, YouTube dit être un hébergeur, car il ne peut pas éditorialiser tout le contenu qui se trouve sur la plateforme. Pourtant, les algorithmes ont un rôle éditorial : quand ils recommandent un million de fois une vidéo à des êtres humains, il y a un choix fait derrière, l’algorithme a privilégié un contenu plutôt qu’un autre.
  • Par contre, là où on peut avoir peur, c’est quand ces algorithmes, notamment de machine learning (c’est-à-dire des algorithmes qui vont apprendre à partir des données qu’on leur a fourni pour prédire des choses), impactent la vie humaine : par exemple, lorsqu’on les utilise dans l’espace public pour faire de la reconnaissance faciale, ou quand les décisions concernant les peines de prison sont prises par des algorithmes. Si on ne sait pas quels sont les critères choisis pour définir les algorithmes, c’est là que ça devient dangereux. Et c’est pour cela qu’on demande l’ouverture de tous les codes sources utilisés dans les administrations (comme la loi Le Maire le recommande).
  • Est-ce que le problème de l’algorithme ne serait pas de décontextualiser les données ? Normalement, c’est aux data scientists de garder en tête le contexte des données qu’ils étudient, et de savoir qu’elles peuvent être biaisées : par exemple, connaître le quartier où habitent les utilisateurs peut être un biais sur leur niveau social. Dans le serment d’Hippocrate de Data For Good, on cherche au mieux à éveiller la conscience éthique des data scientist, en « informant les parties prenantes sur (…) l’utilisation des données », en assurant que « les individus ne soient pas discriminés par rapport à des critères illégaux ou illégitimes », en « respectant la vie privée et la dignité humaine » et en « assumant ses responsabilités en cas de difficulté ou de conflits d’intérêts ».
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    "Et si les développeurs et data scientists prêtaient serment, comme les médecins, pour une utilisation des données plus éthique ? Data For Good, une communauté de data scientists et de développeurs bénévoles au service de projets d'intérêt général, en a fait une de ses missions. Ce « serment d'Hippocrate » des data scientists sera mis en ligne le 26 juin, lors d'un « Demo Day » qui présentera les projets soutenus par Data For Good. Curieux d'en savoir plus, nous avons interrogé Frédéric Bardolle, membre de Data For Good et d'Algotransparency, une plateforme qui décrypte les mécanismes de l'algorithme de YouTube. "
Aurialie Jublin

PLATEFORMES - Comment assurer la représentation des travailleurs des platefor... - 0 views

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    "Quelles sont vos propositions pour améliorer la représentation des travailleurs des plateformes ? F. B., O. C., C. T. : Trois lignes directrices pourraient guider les réflexions : légitimité, proximité, représentativité. Les acteurs doivent être légitimes. La représentation ne se décrète pas. Il faut tenir compte des spécificités qui caractérisent les relations contractuelles entre les plateformes et les travailleurs qui y ont recours, notamment la multiplicité des donneurs d'ordre. Aussi, sommes-nous convaincus que le secteur professionnel s'impose comme le niveau le plus pertinent. Compte tenu de la durée de vie des plateformes, la représentation ne peut être adossée sur elles mais doit relever du secteur d'activité. Le niveau sectoriel est le plus adapté pour traiter des questions de concurrence déloyale en effet. Il faut aussi mettre en place la représentation des travailleurs au niveau territorial. À l'instar des observatoires du dialogue social mis en place pour les PME-TPE, le niveau départemental doit être retenu, ne serait-ce que parce que les acteurs n'ont pas le temps de se déplacer dans un périmètre géographique trop éloigné. Enfin, nous pensons que les représentants des travailleurs doivent être élus. Leur représentativité reste à définir. Plusieurs options sont possibles. Il faut être cohérent. Les organisations normalement constituées dans le secteur d'activité pourraient désigner des représentants. Comme pour les TPE, les travailleurs voteraient pour une organisation et non pour une liste de représentants. Côté patronal, la représentativité des acteurs est encore plus compliquée à établir. Sans aller jusqu'à réinventer le dialogue social, il faut être innovant si l'on veut assurer une représentation légitime des acteurs, indispensable à un dialogue social de qualité."
Aurialie Jublin

Mise en commun de l'action publique  : faut il hacker le droit ?  - La 27e Ré... - 0 views

  • Souvent conçues et testées dans une démarche expérimentale, ces initiatives offrent des réponses efficientes et nouvelles aux enjeux qu’elles traitent. Mais sous leur apparente simplicité, elles posent de nombreux challenges juridiques en matière de mise en œuvre pour l’acteur public. Quid de la responsabilité de l’acteur public en matière de risque sanitaire et de salubrité des aliments d’un frigo partagé, qui s’adresse de facto à des usagers en dehors du seul spectre des membres de l’association qui l’ont conçu ? Quid du statut des contributeurs de Sauvlife, qui s’apparentent presque à des pompiers, mais qui ont également la liberté de ne pas intervenir ? Dans le cas du lycée, comment rendre possible un usage multiple d’un équipement public réservé à des mineurs ?
  • Quand certains pans de l’action publique sont gérés et utilisés de manière mutualisée, cela bouscule fondamentalement les piliers de l’acteur public : sa responsabilité face aux risques, ses contributeurs et la manière de les valoriser, la perméabilité avec le secteur marchand et même la légitimité à lever l’impôt pour financer des services devenus communs.
  • Sans surprise, faute de cadre juridique clair et sécurisant, rares sont les initiatives de ce type qui passent le cap de l’expérimentation. Et quand cela advient, cela tient souvent à des qualités individuelles : un élu prêt à prendre le risque, des équipes d’agents et des citoyens à l’implication exceptionnelles.
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  • Elle peut s’inspirer des règlements d’administration partagée, développés par le laboratoire Labsus en Italie et actifs dans plus de 200 villes – dont Bologne, Gènes, Florence, Turin. S’appuyant sur un principe de subsidiarité horizontale stipulant que que “l’État, les Régions, les villes métropolitaines, les provinces et les communes favorisent l’initiative autonome des citoyens, seuls et associés, pour le développement d’activité d’intérêt général, sur la base du principe de subsidiarité”, ces règlements permettent aux villes de contracter des Pactes de collaboration avec les citoyens de la ville. Ces pactes actent une collaboration étroite entre citoyens et agents publics pour co-administrer des biens communs : espaces verts, entretien du patrimoine, solidarités… 
  • En rapprochant certaines notions italiennes avec des principes de droit français – comme par exemple le principe de subsidiarité horizontale italien avec la théorie de la collaboration occasionnelle au service public - il semble envisageable de procéder à une transposition effective d’un tel règlement. 
  • Quand ces frigos sont en libre accès et placés sur la voie publique, la responsabilité du maire est engagée au titre de ses pouvoirs de police, de la salubrité publique et de la conservation du domaine public, ce qui le conduit à faire des opérations de contrôle. En explorant les arrêtés et les potentialités offertes par le modèle des régies publiques, les étudiants ont posé les contours d’un partenariat public-commun soutenable du point de vue de l’acteur public et qui favorise le développement de cette solution.
  • Enfin, le terrain nous enseigne qu’il nous faut dépasser les cadres du seul droit public pour trouver des solutions durables. Face à l’enjeu de responsabilité civile de l’occupation d’un bâtiment public vacant par un tiers-lieu, comment renverser le problème, et confronter l’acteur public sur sa responsabilité de non-occupation ou de non usage d’espaces réinvestis ? Parfois les réponses peuvent se situer du côté des droits fondamentaux et du droit constitutionnel. 
  • Parfois les réponses se situent même en dehors du droit : du côté des mécanismes de financement et de démocratie participative, ou encore de l’innovation managériale. La mise en place de budgets participatifs, ou la collaboration occasionnelle au service public obligent par exemple à repenser la place de l’agent : quel est son mandat dans une logique de coproduction de service ? 
  • A cette occasion, les  juristes territoriaux avaient notamment proposé aux étudiants de la clinique juridique territoriale grenobloise de sécuriser la mise en oeuvre des frigos partagés – ces initiatives de lutte contre le gaspillage alimentaire par la mise à disposition gratuite d’aliments frais dans des frigos postés sur la voie publique.
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    "A l'heure où la gestion en commun apparaît comme une piste sérieuse pour améliorer le fonctionnement de nos villes, les expériences territoriales à l'oeuvre appellent une nouvelle pratique du droit pour s'inscrire durablement dans nos politiques publiques. Elles nous invitent nous, agents publics, juristes, acteurs d'innovation publique, chercheurs, à puiser dans le droit d'usage, exhumer des principes constitutionnels et développer notre ingéniosité juridique et nos meilleures pratiques de détournement pour inventer de nouveaux modèles et travailler la souplesse de nos administrations.  Et si pour dépasser le cap de l'expérimentation, il devenait nécessaire d'inventer une nouvelle grammaire réglementaire ?"
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