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Aurialie Jublin

Livreur.ses de tous les pays, unissons-nous ! | La Rue est notre Usine - 0 views

  • Du côté des institutions, après de longues procédures d’investigation le ministère du Travail vient de lancer une procédure en attaquant Deliveroo pour salariat déguisé. Le ministère des Transports s’en prend lui à l’absence de licence des livreurs en scooter et a également commencé une procédure. Elles n’en sont qu’au stade de dépôt au parquet. Si nous ne pouvons que nous réjouir de la prise de conscience des ministères publics des problèmes de l’ubérisation, nous restons attentifs et relativement inquiets des conséquences que pourront avoir les jugements. Peut-on craindre qu’après un jugement positif en notre faveur les multinationales soient obligées de cesser leurs activités en France ? Et donc de mettre à la rue un grand nombre de livreurs ? Nous réaffirmons nos revendications qui sont de profiter des avantages sociaux comme l’ensemble des autres travailleurs et de gérer les boîtes à la base par et pour les livreurs, par et pour nous.
  • Une des perspectives d’émancipation des livreurs, face au refus de Deliveroo de tout dialogue concernant l’amélioration de nos conditions de travail, est de créer nos propres structures. La forme privilégiée repose sur des structures coopératives autogérées par et pour les livreurs. Si la création de coopératives semble difficile à penser dans un grand nombre de secteurs (industrie par ex.), notamment parce qu’il faut un capital de départ important, difficile à réunir sans passer par des banques (on peut néanmoins citer l’exemple des Fralib qui après des années de luttes ont réussi à récupérer leur outil de travail), elle s’affranchit de beaucoup de problématiques pour la question des livraisons de repas.
  • Il nous paraît tout de même important de ne pas idéaliser les coopératives comme une solution finale. Les coopératives ont en effet deux buts liés et non exclusifs. Elles doivent être pour nous, à la fois comprises comme une perspective de lutte et d’émancipation. Mais cette stratégie ne peut pas se passer des luttes sociales chez Deliveroo, car tant que ces multinationales exploiteront leurs travailleurs, une coopérative ne pourra pas être concurrentielle en termes de tarif et devra donc se contenter de marchés limités, ne pouvant ainsi pas fournir un travail à tous les livreurs, qui devront donc continuer à se faire exploiter. De plus, en cas de manque de commandes, les livreurs sont obligés de s’auto-exploiter. Il faut donc voir les coopératives comme un élément d’une lutte générale contre les multinationales qui ne peut pas se passer de l’auto-organisation des travailleur.se.s.
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  • C’est le but de l’association Coopcycle qui développe depuis 2016 une application qui permet de répartir les commandes entre les livreurs. Elle est utilisée par deux coopératives à Bordeaux et Molenbeek. Le but est simple et le résultat efficace, se passer des multinationales, éviter le vol de la plus-value et pouvoir répartir collectivement les bénéfices. Ces coopératives sont également la solution, de fait, pour les livreurs virés/réprimés pour s’être battus. Les camarades livreurs de la CGT à Bordeaux, qui ont été parmi les premiers mobilisés de France, ont pour la plupart aujourd’hui été virés de Deliveroo ou de Foodora après les mouvements de grèves. Ils ont ainsi créé leur propre coopérative, la coopérative des coursiers bordelais.
  • On voit clairement que les syndicats ont cherché à intégrer les livreurs et leurs spécificités dans un moule qui ne correspond pas forcément à leurs besoins. Cependant nous avons toujours pu compter sur des équipes spécifiques de la CGT et de Solidaires pour nous soutenir, que ce soit sur le plan financier, juridique ou organisationnel. Un certain nombre de militants de ces structures, parce qu’ils ont compris le risque que présente l’ubérisation, nous ont été d’une aide inestimable, et nous ne saurons jamais les remercier assez. Ils ont, c’est certain, fait beaucoup plus que quiconque pour rapprocher les jeunes précaires des structures syndicales qu’ils considéraient bien trop souvent comme des coquilles vides et inutiles.
  • Se battre lorsqu’on est précaire dans un travail qui n’est pas indispensable à l’économie est difficile. Mais lorsqu’on est individualisé à l’extrême cela devient très compliqué. C’est pourquoi nous sommes convaincus qu’une amélioration de nos conditions de travail et de vie ne peut se faire qu’en lien avec d’autres secteurs précaires et le reste du monde du travail. Nous tâchons donc d’essayer de prendre contact avec un maximum de monde, de créer des convergences de luttes avec d’autres secteurs pour pouvoir échanger sur nos conditions de travail, nos stratégies de luttes, mais également pouvoir partir ensemble dans un affrontement contre la précarité. Par exemple Stuart, start up française de livraison a été rachetée par le groupe La Poste. Il n’est pas inenvisageable, au vu des stratégies actuelles de flexibilisation du travail menées par ce groupe, que vos colissimos soient livrés 7/7j par des autoentrepreneurs. Afin d’éviter les divisions et parce que nous avons les mêmes intérêts objectifs que les postiers, nous sommes entrés en contact avec leurs syndicats pour réfléchir collectivement à une réponse positive pour les deux secteurs.
  • C’est pourquoi dès la première journée de mobilisation à Paris en août 2017 nous avons cherché à nous coordonner avec les autres collectifs de livreurs en France afin de faire valoir nos mobilisations au même moment et de nous mettre d’accord sur des mots d’ordre et des revendications. Cela a donné naissance à la CAVAL (Coordination d’actions vers l’autonomie des livreurs), structure nationale pérenne de mobilisations et d’échange d’informations. Ce qui a permis que, par la suite, la plupart des journées d’actions soient nationales. Mais pour mettre une pression suffisante sur Deliveroo, présent dans la plupart des pays européens, ce n’est pas suffisant. C’est pourquoi nous avons entrepris depuis quelques mois de nous coordonner au niveau européen. Nous avons ainsi rencontré des livreurs de Turin, Bologne, Vienne, Londres et nous sommes allés soutenir les grèves du mois de Janvier à Bruxelles.
  • La grève est très souvent considérée comme un outil daté, qui ne fonctionnerait plus. Le capitalisme se serait modifié et les nouvelles formes du travail seraient particulièrement touchées par ce constat. Nous pensons au contraire que la grève reste le moyen le plus efficace et le plus juste pour gagner le rapport de force qui oppose les livreurs et la multinationale. Parce que c’est le principal levier que nous avons pour engager un bras de fer économique avec la multinationale et qu’il se fait à la base par les travailleurs, les premiers concernés. Cependant, en raison des caractéristiques spécifiques de notre exploitation, il nous faut repenser la grève pour l’adapter aux modalités de ces nouvelles formes de travail. Nous avons pris la décision de bloquer les restaurants pour mettre un maximum la pression et faire perdre le plus d’argent possible aux multinationales.
  • Pour éviter la répression, nous devons être nombreux pour ne pas nous faire virer instantanément, mettre nos téléphones en mode avion (ils ont accès à notre géolocalisation) et faire masse. Cela permet de discuter entre nous plus longtemps que 5 minutes entre deux livraisons, de recréer une conscience collective du travail : nous sommes collègues et non concurrents. Nous étions pour la plupart masqués lors des premières mobilisations, mais paradoxalement c’est beaucoup plus radical de se mobiliser à visage découvert et de revendiquer qu’en France en 2018 on a le droit de se battre pour nos conditions de travail. Par la grève, et la grève seule, nous pourrons nous emparer des moyens de production et faire en sorte que Deliveroo appartienne à ses livreurs et non à des obscurs actionnaires et des fonds de pension.
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    "L'ubérisation, stade suprême du capitalisme ? Depuis quelques années, les plateformes numériques réorganisent et transforment le travail, permettent à leurs propriétaires de maximiser leurs profits et de diviser les travailleurs. Ces derniers paient le prix fort : mal rémunérés, payés à la tâche, condamnés à la précarité. Malgré ces obstacles, les forçats de la pédale s'organisent et mènent des luttes. Dans cet article, un membre du collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP) nous raconte les mobilisations en cours face à Deliveroo. Au niveau local, national et transnational, les livreurs s'organisent, font alliance avec les syndicats et font pression sur la multinationale. Ils inventent des solutions qui permettront à l'avenir de créer une économie au service de ceux qui la font tourner."
Aurialie Jublin

Retour sur MyData2018 : quelle(s) approche(s) collective(s) des données perso... - 0 views

  • L’entrée en vigueur du RGPD a clairement été l’événement marquant de 2018 et beaucoup d’intervenants s’y sont référés. Le principe d’équité y est affirmé. Or il s’agit d’un principe qui recouvre une dimension collective : l’équité suppose un groupe, contrairement aux autres principes (transparence, légalité, limitation de but, rétention, intégrité et confidentialité, minimisation des données, précision). Toutefois le texte ne donne pas de définition de l’équité dans le contexte de la gestion des données personnelles a fait remarquer Jussi Leppälä, Privacy Officer (Global) chez Valmet. Finalement, les intervenants s’accordaient à dire que le RGPD est un texte axé sur les besoins individuels plutôt que collectifs. Il protège l’individu, mais ne porte pas de vision véritablement collective des données personnelles.
  • Sur cette question de l’équité, l’exemple d’openSCHUFA donné par Walter Palmetshofer (Open Knowledge Allemagne) est inspirant : une campagne de collecte de données a été faite auprès de milliers d’individus pour comprendre l’algorithme de credit-scoring (pointage de crédit) de SCHUFA, bureau de crédit privé allemand. Cela a permis à des individus de pouvoir demander, preuves à l’appui, à corriger des décisions prises par l’algorithme. De manière générale, le biais algorithmique est un enjeu sociétal important, surtout pour les groupes les plus fragiles dont les données personnelles sont plus exposées et davantage victimes de biais algorithmiques (à ce sujet, lire Internet Actu).
  • D’autres intervenants ont insisté sur la nécessité d’accompagner les entreprises vers plus de prises en compte de leur responsabilité sociale. Le modèle de gouvernance qui domine actuellement étant l’hégémonie d’acteurs économiques (GAFA, BATX) raconte Bruno Carballa Smichowski, de Chronos, le rééquilibrage des pouvoirs doit venir des Etats. Ces derniers disposent de données personnelles, mais peuvent également demander des comptes et pousser les acteurs qui utilisent les données à être plus ouverts et actifs : littératie, infrastructure, open innovation, construire la confiance et faire reculer la peur, ou encore impliquer les personnes concernées (Hetan Shah et Jeni Tennison), sont autant d’actions que les pouvoirs publics peuvent mettre en place.
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  • Depuis le lancement de MyData, la nécessité de développer les enjeux collectifs des données personnelles apparaît chaque année plus forte. En parallèle, les communs numériques apparaissent de plus en plus comme un modèle alternatif désirable face aux comportements abusifs des acteurs dominants. Les communs autorisent par nature une gestion transparente et au service de la communauté, car gérés par leurs membres.
  • Si sa remarque a donné naissance au track “OurData” en 2017 et en 2018,, le terme de “commun” était pourtant quasiment absent des discussions du track OurData, essentiellement tourné vers l’acteur public et la régulation. L’exemple d’OpenSCHUFA se rattache néanmoins au courant des communs en donnant un exemple concret.
  • L’idée derrière la coopérative de données qui s’intègrerait au modèle MyData/Self Data viserait plutôt à créer un commun : une association d’individus développant des outils et services (chat, moteur de recherche,…) leur permettant de gérer leurs données de A à Z. Il existe plusieurs coopératives de données de ce type : diglife.coop, schluss, open.coop,…
  • Laura James (doteveryone) a suggéré  cette session afin d’échanger avec les participants sur la faisabilité de créer une ou des coopératives “de masse”, appartenant à leurs membres et gérées par eux. L’objectif serait d’offrir aux gens de meilleurs services que les géants de la technologie et les entreprises de type Silicon Valley. Laura James constate que si le problème avec les géants numériques est leur modèle d’entreprise (capitalisme de surveillance) et le modèle de propriété (extraction de richesse au profit de quelques-uns), la “data coop” doit permettre d’offrir une technologie en laquelle nous pouvons avoir confiance – c’est-à-dire préservant notre vie privée, accessible, fiable, équitable, basée sur les sources ouvertes existantes, avec un meilleur support et une véritable durabilité.
  • Est-ce que le peu de succès de Digital Life Collective est dû à un manque d’intérêt de la part des consommateurs pour les questions liées aux données personnelles ? Ou bien est-ce que les enjeux ne sont pas encore bien compris par les gens ? Les porteurs de coopératives présents à la session échangent sur plusieurs éléments de réponse. D’abord, il n’y a pas une absence d’intérêt pour les questions de privacy mais une perception et un traitement différent selon les personnes (par les « millenials » par exemple). Ensuite, les consommateurs veulent-ils avoir à supporter la responsabilité qui va avec la reprise du contrôle sur leurs données ? Rien n’est moins sûr : comme les services gratuits d’aujourd’hui, cela doit être simple. Mais le contrôle implique nécessairement des responsabilités… Les consommateurs ont aussi besoin de services pratiques. Il faut travailler l’expérience utilisateur. Enfin, il faut une littératie des données pour créer un véritable intérêt et dissiper la peur et les malentendus autour de ce sujet.
  • Comment avoir une véritable gouvernance partagée tout en ayant une organisation suffisamment grande ? A peine 10 personnes sont vraiment actives au sein de Digital Life Collective. Schluss recherche une manière de faire participer davantage les membres. C’est un problème récurrent pour les coopératives, et toute organisation dont la gestion s’appuie sur l’ensemble de ses membres. Toutefois, l’un des participants soulignait que même si seul 1% s’implique dans la prise de décisions, tous reçoivent les bénéfices de la coopérative ! Ca n’est pas la gestion parfaitement partagée et idéale, mais cela fonctionne quand même. Avant de renoncer au modèle participatif, quelques modèles de gouvernance pourraient être expérimentés pour faciliter les prises de décision participatives au sein de la coopérative : les jurys citoyens, sociocracy 3.0 (utilisé par certaines entreprises télécom en Finlande), …
  • Dans les sessions de la thématique “OurData”, nous avons eu le plaisir d’entendre à chaque fois (ou presque) que la propriété appliquée aux données personnelles n’a aucun sens. Bien que ce track, plus qu’aucun autre, soit prédisposé à un tel constat,depuis quelques années, la position de la communauté MyData s’est éclaircie à ce sujet et on voit de moins en moins de personnes prôner ce modèle de propriété et de revente individuelle de ses données..
  • En découle un modèle collectif basé non pas sur des titres de propriété individuels mais sur des droits d’usage. Le RGPD en crée quelques-uns mais d’autres questions restent en suspens, comme le droit à la mémoire collective, notamment pour les catégories les plus défavorisées, ou encore l’équité, qui s’oppose à une régulation par les lois du marché.
  • La plupart des intervenants postulent que c’est l’acteur public qui doit agir : en créant de nouveaux droits associés aux données personnelles, en accompagnant les acteurs privés à fournir des solutions plus éthiques et transparentes, en s’engageant pour une culture et une littératie de la donnée pour tous, en actant juridiquement que les données personnelles sont le résultat d’un processus collectif qui appartient à la société qui l’a co-généré et qu’il ne peut y avoir de propriété associée (en France la CNIL est très claire sur ce dernier point, nous avons besoin d’une voie aussi claire au niveau européen !), en promouvant leur valeur sociale, et non commerciale, et enfin qu’il fasse que le fruit de ce travail doit servir à répondre à des problématiques collectives telles que la santé, l’éducation, la culture, la protection de l’environnement, …
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    "LE CONSTAT : LA GESTION ACTUELLE DES DONNÉES PERSONNELLES S'INTÉRESSE PEU AU COLLECTIF MyData s'intéresse à toutes les dimensions que recouvre le contrôle des données personnelles : si la privacy occupe souvent le devant de la scène, MyData explore également la transparence des organisations et des technologies, l'équité et la dimension collective des données personnelles."
Aurialie Jublin

Pour protéger la vie privée des internautes, la première « coopérative de don... - 0 views

  • MyCO propose d’abord un navigateur sécurisé pour naviguer sur Internet sans laisser de traces. Celui-ci permet de choisir à tout moment entre trois niveaux de protection : « invisible » (aucune trace laissée sur les sites), « protégé » (empêche tout échange de données à l’insu de l’internaute) ou « à risque » (comparable à un navigateur classique). Mais l’ambition de la plateforme est d’aller plus loin en proposant une véritable « boîte à outils digitale ». Partage et édition de documents, de photos, de contacts, de calendriers, cagnottes façon crowdfunding, messagerie instantanée, mais aussi nouvelle adresse email sécurisée (non polluée et gérée en France) comptent parmi les fonctionalités de myCO.
  • L’aspect le plus ambitieux du projet concerne la gestion des données des internautes et c’est la que la forme coopérative entre en jeu. Chaque utilisateur de myCO doit souscrire une part à la coopérative. Celle-ci lui permet de répondre – ou non – à des questions auprès de marques ou d’instituts, de façon anonymisée « Plus un sociétaire est actif, plus il va engranger de myCoins, explique Arnaud Blanchard, CEO . À la fin de chaque mois, il est rétribué en euros selon le chiffre d’affaire engrangé et sa participation. »
  • La coopérative rémunère aussi ses membres sous forme de dividendes. « Il est possible de souscrire jusqu’à 500 parts et d’être rémunéré en fin d’exercice au prorata de ses parts », détaille Arnaud Blanchard. Enfin, cette forme juridique permet aux sociétaires de participer à la gouvernance de la plateforme selon le principe un homme égal une voix – et d’éviter que myCO soit rachetée par un grand groupe.
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  • Environ 250 utilisateurs ont participé à la phase de bêta test. Ils sont aujourd’hui 2 000 sur la plateforme. Le défi sera évidemment de réussir assez d’utilisateurs pour atteindre une masse critique à même de faire poids face à l’omniprésence des géants américains dans le monde du numérique. Avec l’entrée en vigueur de lois comme la RGPD, Arnaud Blanchard est convaincu que les internautes sont prêts à « participer à la construction d’une approche éthique et européenne du web ».
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    "En souscrivant une part à Myco, chaque utilisateur pourra choisir de partager ses données ou non, de façon anonymisée et rémunérée. Les membres de la coopérative auront aussi accès à de nombreuses fonctionnalités comme un navigateur et une adresse mail sécurisée." => rémunéré ? Est-ce vraiment une bonne idée ?
Aurialie Jublin

Dans les quartiers Nord de Marseille, des salariés envisagent de transformer ... - 0 views

  • Dans cette zone où les usines et les commerces ont fermé les uns après les autres, et où la République ne met plus guère les pieds [1], le McDo constitue un petit poumon économique auquel les salariés ont su donner une forte dimension sociale. « J’étais un petit délinquant, et le directeur de l’époque m’a ouvert une porte qui m’a permis d’obtenir un emploi [2]. Je veux que cette porte reste ouverte derrière moi, pour les jeunes qui arrivent », explique Kamel. Combien de jeunes du quartier ont connu leur première expérience professionnelle dans ce restaurant, qui a ouvert ses portes en 1992 ? Combien ont pu suivre une formation après y avoir travaillé, pour devenir plombier, électricien, ambulancier ? Combien, aussi, ont pu aller y bosser en accord avec un juge d’application des peines ? Combien ont pu passer leur permis de conduire après y avoir trouvé un job d’été ? Plusieurs centaines, c’est certain. Plus d’un millier, probablement.
  • Investi au sein de l’association « Syndicat des quartiers populaires de Marseille », Salim Grabsi confirme le rôle crucial que joue ici le McDo : « Il est implanté au cœur de différents quartiers qui ont pour point commun de souffrir d’une déficience des pouvoirs publics. Tous ses salariés sont issus de ces quartiers. Ce sont souvent des gens qui ont été cabossés par la vie. Lorsque des parents, des responsables associatif, ou des structures comme la nôtre repèrent des jeunes en difficulté, qui ont besoin d’une main tendue pour ne pas basculer dans la délinquance, on les oriente vers le McDo. Les directeurs successifs ont toujours joué le jeu, en leur faisant signer des petits contrats ou en les embauchant. Cet établissement est un intégrateur, un véritable amortisseur social. » Une dimension qui n’a pas ravi la direction du groupe McDonald’s France.
  • En début d’année, les salariés apprenaient que le franchisé et le groupe – ils possèdent l’établissement à 50-50 – comptaient revendre leur restaurant à un obscur homme d’affaires, lequel aurait un projet de « fast-food asiatique halal » [3]. « On prend ça comme une insulte, c’est très stigmatisant : on est dans les quartiers Nord, donc on est tous musulmans ?!, interroge Kamel. Nous, on ne veut pas d’un truc communautaire, on veut que tout le monde puisse venir. » Quant au prétendu repreneur, il est totalement inconnu, ne s’est jamais présenté devant les salariés, ne possède à l’heure actuelle aucun restaurant...
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  • « Nous sommes en présence de l’une des plus belles tentatives d’escroquerie qui m’ait été donnée de voir dans toute ma carrière d’avocat », a rétorqué Me Blindauer. Selon l’avocat des salariés, les garanties de préserver tous les emplois durant au moins un an sont vaines, puisque, s’il ouvrait vraiment ses portes, le « fast-food asiatique halal » ne tiendrait de toutes manières pas plus de quelques mois. Pour Me Blindauer, l’objectif pour McDonald’s France est ailleurs : faire disparaître l’un des très rares bastions syndicaux au sein de McDo. Le prétendu repreneur « n’est pas là pour faire prospérer l’entreprise, il est là pour la couler ! », estime l’avocat.
  • Le McDonald’s de Saint-Barth’, en effet, a été façonné au fil des années par ceux qui y travaillent. Il ne correspond donc plus au « modèle social » de l’entreprise. Il s’agit certes, comme dans 84% des cas, d’un restaurant franchisé. Mais le nombre de salariés de cet établissement, 77, y est inhabituellement élevé. « McDonald’s utilise très généralement l’astuce suivante : un restaurant McDo = une société juridiquement distincte de toutes les autres. Et il est très rare qu’un restaurant seul emploie plus de 50 salariés en équivalent temps plein. Ainsi, un franchisé peut être à la tête d’un ensemble de 20 restaurants et employer plus d’un millier de salariés, tout en y appliquant le droit du travail qui prévaut dans les sociétés de moins de 50 salariés », indique le rapport Le Système Mcdo [5].
  • L’établissement de Saint-Barth’ est ainsi l’un des rares qui dispose d’un comité d’entreprise et d’un CHSCT. Autre particularité, les employés sont pour la plupart en poste depuis plus de quinze ans, alors que le taux de remplacement national (ou « turn-over ») au sein de l’entreprise s’élève, selon certaines estimations, à 88 % par an ! Les salariés marseillais faisant valoir leurs droits, ils ont obtenu le 13e mois, la participation aux bénéfices, des primes trimestrielles, la prise en charge de la mutuelle à 95 % par l’entreprise… Dans la galaxie McDonald’s, ce n’est pas banal. Et comme la stratégie du groupe consiste notamment à maintenir au plus bas les frais de personnel, il ne faudrait pas que le cas marseillais fasse tache d’huile.
  • Mais les choses pourraient ne pas se passer comme le prévoit monsieur Bordas : le 7 septembre, le juge des référés a annulé la vente du restaurant. Les salariés veulent désormais récupérer la franchise de l’établissement et créer une société coopérative et participative (Scop), qui leur appartiendrait. Le groupe fait pour l’instant la sourde oreille.
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    "Important pour la vie sociale locale, le restaurant McDonald's de Saint-Barthélémy, dans les quartiers Nord de Marseille, est aussi un bastion syndical, où les conditions d'emploi sont bien meilleures que dans les autres restaurants de l'enseigne. McDonald's France tente cependant de se débarrasser de son établissement, dans des conditions laissant craindre sa fermeture prochaine. C'était sans compter la résistance des 77 salariés, engagés depuis plusieurs mois dans un véritable bras de fer. Ils ont obtenu de la justice l'annulation de la vente, et envisagent de transformer leur McDo en société coopérative ! Un reportage tiré du numéro d'octobre du journal L'âge de faire, partenaire de Basta !."
Aurialie Jublin

Bientôt un Uber ou un Airbnb coopératif et éthique ? - 0 views

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    "Réponses directes à l'uberisation, les plateformes coopératives, propriétés de leurs utilisateurs, respectueuses des travailleurs et des données personnelles, peinent encore à se faire connaître pour rencontrer une large audience. Décryptage d'un modèle qui commence tout juste à émerger."
Aurialie Jublin

SCANI, Internet autrement - 0 views

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    "la Société Coopérative d'Aménagement Numérique Icaunaise (SCANI) est un fournisseur d'accès internet coopératif qui rassemble particuliers, entreprises et collectivités de l'Yonne. Chaque utilisateur est copropriétaire du réseau et peut influer sur l'avenir de son accès à internet."
Aurialie Jublin

Bastien Sibille : une alternative à l'ubérisation des services est possible - 0 views

  • Ici, le statut d’entrepreneur salarié associé (ESA) réunis dans des coopératives d’emploi et d’activité (CAE) est une vraie solution. Mobicoop réfléchit activement au déploiement d’une CAE dédiée aux métiers de la mobilité. Celle-ci permettrait par exemple aux travailleurs des plateformes de mobilité (Uber, Deliveroo etc.) de garder le statut d’indépendant auquel ils sont attachés tout en bénéficiant de mécanismes de protection sociale et de représentation collective.
  • Les collectivités territoriales, en entrant dans leur gouvernance, peuvent les lier durablement aux territoires. Le problème n’est donc pas tant technique ou juridique que celui de la volonté des acteurs politiques et économiques à s’asseoir à une table commune pour construire les mécanismes collaboratifs d’un XXIème siècle... non ubérisé ! 
  • Il faut ensuite que les utilisateurs et les travailleurs des plateformes puissent être associés aux grandes décisions des plateformes auxquelles ils sont liés, de façon à avoir leur mot à dire sur les évolutions de celles-ci, qu’elles soient technique ou économique. Cela peut se faire si la plateforme adopte des statuts coopératifs qui permettent aux utilisateurs et aux travailleurs de devenir membres coopérateurs.
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  • Il faut d’abord introduire une forme de justice économique entre les plateformes et leurs utilisateurs. La richesse créée sur les plateformes est, pour l’essentiel, produite par les utilisateurs finaux : ce sont les chauffeurs, les conducteurs, les livreurs qui rendent le service. Il serait normal que les bénéfices réalisés par les plateformes leurs reviennent au moins en partie. Cela peut se faire en associant systématiquement les utilisateurs au capital (que ce soit des sociétés de capitaux ou des coopératives) des plateformes de façon à se voir distribuer des dividendes quand les plateformes font des bénéfices.
  • Il est également urgent de donner un statut et une protection aux travailleurs des plateformes. La situation des conducteurs d’Uber ou des livreurs de Deliveroo est la parfaite illustration des risques qui pèsent sur les travailleurs de plateformes. Leur relation avec la plateforme est un contrat de droit privé et non un contrat de travail : ils ne sont pas salariés mais prestataires. Dès lors, ils ne bénéficient pas des protections liées au droit du travail ; ils ne bénéficient que de façon très incomplète de la protection sociale ; ils ne bénéficient pas instances de représentation collective.
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    "Bastien Sibille, président de la plateforme de covoiturage Mobicoop, alerte sur l'exploitation des utilisateurs de la plupart des plateformes comme Uber ou Deliveroo, et leur propose un modèle de fonctionnement plus soucieux de la justice, de la démocratie et de la protection des travailleurs. Tribune."
Aurialie Jublin

More U.S. businesses are becoming worker co-ops: Here's why - 0 views

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    "With new tools and political policies now in place to support them, there could be a boom in employee-owned business ahead as baby boomers retire and sell their companies to their workers."
Aurialie Jublin

Pourquoi la technologie n'est pas démocratique et comment elle peut le devenir - 0 views

  • les technologies font rarement l’objet de débats démocratiques, il nous semble même étrange d’accoler les deux termes, comme si ce qui était « technique » sortait par principe de la sphère du débat. Les seuls critères peut-être, qui mériteraient des discussions, seraient les analyses coûts / bénéfices et les risques sanitaires et environnementaux.
  • Comment expliquer ce déficit démocratique ? Sclove le met sur le compte d’un malentendu à propos de la technologie : nous aurions trop tendance à penser chaque objet à travers un usage unique. Un marteau par exemple, sert à planter un clou et ce serait tout. En fait, lorsqu’un homme plante un clou, il développe ses muscles, sue, s’affirme, se souvient des mythes de Vulcain et Thor, du garage de son grand-père, etc. Le marteau lui, a nécessité de couper un arbre, extraire du minerai de fer, c’est un objet plutôt utilisé pour travailler seul (il n’a qu’un manche) qui véhicule donc une certaine forme d’organisation du travail. Comme toutes les technologies, les marteaux sont « polypotents », c’est-à-dire bourrés d’effets secondaires et d’externalités de toutes sortes qui passent bien souvent à la trappe. C’est au regard de ces effets qu’une démocratie devrait pouvoir anticiper, jauger, et décider ou non d’adopter une technologie.
  • La seconde critique affirme que « prévoir » les externalités positives ou négatives d’une technologie est difficile. Sclove l’admet volontiers mais nuance néanmoins : il reste que les citoyens sont les plus à même de savoir si une technologie va changer leur vie, les forcer à travailler ensemble ou isolément, procurer du plaisir ou de l’apathie, accroitre ou non l’autonomie ou la dépendance à une entité centralisée. Qui plus est, la démocratie technique n’agit pas qu’à l’endroit des nouveautés, elle concerne également le régime technologique présent : questionner l’existant est aussi une manière de ne pas le renforcer dans ses défauts.
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  • Mais tout n’est pas si simple et les résistances sont nombreuses. La démocratie technique souffre de deux critiques majeures. La première prétend que les gens simples ne sont « pas capables » de prendre ce genre de décisions, ne font pas le poids face aux avis d’experts, en bref, la parole populaire est envisagée comme un risque à ne pas prendre.
  • En fait, les freins à la démocratie technique sont ceux dont souffre la représentativité citoyenne en général (la démocratie participative, le tirage au sort) : une certaine peur de la parole populaire et une foi aveugle en un régime technocratique qui pourrait s’absoudre de toute position idéologique, quand bien même il est incapable d’observer les siennes. Cela s’explique. Pour Sclove, les citoyens ont davantage d’intérêt au développement de la démocratie que les experts car ils sont plus à même de comprendre comment la technologie va concrètement changer leur vie.
  • Très concrètement, les technologies peuvent être autoritaires (quand par exemple elles perpétuent des hiérarchies illégitimes), individualisées (lorsque les individus peuvent leur attribuer seuls un rôle ou un autre), communautaires ou coopératives (lorsqu’elles perpétuent des hiérarchies légitimes, par exemple une hiérarchie qui amène à plus de démocratie), de masse (ce qui implique une élite détachée du reste) et transcommunautaires (qui facilite les relations entre plusieurs communautés).
  • De cette patiente déconstruction des enjeux démocratiques liés aux différents régimes technologiques, Richard Sclove dégage un certain nombre de critères de nature à faciliter la prise de décision démocratique. Pour commencer, il faudrait veiller à trouver le juste équilibre entre toutes ces formes de technologies (c’est-à-dire le bon rapport de pouvoir). Richard Sclove propose ensuite de « limiter les techniques débilitantes »
  • Parmi les autres « critères de conception démocratiques », Richard Sclove mentionne les technologies permettant une relative autonomie, capables de contenir les externalités environnementales et sociales à l’intérieur du domaine politique local, soutenables écologiquement et flexibles, c’est-à-dire susceptible de recevoir des évolutions facilement.
  • Ces critères peuvent bien sûr soulever un certain nombre de craintes légitimes. Un cadre aussi strict n’est-il pas l’assurance de signer l’arrêt de mort de toute innovation ? Richard Sclove répond par la négative. D’une part, les procédés démocratiques qu’il promeut (inspirés des modèles de conférences de consensus et autres conférences citoyennes) agissent toujours à un niveau relativement local. Si une technologie n’est pas adoptée à un endroit, elle le sera probablement ailleurs, l’objectif étant de favoriser un pluralisme technologique. Si la technologie s’avère être sans risque, alors elle pourra se diffuser.
  • Entrer dans le concret est une autre paire de manche. Pour Sclove, la première étape doit être celle de la prise de conscience. Il faudrait commencer au niveau local, par inventorier les technologies selon les critères déjà expliqués.
  • Il faudrait aussi changer de regard sur la technologie, les discours médiatiques sont bien souvent focalisés sur des « découvertes stupéfiantes » et autres « récits sensationnels ». Il faut une critique sociale de la technologie qui ne soit pas une parole descendante de la part des « experts-qui-éclairent-les-masses. »
  • Concernant le type d’institutions à mettre en place, pas de suspense, il faut tester, échouer, apprendre. De nombreuses approches déjà bien documentées ont fait leurs preuves. Le point sensible reste la bonne représentativité des citoyens. Structurellement, les experts sont surreprésentés car le personnel politique, peu formé et en manque de temps, se repose sur un personnel non-élu qui les sollicite. Ceux-là sont rarement impartiaux, peu à même d’envisager les implications sociales et politiques d’une technologie et participent pourtant à des décisions d’envergure (comme on l’a vu dans le cas des systèmes automatisés pour les aides sociales). I
  • Pour autant, nous ne devrions pas totalement baisser les bras : il reste des tas d’endroits où un contrôle démocratique est possible et même souhaitable : transport et mobilité, urbanisme, automatisation du travail, ces champs sont bien souvent laissés à l’appréciation d’entreprises, de techniciens et d’experts qui peinent à solliciter les citoyens (si tant est qu’ils le veuillent).
  •  
    "L'innovation, loin de n'être qu'une affaire technique, transforme profondément et durablement les sociétés. La plupart des technologies sont pourtant adoptées sans qu'aucun processus démocratique ne soit mis en oeuvre. Le citoyen peut-il avoir son mot à dire, et sous quelle forme ? Cette question essentielle a été posée il y a 15 ans par Richard Sclove, fondateur du Loka Institute. Mais Où Va Le Web, média d'analyse souhaitant « p(a)nser le numérique », s'est plongé dans un essai d'autant plus intéressant qu'il promeut des procédés démocratiques concrets, des conférences de consensus aux « Déclarations d'impact social et politique »"
Aurialie Jublin

Daemo - 0 views

  • A crowdsourcing platform governed by its users: you.
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    "Easier and more equitable crowdsourcing"
Aurialie Jublin

Pas de démocratie sans communs, et pas de communs sans gouvernance démocratique! - 0 views

  • Pour moi les communs, c’est le SEUL moyen pour nous de pouvoir décider, à notre échelle, du système alimentaire et agricole que nous voulons pour notre société.
  • Ce sont des AMAP, groupements d’achats, coopératives qui rassemblent producteurs et mangeurs sur un territoire.Ce sont des supermarchés coopératifs.Ce sont des systèmes de garanties participatifs comme le label Nature & Progrès.Ce sont des connaissances ouvertes et partagées sur les méthodes culturales, la fabrication d’outils.Ce sont des jardins communautaires.
  •  
    "Alors on doit revenir à l'autarcie et réapprendre à tout faire tout seul? Pas l'autarcie, mais l'autonomie. Ça ne veut pas dire qu'on doit tous se remettre à cultiver, bricoler, apprendre les plante médicinales, construire sa maison. L'autonomie peut passer par réapprendre à faire en partie les choses soi-même. Mais surtout, l'autonomie pour moi c'est de retrouver la gouvernance des systèmes que nous utilisons au quotidien, et partageons en commun."
Aurialie Jublin

Can Worker Co-ops Make the Tech Sector More Equitable? | The Nation - 0 views

  • Fed up with this heartless model, some tech activists are developing online workplaces that operate as worker-driven communities. Daemo, a pilot program incubated at Stanford University’s Crowd Research Collective, is one such worker-driven crowd-labor platform. Since 2015, Daemo’s developers have been building on MTurk’s interface with a communications system aimed at allowing for more equitable “matching” between work requesters and digital taskers. As a non-hierarchical, nonprofit framework where workers control the operations, Daemo is designed for fairer working conditions, with a minimum wage of $10 an hour, which is a major improvement on MTurk’s precarious labor-outsourcing system.
  • Some former participants in Daemo’s project recently aired sharp criticism of the platform in response to a largely favorable article in Wired. In a collectively authored article on Medium, they argued that, in their practical experience with the platform, decision-making power rests with a “platform team” of researchers and leading developers. Though Daemo has established a Constitution that theoretically is open to amendments and revision based on workers’ input, critics say the day-to-day management remains tightly controlled by researchers.
  • “Whenever they talk about the decentralization, they talk about technical decentralization, like block-chain or decentralized platforms, but most of the time they overlook the governance level, which is more important,” Hashim says. “So it’s about who takes the positions, it’s about who has the right to access information. If you don’t have a well-informed society, you don’t have democracy.”
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  • Kristy Milland, an activist with the MTurk advocacy network We Are Dynamo, says she’s given up collaborating with Daemo because “There hasn’t been any deep, involved worker input…. It’s built by academics with the bias they bring to such a platform that they expect will provide them with free data to publish down the road. Just like Amazon built MTurk with their needs in mind, even if many of the roadblocks this caused may have been unintentional.”
  • The “platform cooperativism” concept, as articulated by technologist Trebor Scholz and other academics, is that worker control can be integrated by working with the democratic aspects of the online sphere: entrepreneurial horizontalism and a pluralistic culture of innovation. But with online workspaces proliferating at breakneck speed, it’s a race to see whether these more principled worker-led models will ever be able to compete for market share with the app-based workforce of MTurk. Similarly, small-scale cab-service cooperatives are emerging in the United States, but Uber and Lyft’s mega brands are displacing cabbies by the minute.
  • The problem with crowd labor isn’t that it’s big, or complex; it’s that workers can’t control their means of technological production. According to Joshua Danielson of the Bay Area start-up cooperative Loconomics, Daemo’s model “has the potential to provide an alternative to Amazon Turk,” if the platform combines a good product and good jobs for the producers. The key, he says via e-mail, is “creating a cooperative business model that can be self-sufficient and be able to attract clients. The latter is the more challenging one given the deep pockets of the current players. That said, it’s important to remember that workers are the product, not the platform, and they hold an immense amount of power if they can organize.”
  • The digital frontier offers endless room both for exploitation and for social transformation. But if workers can get ahead of corporations in harnessing the potential of open-source technology, they can disrupt the incumbent Silicon Valley oligarchs from below. So far, technology hasn’t emancipated labor nearly as rapidly as it has liberalized markets. Cooperative thinking can make technological power part of the solution, but only if it’s matched with people power.
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    "The crowdwork sector is dominated by low-paid gigs-can communally run companies make these jobs sustainable?"
Aurialie Jublin

Technologie : l'âge sombre | InternetActu.net - 0 views

  • Pire, la technologie s’est fait la complice de tous les défis auxquels nous sommes confrontés : à la fois d’un système économique hors de contrôle qui ne cesse d’élargir les inégalités, la polarisation politique comme le réchauffement climatique. Pour Bridle, la technologie n’est pas la solution à ces défis, elle est devenue le problème. Il nous faut la comprendre plus que jamais, dans sa complexité, ses interconnexions et ses interactions : mais cette compréhension fonctionnelle ne suffit pas, il faut en saisir le contexte, les conséquences, les limites, le langage et le métalangage.
  • Trop souvent, on nous propose de résoudre ce manque de compréhension de la technologie par un peu plus d’éducation ou son corollaire, par la formation d’un peu plus de programmeurs. Mais ces deux solutions se limitent bien souvent en une compréhension procédurale des systèmes. Et cette compréhension procédurale vise surtout à renforcer la « pensée computationnelle », c’est-à-dire la pensée des ingénieurs et des informaticiens qui n’est rien d’autre que le métalangage du solutionnisme technologique 
  • Les systèmes techniques sont devenus de plus en plus complexes. Trop critiques et interconnectés pour être compris, pensés ou conçus. Leur compréhension n’est disponible plus que pour quelques-uns et le problème est que ces quelques-uns sont les mêmes que ceux qui sont au sommet des structures de pouvoir. Pour James Bridle, il y a une relation causale entre la complexité des systèmes, leur opacité, et les violences et inégalités qu’ils propagent.
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  • Le cloud (l’informatique en nuage) n’est plus une métaphore du réseau, c’est l’incarnation de ce système global et surpuissant qu’aucun d’entre nous ne peut désormais attraper. Ce nuage est pourtant une bien mauvaise métaphore. Rien de ce qu’il recèle n’y est sans poids, rien n’y est amorphe ou invisible. Le cloud cache une infrastructure physique complexe faite de lignes téléphoniques, de fibre optique, de satellite, de vastes entrepôts d’ordinateurs, qui consomment d’énormes quantités d’énergie et qui influent sur de multiples juridictions. Le cloud est l’incarnation d’une nouvelle industrie.
  • De la sécurité nationale aux secrets industriels, il y a beaucoup de raisons à obscurcir ce que recouvre ce nuage. Mais ce qui s’en évapore est assurément notre propriété (dans les nuages, tout appartient à d’autres) et notre agentivité, c’est-à-dire notre capacité à faire.
  • Le réseau donne l’impression d’être à la fois l’idéal de progrès le plus abouti et l’idéal de base de notre culture tout en paraissant avoir émergé inconsciemment, poursuivant son but d’interconnexion sans fin pour lui-même et par lui-même… « Nous présumons que l’interconnexion est inhérente et inévitable. Le réseau semble être devenu le résultat du progrès, son accomplissement ultime », à l’image de machines qui accompliraient ainsi leurs propres désirs. Internet semble avoir accompli l’idéal des Lumières, l’idéal du progrès : celui que plus de connaissance et plus d’information conduit toujours à prendre de meilleures décisions.
  • Mais n’est-ce pas plutôt le contraire auquel nous assistons ? « Ce qui était censé éclairer le monde l’a obscurci. L’abondance d’information et la pluralité d’opinion accessible à tous n’ont pas produit un consensus cohérent, mais au contraire a déchiré la réalité en narrations simplistes, en théories fumeuses et en politique d’opinion. Contrairement au Moyen Âge, où l’âge sombre était lié à une perte de connaissance antique, l’âge sombre moderne est lié à une abondance de connaissance dont nous ne savons plus démêler collectivement l’apport. »
  • L’obscurité dont parle Bridle c’est notre incapacité à voir clairement ce qui est devant nous, avec capacité et justice. Pour Bridle pourtant, ce constat ne doit pas être lu comme une condamnation de la technologie. Au contraire. Pour relever l’âge sombre qui s’annonce, il nous faut nous engager plus avant dans la technologie, avec elle, mais avec une compréhension radicalement différente de ce qu’il est possible d’en faire, en retrouver un sens que la seule recherche d’efficacité nous a fait perdre. Tout comme le changement climatique, les effets de la technologie s’étendent sur le globe et affectent tous les aspects de nos vies. Mais comme le changement climatique, ses effets sont potentiellement catastrophiques et résultent de notre incapacité à comprendre les conséquences de nos propres inventions. Nous devons changer de manière de voir et penser le monde, nous invite Bridle, un peu facilement ou naïvement.
  • « En rapprochant la simulation de l’approximation, les grands prêtres de la pensée computationnelle pensent remplacer le monde par des modèles biaisés de lui-même ; et en le faisant, les modeleurs s’assurent du contrôle du monde. » James Bridle s’inscrit dans la continuité des constats de l’historien des sciences David Noble qui, dans Le progrès sans le peuple notamment, soulignait combien la pensée des ingénieurs avait contribué à donner du pouvoir aux puissants plutôt que favoriser l’équité ou la démocratie ; comme dans celle de Richard Sclove du Loka Institute, qui dans Choix technologiques, choix de société, soulignait combien les enjeux démocratiques restaient le parent pauvre de la question technologique.
  • La pensée computationnelle s’infiltre partout : elle devient notre culture. Elle nous conditionne à la fois parce qu’elle nous est illisible et à la fois parce que nous la percevons comme neutre émotionnellement et politiquement. Les réponses automatisées nous semblent plus dignes de confiance que celles qui ne le sont pas. Dans la pensée computationnelle, nous sommes victimes du biais d’automatisation : « nous avons plus confiance dans l’information automatisée que dans notre propre expérience, même si elle est en conflit avec ce qu’on observe ». Les conducteurs de voitures comme les pilotes d’avion ont plus tendance à croire leurs instruments que leur expérience, même si celle-ci n’est pas alignée.
  • Pour Bridle, l’informatique, en ce sens, est un piratage de notre capacité cognitive, de notre capacité attentionnelle, qui renvoie toute responsabilité sur la machine. « À mesure que la vie s’accélère, les machines ne cessent de prendre en main de plus en plus de tâches cognitives, renforçant par là leur autorité – sans regarder les conséquences ». « Nous nous accommodons de mieux en mieux et de plus en plus aux confortables raccourcis cognitifs que nous proposent nos machines. L’informatique remplace la pensée consciente. Nous pensons de plus en plus comme des machines, ou plutôt nous ne pensons plus du tout ! ».
  • « Ce qui est difficile à modéliser, à calculer, à quantifier, ce qui est incertain ou ambigu, est désormais exclu du futur possible. » L’informatique projette un futur qui ressemble au passé (« Les algorithmes ne prédisent pas le futur, ils codifient le passé », disait déjà Cathy O’Neil). La pensée computationnelle est paresseuse. Elle propose finalement des réponses faciles. Elle nous fait croire qu’il y a toujours des réponses.
  • les réseaux souffrent d’une gouvernance fragmentée, sans responsabilités claires, peu cartographiés et sous-financés ; des infrastructures en silos ; des investissements privés comme publics insuffisants et plus encore un manque de compréhension de la complexité de leur fonctionnement… expliquent leur fragilité intrinsèque et la difficulté de leur maintenance. Ajoutez à cela les impacts du changement climatique sur leur maintenance et leur évolution et vous comprendrez que les réseaux ne sont pas dimensionnés pour faire face au futur. Bref, non seulement l’informatique contribue largement au réchauffement climatique, mais elle risque d’en être l’une des principales victimes.
  • Mais les grands volumes de données ne produisent pas de la connaissance automatiquement. Dans la recherche pharmacologique par exemple, les dépenses et investissements n’ont jamais été aussi forts alors que les découvertes, elles, n’ont jamais produit aussi peu de nouveaux traitements. On appelle cela la loi d’Eroom : l’exact inverse de la loi de Moore. Le nombre de résultats de recherche chute et ces résultats sont de moins en moins dignes de confiance. Si les publications scientifiques n’ont jamais été aussi volumineuses (au détriment de leur qualité), les rétractions ont augmenté et le nombre de recherches ayant un impact significatif, elles, ont diminué proportionnellement. La science connaît une crise de réplicabilité majeure.
  • Plusieurs facteurs expliquent ce revirement de la loi du progrès. La première est que les choses les plus évidentes à découvrir ont été exploitées. La régulation est également devenue plus exigeante et la société moins tolérante aux risques. Mais le problème principal relève certainement des méthodes désormais employées. Historiquement, la découverte de médicament était le fait de petites équipes de chercheurs qui se concentrait intensément sur de petits groupes de molécules. Mais depuis 20 ans, ces processus ont été largement automatisés, sous la forme de ce qu’on appelle le HTS (High-throughput screening pour criblage à haut débit) qui consiste en des recherches automatisées de réactions potentielles via de vastes bibliothèques de composants. Le HTS a priorisé le volume sur la profondeur. Ce qui a marché dans d’autres industries a colonisé la recherche pharmaceutique : automatisation, systématisation et mesures… Certains commencent à douter de l’efficacité de ces méthodes et voudraient revenir à l’empirisme humain, au hasard, au bordel, au jeu… À nouveau, « la façon dont nous pensons le monde est façonnée par les outils à notre disposition ». Nos instruments déterminent ce qui peut être fait et donc, ce qui peut être pensé. À mesure que la science est de plus en plus technologisée, tous les domaines de la pensée humaine le sont à leur tour. Les vastes quantités de données ne nous aident qu’à voir les problèmes des vastes quantités de données.
  • Les bourses et places de marchés d’antan ont été remplacées par des entrepôts, des data centers, anonymes, dans des banlieues d’affaires impersonnelles. La dérégulation et la numérisation ont transformé en profondeur les marchés financiers. La vitesse des échanges s’est accélérée avec la technologie. Les transactions à haute fréquence (HFT, High-frequency trading) reposent sur la latence et la visibilité. La latence, c’est-à-dire la rapidité d’échange où des millions peuvent s’échanger en quelques millisecondes et la visibilité (sauf pour les non-initiés), c’est-à-dire le fait que les échanges sont visibles de tous les participants, instantanément. Les échanges reposent sur des algorithmes capables de calculer des variations éclair et de masquer les mouvements de fonds. Les échanges sont plus opaques que jamais : ils s’imposent sur des forums privés, les « dark pools » (en 2015, la SEC, l’organisme américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, estimait que les échanges privés représentaient 1/5e du total des échanges)… Les échanges financiers ont été rendus obscurs et plus inégaux que jamais, rappelle Bridle.
  • Pour Bridle, l’une des clefs qui expliquent que les inégalités se renforcent avec la technologie est intrinsèquement liée à l’opacité des systèmes. Comme les robots des entrepôts d’Amazon et ses employés commandés par des commandes vocales émanant de robots, nous sommes en train d’arranger le monde pour rendre les machines toujours plus efficaces, quitte à ce que le monde devienne incompréhensible et inadapté aux humains. Les travailleurs deviennent le carburant des algorithmes, utiles seulement pour leurs capacités à se déplacer et à suivre des ordres. Pour Bridle, les startups et les Gafam signent le retour des barons voleurs, ces tyrans industriels du XIXe siècle. La technologie est venue couvrir d’un voile d’opacité la prédation : l’avidité s’est habillée de la logique inhumaine des machines. Amazon ou Uber cachent derrière des pixels lumineux un système d’exploitation sans faille
  • Pour la sociologue Deborah Cowen (@debcowen), nous sommes entrés dans la tyrannie de la techne explique-t-elle dans The Deadly Life of Logistics (2014) : l’efficacité est devenu primordiale sur tous les autres objectifs, sur toutes les autres valeurs
  • Autre exemple avec How-Old.net un outil de reconnaissance faciale qui tente de prédire l’âge d’une personne, et qui a été utilisée pour deviner l’âge de migrants arrivants au Royaume-Uni. Microsoft, qui a développé cette application, s’est défendu et a dénoncé cette utilisation… comme les 2 chercheurs chinois. Ceux-ci expliquaient néanmoins dans leur défense que leur système était « sans préjugé » (sic). Comme souvent, on nous explique que la technologie, et plus encore l’apprentissage automatisé, est neutre. Mais « la technologie n’émerge pas de nulle part. Elle est toujours la réification de croyances et de désirs, notamment de ses créateurs. Leurs biais sont encodés dans les machines et les bases de données ou les images que nous prenons du monde. »
  • Pour Bridle, le problème n’est pas tant que les machines puissent réécrire la réalité, mais que la réalité, le passé comme le futur, ne puissent plus être correctement racontés. DeepDream de Google illustre parfaitement cela. L’enjeu n’est pas pour nous de comprendre ce qu’est l’image, mais de nous demander ce que le réseau de neurones veut y voir ?
  • Pour Bridle, nous devrions ajouter une 4e loi aux trois lois de la robotique d’Asimov. Les machines intelligentes devraient être capables de s’expliquer aux humains. Ce devrait être une loi première, car éthique. Mais le fait que ce garde-fou ait déjà été brisé laisse peu d’espoir quant au fait que les autres règles le soient à leur tour. « Nous allons devoir affronter un monde où nous ne comprendrons plus nos propres créations et le résultat d’une telle opacité sera toujours et inévitablement violent ».
  • Pour Bridle, l’alliance entre l’humain et la machine peut encore fonctionner, comme l’a montré Garry Kasparov avec les échecs avancés, consistant à ce qu’une IA et qu’un humain jouent ensemble plutôt qu’ils ne s’affrontent. C’est dans la perspective d’associer les talents des humains et des machines, d’associer leurs différences d’une manière coopérative plutôt que compétitive que nous parviendrons à réduire l’opacité computationnelle. La perspective que l’intelligence des machines nous dépasse dans nombre de disciplines est une perspective destructrice. Nous devons trouver la voie d’une éthique de la coopération avec les machines, plutôt qu’un affrontement.
  • Bridle s’en prend également longuement à la surveillance et notamment à la surveillance d’Etat pour souligner combien elle nous est masquée et continue à l’être, malgré les révélations d’Edward Snowden. Vous pouvez lire n’importe quel e-mail dans le monde d’une personne dont vous avez l’adresse. Vous pouvez regarder le trafic de tout site web. Vous pouvez suivre les mouvements de tout ordinateur portable à travers le monde. Pour Bridle, cela nous a montré qu’il n’y a pas de restriction possible à la capacité de surveillance du réseau. L’échelle et la taille de la surveillance a excédé ce que nous pensions comme étant techniquement possible.
  • En opposition au secret, nous demandons de la transparence, mais elle n’est peut-être pas le bon levier. La NSA et Wikileaks partagent la même vision du monde avec des finalités différentes, rappelle Bridle. Les deux pensent qu’il y a des secrets au coeur du monde qui, s’ils étaient connus, pourraient rendre le monde meilleur. Wikileaks veut la transparence pour tous. La NSA veut la transparence pour elle. Les deux fonctionnent sur une même vision du monde. Wikileaks ne voulait pas devenir le miroir de la NSA, mais voulait briser la machine de surveillance. En 2006, Assange a écrit « Conspiracy as Governance » (.pdf). Pour lui, tout système autoritaire repose sur des conspirations, car leur pouvoir repose sur le secret. Les leaks minent leur pouvoir, pas par ce qui fuite, mais parce que la peur et la paranoïa dégradent la capacité du système autoritaire à conspirer. Mais les fuites de données ne suffisent pas à remettre en cause ou à abattre l’autorité. Les révélations ne font pas bouger l’opinion, sinon, nous aurions réagi bien avant les révélations de Snowden. Tant que les organisations de surveillance ne changent pas de l’intérieur, ceux qui sont en dehors de ces organisations, comme les lanceurs d’alertes, n’ont pas de capacité d’action. Ils attendent que des fonctionnaires ou que la justice confirment ce qu’ils avancent.
  • Mais la lumière du calcul nous dépossède de pouvoir, car elle nous fait crouler sous l’information et nous donne un faux sens de la sécurité. C’est là encore une conséquence de la pensée computationnelle. « Notre vision est devenue universelle, mais notre capacité d’action, elle, s’est réduite plus que jamais. » A l’image du réchauffement climatique, à nouveau, « nous savons de plus en plus de choses sur le monde, mais nous sommes de moins en moins capable d’agir sur lui ». Au final, nous nous sentons plus démunis que jamais. Plutôt que de reconsidérer nos hypothèses, nous nous enfonçons dans la paranoïa et la désintégration sociale.
  • Le monde est devenu trop complexe pour des histoires simples. En fait, « la démultiplication de l’information ne produit pas plus de clarté, mais plus de confusion ». L’un des symptômes de la paranoïa consiste à croire que quelqu’un vous surveille. Mais cette croyance est désormais devenue raisonnable, s’amuse Bridle en évoquant la surveillance d’Etat comme la surveillance des services numériques. Nous sommes entièrement sous contrôle, tant et si bien qu’on peut se demander qui est paranoïaque désormais ?
  • « Les théories conspirationnistes sont le dernier ressort des sans pouvoirs, imaginant ce que serait que d’être puissant », avance Bridle. Pour le spécialiste de la postmodernité, Frederic Jameson, les théories conspirationnistes sont « la cartographie cognitive des plus démunis dans un âge postmoderne ». C’est la figure dégradée de la logique par ceux qui ont le moins de capital culturel, une tentative désespérée de se représenter un système qu’ils ne comprennent pas. Encerclé par l’évidence de la complexité, l’individu a recours à un récit simpliste pour tenter de regagner un peu de contrôle sur la situation. À mesure que la technologie augmente et accélère le monde, celui-ci devient plus complexe. Les théories conspirationnistes deviennent alors des réponses, étranges, intriquées et violentes, pour s’en accommoder.
  • Ainsi, si vous cherchez de l’information sur les vaccins, vous tomberez invariablement sur de l’information contre les vaccins. Si vous cherchez de l’information sur la rotondité de la terre, vous tomberez inexorablement sur ceux qui pensent qu’elle est plate. Ces opinions divergentes semblent devenir la majorité tant elles sont exprimées et répétées avec force. « Ce qui se passe quand vous désirez en savoir de plus en plus sur le monde entre en collision avec un système qui va continuer à assortir ses réponses à n’importe quelle question, sans résolution ». Vous trouverez toujours quelqu’un pour rejoindre vos points de vue. Et toujours un flux pour les valider. Voici l’âge de la radicalisation algorithmique (à l’image de ce que disait Zeynep Tufekci de YouTube). Les théories conspirationnistes sont devenues la narration dominante. Elles expliquent tout. Dans la zone grise des connaissances, tout prend un sens.
  • Les failles des algorithmes sont les dernières failles du capitalisme où certains s’infiltrent non pas pour le renverser, mais pour tenter de gratter un peu d’argent que les plus gros systèmes s’accaparent. Au final, des vidéos automatisées finissent par être vues par des enfants. Leurs personnages préférés y font n’importe quoi, parfois suggèrent des scènes de meurtre ou de viols. Ces effets de réseaux causent des problèmes réels. Les algorithmes de YouTube ont besoin d’exploitation pour produire leurs revenus. Derrière leurs aspects séduisants, ils encodent les pires aspects du marché, notamment l’avidité. « La capacité à exploiter l’autre est encodée dans les systèmes que nous construisons », pointe très justement James Bridle, puisque leur efficacité repose sur leur capacité à extraire de l’argent de nos comportements.
  • À défaut d’une solution, Google annonçait en avril que l’application YouTube Kids allait devenir « non-algorithmique »… À croire, comme le pointait très justement le chercheur Olivier Ertzscheid, que l’algorithimsation n’est pas une solution sans limites.
  • Pour Bridle, les humains sont dégradés des deux côtés de l’équation : à la fois dans l’exploitation qui est faite de leur attention et à la fois dans l’exploitation de leur travail. Ces nouvelles formes de violence sont inhérentes aux systèmes numériques et à leur motivation capitaliste. Le système favorise l’abus et ceux qui le produisent sont complices, accuse-t-il. L’architecture qu’ils ont construite pour extraire le maximum de revenus des vidéos en ligne a été hackée par d’autres systèmes pour abuser d’enfants à une échelle massive. Les propriétaires de ces plateformes ont une responsabilité forte dans l’exploitation qu’ils ont mise en place. « C’est profondément un âge sombre quand les structures qu’on a construites pour étendre la sphère de communications sont utilisées contre nous d’une manière systématique et automatique. »
  • Pour Bridle, les fausses nouvelles ne sont pas le produit de l’internet. Elles sont le produit de la cupidité et de la démocratisation de la propagande où tout a chacun peut devenir un propagandiste. Elles sont un amplificateur de la division qui existe déjà dans la société, comme les sites conspirationnistes amplifient la schizophrénie.
  • Mais ce qu’il y a de commun avec le Brexit, les élections américaines ou les profondeurs de YouTube, c’est que malgré tous les soupçons, il reste impossible de savoir qui fait ça, qu’elles sont leurs motivations, leurs intentions. On peut regarder sans fin ces flux vidéos, on peut parcourir sans fin les murs de mises à jour de statuts ou de tweets… cela ne permet pas de discerner clairement ce qui est généré algorithmiquement ou ce qui est construit délibérément et soigneusement pour générer des revenus publicitaires. On ne peut pas discerner clairement la fiction paranoïaque, l’action d’États, la propagande du spam… Ces confusions servent les manipulateurs quels qu’ils soient bien sûr, mais cela les dépasse aussi. C’est la manière dont le monde est. Personne ne semble réellement décider de son évolution… « Personne ne veut d’un âge sombre, mais nous le construisons quand même et nous allons devoir y vivre. »
  • Exploiter plus de données pour construire de meilleurs systèmes est une erreur. Cette méthode ne parviendra pas à prendre en compte la complexité humaine ni à la résoudre. Le développement de l’information n’a pas conduit à une meilleure compréhension du monde, mais au développement de points de vue alternatifs et concurrents. Nous devons changer nos façons de penser comme nous y invitait Lovecraft. Nous ne survivrons pas plus à l’information brute qu’à la bombe atomique. Le nouvel âge sombre est un lieu où le futur devient radicalement incertain et où le passé devient irrévocablement contesté. Mais c’est le présent dans lequel nous devons vivre et penser. Nous ne sommes pas sans pouvoir ni capacités. Mais pour cela nous devons nous défaire des promesses illusoires de la pensée computationnelle. Penser le monde autre, c’est ce à quoi nous invite James Bridle dans le nouvel âge sombre.
  • Reste à savoir si cet âge sombre des technologies est vraiment notre avenir. L’âge sombre du Moyen Âge n’a jamais vraiment existé ailleurs que dans les lacunes des historiens. On peut douter également de cette nouvelle obscurité ou regretter le titre faussement prophétique. Reste que la complexité et l’intrication du monde que décrit James Bridle, montrent combien il nous faut, plus que jamais, nous défaire justement d’une vision simple et manichéenne de la technologie.
  •  
    "Ce New Dark Age porte un titre prophétique et apocalyptique. Un peu trop peut-être. C'est effectivement un livre très critique sur notre rapport à la technologie, très éloigné du rapport souvent curieux et amusé que Bridle portait aux technologies avec la nouvelle esthétique. En une dizaine de chapitres, Bridle explore les glitchs qui sont désormais devenus des schismes, des scissions, des ruptures… comme s'ils n'étaient plus aussi distrayants. Dans son livre, il montre combien les bugs se cristallisent en caractéristiques. Combien la complexité technique que nous avons construite s'entremêle pour produire des effets en réseau, complexes, profonds, intriqués que nous ne parvenons plus vraiment à démêler. Son constat principal consiste à dire que ces dysfonctionnements ne sont pas amenés à être corrigés. Ils sont au contraire intrinsèques à la nature même des technologies qui se déploient aujourd'hui. Contrairement à ce que nous annonçaient les pionniers et les prophètes des technologies, pour Bridle, la technologie n'annonce pas de nouvelles Lumières ou une Renaissance, mais, comme Jules Michelet parlait du Moyen Âge, un âge sombre, une ère d'obscurité pour ne pas dire d'obscurantisme. Ni les réseaux sociaux, ni l'intelligence artificielle, ni les systèmes techniques ne vont nous aider à faire monde commun. Au contraire."
Aurialie Jublin

[Logiciel libre] Et si le monde numérique devenait vraiment « libre » ? - 0 views

  • « Je ne vois pas ce qui peut exister et qui ne soit pas remplaçable par une solution open source, en particulier dans les innovations sociales et tous les projets d’intérêt général, dit-elle. Hier, je suis tombée sur un logiciel qui gère la projection dans les cinémas... Le libre permet aussi de répondre à des besoins publics, à l’image d’OpenCimetière qui a été produit pour une commune et qui sert à présent à d’autres mairies.
  • Cet élan d’ouverture s’est décliné dans la production de marchandises avec l’open hardware, dans les données avec l’open data (mise à disposition de données publiques) ou encore dans le partage des connaissances avec l’open innovation, l’open science, etc. Ce mouvement général repose sur la libre circulation des savoirs, l’accessibilité au « faire » et la coopération entre pairs.
  • « Quand des salariés transforment leur entreprise en coopérative, cela ne les empêche pas de recruter un directeur, mais la direction est une compétence de coordination et non un organe de pouvoir. C’est la même chose dans le pair-à-pair », précise-t-elle.
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  • Mais, si l’open source a permis au libre de gagner en efficacité, sa focalisation sur la technique l’a sans doute éloigné de ceux à qui il s’adressait en premier lieu : tous les autres, qui ne développent pas. Le libre reste, en effet, très circonscrit au monde de l’informatique et se compose majoritairement d’hommes, même si d’une multitude de nationalités.
  • Les logiciels libres ne permettent pas forcément de protéger les données, mais on est sûr que l’exploitation des données ne constitue pas le modèle économique du service. Quand on entre dans l’état d ’esprit du logiciel libre, on prend conscience de l’impact de l’informatique dans sa propre vie, on est plus vigilant et on est assuré que quelqu’un quelque part vérifiera s’il y a des mouchards dans le code et alertera les autres. La faiblesse du libre, c’est que si j’envoie un mail à un ami qui est sur Gmail, malgré tous mes efforts, Google aura mes données. Le libre te pousse à considérer l’interconnexion aux autres et le risque qu’on fait prendre aux autres en laissant ses données sur internet sans s’assurer de ce qu’elles deviennent », explique Catherine Guillard.
  • L’une des clés serait sans doute de rendre l’engagement dans le libre aussi mobilisateur pour d’autres métiers que ceux du développement... Par exemple les graphistes, les juristes ou pourquoi pas le monde médical, qui tous doivent composer avec le numérique et les dérives de certains de ses acteurs. Enfin, il faudrait peut-être revenir aux origines sociales et politiques du libre.
  • En effet, à l’image du bio qui n’est pas qu’une méthode de culture, le libre n’est pas qu’une méthode de développement, mais propose un modèle de société plus respectueux des autres, plus solidaire, plus attentif aux impacts sociaux et environnementaux. Faire un pas vers le libre, c’est, au fond, soutenir le « faire ensemble ».
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    "Les logiciels libres et le mouvement open source luttent contre les boîtes noires, prônant le partage des savoirs et le « faire ensemble ». Mais l'ouverture des codes est-elle vraiment un gage d'ouverture aux autres ? Le monde du « libre » ne devrait-il pas engager une mutation pour rendre plus tangible sa dimension solidaire et toucher un public plus large ? Ce sont les questions que pose cet article de Solidarum, issu du numéro 3 de la revue Visions solidaires pour demain, en librairie depuis la mi-janvier."
Aurialie Jublin

Worker-owned co-ops are coming for the digital gig economy - 0 views

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    As companies like Uber and Handy flail, they've cleared a path for worker-owned digital platforms to replace them-and now, there's a new toolkit to help them get started.
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