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Aurialie Jublin

Le capitalisme cognitif (recension) - 0 views

  • nous discuterons cependant les deux thèses qui justifient son titre, d’abord le fait que l’économie "cognitive" plus que l’économie de l’information caractériserait notre époque, mais surtout le fait que le capitalisme soit vraiment compatible avec cette nouvelle économie de l’immatériel, alors que tout montre au contraire son inadaptation, aussi bien sur les droits de propriété que sur le salariat : c’est véritablement un nouveau système de production
  • Commençons par le moins important, sans doute, par ce que l’expression de capitalisme "cognitif" peut avoir d’un peu trop optimiste. Il l’oppose, avec quelques raisons, aussi bien à la "société de l’information" (ou de la communication) qu’au "capitalisme technologique" ou même à une simple "économie reposant sur la connaissance"
  • Il conquiert ses titres de noblesse et son rang dans la prospection, dans la valorisation et dans l’exploitation des éléments des connaissances qui résistent à la codification numérique et qui incorporent le maximum d’externalités positives. Nous avons nommé cette particularité l’exploitation de la force inventive du travail vivant ou l’exploitation de degré deux.
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  • Le capitalisme cognitif s’intéresse à la valorisation de l’intelligence et de l’innovation, pas à celle de l’information (...) Pour être productif, il est condamné à vivre avec des degrés nouveaux et inouïs de liberté.
  • Le mode de production du capitalisme cognitif (...) repose sur le travail de coopération des cerveaux réunis en réseau au moyen d’ordinateurs
  • A mesure que l’automatisation se généralise, ce n’est plus notre "force" de travail qui est valorisée mais bien notre intelligence, nos relations, nos émotions, notre créativité. Est-ce que tout cela peut être englobé sous le terme de capacité cognitive ? Ce n’est pas sûr, de même qu’insister sur le "travail vivant" reste trop général et un peu trop optimiste en escamotant l’infrastructure informatique omniprésente et la domination de la technique qui pénètre tous les interstices de la vie
  • L’information, bien sûr, ne vaut rien en elle-même, sans le récepteur pour lequel elle fait sens, mais qui n’est pas forcément un organisme vivant. Il n’y a pas d’information circulante sans information structurante (organisation apprenante). J’avais essayé de montrer, notamment dans L’Ere de l’information cosignée par Jacques Robin, toute la complexité de l’information et ce qui l’opposait à l’énergie (entre autres son improbabilité, sa discontinuité, sa non-linéarité, son imperfection, sa reproductibilité, son caractère de signe, sa fonction anti-entropique, etc.).
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    Critique de l'essai Le Capitalisme cognitif, la nouvelle grande transformation de Yann Moulier-Boutang
abrugiere

Du salarié sédentaire et soumis à un individu libre et nomade | Atlantico - 2 views

  • Les aspirations à l’autonomie de l’individu, qui jouent un rôle moteur dans la fin de la société salariale sont, d’une certaine manière, la résurgence de cette contestation du contrôle total qu’a imposé le modèle industriel et qu’il ne peut plus justifier à partir du moment où sa contrepartie, assurer une sécurité de l’emploi, n’existe plus.
  • Le chômage de masse apparaît à partir du premier choc pétrolier de 1973, qui n’est que le premier acte de la fin du monopole industriel des États-Unis et de l’Europe
  • Le changement social que constitue le retour de l’autonomie de l’individu dans les processus de production est tout aussi révolutionnaire. Le mode de management et de régulation des rapports sociaux dans l’entreprise va tenter de s’adapter à cette nouvelle donne. On a commencé doucement avec les horaires flexibles, pour, par touches successives, revenir à une individualisation des salaires, de la gestion des compétences, de la formation, à la fixation d’objectifs personnalisés, aux entretiens annuels, à la notation des performances. Le salarié s’est "réindividualisé", mais au prix du stress de l’adaptation permanente que nécessitent l’enrichissement des tâches et les changements d’organisation, de la comparaison avec les autres, avec les cercles de qualité, les tableaux de bord, et même parfois les tableaux d’honneur affichés dans les locaux, le contrôle des pairs impliqué par le travail en équipe.
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    Les aspirations à l'autonomie de l'individu, qui jouent un rôle moteur dans la fin de la société salariale sont, d'une certaine manière, la résurgence de cette contestation du contrôle total qu'a imposé le modèle industriel et qu'il ne peut plus justifier à partir du moment où sa contrepartie, assurer une sécurité de l'emploi, n'existe plus Le chômage de masse apparaît à partir du premier choc pétrolier de 1973, qui n'est que le premier acte de la fin du monopole industriel des États-Unis et de l'Europe. C'est la montée en puissance, non perçue à l'époque, des pays émergents, la limite de la production de masse standardisée et indifférenciée, l'irruption des technologies de traitement de l'information. Read more at http://www.atlantico.fr/decryptage/comment-on-est-passe-salarie-sedentaire-et-soumis-individu-libre-et-nomade-jean-pierre-gaudard-638206.html#ooaLi0Mpm7wVtgCQ.99
abrugiere

Livres : quand le patronat parle du travail - France Conditions de travail, a... - 1 views

  • En premier lieu, ils accordent tous une place prééminente aux technologies de l'information et à l'internet dans le façonnage du futur monde du travail : « ...le travail " réagit " au choc d'internet -comme l'on parlerait d'une réaction chimique » constatent Enlart et Charbonnier (A quoi ressemblera le travail demain ? p.35). Ce point est connu et amplement commenté, nous ne nous y attarderons pas. En revanche, la prise à bras le corps par tous ces auteurs des effets du processus d'individualisation sur les relations de travail nous paraît plus féconde pour la réflexion. C'est notre deuxième point.
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    Retour sur 8 livres qui ont parlé du travail en 2013 "Une impression frappe d'emblée le lecteur habitué aux publications des années précédentes : l'inversion de la tonalité. Si les années 2009-2012 avaient été riches d'ouvrages cherchant à donner du sens à l'irruption des risques psychosociaux et à la souffrance au travail**, la production 2013 en revient à de meilleurs sentiments. Le travail a fait son retour comme objet de réflexion mais il est acquis que celui-ci a largement muté. Il ne s'agit donc plus de s'étonner ou de déplorer. La tâche est plutôt de comprendre en quoi le salariat est encore une forme adaptée au travail d'aujourd'hui et si ce dernier garde toute sa place dans le projet d'émancipation des individus tel que nous l'évoquions plus haut. La tonalité est donc celle d'une projection dans l'avenir autant que d'une introspection sur le sens même du travail."
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    la différence qu'il existe entre l'individualisme, qui serait une posture psychologique permanente relativement banale, et l'individualisation. Celle-ci relève plus d'un choix et, partant, d'une tendance « au sein de laquelle chaque individu souhaite affirmer son autonomie, sa capacité d'orienter son action sans être contraint et contrôlé » sauvegarder la possibilité de construire encore des collectifs de travail. S'il s'agit bien de « travailler pour soi » -que l'on peut entendre aussi « travailler sur soi » ou « travailler à l'épanouissement de soi »- à aucun moment, en revanche, ces auteurs n'imaginent que l'on puissent travailler seuls. Ces collectifs sont toutefois d'un genre nouveau : épanouissants certes mais transitoires, mouvants, sans cesse recomposés et surtout limités dans le temps. Evidemment, cela heurte notre contrat de travail à durée indéterminée : « Et si la généralisation du CDI n'était qu'une exception, voire une anomalie de l'histoire économique et sociale ? L'apanage d'une société industrielle (...) dans un monde peu concurrentiel ? » interroge Denis Pennel
Aurialie Jublin

La mondialisation en France: qui est in, qui est out? | Slate - 1 views

  • «Ce n’est donc plus la division du travail qui est essentielle, mais son envers tellement oublié, la coopération. Ce qui fait la performance, dans tous les domaines, c’est la qualité de la relation entre les parties prenantes: concepteurs, exploitants, vendeurs, sous-traitants et bien sûr usagers, dont le retour d’expérience est crucial.»
  • On est donc passé d’un monde professionnel répétitif et routinier, mais prévisible, comme celui décrit par Orwell, à cette fluidité un peu désarmante où tout change tout le temps et où il faut faire preuve d’initiative. La fin d’un salariat «pépère»? En tout cas, une nouvelle attitude est attendue des travailleurs, qui ne sont plus seulement des bras et des cerveaux mais, dans un nombre croissant de métiers, des individus jugés sur leur comportement…
  • Ainsi, le travailleur se met désormais en jeu «en tant que personne» dans son travail: «Y compris pour des tâches banales, dès lors qu’elles sont mal cadrées, on n’entend plus: “Tel travail est bien ou mal fait” mais: “Untel est bon, mauvais ou nul”.»
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  • A mesure que la coopération a pris de l’importance et que les compétences «relationnelles» sont devenues cruciales, l’apport de chaque employé est devenu plus difficile à évaluer individuellement, à quantifier. Un certain flou artistique dans les organisations, aggravé par le «zapping permanent des dernières modes de management qui font vivre l’industrie du consulting», déstabilise les collectifs de travail. Le syndrôme du bullshit job n’est pas loin... L’idée de faire de sa compétence, et même de sa personne, une marque sur un marché concurrentiel, avec ses atouts distinctifs, a pu éclore dans un tel contexte. Dans la postface du Nouveau monde industriel, Pierre Veltz écrivait: «Le besoin d’attirer le regard sur sa propre performance privilégie exagérément les qualités de séduction. Il alimente les guerres sourdes du ressentiment entre ceux qui pensent maîtriser mieux le savoir-faire que le faire-savoir et ceux qui, à l’inverse, savent mieux “se vendre”.»
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    "Comment la mondialisation a-t-elle changé la vie au travail? Internet détruit-il les emplois des classes moyennes? Mon coiffeur doit-il ouvrir un compte LinkedIn? Réponses du sociologue et économiste Pierre Veltz sur les grands bouleversements du travail."
Aurialie Jublin

Tous co-workers ! - MetisEurope.eu - 1 views

  • Que leur situation soit voulue ou subie, ils se tiennent en marge des organisations et des cadres collectifs d'action conçus en priorité pour les salariés. Héritiers des paysans, des artisans et des professions libérales, ils cultivent un état d'esprit fait d'indépendance et de l'assurance que procure la maîtrise de savoir-faire spécifiques et recherchés. Travailleurs individuels passés par la case « chômage » et qui ont créé leur propre emploi en vendant des prestations qu'ils exécutent eux-mêmes, ils sont plus proches des journaliers, tâcherons et nourrices des siècles précédents et comme eux obnubilés par la peur du lendemain.
  • Les Fermes de Figeac, « coopérative agricole et de territoire » réunit des activités agricoles, de transformation, de commerce et de production d'électricité grâce à l'exploitation collective de panneaux photovoltaïques, et bientôt d'éoliennes, en considérant le territoire comme un « vecteur de développement » et en misant sur les circuits courts, les labels de qualité, les énergies renouvelables et la coopération, y compris pour collecter et investir l'épargne locale.
  • Chacun à sa manière illustre parfaitement la définition très éclairante de l'autonomie d'Alain Ehrenberg: « L'autonomie, telle qu'elle se donne à voir dans la vie d'aujourd'hui n'est pas seulement la capacité kantienne à se donner des lois. Elle est un système qui se décompose en valeurs et en normes de choix -fondées sur la propriété de soi- se référant à la nécessité d'être pro-actif dans l'action, et pas seulement réactif- qui se manifestent à travers les trois aspects de l'indépendance, de la compétition et de la coopération. L'autonomie aujourd'hui est le système de relations englobant toutes ces notions qui peuvent être complémentaires ou contradictoires selon les contextes ».
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  • Comme nous tous, ils cherchent à concilier un besoin de sécurité et une part d'utopies personnelles, sociales ou politiques. Mais différemment de beaucoup d'entre nous - et sans vouloir nous imposer leur choix - ils n'en croient plus le salariat capable. Le lien de subordination qui lui est inhérent le disqualifie à leurs yeux. Ils cherchent avec optimisme et enthousiasme de nouvelles formes de travail mêlant technologies et convivialité, business plan et militantisme, indépendance et coopération. Le collectif y est synonyme d'échanges « entre pairs », d'enrichissement, d'entraide et in fine de sécurité, mais les organisations syndicales sont absentes de leur univers.
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    "Qu'y a-t-il de commun entre un web designer, un photographe, un apiculteur, un couvreur-zingueur, un avocat, un coiffeur itinérant, un assistant maternel ? Ils peuvent tous être homme ou femme, bien sûr, mais beaucoup d'entre eux exercent (légalement) leur activité sans être salariés. En France, en 2012, un peu plus de 11% des actifs occupés, tous secteurs confondus, sont qualifiés de « non salariés »."
Aurialie Jublin

affordance.info: Même pas peur : le salaire de l'Uber. - 0 views

  • Au-delà des avancées technologiques qui permettront l'automatisation d'un certain nombre de tâches, d'emplois ou de métiers, les critères d'une "uberisation" sont clairement posés dans cette interview d'Olivier Ezratty. En 1ère ligne des "uberisables" on trouve : "ceux qui génèrent de l'insatisfaction client" (des médecins aux plombiers pour - par exemple - raccourcir les délais d'attente et favoriser la mise en contact directe) "ceux susceptibles d'être désintermédiés par des plateformes d'évaluation", c'est à dire ceux qui nécessitent une forte évaluation client distribuée en pair à pair (ici les plateformes sont déjà en place pour l'hôtellerie et la restauration par exemple, mais pourraient s'étendre à d'autres "métiers) "ceux qui sont dans une situation de quasi-monopole" (les taxis donc, mais aussi, dans un tout autre registre ... l'éducation) "les métiers de service dans l'aide à la personne" (de la livraison à domicile en passant par la recherche de nounous ou de cours particuliers)
  • A l'aube du 21ème siècle, c'est la même question qu'il faut poser une fois acté le remplacement d'un certain nombre de tâches et de fonctions par des automates / algorithmes / robots, etc. Ces nouvelles formes de "travail journalier à la tâche", ce "salariat algorithmique" sera-t-il un privilège ou un droit ?  S'il doit devenir un privilège (c'est pour l'instant ce vers quoi nous nous dirigeons), alors il ne permettra qu'à quelques-uns d'accentuer leurs rentes en déployant une idéologie libérale devant laquelle notre actuel capitalisme dérégulé fera office de gentillet kolkhoze ; le modèle du Mechanical Turk d'Amazon deviendra la norme, on cotisera tous à la sécurité sociale de Google, nos points retraites seront chez Amazon, notre banque s'appellera Apple et Facebook fera office de mairie et d'état-civil. Fucking Brave New World. Pour qu'il puisse exister comme un droit, alors, plutôt que de lâcher 200 képis à la poursuite de pauvres auto-entrepreneurs ou d'interdire une application, c'est aujourd'hui que notre classe politique doit lire du Michel Bauwens (cf supra), c'est son rôle de faire en sorte que LE Droit puise offrir à chaque citoyen la possibilité de réinstaller au coeur d'un système outrancièrement individualiste l'horizon d'une représentation et d'une négociation collective possible. C'est aujourd'hui également que la question de savoir ce qui relève du bien commun inaliénable, dans nos usages sociaux comme dans nos ressources naturelles, doit être posée.  Bref, Candide avait raison : il nous faut cultiver notre jardin. Mais le cultiver en commun. Le cultiver comme un bien commun. Sinon on va tous se faire uberiser. A sec.
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    "Du côté de l'uberisation du monde et de nos amis les taxis, les derniers jours ont été riches d'enseignements et ont accessoirement permis à ma navritude (c'est un peu comme la bravitude) d'atteindre des niveaux jusqu'ici inégalés devant tant d'incurie politique."
Aurialie Jublin

(PDF) Jugement contre Uber "Les chauffeurs sont des employés" - 0 views

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    Selon un tribunal de Californie : Uber doit rembourser les frais de déplacement
Aurialie Jublin

Bernard Stiegler : « Les gens qui perdent le sentiment d'exister votent Front... - 3 views

  • Le coût de l’automatisation va diminuer, et les PME françaises vont de plus en plus pouvoir s’y engager – même si elle ne le veulent pas, en raison de la concurrence, et le chômage va monter en flêche. Il n’y a qu’une solution pour contrer la montée proportionnelle du FN, c’est de créer une alternative au modèle keynésien : un modèle contributif.
  • Dans l’économie contributive, il n’y a plus de salariat ni de propriété industrielle au sens classique. Pour vous donner un exemple, j’ai travaillé il y a quelques années avec des étudiants stylistes sur un modèle d’entreprise de mode contributive. L’entreprise devenait un club d’amateurs de mode, dont certains contribuaientt par des idées, d’autres par des achats, d’autres par un travail de confection, d’autres par tout cela à la fois ou alternativement.
  • Et comment seraient-ils rémunérés ? Ce n’est pas à l’échelle micro-économique de la firme qu’il faut poser et résoudre ce problème : c’est une question de macro-économie qui doit dépasser le couple valeur d’usage/valeur d’échange, et promouvoir ce que nous appelons valeur pratique (c’est-à-dire savoirs) et valeur sociétale (c’est-à-dire qui renforce fonctionnellement la solidarité). C’est la valorisation mutuelle et par une puissance publique réinventée de ce qu’Amartya Sen appelle les « capabilités » – c’est-à-dire les savoir-faire, les savoir-vivre et les savoirs formels – qui constitue la base d’une économie contributive. C’est en fait la généralisation du modèle des intermittents du spectacle, qui cultivent leurs savoirs avec l’aide de leur revenu intermittent et qui les valorisent lorsqu’ils entrent en production, et que l’on voudrait détruire au moment même où il faudrait en généraliser l’état d’esprit si intelligent.
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  • Ensuite, il faut que la presse parle de l’automatisation et plus généralement du numérique en un sens approfondi et non « tendance » ou dans la rubrique « geek », et qu’elle ne soit pas dans le déni. L’automatisation vient, il faut l’assumer, et arrêter de dire qu’on va inverser la courbe du chômage. Celui-ci va considérablement augmenter.
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    "Oui, on n'a plus besoin de caissière, et on n'aura bientôt plus besoin de chauffeurs de camion - ni de nombreux techniciens, ingénieurs, etc. Ce qui est en train d'advenir, c'est la disparition de l'emploi. Pas un mot de cette question dans le tout récent rapport Pisani-Ferry si j'en crois la presse - pas plus que dans le rapport Gallois d'il y a presque deux ans déjà... Que de temps perdu ! Et que de fureur accumulée ! L'automatisation va se développer désormais massivement, notamment parce que le numérique permet d'intégrer toutes sortes d'automatismes jusqu'alors isolés, et qu'il en résulte une baisse rapide du coût des robots."
Aurialie Jublin

Economie du partage : les limites d'une utopie // Les Echos - 5 views

  • Le discours promettant de se libérer de l'engagement lié au salariat en travaillant comme cuisinier pendant deux ou trois heures, puis comme chauffeur, apparaît comme une utopie. » Au départ mis en avant comme le moyen d'obtenir un revenu de complément utile en temps de crise, l'échange (rémunéré) de services entre particuliers pose particulièrement problème quand il devient le seul moyen de subsistance. « Dès qu'un individu cherche à en faire son activité principale, il risque de tomber dans la précarité »
  • Au lieu d'un monde où chacun se retrouve sur un pied d'égalité, à la fois producteur et consommateur, la montée en puissance des plates-formes peut aboutir au résultat inverse. S'ils ne sont certes plus sous les ordres d'un employeur, comme dans le modèle classique, les travailleurs risquent de se retrouver dépendants des plates-formes, de leurs règles et de leurs systèmes de notation - la notation par les clients et le référencement venant remplacer la hiérarchie. Dans ce scénario, les travailleurs risquent de devenir paradoxalement plus isolés : « Enlever les intermédiaires, c'est aussi enlever des institutions collectives », estime Damien Demailly, pour qui « le discours qui se construit autour de l'économie du partage peut être aussi bien libertaire qu'ultralibéral ».
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    "Précarisation du travail Les premières attaques sont venues d'acteurs directement menacés : chauffeurs de taxi contre UberPop à Paris ou Bruxelles, ou hôteliers contre Airbnb à New York. Au-delà de ces conflits très médiatisés, des questions commencent à émerger sur la condition des travailleurs du partage. Le lancement début avril à New York d'UberRush, un service de coursiers à pied ou à vélo, a été vu par l'influente revue américaine « The Atlantic » comme « le triomphe de l'économie de la récession »  : un monde où le partage vient toucher même des activités jugées précaires et mal payées. Dans le dernier numéro du mensuel « Fast Company », la journaliste Sarah Kessler raconte un mois passé à tenter de survivre uniquement avec des petits boulots trouvés sur TaskRabbit, une plate-forme d'enchères présentée comme l'« eBay du travail » : « Au lieu de la révolution du travail promise, je n'ai trouvé que des tâches pénibles, un faible salaire et un système défavorable pour les salariés. »"
Aurialie Jublin

Comment protéger les travailleurs d'une vie professionnelle en miettes ? | L'... - 0 views

  • ce qui est en jeu, c’est le processus d’émancipation du salariat : émancipation du lien de subordination qui lie le salarié à l’employeur, mais aussi émancipation par et dans le travail, en reconnaissant à chaque travailleur et travailleuse, individuellement et collectivement, le droit de s’exprimer sur la finalité de son travail, de revendiquer le travail « bien fait » et socialement utile, de s’interroger et agir sur la production de richesses et sa répartition.   Notre choix est donc celui d’une sécurité sociale professionnelle inscrite dans un nouveau statut du travail salarié. Il s’agit bien de donner un véritable statut au travail
salarié c’est-à-dire de le reconnaître socialement,
économiquement, juridiquement (et pourquoi pas, philosophiquement).
Thierry Nabeth

[NUMA][Work In Progress] Redéfinir et réinventer le chômage. 24 février 2016 - 0 views

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    NUMA Café (RDC Connect) 24 février 2016 19:15 - 21:00 A l'heure actuelle le monde du travail, le salariat et l'emploi connaissent de profondes mutations avec l'augmentation du freelancing, de l'ubérisation, du travail précaire et intérimaire. Comment comprendre et appréhender ces changements si nous ne nous intéressons pas au pendant actuel du travail : le CHOMAGE?
Aurialie Jublin

Les zélés du désir sur Vimeo - 0 views

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    Frédéric Lordon parle de la liquéfaction du travail, du fait des désirs du consommateur-roi (choisir un produit A, puis en fait un produit B - pub Renault et Colissimo) + de la mise en transparence des travailleurs (pub sncf)
Aurialie Jublin

Le CPA, ossature d'une nouvelle responsabilité sociale - Management&RSE - 1 views

  • Le CPA accompagne les personnes dans leurs transitions et crée des passerelles entre les différents statuts (étudiant, salariat, création d’entreprise, formation, chômage, intermittence…). Il permet aussi des cumuls d’évolution (reprise d’un travail à temps partiel tout en continuant à percevoir des allocations chômage) et des points de passage entre les différents mondes du travail (fonction publique, secteur privé, entrepreneuriat, bénévolat). Il facilite ainsi la reconnaissance de l’activité des bénévoles et la formalisation d’un droit à la contribution citoyenne dans une association ou un organisme d’intérêt public, dans le cadre de tâches définies comme d’intérêt général. Première étape, l’avant-projet de loi El Khomri sur le Travail prévoit des abondements pour soutenir les jeunes en service civique.
  • De la même façon, le CPA pourrait être utilisé pour doter les jeunes intérimaires ou titulaires de CDD de moyens leur permettant d’accéder à des ressources (formation, accompagnement, etc.) pour les aider à décrocher un CDI. Le financement de ces moyens pourrait être assuré par une taxation des contrats les plus courts, comme esquissé par la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013.
  • Le CPA est un outil universel : il doit bénéficier à tous et pas seulement à ceux qui ont déjà les ressources (intellectuelles, culturelles, relationnelles, etc.) pour bien le mobiliser. Il faudra donc créer des points d’appui qui permettront d’aider les travailleurs les moins qualifiés mais aussi les plus éloignés de l’emploi à s’approprier cet outil. On peut par exemple capitaliser sur le rôle des conseillers en évolution professionnelle (CEP), dispositif d’accompagnement gratuit et personnalisé proposé à toute personne souhaitant faire le point sur sa situation professionnelle et, s’il y a lieu, établir un projet d’évolution professionnelle (reconversion, reprise ou création d’activité…).
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  • Le CPA permet aussi de dépasser le débat récurrent sur le « revenu de base », également appelé « revenu d’existence » ou encore « universel ». En lien avec les structures d’insertion par l’activité économique, chacun pourrait bénéficier d’un revenu (adapté d’une région à l’autre) piloté par son CPA, qui comptabilise également les obligations associées (participation à des actions de formation, à des travaux encadrés par une structure d’insertion ou à des actions d’intérêt commun). Au-delà de l’emploi, c’est en effet le travail qui constitue le pivot du CPA, car « le travail reste et restera une voie essentielle d’intégration sociale »
  • On constate ainsi que loin d’être un outil d’individualisation, le CPA devient un cadre qui permet d’orchestrer des processus collectifs et de réguler les relations entre acteurs. Comme le précisait justement le document d’orientation remis aux partenaires sociaux, « la capacité d’action donnée à l’individu par le CPA ne doit faire oublier ni la nécessité d’organiser un cadre collectif pour le recours à ce droit, ni la responsabilité de l’employeur dans le parcours de ses salariés, ni le rôle des pouvoirs publics »
  • Le CPA permet de reconstruire progressivement sur de nouvelles bases notre modèle social si décrié… et si fragile. Il répond à deux impératifs : donner à chacun les moyens de son indépendance et de son autonomie ; rendre une consistance au lien entre emploi, travail, sécurité et évolution. C’est une approche de RSE, qui promeut une démarche inclusive sans négliger l’impératif de compétitivité. C’est par le CPA que passe la réconciliation des Français avec le progrès.
Aurialie Jublin

Pour une protection sociale des données personnelles - - S.I.Lex - - 0 views

  • Une première contestation est venue du Think Tank Génération libre par le biais d’un rapport défendant la thèse de la « patrimonalisation » des données personnelles. L’idée consiste à créer un droit de propriété privée sur les données personnelles de manière à ce que les individus puissent négocier leur utilisation sur une base contractuelle avec les plateformes, en se faisant éventuellement rémunérer en contrepartie. Ce point de vue sous-entend que c’est le marché qui doit réguler l’utilisation des données et que la vie privée sera plus efficacement protégée par ce biais qu’en la défendant comme un droit fondamental de la personne. A l’opposé de cette vision ultra-libérale, Antonio Casilli et Paola Tubaro ont publié une tribune dans les colonnes du Monde, formulant une critique d’ordre « social » du système actuel. Intitulé Notre vie privée : un concept négociable, ce texte invite lui aussi à un renversement profond de perspective résumé par la phrase suivante : « la défense de nos informations personnelles ne doit pas exclure celle des droits des travailleurs de la donnée ».
  • Le défi qui attend la CNIL est de devenir non pas un gardien de la propriété sur les données, mais un défenseur des droits des travailleurs de la donnée.
  • S’il y a un rapport de production assimilable à du travail, alors il faut s’assurer de l’extension des régimes de protection du travail, y compris à ceux qui, de prime abord, seraient présentés comme de simples usagers ou consommateurs.
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  • Il paraît en effet douteux que la CNIL puisse à elle seule assurer une défense des droits des travailleurs de la donnée, même si son champ d’action était élargi. Non pas que cette autorité soit dépassée, comme certains le laissent entendre, mais parce que la protection des travailleurs passe traditionnellement par des mécanismes juridiques et institutionnels d’une nature bien différente de la régulation assurée aujourd’hui par la CNIL. Historiquement, c’est un système de droits et la protection sociale qui se sont progressivement mis en place pour protéger les individus dans le cadre des relations asymétriques de travail. Il convient de ne pas participer à leur affaiblissement en morcelant les espaces de régulation, mais bien de faire valoir les droits sociaux existants.
  • Nous soutenons donc que si les données sont produites dans le cadre d’activités assimilables à de nouvelles formes de travail, alors ce sont des mécanismes de protection sociale enracinés dans le droit social qu’il convient de déployer pour garantir les droits des personnes.
  • Si la défense du droit à la vie privée dépend aujourd’hui avant tout d’une négociation collective, alors il convient de nous doter collectivement des moyens les plus efficaces possibles pour engager, conduire et peser dans ces négociations, dont les termes restent aujourd’hui dictés par le cadre profondément déséquilibré imposé par les plateformes. Un simple appel à la CNIL sera là encore sans doute insuffisant pour changer en profondeur cette situation. C’est en réinventant la protection des données sous l’angle de la protection sociale qu’il nous paraît possible de faire émerger de nouveaux moyens d’action collective qui sortiraient l’individu de l’isolement dans lequel il reste trop souvent enfermé lorsqu’il s’agit de vie privée, que ce soit face aux plateformes ou à l’État.
  • Car la protection sociale renvoie plus fondamentalement à la question des solidarités et celles-ci ne peuvent être uniquement une affaire d’État. Si négociation collective autour de la vie privée il y a, celle-ci doit être le fait d’une société civile collectivement organisée, sans quoi les individus ne pourront échapper aux rapports structurellement inégalitaires auxquels les soumettent les plateformes, et la négociation en cours ne pourra conduire qu’à la soumission collective.
  • Du point de vue d’une protection sociale entendue comme participant à la construction d’un « régime de travail réellement humain », on peut se demander si la seule option souhaitable ne consiste pas pour le législateur à interdire purement et simplement que l’on rémunère ce type de tâches à la pièce. Aucune « protection sociale » ne pourra jamais venir compenser après coup les dégâts causés par la réduction d’humains au rang de « tâcherons du clic » et l’accepter reviendrait à porter un coup mortel à l’idée que le travail puisse constituer une activité « réellement humaine ».
  • Il s’agit non seulement de s’intéresser aux architectures techniques des plates-formes qui permettent l’extraction et la circulation des données personnelles, mais aussi de créer les conditions pour que le travail de production et d’enrichissement des données (autant de la part des services de microtravail que des usagers de plates-formes généralistes comme Instagram ou Google) reste respectueux des droits des personnes et du droit du travail
  • Se référer à ce riche héritage juridique, institutionnel et social permettrait selon nous de dépasser certaines des insuffisances auxquelles la défense des données personnelles et de la vie privée se heurte encore trop souvent aujourd’hui. C’est notamment en suivant une telle piste qu’il nous paraît possible de réconcilier les dimensions individuelle et collective en matière de protection des données. Le système juridique actuel reste en effet imprégné d’un individualisme méthodologique qui n’envisage la personne que de manière isolée et indépendamment des rapports sociaux dans laquelle la vie privée est toujours étroitement enchâssée.
  • C’est ce fil que nous souhaitons suivre dans cet article qui vise à explorer les différentes dimensions d’une protection des données repensée comme une protection sociale. Comme le souligne la démonstration d’Antonio Casilli et Paola Tubaro, il convient de partir de l’idée qu’il existe un continuum de pratiques entre usagers et travailleurs des plateformes, depuis les utilisateurs de Google ou Facebook jusqu’aux chauffeurs d’Uber. Cette continuité justifie la construction de nouveaux droits et un nouveau volet de la protection sociale, pensé dans une solidarité entre usagers et travailleurs.
  • expliciter en préambule ce que nous percevons des liens qui se sont tissés entre données personnelles, vie privée, usages et travail numériques. Ces liens sont remarquables et inédits à plusieurs égards : leur volume, la précision des informations que produisent nos usages, et leurs méthodes de production
  • Le second phénomène inédit, intrinsèquement lié au premier, c’est le degré d’opacité des mécanismes techniques et humains de production des données qui forgent cette identité. Ce qui nous échappe, c’est donc autant la perception (y compris physique) de nos traces et signaux numériques, que les processus de production (partant de l’exploitation de ces signaux et traces) qui forgent une donnée, et enfin leur exploitation ou utilisation sous la forme d’une expression explicite de nos identités et de nos activités.
  • Cette triple perte de contrôle justifie à notre sens que notre relation avec les plateformes soit considérée sous l’angle d’une présomption de subordination d’usage. Elle permettrait d’acter en droit les déséquilibres de fait qui caractérisent les forces en présence, entre la société civile, les collectifs d’usagers et les travailleurs numériques d’une part, et les plateformes lucratives d’autre part. Notion distincte de la subordination des rapports de production dans l’espace du travail, elle viendrait s’articuler à elle, établissant en droit un continuum de négociation.
  • La subordination juridique et économique est ainsi reconnue et traditionnellement associée au statut d’employé. Mais elle déborde aujourd’hui ce cadre pour s’exercer sur les consommateurs et les usagers, également saisis par une subordination d’usage. Celle-ci intègre une logique lucrative, en ce qu’elle transforme en valeur financière – et donc « financiarise » à proprement parler – des rapports humains jusqu’alors vécus hors des sphères de production de marché orientées vers le profit.
  • Pour faire émerger ce concept de « subordination d’usage », il paraît possible de s’appuyer notamment sur les travaux d’Alain Supiot, qui propose depuis la fin des années 90 des moyens conceptuels pour identifier des formes de travail « au-delà de l’emploi ». Il propose en particulier de saisir les « nouveaux visages de la subordination » à partir du critère de la « dépendance économique » qui viendrait compléter celui de la subordination stricto sensu caractérisant aujourd’hui le contrat de travail. Dans cette vision, le rapport de production est bien conçu comme incluant d’emblée un rapport de subordination face à la figure de l’entreprise capitaliste, intégrant la notion de déséquilibre exorbitant dans les rapports sociaux, que le droit et la négociation doivent participer à « civiliser »
  • La présomption de subordination permettrait donc de faire correspondre au continuum des pratiques d’usage et de travail, une continuité de droits, puisant pour partie leur légitimité dans le caractère exorbitant et disproportionné des rapports induits à la fois par la nature propriétaire et par l’objectif d’exploitation des plateformes lucratives de marché. Pour faire émerger ce concept de « subordination d’usage », il paraît possible de s’appuyer notamment sur les travaux d’Alain Supiot, qui propose depuis la fin des années 90 des moyens conceptuels pour identifier des formes de travail « au-delà de l’emploi ». Il propose en particulier de saisir les « nouveaux visages de la subordination » à partir du critère de la « dépendance économique » qui viendrait compléter celui de la subordination stricto sensu caractérisant aujourd’hui le contrat de travail.
  • Cette continuité entre ces deux régimes d’action est liée au rapport de production (des données) que nous entretenons avec les plateformes, rapport qui vient se fondre dans la problématique de la régulation du travail. Un des enjeux est de faire émerger une identification claire du travail numérique, dans un moment historique d’exploitation des travailleurs les plus fragiles et des pratiques prédatrices de délocalisation de la main d’œuvre.
  • Il y a donc un double enjeu à mieux saisir ces rapports sociaux de production : il s’agit d’identifier ou de faire émerger plus distinctement les régimes de travail présent dans les espaces de production numérique pour mieux les encadrer d’une part, et d’autre part d’envisager les limites que nous voulons leur fixer pour protéger la vie privée et son exploitation.
  • La pénétration du travail numérique dans notre vie privée, au sens où il est saisi par les plateformes pour le transformer en valeur économique, interroge à la fois nos conceptions et nos imaginaires contemporains relatifs à la vie privée et au travail, en particulier le travail domestique.
  • Le second phénomène inédit, intrinsèquement lié au premier, c’est le degré d’opacité des mécanismes techniques et humains de production des données qui forgent cette identité. Ce qui nous échappe, c’est donc autant la perception (y compris physique) de nos traces et signaux numériques, que les processus de production (partant de l’exploitation de ces signaux et traces) qui forgent une donnée, et enfin leur exploitation ou utilisation sous la forme d’une expression explicite de nos identités et de nos activités.
  • Une patrimonialisation des données personnelles, telle qu’elle est proposée par Génération libre, ne constituerait pas un moyen d’ouvrir cette discussion collective, mais conduirait au contraire à y renoncer définitivement. En effet, la réparation de cette violence par la réaffirmation ou la revendication d’une propriété privée négociable sur un marché réduit la question politique du vivre ensemble à l’abandon total de toute volonté collective de débat démocratique – ici remplacé par la négociation sur le marché.
  • Accepter des micro-rémunérations corrélées aux données personnelles, c’est graver dans le marbre que les discussions collectives deviennent des petites négociations individuelles […] Ce micro-revenu est d’ailleurs en parfaite cohérence avec la promotion d’un revenu universel tel le que propose Génération Libre (attention, il y a plein de revenus universels différents) façon néo-libérale : on vous donne le minimum pour ne pas trop vous ennuyer dans ce nouveau monde plein de machines (dont personne n’a discuté au préalable, faute au déterminisme technologique, mais c’est encore un autre sujet). Ce qui nous laisse avec l’amère sensation d’avoir gagné quelque chose, alors que c’est justement le projet des libertariens. L’argumentaire de Génération Libre est subtil puisqu’il explicite un certain nombre de ces problèmes (surveillance de masse, ciblage publicitaire abusif, croisements de données non choisis) tout en prétendant qu’à partir du moment où l’on se ferait payer pour ses données, on deviendrait conscient – et consentant – quant à l’usage qui pourra en être fait…).[…]
  • La défense de la dignité et des libertés des personnes est centrale dans le fait de distinguer espace privé et espace de production. De fait, une part de nos gestes privés et intimes, exprimés dans des espaces numériques qui revêtent l’apparence de la sphère privée, sont accaparés dans un objectif de profit. De plus, les industries travaillent activement à influencer l’environnement et nos comportements numériques pour mieux capter la valeur issue des entrelacements de nos liens sociaux qui forment le « graphe social », reflet numérique de notre vie collective.
  • Il est urgent de revendiquer collectivement une régulation efficace contre ces phénomènes d’exploitation, mais aussi le soutien et l’encouragement au développement d’outils numériques émancipateurs. Car comme le souligne Irénée Régnauld, cette exploitation et cette violence ne sont pas des fatalités technologiques
  • Que reste-t-il de ces aspirations et du sens investi collectivement dans le travail lorsque l’on exerce des « métiers » de tâcherons développés par les industries numériques ? Au-delà des déséquilibres économiques, c’est la dignité des personnes qui est à protéger face au retour des modèles d’exploitation proprement féodaux. De même, il apparaît combien notre conception du travail sous-tend nos conceptions de la société dans son ensemble, et les perspectives de progrès social et de progrès humain partagé qu’il nous revient de discuter collectivement.
  • Compléter l’action de protection de la vie privée en l’articulant avec les enjeux de respect du droit du travail et la protection des travailleurs pourrait permettre d’enrichir le débat en réintroduisant les notions de consentement et d’intentionnalité, mais aussi d’intimité, associés à la notion de vie privée moderne, à réencastrer dans nos comportements au sein des plateformes. Relier l’exploitation des données et de la dimension potentiellement intime qu’elle recouvre, avec la question centrale d’un régime de travail décent des travailleurs professionnels, pourrait permettre de poser plus distinctement l’enjeu de rapports éthiques numériques, entre usagers, consommateurs et travailleurs, tels qu’ils sont discutés au sein des autres espaces de production
  • Or les données personnelles sont bien toujours également des « données sociales », parce que la vie privée elle-même est toujours enchâssée dans un tissu de relations sociales (amicales, familiales, professionnelles, territoriales, citoyennes, etc.). L’interconnexion des données, via les outils numériques, constitue par ailleurs un préalable indispensable à leur valorisation, y compris financière
  • Il y a donc d’emblée une double dimension collective caractéristique de nos données « personnelles », qui s’exprime au sens d’un usage du monde « en lien » dans nos pratiques numériques, de la connexion et de la mise en relation – autant que du point de vue des rapports de production qui sont nécessaires à l’existence et l’exploitation des données. Ces deux répertoires d’actions numériques sont difficiles à distinguer précisément car l’approche centrée sur « l’émission » de données est marquée par une grande continuité des effets, sinon des pratiques individuelles et collectives
  • Le droit des données personnelles reste aujourd’hui largement « aveugle » à cette double dimension collective et pour la chercheuse Antoinette Rouvroy, cette construction individualiste du statut des données est précisément ce qui entraîne aujourd’hui une « inadéquation des régimes de protection »
  • Le défi qui serait le nôtre aujourd’hui, relativement à la protection des données, pourrait donc s’énoncer ainsi: comment tenir compte, de la nature relationnelle, et donc aussi collective, à la fois de la donnée (une donnée n’est jamais que la transcription numérique d’une relation entre un individu son milieu, laquelle n’acquiert d’utilité, dans le contexte d’analyses de type big data, que mise en rapport avec des données « émises » par les comportements d’autres individus), et de ce qui mérite d’être protégé, y compris à travers la protection des données ?
  • Avec les données d’intérêt général, on songeait à donner à l’État une forme de pouvoir de « réquisition » de données détenues par des acteurs privés dans une série de secteurs stratégiques (santé, énergie, environnement, logement, etc.) ou pour faire face à des situations de crise. Ce concept a fait l’objet de nombreuses critiques et s’il a été maintenu dans la version finale du texte, ce n’est qu’au prix d’une profonde transformation, puisqu’il se réduit désormais à une simple obligation d’ouverture des données imposée aux personnes privées délégataires de service public.
  • Des négociations collectives avec des représentants des utilisateurs, formalisées et encadrées par la loi, pourraient intervenir ensuite pour obtenir des conditions plus favorables de la part des plateformes. Ces discussions pourraient se dérouler secteur par secteur, de la même manière que les négociations collectives en droit du travail se font au niveau des branches, permettant aux utilisateurs de s’organiser sur une base concrète. Il y aurait aussi intérêt à ce que ces négociations puissent s’ouvrir au niveau local, par exemple celui des métropoles, car on sait que c’est à cette échelle que des conflits peuvent naître à propos de l’utilisation des données avec des plateformes comme AirBnB, Uber ou Waze et qu’il existe des enjeux importants en termes de récupération des données pour la conduite de politiques publiques infrastructurelles (dans les transports, le logement, l’urbanisme, etc.).
  • Les choses sont différentes avec les plateformes comme Facebook ou Google qui s’appuient sur le « travail gratuit » de simples utilisateurs ne pouvant agir pour bloquer l’outil de production. Ils pourraient certes cesser de recourir à ces services, mais jusqu’à présent, même les plus grands scandales n’ont pas entraîné des exodes significatifs d’internautes hors de l’écosystème des GAFAM…
  • Mais imaginons à présent un « droit à la portabilité collective » qui puisse être actionné par des groupements d’individus agissant au sein d’associations ou de syndicats tels qu’évoqués plus haut, et plus seulement par des individus isolés revendiquant leur droit à la vie privée. Un tel droit collectif pourrait être opposé aux plateformes lorsque ces acteurs parviendraient à apporter la preuve que la récupération des données est nécessaire pour l’exercice de droits et libertés fondamentaux. On changerait alors l’échelle, mais aussi le sens même de la portabilité, car ce serait bien alors des portions entières du graphe qui pourraient être récupérées collectivement de cette manière, en conservant leur valeur « sociale » sans que celle-ci ne soit dissoute par l’atomisation que provoque fatalement la portabilité individuelle.
  • Si l’objectif est de réinventer la protection des données sous la forme d’une « protection sociale » à même de préserver la dignité et les droits fondamentaux des individus, n’importe-t-il pas de nous poser en amont la question de savoir si nous devons nous résigner à ce que toutes ces activités basculent dans des rapports de production, y compris lorsque nous ne l’avons pas choisi, individuellement et collectivement ? Si l’idée d’une « protection sociale des données » a un sens, ne devrait-elle pas précisément résider dans une faculté de déterminer quelle part de nos vies nous voulons voir saisies dans un rapport de production et quelle part nous voulons au contraire en préserver ?
  • Admettre d’emblée que toutes nos activités numériques sont assimilables à du Digital Labor ne revient-il pas à entériner que ce basculement dans des rapports de production est inéluctable et que plus rien de nous permettra d’échapper à cette « financiarisation » forcée de nos vies, y compris dans ce qu’elles ont de plus intime ? Si tel était le cas, la « protection sociale des données » pourrait recevoir la même critique que celle qu’on adresse parfois à la protection sociale tout court : que ces mécanismes, installés dans leur forme actuelle pendant la période fordiste, visent simplement à « compenser » les rapports de domination imposés aux individus dans la sphère du travail et non à remettre en cause le principe même de la soumission qu’ils impliquent. Pour conjurer ce risque, il importe selon nous d’être au contraire capable d’opérer des distinctions claires au sein même du continuum de pratiques décrites comme du Digital Labor, en les repositionnant soigneusement par rapport à l’idée de protection sociale.
  • Si l’idée d’une « protection sociale des données » a un sens, ne devrait-elle pas précisément résider dans une faculté de déterminer quelle part de nos vies nous voulons voir saisies dans un rapport de production et quelle part nous voulons au contraire en préserver ?
  • Face à ces situations de fragilisation brutale des individus, il importe de réactiver les principes de base de la protection sociale, en appelant à ce que les juges ou le législateur fassent preuve de volontarisme en requalifiant ces activités en emplois salariés. C’est de cette manière que le législateur a procédé par exemple avec les intermittents du spectacle dans les années 1990 en instaurant une présomption de salariat, alors même que ces activités s’exercent dans un cadre où la subordination traditionnellement associée à la situation d’emploi n’est pas nécessairement caractérisée. Même s’il y aurait beaucoup à dire sur les lacunes de la protection sociale des intermittents, il n’en reste pas moins que ce rattachement à l’emploi salarié participe à la sécurisation du parcours des individus œuvrant dans ce secteur.
  • En imposant aux individus d’inscrire leur intimité dans un rapport de production, les plateformes provoquent en réalité un effondrement de la distinction entre la sphère publique et la sphère privée, phénomène lourd de conséquences qu’Hannah Arendt a identifié comme un des mécanismes par lesquels le totalitarisme s’empare des sociétés. Le cadre analytique du Digital Labor traduit donc une certaine vérité, car à l’époque moderne c’est bien le fait de faire apparaître une activité dans l’espace public qui la transforme presque mécaniquement en « travail ».
  • Cela implique donc, lorsque nous utilisons des services numériques, de toujours être en mesure de savoir clairement si nous sommes engagés dans un rapport de production et de pouvoir en sortir, si nous le voulons. Sachant que cette possibilité de « sortir » reste en réalité profondément illusoire si n’existent pas des alternatives tangibles dans lesquelles nos activités sociales pourraient s’inscrire sans qu’on les soumette à des dominations à visée économique. C’est la raison pour laquelle une protection sociale des données personnelles passe nécessairement aussi par la construction de Communs numériques, basés sur des logiciels libres.
  • Compte tenu de ce contexte, il s’agit bien de construire une protection sociale des données en même temps que de revendiquer des conditions de travail dignes et réellement humaines pour les personnes impliquées professionnellement dans leur production. Cette double dimension collective dans la production et la gestion des données ouvre sur un vaste enjeu de solidarité, en action, dans la coordination de nos usages « amateurs »/non-professionnels avec ceux des travailleurs des plateformes. Discuter collectivement le fondement d’une éthique dans l’agencement de nos relations numériques nous amène nécessairement à regarder en face les grands équilibres économiques, l’exploitation et les mécanismes de prédation des grandes firmes sur les travailleurs les plus précaires, et souligne tout autant l’urgence de la construction de responsabilités collectives pour y répondre.
  • Il ne faut pourtant pas nous priver de penser des environnements et des pratiques numériques beaucoup plus émancipatrices, en s’appuyant sur ce que le monde du logiciel libre, le mouvement des communs et de l’économie solidaire, proposent conjointement : participer à la construction du progrès social et des capabilités numériques individuelles et collectives, permettant de prendre une part active dans l’organisation de nos pratiques. A cet égard, les activités d’éducation populaire développées par l’association Framasoft sont tout à fait remarquables, en ce qu’elles articulent des solutions logicielles alternatives avec un travail de fond d’éducation populaire – au sens d’une éducation qui prend en compte la dimension profondément politique de la construction et de la circulation des savoirs et des savoir-faire.
  • Dans cette même perspective, qualifier les données d’intérêt général, c’est aussi ne pas laisser s’échapper le caractère profondément politique de leur usage : c’est réaffirmer la dimension sociétale de nos usages individuels et collectifs.
  • Pour contrer cela, nous devons construire une nouvelle infrastructure pour permettre aux personnes de regagner cette souveraineté individuelle. Ces aspects de l’infrastructure qui concernent le monde qui nous entoure doivent appartenir aux biens communs et les aspects qui concernent les gens – qui constituent les organes de notre être cybernétique – doivent être détenus et contrôlés par les individus eux-mêmes.
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