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Aurialie Jublin

Qui crée la valeur économique d'une nation ? - 0 views

  • Nous devons changer de cap, insiste-t-elle, dans ce livre stimulant. Entre autres choses, nous devons repenser la relation entre marchés et gouvernements ; faire une distinction claire entre créateurs de richesse et ceux qui ne font qu’en profiter ; avoir des ambitions collectives plus audacieuses, notamment passer à une économie plus écologique ; et investir pour l’avenir, au lieu de choisir une austérité stérile et contre-productive.
  • Ce livre vient après ‘The Entrepreneurial State’, dans lequel Mme Mazzucato a soutenu que le gouvernement a joué un rôle d’innovateur puissant dans l’économie moderne. L’argument principal de ce livre est qu’il est beaucoup trop facile pour ceux qui interviennent dans l’économie de marché de s’enrichir en profitant de la valeur économique créée par d’autres, au lieu d’en générer eux-mêmes.
  • La manière dont le secteur financier a généré une énorme augmentation de l’endettement des ménages au cours des années qui ont conduit à la crise financière de 2007-2009 en est un exemple évident. Cette concurrence stérile a financé l’achat du parc de logements existants à des prix très élevés. Cela a provoqué une crise importante, un surendettement, une faible croissance et un désenchantement politique. Ceci alors que, pour ceux qui ont créé, manipulé et vendu cette dette, c’était une mine d’or. C’était en fait de la valorisation accompagnée de destruction. Il en va de même pour la gestion d’actifs, avec ses pratiques abusives, ses frais exorbitants, son manque de transparence, sa mauvaise gestion et ses conflits d’intérêts. Ce secteur financier, ainsi que la “maximisation de la valeur pour les actionnaires” que les économistes ont défendu, a eu un effet néfaste sur l’ensemble des entreprises, soutient Mme Mazzucato, en encourageant les rémunérations exorbitantes ainsi que la manipulation des cours boursiers au détriment de l’investissement à long terme.
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  • La finance n’est pas seule sur le banc des accusés. Mme Mazzucato s’attaque également à ce qui se passe dans des secteurs qui paraissent avoir un effet plus bénéfique, tels que les technologies de l’information ou les produits pharmaceutiques. Selon elle, l’un des problèmes est l’octroi de droits de propriété intellectuelle trop généreux ou simplement injustifiables, comme le fait de pouvoir breveter des richesses biologiques ou des processus commerciaux très basiques.
  • Elle souligne également l’importance d’un secteur trop souvent considéré comme ne créant aucune valeur économique : le gouvernement. Le gouvernement fait plus que faire respecter la justice et assurer la sécurité, selon elle. Il construit des infrastructures, éduque les jeunes, prend en charge la santé de la population, finance la recherche fondamentale, et a souvent favorisé directement le développement économique. C’est le gouvernement américain, et non des entreprises privées, qui a créé bon nombre des technologies les plus fondamentales et celles qui ont le plus d’impact d’aujourd’hui : l’Internet et le système mondial de positionnement GPS en sont deux exemples spectaculaires.
  • Une thèse fondamentale du livre est que la confusion entre la captation de valeur et la création de valeur, et vice versa, a ses racines dans les erreurs des économistes. Une longue partie du livre traite de l’histoire de la notion de valeur en économie, depuis les mercantilistes du XVIIe siècle jusqu’aux économistes classiques du XVIIIe et du début du XIXe siècle, puis aux marginaux (ou “économistes néoclassiques”) de la fin du XIXe et du XXe siècle.
  • Les économistes classiques, notamment Adam Smith, David Ricardo et Karl Marx, étaient préoccupés par la distinction entre ceux qui créent de la valeur, ceux qui ne font que la faire circuler, et ceux qui vivent du travail des autres comme des parasites (exemple : les aristocrates propriétaires des terres), souligne-t-elle. C’étaient des distinctions à la fois économiques et morales. Les économistes néoclassiques, tels que Léon Walras, Stanley Jevons et Alfred Marshall, avec leur révolution marginale et leur volonté d’équilibre, ont supprimé ces distinctions : selon la théorie subjective de la valeur, le prix est simplement la meilleure indication de la valeur (marginale) : ce qui est cher est, au moins à la marge, précieux. Les choix que font les gens sont les seuls déterminants de la valeur.
  • Le fait que les économistes se concentrent sur ce qui est produit et mis sur le marché a deux autres conséquences, affirme Mme Mazzucato : l’hypothèse de base est que le gouvernement est considéré comme improductif, voire parasitaire, et les activités domestiques deviennent invisibles. Ces hypothèses ont été reprises dans le nouveau système de comptabilité nationale élaboré dans les années 1930 et 1940, d’où est née notre mesure du “produit intérieur brut”.
  • Néanmoins, elle met en avant un point crucial : ce que nous valorisons est un choix social, et une partie de ce que nous valorisons aujourd’hui – l’ingénierie financière, par exemple – relève plus de la justification du fait de profiter de la valeur, que de la création de valeur ajoutée.
  • Ce qui n’est pas mesuré ne compte pas. Mais ce qui est mesuré compte. Mme Mazzucato montre au lecteur la manière dont on donne de la valeur aux activités bancaires. Cette valeur économique ajoutée est actuellement mesurée par le coût des “services d’intermédiation financière indirectement mesurés”, c’est-à-dire par l’écart entre le coût de l’emprunt et le taux d’intérêt des prêts. Plus l’écart est grand, par hypothèse, plus les banques sont censées créer de la valeur. Cela revient à confondre un coût avec un bénéfice.
  • Selon Mme Mazzucato, les évidentes défaillances de nos économies sont la conséquence de notre incapacité à distinguer entre les activités qui créent, redistribuent et détruisent la valeur. Ceci, ensuite, encourage les profiteurs de valeur (comme les compagnies pharmaceutiques qui fixent les prix en fonction de ce que le marché supporte) ; cela effraie les acteurs non marchands, y compris les bureaucrates, qui auraient pu aider à créer de la valeur ; et cela encourage les décideurs politiques à croire que les solutions de marché, comme la Private Finance Initiative (PFI, partenariat public-privé britannique), qui ne fonctionne pas correctement, sont nécessairement supérieures à celles qui sont proposées par les gouvernements.
  • Ce que j’aurais préféré lire, cependant, c’est une enquête approfondie sur quand et comment les gouvernements ajoutent de la valeur. Le gouvernement américain, par exemple, a joué un rôle extraordinaire en matière d’innovation, en particulier par l’intermédiaire du ministère de la Défense et des National Institutes of Health. Mais dans quelle mesure cela est-il vraiment pertinent pour les pays dont les ressources économiques et scientifiques sont plus limitées ? Comment s’assurer que les gouvernements ajoutent de la valeur plutôt que de simplement l’extraire, la prélever et la gaspiller ? Dans son enthousiasme sur le rôle potentiel de l’État, l’auteur sous-estime considérablement les importants dangers que représentent l’incompétence et la corruption gouvernementales.
  • Néanmoins, il y a trois points forts importants dans cet ouvrage. Premièrement, Mme Mazzucato nous pousse à nous éloigner du credo simpliste selon lequel les marchés sont toujours positifs et les gouvernements toujours négatifs. Deuxièmement, elle propose à la gauche un objectif positif de prospérité grâce à l’innovation, à la place d’une politique stérile et, finalement destructrice, de redistribution. Enfin, elle nous oblige à nous demander ce qui ajoute de la valeur à la société et comment créer un ordre économique et social qui favorise cela. En lui-même, ce livre crée de la valeur en nous forçant à nous confronter à ces points de vue.
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    "Qui crée de la valeur ? Qui profite de la valeur ? Qui détruit de la valeur ? Si nous confondons ceux qui profitent de la valeur ou détruisent la valeur avec ceux qui la créent, nous finirons avec des sociétés appauvries et malheureuses, au sein desquelles règnent les pillards."
Aurialie Jublin

Internet Libre ou minitel 2.O conférence de Benjamin Bayart conf lors des rml... - 0 views

  • En fait la formulation qu'on retient habituellement c'est qu'on dit que sur Internet on a mis l'intelligence en périphérie du réseau. Dans Minitel on a mis l'intelligence au centre, c'est le contenu, c'est les bases de données avec des terminaux débiles autour. Internet c'est le contraire, on a mis des routeurs idiots au centre et on a mis en périphérie des ordinateurs qui réfléchissent. C'est ça le modèle d'Internet, la grande révolution qu'a été Internet, ça a été d'apporter ça. Les réseaux télé-informatiques centrés, on en fait depuis les années 50 à peu près
  • Ça j'aime bien aussi, Google, Yahoo, MSN c'est à peu près les trois moteurs de recherche qui font 95% de la recherche sur Internet et de l'indexation. À une époque, quand on cherchait le site Minitel qui permet quelque chose, on tapait 3615 et au lieu de taper le nom du site dans la case « nom du site » on allait dans la case « rechercher », on tapait des mots-clés, puis France Télécom proposait les services Minitel auxquels on pouvait se connecter. Bon ben ça ça s'appelle Google. Ils l'ont fait en couleur, ils l'ont fait en grand, ils l'ont fait avec de la pub sur le côté, mais c'est le moteur de recherche du Minitel, c'est pas ça Internet. Internet c'est pas les 8000 machines de Google qui détiennent le savoir de l'humanité. Internet c'est le contraire de ça. Donc finalement côté réseau sur la technique c'est pas du net, ce que vous utilisez couramment, c'est pas du net, c'est du Minitel.
  • Et on est venu sur un modèle qui est assez bizarre qui a beaucoup émergé ces dernières années de publicité/publication. Parce que si Monsieur France 2 veut être proprement diffusé il paye un droit de publication, c'est-à-dire qu'il paye les opérateurs réseau pour être diffusé. Si y'en a certains parmi vous qui ont suivi les débats sur la liste FRnOG il y a quelques mois, la trame sous-jacente c'était Monsieur Free qui disait à Monsieur Dailymotion « je transporterai pas ta merde si tu me donnes pas des sous ». Ça c'est le droit de publication. Curieusement y'a pas ça d'habitude sur Internet .C'est quelque chose d'assez récent. Et puis y'a la publicité, c'est-à-dire que, comme vous êtes des gens très partageurs, vous avez vos vidéos perso, aguichantes ou non, que vous mettez sur Dailymotion histoire que tout le monde en profite, curieusement les reversements publicitaires que perçoit Dailymotion, vous, vous les percevez pas. Parce qu'en fait vous leur confiez votre contenu pour qu'il y gagnent leur publicité. Ça c'est un modèle assez particulier et si vous regardez bien le mode publicité/publication on paye aux deux bouts, c'est-à-dire que celui qui a du contenu paye pour qu'il soit diffusé, et puis celui qui vient regarder le contenu il paye sous forme de publicité. On est bien revenu au modèle du téléphone. Maintenant c'est plus des communications à la minute c'est des publicités, mais le modèle est vraiment le même.
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  • → Pluralité À la place du monopole local, on a une certaine pluralité, c'est-à-dire que les, on vous a parlé d'ouverture de la concurrence, de l'ouverture du marché tout ça... Moi quand on me parlait pas d'ouverture de la concurrence et d'ouverture du marché, c'est-à-dire quand je me suis abonné à FDN, c'était en 96, y'avait 5-6 opérateurs chez qui je pouvais m'abonner sur Paris et je pouvais prendre l'opérateur que je voulais. Y'avait pas de souci, y'en avait bien plusieurs.
  • → Transporteurs L'opérateur de réseau se comporte comme un transporteur, c'est-à-dire quand je commande un paquet chez un commerçant, pas forcément sur Internet, dans les années 80, chez Les 3 redoutes quand je commandais des chaussettes je payais mes chaussettes à Les 3 redoutes et Les 3 redoutes payaient le transport à La Poste, La Poste ne s'occupait que du transport. Ça c'est à peu près le modèle d'Internet. Mon FAI il transporte mes données, c'est tout, il regarde pas ce qu'il y a dedans c'est pas sa sauce. Finalement d'où ça vient, c'est-à-dire savoir si ça vient d'un contenu payant ou si ça vient d'un contenu gratuit, lui, il s'en fiche. Il transporte de manière neutre.
  • Alors quelques exemples d'opérateurs: bon forcément j'ai cité FDN, c'est le mien, j'ai cité Neuronnexion parce qu'on est à Amiens, et puis le gros national à l'époque c'était Oléane, c'est-à-dire que Oléane qui était un gros opérateur à l'époque, dans les débuts du net au milieu des années 90, Oléane était connecté à des dizaines d'autres opérateurs en France. Y'avait pas de problème pour obtenir un accord d'interconnexion, dans des conditions relativement équitables entre Neuronnexion qui était une PME avec quelques personnes sur Amiens et Oléane qui était une PME avec quelques dizaines ou quelques centaines de personnes sur la fin à Paris.
  • → Free Free même punition. C'est pas vraiment un opérateur Internet, c'est plus vraiment un opérateur Internet, c'est en train de basculer tout doucement vers un opérateurs Minitel. Y'a trois ans l'idée qui a été tenue sur FRnOG de dire à Dailymotion « je transporterai ta merde si tu me donnes des sous » elle aurait fait bondir les gens de chez Free. À l'époque où ils étaient petits ça leur aurait fait très peur parce que c'était un moyen de les empêcher de grossir. → SFR SFR, oui alors pour les gens qui savent pas SFR c'est le nom complet de Neuf-Cegetel, bah je sais pas c'est le plus gros actionnaire, moi je veux bien les appeler autrement, m'enfin voilà, l'actionnaire c'est SFR, donc eux, même chose, c'est plutôt un opérateur de téléphonie qui vend du net avec du vrai Minitel dessus.
  • Alors on n'a pas basculé du modèle à Internet qui commençait à émerger au milieu des années 90 au modèle Minitel qui est en train d'émerger aux États-Unis au début des années 2000 complètement par hasard. Il a fallu plusieurs morceaux pour en venir là. Même chose je vais me centrer plutôt sur les effets franco-français mais vous verrez le modèle s'étend assez bien.
  • → DRM : exclusivité D'abord les DRM, ça, ça vous parle on en a parlé beaucoup ici, DADVSI, Droits d'Auteur et Droits Voisins dans la Société de l'Information, pour les gens qu'oublient ce que veut dire l'acronyme. Créer des DRM c'est créer de l'exclusivité. C'est un morceau qui manquait sur Internet on pouvait pas créer de l'accès exclusif de manière simple. En mettant des DRM dedans on peut bien, c'est facile. C'est-à-dire qu'une fois qu'on aura bien mis des DRM dans tous les fichiers, l'opérateur pourra dire « je transporte, ou pas, les fichiers signés par Machin », Microsoft n'a pas envie de transporter les fichiers signés par Torvalds, simple, suffit de pas les transporter.
  • → Brevets : fermeture Les brevets ça crée de la fermeture. Je vous le disais tout à l'heure, Internet et le logiciel libre c'est très exactement la même chose, ce ne sont que deux facettes du même objet. À partir du moment où je mets des brevets je ferme le jeu. Si c'est breveté ça veut dire que quelqu'un d'autre n'a pas le droit de le refaire pour venir s'interconnecter. En fait une fois que j'ai bien breveté le mode de fonctionnement du Minitel, un méchant concurrent ne peut pas fabriquer des Minitel, ça ne sert qu'à ça les brevets, c'est même la définition du brevet.
  • → Filtrage : demi-connexions Le filtrage que nous demandent régulièrement les différents gouvernements, on pourrait croire que c'est de la censure fasciste, y'en a sans doute un ptit peu, je pense que quand les Renseignements Généraux demandent en loucedé à un opérateur de filtrer un gars ça pourrait ne pas être parce qu'il est terroriste mais juste parce qu'il fait chier, disons que ça s'est déjà vu. Mais ça a un effet de bord très amusant, une fois que les opérateurs ont mis dans leurs réseaux, c'est pas encore le cas mais ça vient, des boîtiers qui sont capables de filtrer, le boîtier qui est capable de filtrer je pense qu'il y a quelques informaticiens dans la salle, il filtre ce que l'admin sys demande de filtrer, c'est-à-dire ce que le gouvernement lui demande de filtrer parce qu'il est plutôt obéissant, pour pas aller en taule, et puis ce que son patron lui demande de filtrer. C'est-à-dire que le filtrage qu'est demandé par le gouvernement, pour des raisons probablement de sécurité publique, enfin on espère, il permet également de rétablir le modèle des demi-connexions, c'est-à-dire que je filtre les sites nazis et les filtres qui n'ont pas payé. Ça permet de bien faire rentrer ce modèle économique.
  • → Responsabilité : centré. La responsabilité, alors j'étends un ptit peu le titre, c'est les différents débats qu'on a eu depuis l'affaire Altern1 en, c'était quand l'affaire Altern 97, non 98, 99 par là, c'est la responsabilité des hébergeurs, c'est-à-dire que l'hébergeur est responsable de ce qu'il y a sur le site, et si on lui signale un contenu supposément illégal, il se doit de l'enlever avec diligence. Il pourrait l'enlever avec voiture mais diligence c'est mieux. Ça, ça veut dire que si je prends le risque de permettre à quelqu'un de poser son site web sur ma machine, s'il dit de la merde c'est moi qui vais en taule. Moi je peux pas l'assumer. France Télécom peut l'assumer parce que quand il aura un procès, France Télécom enverra son armée d'avocats, expliquera que dès qu'on lui a signalé le contenu elle l'a enlevé, je veux dire c'est vrai, c'était un dissident d'un endroit où on n'a pas le droit de dissider, qu'il aille donc dissider ailleurs, donc ça a été tout bien enlevé, et ils pourront dire, nous on est blanc bleus ils vont au procès, ils payent des avocats, ils s'en sortent. Par contre la PME de banlieue qui essayait de faire pareil, ben quand elle s'est retrouvée devant le juge, ça lui a coûté un œil de payer l'avocat, et puis comme le mec qui dissidait il disait des trucs finalement qu'en France on a le droit, ils ont estimé qu'ils allaient pas supprimer le site, et donc ça va jusqu'au procès et ça coûte cher. Donc la responsabilité des hébergeurs ça tend à faire que les petits hébergeurs ont du mal à exister parce qu'ils existent en vivant dangereusement, donc ça crée du réseau centrés, puisque les petits ont du mal à exister il restera que les gros.
  • → Régulation : interco La régulation c'est aussi quelque chose de fabuleux. Ce qu'on appelle régulation dans le monde Internet professionnel, c'est l'ARCEP, Autorité de Régulation des Communications Éléctroniques et des Postes, ex-ART, Autorité de Régulation des Télécommunications, c'est des gens qui ont été mis en place à l'époque où, suite à certaines directives européennes, on a ouvert le marché des télécom. J'ai assisté, alors, enfin si un ptit peu en tant que président de FDN, mais aussi avec d'autres casquettes, à une des réunions de l'ARCEP sur les réseaux d'initiatives publiques où y'avait le monsieur responsable du dégroupage en France, qui nous expliquait mort de rire que, y'a 10 ans quand ils ont commencé et qu'ils ont fait les premières réunions sur le dégroupage, il fallait une salle de réunion gigantesque pour asseoir les 50 opérateurs alors qu'aujourd'hui quand ils font les réunions sur le dégroupage, ils font ça dans son bureaux parce qu'ils sont 4, et il avait l'air content de lui pépère. C'est-à-dire que lui, il a été mis en poste pour ouvrir le marché, il est passé de 50 acteurs à 4 et il est content. Fabuleux! Moi je trouve fabuleux. Et donc ce petit jeu où on se retrouve avec 4 opérateurs qui vendent du Minitel-net 2.0 ben ça fait qu'ils sont suffisamment gros pour envoyer chier tous les autres, je veux dire quand on s'appelle Free et qu'on a 2 millions d'abonnés, ou quand on s'appelle France Télécom et qu'on en a 4, ou quand on s'appelle Neuf et qu'on en a je-sais-plus-combien à force de racheter leur clients je sais plus où ils en sont, 2,5 probablement, forcément, un Schtroumpf qui vient avec 20 000 comme Nérim rien à battre, parle pas aux ptits. Donc la difficulté d'interconnexion des réseaux, elle vient en bonne partie des erreurs de régulation ou des choix de régulation, parce que c'est ptet pas par erreur qui font qu'il y a plus de petits opérateurs.
  • → Gouvernance : assurance Et puis pour ceux qui étaient à la table ronde politique hier, y'a des problèmes de gouvernance. Les problèmes de gouvernances, ce sont tous ces braves gens qui se réunissent entre eux pour décider si oui ou non on va permettre aux gens d'acheter des noms de domaines sans leurs papiers, ou si on va distribuer des adresses IP aux pas gentils, ou comment on va faire en sorte que les pédo-nazis puissent pas faire ci ou ça, ou que les terroristes puissent pas poster, donc comment Google va filtrer tous les sites écrits en arabe parce que ça doit être suspect, sauf ceux bien évidemment signés par le gouvernement qui vend du pétrole. Tout ça c'est ce qu'on appelle la gouvernance Internet, c'est l'IANA, c'est l'ICANN, c'est le RIPE c'est etc. Ça en fait c'est une assurance. Une fois que c'est convenablement tenu par les quelques juristes des très gros opérateurs - vous pouvez y aller, y'a pas un technicien à poil dur, y'a quelques vieux barbus tout gris qui parlent BGP, le reste c'est tout du cravateux juriste docteur en droit, envoyé par les opérateurs pour vérifier que tout va bien. Ça c'est une assurance, c'est l'assurance du fait qu'ils resteront dans la position où ils sont.
  • Ils sont en train d’éteindre Internet D'où ça sort tout ça ? Ça sort schématiquement de l'histoire, c'est-à-dire que les gens qui ont de quoi fabriquer du réseau sont les gens qui ont fabriqué le téléphone et qui étaient en situation de monopole, ce sont les gens qui ont fabriqué la diffusion télé qui étaient en situation de monopole. Internet est né, à un moment ils se sont dit « tiens ça va se vendre » alors ils en ont vendu et puis, sans forcément être méchants, on pourrait croire à la théorie du complot mais j'y crois pas, je pense qu'ils sont pas assez malins pour s'être dit « tiens on va se liguer pour attaquer sur tous les fronts en même temps pour faire taire les pénibles »; moi je pense qu'ils l'ont pas fait exprès, mais ils sont en train d'éteindre Internet; et c'est un effet de bord naturel, c'est-à-dire qu'Internet remettait en cause leur monopole, ils ont fait chacun les petites actions dont ils avaient besoin pour essayer de maintenir leur monopole: les gros éditeurs de musique en faisant des DRM, les auteurs de logiciels tout pourris propriétaires en faisant des brevets, les marchands de contenu qui veulent pas qu'on aille acheter le contenu des autres en faisant du filtrage etc etc etc. Je pense même pas qu'ils se soient concertés pour faire tous les mêmes conneries.
  • On va manger du numérique avarié Et quand ils vous disent qu'on passe à l'heure du numérique, c'est vrai. Ils font bien du numérique, si vous regardez la télé autrefois y'avait de la neige, maintenant elle pixélise, c'est ben qu'elle est numérique ! Mais c'est pas de l'Internet, c'est du numérique. Du numérique, ça peut être le baladeur fermé propriétaire d'une grande marque japonaise en quatre lettres commençant pas S finissant par Y qui met des rootkit dans les CD ou ça peut être le fait que je fasse écouter la musique que j'aime bien à ma ptite sœur. Dans les deux cas, c'est du numérique, juste moi je trouve y'en a un il est avarié, je vous laisse deviner lequel.
  • L'apparition d'Internet a permis l'apparition du libre et l'apparition du libre a permis l'apparition d'Internet, les deux ont crû en même temps. Il va y a voir un décrochage. Le numérique va continuer à croître mais Internet a commencé sa décroissance il y a déjà quelques années. Il y a de moins en moins de gens qui s'hébergent eux-mêmes sur leur ligne ADSL. La décroissance d'Internet a commencé, la décroissance du libre c'est juste après. Même si vous arrivez à ce qu'ils ne fassent pas passer les brevets logiciels cette année et les DRM l'année prochaine, si vous arrêtez Internet, si vous les laisser arrêter Internet libre, vous allez mourir.
  • Donc je crois que ce sont les deux piliers, le premier c'est: il faut éduquer, aller expliquer aux gens ce que c'est qu'Internet, aller dire aux gens que Internet c'est pas de mettre des vidéos marrantes sur Dailymotion, Internet c'est de mettre les vidéos marrantes sur mon PC et que vous veniez les voir. C'est fondamental comme différence; ça c'est le premier pilier, éduquer les gens, c'est très long. Je veux dire on savait, 'fin moi ça fait très longtemps que je suis sur Internet, ça fait 10 ans que je suis président de FDN, ça fait longtemps que je réfléchis sur ces questions, là je sais que c'est long d'éduquer les gens. La croissance actuelle des ventes de Machin Box en Minitel 2.0 c'est pas la croissance de l'éducation au net. Le type qui publie son blog sur un ordinateur qu'il ne possède pas, il fait du Minitel alors il apprend à faire du Minitel amélioré où il peut parler, mais il n'a pas encore appris à faire du net, c'est-à-dire à mettre son blog sur une machine qu'il est le seul à pouvoir couper du réseau. C'est très différent, cette éducation-là va prendre un ptit peu de temps. Et le deuxième pilier c'est: faites votre réseau, faites vos serveurs IRC qui ne sont pas ceux des gros opérateurs, faites vos serveurs mail qui ne sont pas ceux des gros opérateurs. Faites votre réseau. Avec ces deux piliers-là, on aura quelques résistants qui sont ceux qui font le réseau, et quelques enseignants pour propager la bonne parole, ce sont les deux fondamentaux dont on a besoin. Je sais pas ce qu'on peut faire d'autre. Si, on peut essayer de se battre sur le juridique, mais on y va vraiment avec un lance-pierre contre des chars d'assaut.
  • y'a deux objections classiques au « hébergez-vous vous-mêmes », y'en a des moins classiques qui sont en général pas très intéressantes, en tout cas j'en ai pas encore entendu, y'en a deux qui sont vraiment classiques, y'a celle que tu indiques qui est intelligente, y'en a une autre qui est bête. Je vais commencer par celle qui est bête pour m'en débarrasser. Le « c'est compliqué techniquement », ça, c'est juste faux, je veux dire si le débile de base il est capable de poster une vidéo sur Dailymotion et il est capable de poster dans son blog, faire une Internet box qui contient le serveur Apache*4 qui contient son blog et les plug in type Dailymotion, il aura qu'à uploader vers sa boîte, c'est pas plus dur. Donc le « techniquement c'est compliqué » ça c'est juste faux.
  • Après y'a le problème écologique. La question écolo là-dedans c'est « si je laisse mon PC allumé tout le temps pour héberger mon pauvre site web qui a 12 visiteurs par jour, je brûle le courant plein pour rien ». Ça c'est un vrai problème. Mais dire « je vais m'héberger en salle machine avec tout le monde comme ça si on pose une bombe tout le monde se tait », c'est la mauvaise réponse. Quand les écolo disent « la consommation d'électricité fabriquée avec du charbon et du nucléaire c'est vachement dangereux » ils ont raison. Quand on apporte comme réponse « y'a qu'à se passer d'électricité », c'est pas la bonne. Un ordinateur capable d'héberger un site web c'est pas l'énorme machin avec 12 ventilos que tu utilises pour jouer au dernier jeu à la mode. Un ordinateur capable d'héberger un site web ça a une puissance de calcul similaire à celle qu'on trouve dans un palm aujourd'hui, ou dans un téléphone; c'est-à-dire que ton téléphone là, s'il était pas en Java avec de la merde dedans, il serait capable de faire des sites web comme on n'en rêvait pas en 95. Il consomme peau de balle en courant. Lui tu peux le laisser chez toi branché, et pour peu qu'en plus tu lui donnes du courant que t'as fabriqué avec des fines herbes et avec du bois, ou avec du solaire, ça va être nickel. Un ptit ordinateur qui ne mange que du solaire et qui est autonome tout seul dans sa boîte avec du solaire ça existe, les fous qui font des réseaux wifi bizarres ouverts etc, ils ont ça, des espèces de routeurs qu'ils viennent mettre sur le toit collés à la borne wifi, c'est 100% autonome si c'est sur du solaire, ça mange pas d'énergie.
  • -Hébergeur hébergé, c'est pas forcément une bonne réponse dans le sens « on se met à 3 et on loue une bécane dans une salle machine », c'est dans cet esprit-là? Dans cet esprit-là, dans la balance entre Internet et le Minitel quand tu mets ton site web chez OVH*6 tu es purement dans Minitel, quand tu mets dans le serveur des pages perso Wanadoo c'est pire, quand tu commences à le mettre sur le serveur hébergé en salle machine d'une assoss sympathique, l'Autre.net, Ouvaton des gens comme ça, Tuxfamily*7 tu rééquilibres un peu, quand tu le mets sur les machines auto-hébergées des gens comme RHIEN*8, le Réseau d'Hébergeurs Indépendants ENgagés, je vous invite à aller les voir si vous ne les connaissez pas, R-H-I-E-N, c'est super bien ce qu'ils font, ça penche presque vers de l'Internet parce que, eux, ils s'y mettent à 10-15-20-30 à héberger sur la machine du gars qui sait faire leur site web derrière leur ligne ADSL. On est quasiment sur de l'Internet, on est sur du beaucoup-net. Donc oui c'est mieux. Je veux dire si t'as à choisir entre les pages perso de ton fournisseur d'accès moisi qui retirera le contenu si ça lui plait pa,s et te faire héberger dans la même machine que ta bande de potes, c'est plutôt mieux la deuxième solution, maintenant si la machine en question elle est dans une salle machine qui t'appartient pas, où les flics ils rentrent quand ils veulent avec même pas un mandat, juste ils demandent poliment au monsieur à l'entrée, pas top.
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    "Internet, logiciel libre, c'est la même chose En fait ce à quoi je veux en venir c'est que c'est la même chose: c'est-à-dire que sans logiciel libre pas d'Internet: si BIND n'avait pas été libre, si le protocole de routage IP n'avait pas été libre et ouvert Internet ne serait pas né. Donc sans logiciel libre pas d'Internet. Sans Internet pas de logiciel libre, évident. Si on supprime le mail et les échanges électroniques de code entre développeurs pour faire murir les softs, ça ne peut pas marcher. Les deux sont intimement liés: en fait ce sont deux facettes d'un même objet. Cet objet, si vous voulez on débattra tout à l'heure, je pense que c'est ce qu'on appelle la société du savoir, l'économie du savoir. Mais ce sont deux facettes du même objet on peut pas différencier, on peut pas dissocier Internet et logiciel libre, c'était ça le bout d'historique que je voulais vous raconter."
Aurialie Jublin

Mariana Mazzucato, une économiste qui fait des vagues - 0 views

  • Elle pense que les décideurs du secteur public en Grande Bretagne sont otages du discours si souvent servi par les lobbyistes de l’industrie selon lequel “ils ne devraient pas prendre trop de risques, ils ne devraient pas choisir les gagnants”. Les conséquences en sont l’hémorragie des talents qui quittent le secteur public, et la validation sans remise en cause du mantra des lobbyistes : baisses d’impôts et assouplissement de la réglementation sont la recette pour attirer investisseurs et entrepreneurs.
  • “Aux États-Unis, ils parlent comme Jefferson mais ils agissent comme Hamilton” dit-elle. “Ici, en Grande-Bretagne, ils parlent et ils agissent comme Jefferson.” (Thomas Jefferson écrivait qu’il “n’était pas un ami d’un gouvernement très énergique”, alors que son grand rival insistait pour que les États-Unis lancent une politique industrielle volontariste). Un contre-exemple : le Government Digital Service [administration britannique chargée de la transformation numérique, ndt]. Des fonctionnaires, et non les habituels sous-traitants informatiques, ont créé un site qui répond vraiment aux besoins des citoyens, et, souligne-t-elle, “ils en ont fait un endroit vraiment, vraiment cool où travailler, au point que les types de la tech à la City avaient du mal à les recruter”.
  • Marianna Mazzucato défend ces idées depuis longtemps. Elle a publié en 2013 ‘The Entrepreneurial State’ (L’État entrepreneur) pour protester contre les politiques d’austérité post-crise. Elle voulait démontrer à quel point le succès de la Silicon Valley reposait sur les recherches financées par l’État, et qu’ailleurs, dans beaucoup d’autres économies, des agences gouvernementales jouaient ce même rôle essentiel. Son dernier livre veut donner une assise théorique à ses idées. Un long chapitre décortique comment différentes écoles d’économie ont traité le concept de la valeur au cours des siècles, avant que s’imposent les mantras “les prix sont fixés par l’offre et la demande” et “la valeur est dans l’œil de celui qui regarde”.
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  • L’influence de Mariana Mazzucato est particulièrement visible dans la politique publique. Elle est généralement vue comme une sympathisante de gauche, mais elle affirme n’avoir pas d’agenda politique et être prête à conseiller “ceux qui écouteront”. Au Royaume-Uni, on reconnaît son empreinte dans le projet de politique industrielle du gouvernement conservateur actuel, publié en novembre dernier, tout autant que dans le manifeste du Parti travailliste de l’an dernier. Elle désapprouve le nationalisme “sous toutes ses formes”, mais elle joue aussi un rôle officiel de conseillère du Parti nationaliste écossais de Nicola Sturgeon, et revendique l’idée de la création par le gouvernement écossais d’une banque nationale d’investissement.
  • Elle admet que ce qui a “probablement le plus d’impact, dans tout ce que j’ai écrit et que j’écrirai” est le rapport publié en février sur les programmes de recherche et d’innovation européens. Il concrétise son idée que les gouvernements devraient piloter la croissance en coordonnant des “missions” – dotées de visées sociales ambitieuses et d’objectifs quantifiables – qui propageront l’innovation de secteurs en secteurs. Un précédent connu est la décision américaine d’envoyer un homme sur la lune. De nos jours, un objectif pourrait être d’atteindre les cent villes à bilan carbone neutre d’ici 2030.
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    "Elle souhaite avant tout contrer l'opinion dominante selon laquelle l'innovation naît dans le secteur privé, et le rôle du gouvernement se limite à redistribuer, à délimiter le terrain de jeu et à réparer les erreurs du marché. En réalité, argumente-t-elle, beaucoup d'acteurs du privé, de la finance aux grands laboratoires pharmaceutiques, extraient ou détruisent de la valeur créée par autrui. Pour elle, le secteur public peut et devrait être un co-créateur de richesses qui pilote volontairement la croissance pour atteindre ses objectifs, que ce soit dans le domaine des énergies alternatives, du vieillissement des sociétés ou de la participation des citoyens à l'économie numérique."
Aurialie Jublin

dWeb : vers un web (à nouveau) décentralisé ? | InternetActu.net - 0 views

  • Les partisans du web décentralisé, explique Corbyn, souhaitent promouvoir et développer un web qui ne dépendrait plus des grandes entreprises qui amassent nos données pour en tirer profit. Pour ses promoteurs (parmi lesquels on trouve Tim Berners-Lee, Brewster Kahle ou Ted Nelson…), l’enjeu est de revenir à un web originel, avant qu’il ne soit perverti par les grandes plateformes qui ont émergé avec le web 2.0. Redistribuer le web afin que les utilisateurs gardent le contrôle de leurs données, interagissent et échangent des messages directement avec les autres membres du réseau sans passer par des services centralisés : tel est l’enjeu du dWeb.
  • Dans une série de billets un peu techniques présentant des applications concrètes de ce nouveau web décentralisé, on découvre plusieurs solutions émergentes comme Scuttlebutt, un réseau social décentralisé qui repose sur un protocole chiffré qui permet de stocker ses messages en local afin de les partager avec d’autres utilisateurs en pair à pair ; WebTorrent, un lecteur de torrent qui fonctionne dans le navigateur ; ou encore IPFS, un protocole pour remplacer le protocole HTTP du web…
  • Si ce web décentralisé est encore balbutiant, ce mouvement a été largement renouvelé par le développement des protocoles blockchain. De nouvelles applications sont apparues, comme Stealthy (un système de messagerie instantanée décentralisée), OpenBazaar (une place de marché décentralisée), GraphiteDocs (une alternative à Google Doc), Textile (une alternative à Instagram), Matrix (une alternative à Slack), DTube (une alternative à YouTube)… On y trouve aussi bien sûr les alternatives décentralisées aux réseaux sociaux que sont Akasha et Diaspora… Et même un navigateur pour explorer le web en pair à pair : Beaker Browser basé sur le protocole dat (voire les explications).
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  • Cet espace ressemble plutôt à une niche de geeks, à l’image des vidéos que l’on trouve sur DTube. La contestation de la centralisation ne suffira pas à faire décoller ce nouvel attrait pour la décentralisation, pointait-il avec pertinence.
  • Dans cet essai, intitulé « Information Civics » (qu’on pourrait traduire par la citoyenneté de l’information ou par l’éducation civique des réseaux), Frazee invite à reprendre le pouvoir sur les grands réseaux sociaux. Il rappelle combien nous sommes déconnectés de la gouvernance des grandes plateformes et que cette déconnexion est ce qui motive la réponse proposée par la décentralisation.
  • Paul Frazee rappelle néanmoins que toute décentralisation n’est pas démocratique pour autant. Il égratigne notamment la gouvernance de Bitcoin qui est plus ploutocratique qu’autre chose, donnant le pouvoir à ceux qui ont le plus de capital. Etherum a provoqué la colère de nombre de ses membres lorsque l’état du registre a été modifié pour contrer un piratage. Pour Frazee, cet exemple est également la preuve que des autorités existent en dehors du code du protocole. « Ces controverses montrent que nous pourrions avoir une vision incomplète de la gouvernance et de l’autorité ».
  • Peut-on considérer la décentralisation comme étant simplement une élimination de toute autorité ? Si c’était le cas, nous n’aurions pas à discuter d’éducation civique aux réseaux, estime-t-il. Pour lui, la décentralisation ne peut pas seulement reposer sur la maximalisation de la répartition du pouvoir, au risque de donner plus de pouvoir à certains qu’à d’autres.
  • Dans les applications centralisées comme Facebook ou Google, toute autorité est confiée au serveur. Pour Frazee, ils sont par essence des services autoritaires. Les utilisateurs n’ont aucun mécanisme à leur disposition pour contraindre ou ignorer les décisions du serveur. Aucune loi ne restreint la puissance du serveur. Dire qu’ils sont autoritaires n’est pas les dénigrer, c’est décrire leur conception politique. Cet autoritarisme est particulièrement saillant lors de controverses, comme lors de mécontentement des utilisateurs dû à des changements d’interfaces, lors de colères contre les politiques de modération, la conception d’algorithmes, le placement publicitaire ou l’utilisation des données personnelles des utilisateurs… Mais au-delà de leur indignation, les utilisateurs n’ont aucun pouvoir sur ces politiques autoritaires, qui, si elles apportent du confort, apportent aussi leur lot d’anxiété quant à la manipulation, la surveillance ou la censure. Dans ce système politique, pour l’utilisateur, se révolter consiste à changer de service, bien souvent au détriment de leurs données – perdues -, ce qui ne laisse en fait pas beaucoup de place à la révolte. En passant d’un service à un autre, « les utilisateurs ne trouvent aucune libération politique ».
  • Proposer des alternatives nécessite donc de distribuer l’autorité, à l’image des services P2P, des services d’adressage chiffrés, des blockchains… Chacune de ces méthodes n’empêche pas l’utilisation de serveurs centraux ni la formation d’autorités, mais vise à les réduire. Proposer de nouvelles applications nécessite également de nouveaux protocoles qui sont plus lents à changer et à se déployer. Mais au-delà des défis techniques et sociaux liés à la mise en application, il existe des défis politiques liés à trouver des accords sur ces nouvelles normes tout comme à trouver des processus de partage de pouvoir qui ne provoquent pas de dysfonctionnements.
  • Pour y remédier, Frazee propose de s’appuyer sur des « protocoles de réseaux constitutionnels », c’est-à-dire des protocoles qui appliquent automatiquement le code, comme dans les contrats intelligents. Le code est alors une constitution parce qu’elle fournit les règles pour le fonctionnement de l’autorité et que les utilisateurs peuvent s’assurer à tout moment que la constitution est respectée. « Le constitutionnalisme de réseaux a pour effet de transférer l’autorité de l’opérateur au code » : elle assure du processus, décrit des autorités et limites leurs possibilités d’action.
  •  Je crois en l’engagement civique. Nous disposons d’outils puissants qui encodent des valeurs et des droits. Nous devons transformer les architectures de pouvoir qui sont les nôtres. »
  • Pour améliorer la structure civique du web – le rendre plus démocratique -, il faut donc rééquilibrer les droits. Peut-on permettre que les clients (c’est-à-dire les ordinateurs de chacun) aient plus de droits que les serveurs, qu’ils aient le droit de publier, le droit d’avoir une identité, le droit de déployer du code (pour décider de comment ils souhaitent que leurs applications fonctionnent) ? Seuls les réseaux pair-à-pair déploient des noeuds avec des droits égaux, rappelle-t-il. Cette question n’est pas qu’une question technique, estime Frazee, c’est une question démocratique, une question civique. Les techniciens n’ont pas à résoudre les problèmes pour les gens, mais à laisser les gens résoudre ces problèmes comme ils veulent.
  • En février, l’entrepreneur et investisseur Chris Dixon (@cdixon) était déjà revenu sur l’importance de la décentralisation. Il rappelait que le premier internet était basé sur des protocoles décentralisés, mais qu’il avait été dépassé dans les années 2000 par des services qui avaient supplanté les capacités des protocoles ouverts, comme ceux des majors du web. Pour lui aussi, la centralisation est l’une des causes des tensions sociales qui s’expriment aujourd’hui que ce soit la désinformation, la surveillance, les brèches de données… Pour autant, souligne-t-il, les réseaux décentralisés ne résoudront pas tous les problèmes.
  • Pour Primavera De Filippi (@yaoeo) – qui a publié avec Aaron Wright, Blockchain and the law ainsi qu’un Que-sais-Je ? sur ces sujets -, le web décentralisé pose également des défis juridiques et de gouvernance : qui est responsable des problèmes quand tout est décentralisé ?
  • Comme elle le souligne en conclusion de son livre, si ces systèmes promettent d’améliorer la société, ils pourraient également restreindre plus que renforcer l’autonomie et la liberté des individus. L’hypothèse qui veut que la règle du code soit supérieure à celle du droit n’est pas sans poser problème. Comme Lawrence Lessig l’a déjà dit : « Quand le gouvernement disparaît, ce n’est pas comme si le paradis allait prendre sa place. Quand les gouvernements sont partis, d’autres intérêts prendront leur place. » Pour Primavera de Filippi et Aaron Wright, le déploiement de systèmes autonomes régulés seulement par le code nous pose de nouveaux défis de responsabilité.
  • Comme le dit Yochai Benkler : «Il n’y a pas d’espace de liberté parfaite hors de toute contrainte ». Tout ce que nous pouvons faire est de choisir entre différents types de contraintes. (…) Les applications décentralisées basées sur une blockchain pourraient bien nous libérer de la tyrannie des intermédiaires centralisés et des autorités de confiance, mais cette libération pourrait se faire au prix d’une menace beaucoup plus grande encore : celle de la chute sous le joug de la tyrannie du code. »
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    "La journaliste Zoë Corbyn, pour le Guardian est revenue sur le Sommet pour un web décentralisé (vidéos), qui se tenait début août à San Francisco."
Aurialie Jublin

FR - A Contract for the Web - 0 views

  • Les gouvernements s'engagent à  :S'assurer que tout le monde peut se connecter à InternetAinsi, n'importe qui, peu importe son identité ou son lieu de résidence, peut participer activement en ligne.Maintenir la disponibilité constante d'InternetAfin que personne ne soit privé de son droit à un accès complet à Internet.Respecter le droit fondamental des personnes à la vie privéeAinsi, tout le monde peut utiliser Internet librement, en toute sécurité et sans crainte.
  • Les entreprises s'engagent à :Rendre Internet abordable et accessible à tousPour que personne ne soit exclu de l’utilisation et de du futur  du Web.Respecter la vie privée et les données personnelles des consommateursAfin que les gens gardent le contrôle de leur privacité et vie en ligne.Développer des technologies qui supportent le meilleur de l'humanité et défient le pireAfin que le Web soit réellement un bien public qui donne la priorité aux gens.
  • Les citoyens s'engagent à :Être des créateurs et des collaborateurs sur le WebPour que le Web présente un contenu riche et pertinent pour tout le monde.Construire des communautés fortes qui respectent un discours civil et la dignité humainePour que tout le monde se sente en sécurité et bienvenu(e) en ligne.Se battre pour le WebPour que le Web reste ouvert et constitue une ressource publique universelle pour les utilisateurs du monde entier, aujourd'hui et à l'avenir.
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  • Nous nous engageons à respecter ces principes et à impulser  un processus de délibération afin de créer un « contrat pour le Web » complet, qui définira les rôles et les responsabilités des gouvernements, des entreprises et des citoyens. Les défis auxquels le Web est confronté aujourd'hui sont redoutables et ont des impacts sur  tous les aspects de nos vies, et non seulement lorsque nous sommes en ligne. Mais si nous travaillons ensemble et que chacun de nous assume la responsabilité de ses actes, nous pouvons protéger un Web réellement au service de tous et toutes.
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    " Le Web a été conçu pour rassembler les gens et rendre les connaissances librement disponibles. Tout le monde a un rôle à jouer pour que le Web soit utile à l'humanité. En adhérant aux principes suivants, les gouvernements, les entreprises et les citoyens du monde entier peuvent contribuer à protéger le Web ouvert en tant que bien public et droit fondamental pour tous. "
Aurialie Jublin

Pire to pire : le fantasme de la perfection sociale - P2P Foundation France - 0 views

  • Car cette liberté retrouvée semble à tout prix devoir être mise au service d’un but « noble » qui serait une espèce d’efficacité sociale, et d’une rationalisation de nos comportements. Il semble acquis que si « nous » communiquons mieux, et sans intermédiaires pour nous en empêcher, « nous » arriverons plus rapidement au but. Mais lequel ? Et qui est ce « nous » ? Tout se passe comme si, effrayés par l’autonomie à laquelle ils sont peut-être en train d’accéder, les chantres de la décentralisation inventent en même temps la méta-organisation qui remplacera la figure du père, à défaut de savoir s’en passer.
  • Le passage d’un système fondé sur la confiance en l’humain vers un système fondé sur la preuve (où la confiance est déléguée à la technologie) semble ainsi pouvoir panser toutes les plaies, éviter toutes les trahisons, désillusions, imperfections… et l’on imagine que ce système parfait, à la fois incorruptible et incontrôlable, rendra nos vies meilleures et nous mettra à l’abri des tricheurs, des abuseurs et des voleurs.
  • celui qui gouverne, c’est celui qui indique la direction, qui donne un sens, qui guide. Ils défendent donc avec ardeur un système qui va aider à coordonner les mouvements des rameurs de la galère, sans considérer que si le projet social de la-dite embarcation diffère de ce qu’ils ont imaginé, ils sont en train de fabriquer eux-mêmes l’instrument de leur propre aliénation : une boussole autogène !
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  • On en arrive à des propositions dites « démocratiques » entièrement basées sur la machine, où l’évaluation du nombre et de la qualité des contributions individuelles deviendrait une monnaie d’échange universelle et infalsifiable. On imagine même que les individus pourraient participer aux prises de décisions de façon proportionnelle à leurs contributions. Le bon vieux système de bons points remis au goût du jour ! Tant pis pour ceux qui ne souhaitent ou ne peuvent pas contribuer ? Tant pis si nous devenons esclaves de notre propre auto-évaluation ? La vie deviendrait un grand jeu vidéo où je chercherais à accumuler plus d’étoiles sur mon profil que le voisin pour gagner des points de gouvernance ou de rétribution ?
  • La gouvernance, si elle n’est pas humaine, prend le risque d’un réductionnisme mortifère et le chemin d’un égalitarisme totalitaire qui n’aura rien à envier aux dictatures que le monde a connues jusqu’ici.
  • Il me semble donc que les communs et le pair-à-pair ne pourront se développer harmonieusement qu’à la seule condition que les individus intègrent profondément que «pair», contrairement à son homonyme informatique, n’est pas synonyme de ce qui est «identique à moi» mais parle de connexion et d’amour d’une radicale altérité.
  • Ce que la blockchain, qui n’est qu’un outil, ne nous dit pas, c’est comment nous allons réussir à faire société et quelle société nous voulons. Cette perspective passe peut-être par trouver ce que nous avons en commun, ce qui ne signifie pas effacer nos singularités et nos défauts via une hypothétique technologie de la transaction. Il ne s’agit pas non plus de fantasmer un monde sans limites régi par une sémantique universelle, mythique Tour de Babel moderne.
  • Il s’agirait plutôt d’apprendre à travailler et à gouverner ensemble avec nos imperfections et nos limites, dans le but de créer quelque chose en commun au cœur de la relation. C’est probablement très difficile à réaliser (sans doute le travail de toute une vie !), inefficace et bancal, mais peut-être aussi tellement plus gratifiant et créateur de sens qu’une chaîne de chiffres infalsifiable…
  •  
    "Décentralisation, distribution, peer-to-peer, blockchain : on assiste à un déferlement de termes censé ouvrir un nouvel horizon de libertés individuelles et collectives. Pourtant, quelque chose cloche dans les discours et un frisson me parcourt souvent l'échine à l'écoute de certaines vidéos ou à la lecture de certains articles…"
Aurialie Jublin

Censure antiterroriste : Macron se soumet aux géants du Web pour instaurer un... - 0 views

  • Pour rappel, le texte, poussé par la France et l’Allemagne, utilise le prétexte de la lutte contre le terrorisme pour soumettre l’ensemble des hébergeurs (et pas seulement les grandes plateformes) à des obligations extrêmement strictes : retrait en une heure de contenus qualifiés de terroristes par une autorité nationale (en France, ce sera l’OCLCTIC, le service de la police chargé de la cybercriminalité)  la mise en place d’un « point de contact » disponible 24h/24 et 7j/7  l’instauration de « mesures proactives » pour censurer les contenus avant même leur signalement  si ces mesures sont jugées insatisfaisantes par les États, ces derniers peuvent imposer des mesures spécifiques telles que la surveillance généralisée de tous les contenus.
  • D’un point de vue humain, technique et économique, seules les grandes plateformes qui appliquent déjà ces mesures depuis qu’elles collaborent avec les polices européennes seront capables de respecter ces obligations : Google, Facebook et Twitter en tête. Les autres acteurs n’auront d’autres choix que de cesser leur activité d’hébergement ou (moins probable, mais tout aussi grave) de sous-traiter aux géants l’exécution de leurs obligations.
  • Ce texte consacre l’abandon de pouvoirs régaliens (surveillance et censure) à une poignée d’acteurs privés hégémoniques. Pourtant, la Commission et les États membres, en 146 pages d’analyse d’impact, ne parviennent même pas à expliquer en quoi ces obligations pourraient réellement être efficaces dans la lutte contre le terrorisme.
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  • Quand nous avons dit aux ministères que leur texte détruirait l’ensemble du Web décentralisé, ne laissant qu’une poignée de géants en maîtres, on nous a laissé comprendre que, oui, justement, c’était bien le but. Tranquillement, nos interlocuteurs nous ont expliqué que Google-Youtube et d’autres multinationales numériques avaient convaincu le gouvernement que la radicalisation terroriste était facilitée par les petites et moyennes plateformes, et qu’il fallait donc laisser la régulation du Web aux seuls géants prétendument capables de la gérer. Où sont les preuves de cette radicalisation plus facile en dehors de leurs plateformes ? Nulle part. Sans aucune honte, le gouvernement s’est même permis de sortir l’argument du secret défense, complètement hors sujet, pour masquer son manque de preuve et afficher son irrespect de toute idée de débat démocratique. C’est comme ça : Google l’a dit, ne discutez pas.
  • Macron se moque de détruire tout espoir d’une économie numérique européenne. Il veut simplement un texte sécuritaire qu’il pourra afficher au moment des élections européennes (ses « mid-terms » à lui), afin de draguer une partie de la population inquiète du terrorisme et qu’il s’imagine assez stupide pour tomber dans le panneau. Dans son arrogance délirante, il n’a même plus peur de renier ses électeurs pro-Europe ou pro-business, ni la population attachée aux libertés qui, pensant repousser l’extrême droite, l’aura élu.
  • Dans ce dossier, la menace terroriste est instrumentalisée pour transformer le Web en GAFAMinitel, pour acter la fusion de l’État et des géants du Net, et ainsi consacrer la surveillance généralisée et la censure automatisée de nos échanges en ligne. Tout ça pour quoi ? Pour lutter contre une auto-radicalisation fantasmée dont la preuve serait secret-défense (la bonne affaire !), et alors que les enquêtes sérieuses sur la question montrent que les terroristes ne se sont pas radicalisés sur Internet.
  • Le seul effet de ce texte sera de renforcer les multinationales du numériques et les dérives de l’économie de l’attention dont ils sont porteurs : la sur-diffusion de contenus anxiogènes, agressifs et caricaturaux capables de capter notre temps de cerveau disponible. L’urgence législative est de combattre ces dérives : de limiter l’économie de l’attention tout en favorisant le développement de modèles respectueux de nos libertés. C’est ce que nous proposons.
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    "Il y a deux mois, la Commission européenne a publié sa proposition de règlement « censure antiterroriste ». Nous le dénoncions, expliquant que ce projet aura pour effet de détruire l'ensemble du Web décentralisé. Depuis, nous avons rencontré les ministères français en charge du dossier : nos craintes se sont amplifiées. La France, avec le soutien de l'Allemagne et du Parlement européen, va tout faire pour empêcher un débat démocratique sur ce texte : le gouvernement n'en parle pas dans la presse, veut forcer son adoption urgente et invoque le secret-défense pour empêcher tout débat factuel. Pourquoi tant de secret ? Probablement parce que ce texte, écrit en collaboration avec Google et Facebook, aura pour effet de soumettre l'ensemble du Web à ces derniers, à qui l'État abandonne tout son rôle de lutte contre les contenus terroristes. La collaboration annoncée lundi par Macron entre l'État et Facebook n'en est que le prémice, aussi sournois que révélateur."
Aurialie Jublin

« Dans mon livre, j'ai imaginé un mélange entre l'ONU et Google » - 0 views

  • Un autre anachronisme consiste à penser que plus un pays est grand géographiquement, plus il est puissant. La situation économique et l’étendue du territoire sont de moins en moins intriqués. Je trouve plus intéressant d’imaginer une organisation plus flexible, qui donne à chaque personne la possibilité de choisir le gouvernement qu’elle souhaite.
  • L’Etat-nation, c’est l’idée que nous avons une identité liée à l’Etat plutôt qu’à notre ethnie, à notre religion ou à notre langue. C’est un progrès mais ce n’est qu’une étape si nous voulons échapper au déterminisme de nos identités liés à nos gènes, à notre naissance. Cette étape continue à nous lier par notre naissance puisque, si l’on n’a pas beaucoup d’argent, il reste très difficile de changer de nationalité. Il faut continuer à chercher d’autres étapes pour définir une autre identité, plus globale, en tant qu'être vivant. D’un point de vue écologique, il faut aussi se mettre à penser comme élément d’un écosystème
  • Oui, il y a une grande bureaucratie centrale qui facilite tout ça, qui s’appelle tout simplement « Information ». C’est une espèce de mélange entre l’ONU et Google, qui gère toute l’information dans le monde. Elle permet d’amener l’information à tout le monde tout en exerçant une surveillance globale. C’est une organisation très puissante. L’idée est d’interroger la possibilité et le bien-fondé d’une telle organisation globale, qui se réclame d’une neutralité en réalité impossible.
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  • Aujourd’hui, en France comme aux Etats-Unis et dans la plupart des démocraties, il y a le même problème d’un gouvernement devenu monolithique, qui n’offre que peu de choix et peu d’alternatives aux citoyens. Il y a également ce problème de la fragmentation de l’information et des « bulles » d’information favorisées par les réseaux sociaux comme Twitter, qui renforcent mes opinions en me suggérant de suivre seulement des gens qui me ressemblent et qui ne me permettent plus de distinguer ce qui relève d’une information ou d’une opinion.
  • Internet et les réseaux sociaux ont le potentiel d’être très « démocratisants ». J’ai imaginé une organisation qui éviterait cette fragmentation de l’information. Il faut explorer ka gestion de l’information comme bien public. Mais la question du contrôle d’un tel organisme soulèvet évidemment des difficultés…
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    "Le rattachement à un gouvernement par la géographie est aujourd'hui un anachronisme. Ça ne fait plus sens. J'ai travaillé dans beaucoup de pays connaissant des mouvements de sécession régionale ; presque tous les pays du monde sont concernés. C'est un gros problème pour la démocratie. On a d'un coté des populations qui ne se sentent plus appartenir à l'État-nation, qui veulent en sortir, et de l'autre des migrants qui veulent y entrer. C'est une contradiction fondamentale qu'il faut repenser. Ça ne marche plus d'avoir des frontières fixes qui ne changent pas avec les générations, et qui cherchent à conserver un peuple ayant un sentiment cohérent d'appartenance. C'est ridicule. C'est une résistance à l'idée que le monde change, que la démographie change, ainsi que les idées des gens."
Aurialie Jublin

« La technologie offre aux quartiers la possibilité de devenir des espaces pr... - 0 views

  • La plupart du temps, nous n’avons pas besoin des multinationales. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la maire de Barcelone, Ada Colau, a pris une décision historique en interdisant les franchises dans sa ville. Changer de paradigme est un grand projet, mais changer des éléments à une échelle locale, c’est tout à fait faisable et ça commence à se faire dans de plus en plus de villes. Par exemple, moi qui suis investie dans le mouvement des fermes verticales, je constate que l'agriculture urbaine essaime : aujourd’hui, à New York, on peut même obtenir un permis pour élever une poule chez soi.
  • La technologie offre aux quartiers la possibilité de devenir des espaces productifs. Prenons le cas des quartiers défavorisés, par exemple. Très souvent, le voisin y est perçu comme un « ennemi » simplement parce qu’il est accessible : un gouvernement est hors d’atteinte, tandis qu'un voisin est un excellent souffre-douleur. Il est donc essentiel de favoriser le lien social dans ces quartiers.
  • si ces personnes doivent faire face à un problème urgent de garde d'enfant, ils n'ont souvent pas le temps de passer un coup de fil dans la journée pour trouver une solution, et s'ils s'absentent, ils risquent d'être licenciés. The Emergency Nanny permet à un groupe de personnes de confiance habitant un même quartier (coiffeur, épicier, voisin, etc.) de se rendre disponible tel jour à telle heure pour garder les enfants de la personne qui les solliciterait d'un clic via l'appli.
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  • Oui, les citoyens sont des acteurs clés pour orienter les usages de la technologie. Mais aux États-Unis, les maires procèdent à l’envers. Ils font appel à des entreprises informatiques et leur achètent des solutions préconçues pour des problèmes qui n’ont pas été clairement exposés en amont. La plupart du temps, ces technologies sont inutiles. Or, c’est l’inverse qui devrait se passer : les maires devraient réunir leurs équipes et établir quels sont les besoins, en bonne intelligence avec les citoyens. Il est regrettable que les classes dirigeantes refusent à ce point de comprendre la technologie et ses potentialités. Elles ont établi que c’était l’apanage des experts et s’en sont détournées
  • Les différents habitants d'un quartier ont des connaissances spécifiques de leur zone d’habitation que n'ont ni les élus locaux, ni les experts en urbanisme. On doit utiliser cette connaissance. Chacun devrait pouvoir accéder à une plateforme pour signaler une fuite d'eau, un nid-de-poule ou autre chose. Ça mobilise les habitants dans un effort commun, ça crée du tissu social et, à terme, cela peut aussi réduire la souffrance dans les quartiers défavorisés.
  •  
    "À l'occasion du Fab City Summit, qui s'est tenu à Paris du 11 au 22 juillet, nous avons rencontré Saskia Sassen. Connue pour ses travaux autour du concept de « ville mondiale » (« global city » en VO) - qui désigne les mégapoles devenues le coeur battant de la mondialisation tant elles concentrent tous les pouvoirs - la sociologue néerlando-américaine, qui enseigne notamment à l'Université Columbia de New York, a pris le temps d'échanger sur les leviers à actionner aujourd'hui pour mieux associer les citoyens à la gouvernance urbaine et recréer du lien social en ville."
Aurialie Jublin

Comment gouverner à l'ère du numérique ? - 0 views

  • « Voilà longtemps que les données de Facebook sont un inestimable matériau de recherche. Mais la politique de l’entreprise de Mark Zuckerberg en la matière est digne de celle d’un État. […] La nécessité d’une obligation contraignante de service public pour les données des plateformes monopolistiques s’impose de plus en plus. »
  • Or depuis quelques années, les États laissent, par négligence ou par intérêt, la voie libre aux plateformes, jusqu’à parfois se faire concurrencer sur des terrains jusque-là assumés par les pouvoirs publics. Pour ne pas voir surgir un futur géré par des puissances « quasi-État », le rôle d’une gouvernance étatique assurant la souveraineté numérique de ses citoyens est à redéfinir.
  • « Ce qu’on commence à observer, c’est que les géants du numérique proposent des services qui ressemblent de plus en plus aux services publics : des services liés au logement, à la recherche d’emploi, au transport… et qui commencent à concurrencer les États mais sans nécessairement respecter les valeurs du service public. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de transparence sur les opérations, pas de recours citoyen possible et pas de notion d’égalité d’accès à tous  », résume Paula Forteza.
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  • L’exemple du « Safety Check », système mis en place par Facebook à l’automne 2015, qui permet aux utilisateurs de faire savoir à leurs proches qu’ils sont en sécurité en cas de catastrophe, l’illustre bien. S’il fonctionnait bien à Paris, ce n’était pas le cas à Beyrouth. Certains États, qui ont tenté de dupliquer le mécanisme d’alerte, ont passablement échoué à faire utiliser leur application. Le relais est par défaut passé à Facebook qui peut selon les choix effectués (sur le choix des mécanismes déployés selon les évènements) jouer le rôle de décideur politique à échelle mondiale. Le fonctionnement du « Safety Check » a changé depuis — il est désormais activé par les utilisateurs eux-mêmes, dans un processus d’autorégulation — mais fait toujours l’objet de critiques virulentes.
  • La députée soutient qu’une délimitation claire entre le positionnement des acteurs est nécessaire : les États assument leur rôle de régulateur, l’indépendance des institutions françaises est respectée, et les géants du numérique sont des entreprises privées soumises au contrôle démocratique.
  • Dans un contexte géopolitique divisé entre géants du web américains et chinois, l’Europe représente un marché très juteux pour les GAFA. Redonner leur souveraineté numérique aux États européens, c’est également leur permettre de disposer de marges de manœuvre non négligeables dans la prise de décision économique et politique : quelles données rendre accessibles ; à qui ? quels futurs acteurs de l’innovation faire émerger ; sous quelles conditions ? Et pour voir apparaître une Europe maîtresse de son destin numérique, une transition institutionnelle seule ne suffira pas. Elle doit être accompagnée d’un mouvement de conscientisation des populations aux enjeux du numérique et d’actions citoyennes innovantes.
  • Redéfinir le rôle de l’État dans nos sociétés, c’est donc potentiellement le penser comme un État plateforme — une organisation sociale et politique qui met des ressources à disposition de la société civile (ces ressources peuvent être des données en open source provenant des secteurs publics et privés par exemple), puis qui s’appuie sur l’intervention des individus pour développer des services utiles à tous. Un exemple de réussite de tels projets participatifs est OpenStreetMap, qui a pour but de constituer une base de données géographiques du monde, en utilisant le système GPS et d’autres données en accès libre.
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    "Le futur sera-t-il géré sans les États ? Alors que le chiffre d'affaire des GAFA équivaut quasiment à celui d'un État moyen et qu'on commence à reconnaître le pouvoir diplomatique de certaines de ces entreprises, le rôle de l'État est questionné. C'est autour de ce constat, et à l'occasion du festival de l'innovation et des économies numériques Futur.e.s, que se sont engagées les réflexions sur le rôle de l'Etat à l'ère du numérique. Autour de la table pour cette conférence, Paula Forteza, députée La République en Marche !, Judith Rochfeld, professeur des universités à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et Henri Verdier, directeur de la Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC). RSLN y était."
Aurialie Jublin

Pas de démocratie sans communs, et pas de communs sans gouvernance démocratique! - 0 views

  • Pour moi les communs, c’est le SEUL moyen pour nous de pouvoir décider, à notre échelle, du système alimentaire et agricole que nous voulons pour notre société.
  • Ce sont des AMAP, groupements d’achats, coopératives qui rassemblent producteurs et mangeurs sur un territoire.Ce sont des supermarchés coopératifs.Ce sont des systèmes de garanties participatifs comme le label Nature & Progrès.Ce sont des connaissances ouvertes et partagées sur les méthodes culturales, la fabrication d’outils.Ce sont des jardins communautaires.
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    "Alors on doit revenir à l'autarcie et réapprendre à tout faire tout seul? Pas l'autarcie, mais l'autonomie. Ça ne veut pas dire qu'on doit tous se remettre à cultiver, bricoler, apprendre les plante médicinales, construire sa maison. L'autonomie peut passer par réapprendre à faire en partie les choses soi-même. Mais surtout, l'autonomie pour moi c'est de retrouver la gouvernance des systèmes que nous utilisons au quotidien, et partageons en commun."
Aurialie Jublin

French Impact: les 22 projets retenus par le gouvernement - Les Echos Start - 0 views

  • La liste des 22 projets retenus : Acta Vista, Article 1, Ecov, Baluchon, Enercoop, Envie autonomie, Fédération Simon de Cyrène, La foncière Chênelet, GRAP, Jaccede, Mozaïk RH, Messidor, Phénix, Siel Bleu, TicketForChange, Toit à Moi, Trait d'union, VAE les 2 Rives, VoisinMalin, WeTechCare, YesWeCamp, Plateau Urbain.
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    "Le gouvernement a détaillé hier, mardi 12 juin,  la nouvelle étape de son initiative French Impact, pour développer l'Économie sociale et solidaire en France. Parmi les annonces, 22 projets d'innovation sociale, avec un bon niveau de maturité, ont été identifiés pour devenir des solutions nationales et bénéficieront d'un accompagnement sur mesure."
Aurialie Jublin

GAFA : « Il faut prendre la Bastille numérique » | Alternatives Economiques - 0 views

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    "Ils bousculent tout sur leur passage. Les GAFA (pour Google, Apple, Facebook et Amazon) ont pris le contrôle d'un monde numérique en expansion continue. Leur emprise soulève une opposition croissante de la part des citoyens comme des gouvernements, que ce soit parce que ces entreprises évitent massivement l'impôt, ou parce que l'économie de plate-forme qu'elles instaurent bouleverse les règles d'organisation de notre économie. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils réagir ? Sébastien Soriano, à la tête de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), s'est saisi de cette question. Pour Alternatives Economiques et en parallèle des Etats généraux du numérique qu'organise actuellement le gouvernement, celui qui dirige le « gendarme » des télécoms livre sa vision et les bases d'une régulation de ces géants du numérique."
Aurialie Jublin

Jean Haëntjens : comment les géants du numérique veulent gouverner nos villes... - 0 views

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    "La ville est le lieu où l'on vit, où l'on travaille et où l'on se déplace, où l'on se socialise et parfois même où l'on fonde une famille. Questionner son futur est une tâche immense. En France, un tiers du PIB est dédié à la construction et à la maintenance de nos villes sous tous leurs aspects : immeubles, maisons, réseaux de transports individuels et collectifs, etc. En 2050, trois milliards d'êtres humains vivront dans des villes qui seront des territoires de plus en plus complexes qu'habiteront une multitude d'acteurs aux intérêts parfois convergents, parfois non. Cet entremêlement de contextes renouvelle la question de la bonne administration des villes, qui de plus, se confronte à l'entrée des technologies numériques dans la vie publique. Selon l'urbaniste et économiste Jean Haëntjens, l'avenir des villes pourrait schématiquement suivre deux voies : la première serait celle de la cité politique, une agora humaniste au service du bien commun. La seconde serait la « smart-city » : une ville régie et optimisée par les algorithmes, dans ses qualités comme dans ses défauts. Dans son ouvrage Comment les géants du numérique veulent gouverner nos villes. La cité face aux algorithmes (Editions Rue de l'Echiquier, 2018), l'auteur nous explique ce qui différencie ces deux modèles, leurs forces et faiblesses respectives, au-delà des discours illuminés et sans entretenir une quelconque « nostalgie du village »."
Aurialie Jublin

Le Défenseur des droits appelle le Gouvernement à respecter les droits des us... - 0 views

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    "Or la responsabilité de l'État est de ne pas dématérialiser un service sans mettre à disposition une alternative papier ou humaine faute de quoi l'usager perd toute possibilité d'échanger avec l'administration lorsqu'un bug informatique se produit ou lorsqu'un dossier est perdu. Nombreux sont les usagers qui ont perdu leur permis et donc leur emploi. Le Défenseur des droits recommande notamment que les services préfectoraux et les centres d'expertise et de ressources des titres (CERT) cessent d'orienter les usagers vers des prestataires privés pour la réalisation de leurs démarches et recommande à l'État de faire en sorte que le site de l'ANTS apparaisse avant les sites privés dans les résultats des moteurs de recherche afin que l'usager ne soit pas amené à payer, par erreur, des prestations qui sont gratuites. Prenant en considération les objectifs du gouvernement de dématérialiser l'ensemble des démarches administratives d'ici 2022, le Défenseur des droits recommande également d'introduire dans la loi une clause de protection des usagers, prévoyant l'obligation d'offrir une voie alternative au service numérique lors de la dématérialisation d'un service public ou d'une procédure administrative. En effet, l'enjeu est celui du maintien de la cohésion sociale : une dématérialisation trop rapide des services publics entraîne des risques d'exclusion et une augmentation du non-recours aux droits, mettant en péril l'égalité de toutes et tous devant le service public qui constitue un principe fondamental de la République. "
Aurialie Jublin

Livre blanc PrivacyTech (pdf) - Une nouvelle gouvernance pour les données du ... - 0 views

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    Une économie digitale performante et éthique nécessite une libre circulation des données personnelles sous le contrôle des individus. Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), lancé le 25 mai 2018, est un pas en avant majeur vers une nouvelle économie centrée sur l'individu grâce : au nouveau droit à la portabilité (Article 20) qui encourage la circulation des données, à une série de mesures et principes visant à augmenter la protection des individus comme le consentement spécifique et informé et le privacy by design. Le RGPD s'inscrit dans la stratégie de Marché Unique du Digital (Digital Single Market) de l'Union Européenne et a pour but de créer les conditions pour une économie sans barrières qui bénéficierait autant aux individus et aux entreprises qu'à la société dans son ensemble. Presque un an après le lancement du RGPD, nous observons un paysage prometteur d'organisations qui commencent à s'adapter au nouveau règlement, autant en Europe que dans le reste du monde. Mais il reste encore beaucoup à faire, particulièrement en ce qui concerne la mise en œuvre du contrôle des données par l'individu et de la portabilité. La tâche est éminemment complexe et requiert une coordination internationale, multisectorielle et multi-expertises. Pour réussir nous avons définitivement besoin d'une nouvelle approche ambitieuse qui pourrait partir de l'Europe pour s'étendre à l'international. Dans un tel contexte, nous proposons d'engager un échange constructif entre tous les acteurs de la donnée personnelle (entreprises, administrations, académies, associations) qui voudraient joindre leurs efforts au sein d'une nouvelle forme d'organisation dont le but serait de construire, harmoniser et proposer des standards technologiques, terminologies et bonnes pratiques pour la circulation et la protection des données personnelles, ainsi qu'une gouvernance adaptée. Les grandes pro
Aurialie Jublin

Reconnaissance faciale : Amazon, Microsoft et Google sommés de ne pas vendre ... - 0 views

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    « Cette technologie offre aux gouvernements la capacité inédite de traquer qui nous sommes, où nous allons, ce que nous faisons et qui nous fréquentons. » Mardi 15 janvier, quatre-vingt-cinq organisations non gouvernementales (ONG) américaines, menées par la puissante ACLU (Union américaine pour les libertés civiles), ont adressé trois lettres à Amazon, Microsoft et Google. Leur demande : que ces entreprises s'engagent à ne pas mettre leurs technologies de reconnaissance faciale à disposition des gouvernements.
Aurialie Jublin

Christchurch : les pyromanes appelés à éteindre l'incendie - La Quadrature du... - 0 views

  • Facebook fait mine de prendre conscience du problème de viralité lié à la plateforme en promettant aussi de « renforcer ses intelligences artificielles », encore une fois… Comme si, précisément, la « solution magique » de ses filtres automatisés ne venait pas d’être définitivement décrédibilisée, il y a deux mois, par une poignée d’internautes complices du tueur de Christchurch parvenant à les contourner pendant des jours, manifestement sans grand soucis. D’après Facebook, la première journée, 300 000 copies seraient passé au travers de ses filtres automatisés, n’étant traitées que pas son armée de modérateurs sous-payées et exposés aux pires conditions de travail.
  • Surtout, Facebook sait très bien que sa plateforme ne peut pas être corrigée, à moins de renoncer à son modèle économique, tout comme Google ou Twitter, véritable cœur du problème. La raison d’être de ces plateformes est de réunir le plus de personnes possibles en un seul endroit, pour les surveiller et leur proposer la publicité qui les influencera le plus.
  • Il est techniquement et humainement impossible de modérer d’aussi grosses plateformes pour éviter qu’elles ne deviennent des outils de harcèlement, de haine et de mort. Pire, pour maintenir tous nos cerveaux disponibles, leurs « intelligences artificielles » (qui ne se montrent efficaces qu’ici) entretiennent autant que possible la culture du buzz et, par là, le conflit, la caricature, la peur – tout ce qu’il faut pour éviter l’entraide et la cohésion. C’est le prix à payer pour capter plusieurs milliards de cerveaux en même temps, et ils ne renonceront jamais à nous le faire payer (c’est pourquoi nous luttons pour le développement d’un Web décentralisé et à taille humaine).
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  • Et, bien sûr, leur emprise s’exerce en marchant sur nos libertés fondamentales, exploitant nos données personnelles et violant le RGPD pour mieux nous contrôler (voir nos plaintes devant la CNIL et la première sanction de celle-ci en réponse contre Google).
  • Il y a 2 mois, le Parlement européen a adopté en première lecture le règlement terroriste, dont l’objectif principal est de généraliser les filtres automatisés de Google et Facebook à l’ensemble du Web – oui, ces mêmes filtres qui viennent de démontrer toute leur inefficacité. Pour imposer ces filtres à tout le monde, le gouvernement français, qui est à l’initiative de ce texte avec l’Allemagne, n’a pas peur de détruire le Web européen composé d’une multitude de petits acteurs et, ainsi, de laisser les GAFAM en maîtres. En vrai, ces géants s’étant montrés particulièrement coopératifs dans l’ambition de Macron de « civiliser » Internet, ils apparaissent comme des alliés de choix qu’il vaudrait mieux laisser régner (voir notre premier bilan sur le règlement terroriste).
  • En ce moment, c’est la proposition de loi LREM « contre la haine en ligne » qui reprend cette entente Macron-GAFAM : les géants s’engagent à faire le travail de la police et de la justice sur Internet et, en échange, le gouvernement les présente en « solutions », légitime leur toute puissance, les laisse tranquille et les invite à tous ses événements sur « comment la technologie sauvera le monde ». Comme on l’a vu dans notre dernier article, cette alliance risque aussi de conduire à la censure de critiques anti-Macron ou de mouvements sociaux un peu trop dérangeants…
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    "Facebook, qui participait au lancement de la campagne aux côtés de Google, a aussitôt répondu : il empêchera désormais ses utilisateurs les plus suspects de diffuser des vidéos en direct - outil qu'avait utilisé le tueur de Christchurch. Cette réponse de Facebook est bien à la hauteur des attentes du gouvernement Macron, qui recevait précisément Mark Zuckerberg la semaine dernière : de la poudre aux yeux pour que surtout rien ne change, au mépris de la gravité des événements. "
Aurialie Jublin

Retour sur MyData2018 : quelle(s) approche(s) collective(s) des données perso... - 0 views

  • L’entrée en vigueur du RGPD a clairement été l’événement marquant de 2018 et beaucoup d’intervenants s’y sont référés. Le principe d’équité y est affirmé. Or il s’agit d’un principe qui recouvre une dimension collective : l’équité suppose un groupe, contrairement aux autres principes (transparence, légalité, limitation de but, rétention, intégrité et confidentialité, minimisation des données, précision). Toutefois le texte ne donne pas de définition de l’équité dans le contexte de la gestion des données personnelles a fait remarquer Jussi Leppälä, Privacy Officer (Global) chez Valmet. Finalement, les intervenants s’accordaient à dire que le RGPD est un texte axé sur les besoins individuels plutôt que collectifs. Il protège l’individu, mais ne porte pas de vision véritablement collective des données personnelles.
  • Sur cette question de l’équité, l’exemple d’openSCHUFA donné par Walter Palmetshofer (Open Knowledge Allemagne) est inspirant : une campagne de collecte de données a été faite auprès de milliers d’individus pour comprendre l’algorithme de credit-scoring (pointage de crédit) de SCHUFA, bureau de crédit privé allemand. Cela a permis à des individus de pouvoir demander, preuves à l’appui, à corriger des décisions prises par l’algorithme. De manière générale, le biais algorithmique est un enjeu sociétal important, surtout pour les groupes les plus fragiles dont les données personnelles sont plus exposées et davantage victimes de biais algorithmiques (à ce sujet, lire Internet Actu).
  • D’autres intervenants ont insisté sur la nécessité d’accompagner les entreprises vers plus de prises en compte de leur responsabilité sociale. Le modèle de gouvernance qui domine actuellement étant l’hégémonie d’acteurs économiques (GAFA, BATX) raconte Bruno Carballa Smichowski, de Chronos, le rééquilibrage des pouvoirs doit venir des Etats. Ces derniers disposent de données personnelles, mais peuvent également demander des comptes et pousser les acteurs qui utilisent les données à être plus ouverts et actifs : littératie, infrastructure, open innovation, construire la confiance et faire reculer la peur, ou encore impliquer les personnes concernées (Hetan Shah et Jeni Tennison), sont autant d’actions que les pouvoirs publics peuvent mettre en place.
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  • Depuis le lancement de MyData, la nécessité de développer les enjeux collectifs des données personnelles apparaît chaque année plus forte. En parallèle, les communs numériques apparaissent de plus en plus comme un modèle alternatif désirable face aux comportements abusifs des acteurs dominants. Les communs autorisent par nature une gestion transparente et au service de la communauté, car gérés par leurs membres.
  • Si sa remarque a donné naissance au track “OurData” en 2017 et en 2018,, le terme de “commun” était pourtant quasiment absent des discussions du track OurData, essentiellement tourné vers l’acteur public et la régulation. L’exemple d’OpenSCHUFA se rattache néanmoins au courant des communs en donnant un exemple concret.
  • L’idée derrière la coopérative de données qui s’intègrerait au modèle MyData/Self Data viserait plutôt à créer un commun : une association d’individus développant des outils et services (chat, moteur de recherche,…) leur permettant de gérer leurs données de A à Z. Il existe plusieurs coopératives de données de ce type : diglife.coop, schluss, open.coop,…
  • Laura James (doteveryone) a suggéré  cette session afin d’échanger avec les participants sur la faisabilité de créer une ou des coopératives “de masse”, appartenant à leurs membres et gérées par eux. L’objectif serait d’offrir aux gens de meilleurs services que les géants de la technologie et les entreprises de type Silicon Valley. Laura James constate que si le problème avec les géants numériques est leur modèle d’entreprise (capitalisme de surveillance) et le modèle de propriété (extraction de richesse au profit de quelques-uns), la “data coop” doit permettre d’offrir une technologie en laquelle nous pouvons avoir confiance – c’est-à-dire préservant notre vie privée, accessible, fiable, équitable, basée sur les sources ouvertes existantes, avec un meilleur support et une véritable durabilité.
  • Est-ce que le peu de succès de Digital Life Collective est dû à un manque d’intérêt de la part des consommateurs pour les questions liées aux données personnelles ? Ou bien est-ce que les enjeux ne sont pas encore bien compris par les gens ? Les porteurs de coopératives présents à la session échangent sur plusieurs éléments de réponse. D’abord, il n’y a pas une absence d’intérêt pour les questions de privacy mais une perception et un traitement différent selon les personnes (par les « millenials » par exemple). Ensuite, les consommateurs veulent-ils avoir à supporter la responsabilité qui va avec la reprise du contrôle sur leurs données ? Rien n’est moins sûr : comme les services gratuits d’aujourd’hui, cela doit être simple. Mais le contrôle implique nécessairement des responsabilités… Les consommateurs ont aussi besoin de services pratiques. Il faut travailler l’expérience utilisateur. Enfin, il faut une littératie des données pour créer un véritable intérêt et dissiper la peur et les malentendus autour de ce sujet.
  • Comment avoir une véritable gouvernance partagée tout en ayant une organisation suffisamment grande ? A peine 10 personnes sont vraiment actives au sein de Digital Life Collective. Schluss recherche une manière de faire participer davantage les membres. C’est un problème récurrent pour les coopératives, et toute organisation dont la gestion s’appuie sur l’ensemble de ses membres. Toutefois, l’un des participants soulignait que même si seul 1% s’implique dans la prise de décisions, tous reçoivent les bénéfices de la coopérative ! Ca n’est pas la gestion parfaitement partagée et idéale, mais cela fonctionne quand même. Avant de renoncer au modèle participatif, quelques modèles de gouvernance pourraient être expérimentés pour faciliter les prises de décision participatives au sein de la coopérative : les jurys citoyens, sociocracy 3.0 (utilisé par certaines entreprises télécom en Finlande), …
  • Dans les sessions de la thématique “OurData”, nous avons eu le plaisir d’entendre à chaque fois (ou presque) que la propriété appliquée aux données personnelles n’a aucun sens. Bien que ce track, plus qu’aucun autre, soit prédisposé à un tel constat,depuis quelques années, la position de la communauté MyData s’est éclaircie à ce sujet et on voit de moins en moins de personnes prôner ce modèle de propriété et de revente individuelle de ses données..
  • En découle un modèle collectif basé non pas sur des titres de propriété individuels mais sur des droits d’usage. Le RGPD en crée quelques-uns mais d’autres questions restent en suspens, comme le droit à la mémoire collective, notamment pour les catégories les plus défavorisées, ou encore l’équité, qui s’oppose à une régulation par les lois du marché.
  • La plupart des intervenants postulent que c’est l’acteur public qui doit agir : en créant de nouveaux droits associés aux données personnelles, en accompagnant les acteurs privés à fournir des solutions plus éthiques et transparentes, en s’engageant pour une culture et une littératie de la donnée pour tous, en actant juridiquement que les données personnelles sont le résultat d’un processus collectif qui appartient à la société qui l’a co-généré et qu’il ne peut y avoir de propriété associée (en France la CNIL est très claire sur ce dernier point, nous avons besoin d’une voie aussi claire au niveau européen !), en promouvant leur valeur sociale, et non commerciale, et enfin qu’il fasse que le fruit de ce travail doit servir à répondre à des problématiques collectives telles que la santé, l’éducation, la culture, la protection de l’environnement, …
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    "LE CONSTAT : LA GESTION ACTUELLE DES DONNÉES PERSONNELLES S'INTÉRESSE PEU AU COLLECTIF MyData s'intéresse à toutes les dimensions que recouvre le contrôle des données personnelles : si la privacy occupe souvent le devant de la scène, MyData explore également la transparence des organisations et des technologies, l'équité et la dimension collective des données personnelles."
Aurialie Jublin

Réguler Internet par la décentralisation - La Quadrature du Net - 0 views

  • Pour compenser cette « règle » qui rendrait la haine et le conflit rentables, le gouvernement veut renforcer les obligations imposées aux plateformes géantes qui en profitent : transparence et devoir de vigilance accrus. Pourquoi pas (cela peut être fait de façon plus ou moins pertinente, nous y reviendrons plus tard). Mais cette solution ne suffira jamais à contrer à elle seule les dérives permises par la « rentabilité du conflit ». Et il est illusoire d’imaginer, comme le fait le rapport cité ci-dessus, qu’on pourrait atténuer ce problème en mettant un juge derrière chaque diffamation ou injure prononcée sur Internet. Il y en a bien trop. Non, si on veut traiter le problème sérieusement, c’est l’ensemble de l’économie de l’attention qu’il faut remettre en question. Et cela doit passer par l’émergence d’alternatives saines qui reposent sur un autre modèle que celui des GAFAM.
  • En pratique, à La Quadrature du Net, nous avons songé à devenir un hébergeur de vidéos (en autorisant tout le monde à mettre en ligne des vidéos sur notre service de streaming Peertube). Ce serait une façon concrète de participer à la construction d’une alternative à Youtube, qui ne tirerait aucun profit des discours conflictuels ou de la surveillance de masse. Mais nous avons dû y renoncer. Nous n’avons pas du tout assez de juristes pour évaluer quelles vidéos seraient « manifestement illicites ». Nous n’avons pas les moyens de supporter des amendes en cas de plaintes. Youtube reste maître.
  • Si le gouvernement veut effectivement lutter contre la diffusion de « contenus haineux et extrêmes », il doit changer le droit pour favoriser le développement d’alternatives à l’économie de l’attention. Voici notre proposition. Premièrement, que les hébergeurs ne soient plus soumis aux mêmes obligations que les plateformes géantes, qui régulent les informations de façon active pour leurs intérêts économiques. Secondement, que les hébergeurs neutres, qui ne tirent aucun profit en mettant en avant de tel ou tel contenu, ne supportent plus la charge d’évaluer si un contenu est « manifestement illicite » et doit être censuré. Seul un juge doit pouvoir leur exiger de censurer un contenu.
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  • Dans le cadre de la loi, chaque hébergeur applique ses propres règles de modération, plus ou moins stricte, et chaque personne choisit l’espace de discussion adapté à ses besoins et à ses envies. La liberté de ce choix est renforcée par le développement des standards de « réseaux sociaux décentralisés », notamment du standard ActivityPub publié en janvier 2018 par le World Wide Web Consortium (W3C, à l’origine des standards du Web) et déjà appliqué par Mastodon (alternative à Twitter) ou Peertube. Ces standards permettront à une infinité d’hébergeurs de communiquer entre eux, selon les règles de chacun. Ils permettront aussi à chaque personne de passer librement d’un hébergeur à un autre, d’un jeu de règles à un autre (ce que les plateformes géantes font tout pour empêcher aujourd’hui).
  • Si le gouvernement veut mieux réguler le Web, il doit le faire sérieusement. En se contentant d’alourdir les obligations des géants, son action restera superficielle. Pour agir en profondeur et sur le long terme, sa démarche doit aussi être constructive, favorisant le développement de modèles vertueux.
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    "La directive droit d'auteur et les récents débats sur les « fausses informations » ont servi d'introduction au débat général sur la régulation du Web, tel qu'il s'annonce pour l'année à venir. Aujourd'hui, La Quadrature du Net présente ses propositions concrètes."
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