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Aurialie Jublin

Christchurch : les pyromanes appelés à éteindre l'incendie - La Quadrature du... - 0 views

  • Facebook fait mine de prendre conscience du problème de viralité lié à la plateforme en promettant aussi de « renforcer ses intelligences artificielles », encore une fois… Comme si, précisément, la « solution magique » de ses filtres automatisés ne venait pas d’être définitivement décrédibilisée, il y a deux mois, par une poignée d’internautes complices du tueur de Christchurch parvenant à les contourner pendant des jours, manifestement sans grand soucis. D’après Facebook, la première journée, 300 000 copies seraient passé au travers de ses filtres automatisés, n’étant traitées que pas son armée de modérateurs sous-payées et exposés aux pires conditions de travail.
  • Surtout, Facebook sait très bien que sa plateforme ne peut pas être corrigée, à moins de renoncer à son modèle économique, tout comme Google ou Twitter, véritable cœur du problème. La raison d’être de ces plateformes est de réunir le plus de personnes possibles en un seul endroit, pour les surveiller et leur proposer la publicité qui les influencera le plus.
  • Il est techniquement et humainement impossible de modérer d’aussi grosses plateformes pour éviter qu’elles ne deviennent des outils de harcèlement, de haine et de mort. Pire, pour maintenir tous nos cerveaux disponibles, leurs « intelligences artificielles » (qui ne se montrent efficaces qu’ici) entretiennent autant que possible la culture du buzz et, par là, le conflit, la caricature, la peur – tout ce qu’il faut pour éviter l’entraide et la cohésion. C’est le prix à payer pour capter plusieurs milliards de cerveaux en même temps, et ils ne renonceront jamais à nous le faire payer (c’est pourquoi nous luttons pour le développement d’un Web décentralisé et à taille humaine).
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  • Et, bien sûr, leur emprise s’exerce en marchant sur nos libertés fondamentales, exploitant nos données personnelles et violant le RGPD pour mieux nous contrôler (voir nos plaintes devant la CNIL et la première sanction de celle-ci en réponse contre Google).
  • Il y a 2 mois, le Parlement européen a adopté en première lecture le règlement terroriste, dont l’objectif principal est de généraliser les filtres automatisés de Google et Facebook à l’ensemble du Web – oui, ces mêmes filtres qui viennent de démontrer toute leur inefficacité. Pour imposer ces filtres à tout le monde, le gouvernement français, qui est à l’initiative de ce texte avec l’Allemagne, n’a pas peur de détruire le Web européen composé d’une multitude de petits acteurs et, ainsi, de laisser les GAFAM en maîtres. En vrai, ces géants s’étant montrés particulièrement coopératifs dans l’ambition de Macron de « civiliser » Internet, ils apparaissent comme des alliés de choix qu’il vaudrait mieux laisser régner (voir notre premier bilan sur le règlement terroriste).
  • En ce moment, c’est la proposition de loi LREM « contre la haine en ligne » qui reprend cette entente Macron-GAFAM : les géants s’engagent à faire le travail de la police et de la justice sur Internet et, en échange, le gouvernement les présente en « solutions », légitime leur toute puissance, les laisse tranquille et les invite à tous ses événements sur « comment la technologie sauvera le monde ». Comme on l’a vu dans notre dernier article, cette alliance risque aussi de conduire à la censure de critiques anti-Macron ou de mouvements sociaux un peu trop dérangeants…
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    "Facebook, qui participait au lancement de la campagne aux côtés de Google, a aussitôt répondu : il empêchera désormais ses utilisateurs les plus suspects de diffuser des vidéos en direct - outil qu'avait utilisé le tueur de Christchurch. Cette réponse de Facebook est bien à la hauteur des attentes du gouvernement Macron, qui recevait précisément Mark Zuckerberg la semaine dernière : de la poudre aux yeux pour que surtout rien ne change, au mépris de la gravité des événements. "
Aurialie Jublin

Internet Libre ou minitel 2.O conférence de Benjamin Bayart conf lors des rml... - 0 views

  • En fait la formulation qu'on retient habituellement c'est qu'on dit que sur Internet on a mis l'intelligence en périphérie du réseau. Dans Minitel on a mis l'intelligence au centre, c'est le contenu, c'est les bases de données avec des terminaux débiles autour. Internet c'est le contraire, on a mis des routeurs idiots au centre et on a mis en périphérie des ordinateurs qui réfléchissent. C'est ça le modèle d'Internet, la grande révolution qu'a été Internet, ça a été d'apporter ça. Les réseaux télé-informatiques centrés, on en fait depuis les années 50 à peu près
  • Ça j'aime bien aussi, Google, Yahoo, MSN c'est à peu près les trois moteurs de recherche qui font 95% de la recherche sur Internet et de l'indexation. À une époque, quand on cherchait le site Minitel qui permet quelque chose, on tapait 3615 et au lieu de taper le nom du site dans la case « nom du site » on allait dans la case « rechercher », on tapait des mots-clés, puis France Télécom proposait les services Minitel auxquels on pouvait se connecter. Bon ben ça ça s'appelle Google. Ils l'ont fait en couleur, ils l'ont fait en grand, ils l'ont fait avec de la pub sur le côté, mais c'est le moteur de recherche du Minitel, c'est pas ça Internet. Internet c'est pas les 8000 machines de Google qui détiennent le savoir de l'humanité. Internet c'est le contraire de ça. Donc finalement côté réseau sur la technique c'est pas du net, ce que vous utilisez couramment, c'est pas du net, c'est du Minitel.
  • Et on est venu sur un modèle qui est assez bizarre qui a beaucoup émergé ces dernières années de publicité/publication. Parce que si Monsieur France 2 veut être proprement diffusé il paye un droit de publication, c'est-à-dire qu'il paye les opérateurs réseau pour être diffusé. Si y'en a certains parmi vous qui ont suivi les débats sur la liste FRnOG il y a quelques mois, la trame sous-jacente c'était Monsieur Free qui disait à Monsieur Dailymotion « je transporterai pas ta merde si tu me donnes pas des sous ». Ça c'est le droit de publication. Curieusement y'a pas ça d'habitude sur Internet .C'est quelque chose d'assez récent. Et puis y'a la publicité, c'est-à-dire que, comme vous êtes des gens très partageurs, vous avez vos vidéos perso, aguichantes ou non, que vous mettez sur Dailymotion histoire que tout le monde en profite, curieusement les reversements publicitaires que perçoit Dailymotion, vous, vous les percevez pas. Parce qu'en fait vous leur confiez votre contenu pour qu'il y gagnent leur publicité. Ça c'est un modèle assez particulier et si vous regardez bien le mode publicité/publication on paye aux deux bouts, c'est-à-dire que celui qui a du contenu paye pour qu'il soit diffusé, et puis celui qui vient regarder le contenu il paye sous forme de publicité. On est bien revenu au modèle du téléphone. Maintenant c'est plus des communications à la minute c'est des publicités, mais le modèle est vraiment le même.
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  • → Pluralité À la place du monopole local, on a une certaine pluralité, c'est-à-dire que les, on vous a parlé d'ouverture de la concurrence, de l'ouverture du marché tout ça... Moi quand on me parlait pas d'ouverture de la concurrence et d'ouverture du marché, c'est-à-dire quand je me suis abonné à FDN, c'était en 96, y'avait 5-6 opérateurs chez qui je pouvais m'abonner sur Paris et je pouvais prendre l'opérateur que je voulais. Y'avait pas de souci, y'en avait bien plusieurs.
  • → Transporteurs L'opérateur de réseau se comporte comme un transporteur, c'est-à-dire quand je commande un paquet chez un commerçant, pas forcément sur Internet, dans les années 80, chez Les 3 redoutes quand je commandais des chaussettes je payais mes chaussettes à Les 3 redoutes et Les 3 redoutes payaient le transport à La Poste, La Poste ne s'occupait que du transport. Ça c'est à peu près le modèle d'Internet. Mon FAI il transporte mes données, c'est tout, il regarde pas ce qu'il y a dedans c'est pas sa sauce. Finalement d'où ça vient, c'est-à-dire savoir si ça vient d'un contenu payant ou si ça vient d'un contenu gratuit, lui, il s'en fiche. Il transporte de manière neutre.
  • Alors quelques exemples d'opérateurs: bon forcément j'ai cité FDN, c'est le mien, j'ai cité Neuronnexion parce qu'on est à Amiens, et puis le gros national à l'époque c'était Oléane, c'est-à-dire que Oléane qui était un gros opérateur à l'époque, dans les débuts du net au milieu des années 90, Oléane était connecté à des dizaines d'autres opérateurs en France. Y'avait pas de problème pour obtenir un accord d'interconnexion, dans des conditions relativement équitables entre Neuronnexion qui était une PME avec quelques personnes sur Amiens et Oléane qui était une PME avec quelques dizaines ou quelques centaines de personnes sur la fin à Paris.
  • → Free Free même punition. C'est pas vraiment un opérateur Internet, c'est plus vraiment un opérateur Internet, c'est en train de basculer tout doucement vers un opérateurs Minitel. Y'a trois ans l'idée qui a été tenue sur FRnOG de dire à Dailymotion « je transporterai ta merde si tu me donnes des sous » elle aurait fait bondir les gens de chez Free. À l'époque où ils étaient petits ça leur aurait fait très peur parce que c'était un moyen de les empêcher de grossir. → SFR SFR, oui alors pour les gens qui savent pas SFR c'est le nom complet de Neuf-Cegetel, bah je sais pas c'est le plus gros actionnaire, moi je veux bien les appeler autrement, m'enfin voilà, l'actionnaire c'est SFR, donc eux, même chose, c'est plutôt un opérateur de téléphonie qui vend du net avec du vrai Minitel dessus.
  • Alors on n'a pas basculé du modèle à Internet qui commençait à émerger au milieu des années 90 au modèle Minitel qui est en train d'émerger aux États-Unis au début des années 2000 complètement par hasard. Il a fallu plusieurs morceaux pour en venir là. Même chose je vais me centrer plutôt sur les effets franco-français mais vous verrez le modèle s'étend assez bien.
  • → DRM : exclusivité D'abord les DRM, ça, ça vous parle on en a parlé beaucoup ici, DADVSI, Droits d'Auteur et Droits Voisins dans la Société de l'Information, pour les gens qu'oublient ce que veut dire l'acronyme. Créer des DRM c'est créer de l'exclusivité. C'est un morceau qui manquait sur Internet on pouvait pas créer de l'accès exclusif de manière simple. En mettant des DRM dedans on peut bien, c'est facile. C'est-à-dire qu'une fois qu'on aura bien mis des DRM dans tous les fichiers, l'opérateur pourra dire « je transporte, ou pas, les fichiers signés par Machin », Microsoft n'a pas envie de transporter les fichiers signés par Torvalds, simple, suffit de pas les transporter.
  • → Brevets : fermeture Les brevets ça crée de la fermeture. Je vous le disais tout à l'heure, Internet et le logiciel libre c'est très exactement la même chose, ce ne sont que deux facettes du même objet. À partir du moment où je mets des brevets je ferme le jeu. Si c'est breveté ça veut dire que quelqu'un d'autre n'a pas le droit de le refaire pour venir s'interconnecter. En fait une fois que j'ai bien breveté le mode de fonctionnement du Minitel, un méchant concurrent ne peut pas fabriquer des Minitel, ça ne sert qu'à ça les brevets, c'est même la définition du brevet.
  • → Filtrage : demi-connexions Le filtrage que nous demandent régulièrement les différents gouvernements, on pourrait croire que c'est de la censure fasciste, y'en a sans doute un ptit peu, je pense que quand les Renseignements Généraux demandent en loucedé à un opérateur de filtrer un gars ça pourrait ne pas être parce qu'il est terroriste mais juste parce qu'il fait chier, disons que ça s'est déjà vu. Mais ça a un effet de bord très amusant, une fois que les opérateurs ont mis dans leurs réseaux, c'est pas encore le cas mais ça vient, des boîtiers qui sont capables de filtrer, le boîtier qui est capable de filtrer je pense qu'il y a quelques informaticiens dans la salle, il filtre ce que l'admin sys demande de filtrer, c'est-à-dire ce que le gouvernement lui demande de filtrer parce qu'il est plutôt obéissant, pour pas aller en taule, et puis ce que son patron lui demande de filtrer. C'est-à-dire que le filtrage qu'est demandé par le gouvernement, pour des raisons probablement de sécurité publique, enfin on espère, il permet également de rétablir le modèle des demi-connexions, c'est-à-dire que je filtre les sites nazis et les filtres qui n'ont pas payé. Ça permet de bien faire rentrer ce modèle économique.
  • → Responsabilité : centré. La responsabilité, alors j'étends un ptit peu le titre, c'est les différents débats qu'on a eu depuis l'affaire Altern1 en, c'était quand l'affaire Altern 97, non 98, 99 par là, c'est la responsabilité des hébergeurs, c'est-à-dire que l'hébergeur est responsable de ce qu'il y a sur le site, et si on lui signale un contenu supposément illégal, il se doit de l'enlever avec diligence. Il pourrait l'enlever avec voiture mais diligence c'est mieux. Ça, ça veut dire que si je prends le risque de permettre à quelqu'un de poser son site web sur ma machine, s'il dit de la merde c'est moi qui vais en taule. Moi je peux pas l'assumer. France Télécom peut l'assumer parce que quand il aura un procès, France Télécom enverra son armée d'avocats, expliquera que dès qu'on lui a signalé le contenu elle l'a enlevé, je veux dire c'est vrai, c'était un dissident d'un endroit où on n'a pas le droit de dissider, qu'il aille donc dissider ailleurs, donc ça a été tout bien enlevé, et ils pourront dire, nous on est blanc bleus ils vont au procès, ils payent des avocats, ils s'en sortent. Par contre la PME de banlieue qui essayait de faire pareil, ben quand elle s'est retrouvée devant le juge, ça lui a coûté un œil de payer l'avocat, et puis comme le mec qui dissidait il disait des trucs finalement qu'en France on a le droit, ils ont estimé qu'ils allaient pas supprimer le site, et donc ça va jusqu'au procès et ça coûte cher. Donc la responsabilité des hébergeurs ça tend à faire que les petits hébergeurs ont du mal à exister parce qu'ils existent en vivant dangereusement, donc ça crée du réseau centrés, puisque les petits ont du mal à exister il restera que les gros.
  • → Régulation : interco La régulation c'est aussi quelque chose de fabuleux. Ce qu'on appelle régulation dans le monde Internet professionnel, c'est l'ARCEP, Autorité de Régulation des Communications Éléctroniques et des Postes, ex-ART, Autorité de Régulation des Télécommunications, c'est des gens qui ont été mis en place à l'époque où, suite à certaines directives européennes, on a ouvert le marché des télécom. J'ai assisté, alors, enfin si un ptit peu en tant que président de FDN, mais aussi avec d'autres casquettes, à une des réunions de l'ARCEP sur les réseaux d'initiatives publiques où y'avait le monsieur responsable du dégroupage en France, qui nous expliquait mort de rire que, y'a 10 ans quand ils ont commencé et qu'ils ont fait les premières réunions sur le dégroupage, il fallait une salle de réunion gigantesque pour asseoir les 50 opérateurs alors qu'aujourd'hui quand ils font les réunions sur le dégroupage, ils font ça dans son bureaux parce qu'ils sont 4, et il avait l'air content de lui pépère. C'est-à-dire que lui, il a été mis en poste pour ouvrir le marché, il est passé de 50 acteurs à 4 et il est content. Fabuleux! Moi je trouve fabuleux. Et donc ce petit jeu où on se retrouve avec 4 opérateurs qui vendent du Minitel-net 2.0 ben ça fait qu'ils sont suffisamment gros pour envoyer chier tous les autres, je veux dire quand on s'appelle Free et qu'on a 2 millions d'abonnés, ou quand on s'appelle France Télécom et qu'on en a 4, ou quand on s'appelle Neuf et qu'on en a je-sais-plus-combien à force de racheter leur clients je sais plus où ils en sont, 2,5 probablement, forcément, un Schtroumpf qui vient avec 20 000 comme Nérim rien à battre, parle pas aux ptits. Donc la difficulté d'interconnexion des réseaux, elle vient en bonne partie des erreurs de régulation ou des choix de régulation, parce que c'est ptet pas par erreur qui font qu'il y a plus de petits opérateurs.
  • → Gouvernance : assurance Et puis pour ceux qui étaient à la table ronde politique hier, y'a des problèmes de gouvernance. Les problèmes de gouvernances, ce sont tous ces braves gens qui se réunissent entre eux pour décider si oui ou non on va permettre aux gens d'acheter des noms de domaines sans leurs papiers, ou si on va distribuer des adresses IP aux pas gentils, ou comment on va faire en sorte que les pédo-nazis puissent pas faire ci ou ça, ou que les terroristes puissent pas poster, donc comment Google va filtrer tous les sites écrits en arabe parce que ça doit être suspect, sauf ceux bien évidemment signés par le gouvernement qui vend du pétrole. Tout ça c'est ce qu'on appelle la gouvernance Internet, c'est l'IANA, c'est l'ICANN, c'est le RIPE c'est etc. Ça en fait c'est une assurance. Une fois que c'est convenablement tenu par les quelques juristes des très gros opérateurs - vous pouvez y aller, y'a pas un technicien à poil dur, y'a quelques vieux barbus tout gris qui parlent BGP, le reste c'est tout du cravateux juriste docteur en droit, envoyé par les opérateurs pour vérifier que tout va bien. Ça c'est une assurance, c'est l'assurance du fait qu'ils resteront dans la position où ils sont.
  • Ils sont en train d’éteindre Internet D'où ça sort tout ça ? Ça sort schématiquement de l'histoire, c'est-à-dire que les gens qui ont de quoi fabriquer du réseau sont les gens qui ont fabriqué le téléphone et qui étaient en situation de monopole, ce sont les gens qui ont fabriqué la diffusion télé qui étaient en situation de monopole. Internet est né, à un moment ils se sont dit « tiens ça va se vendre » alors ils en ont vendu et puis, sans forcément être méchants, on pourrait croire à la théorie du complot mais j'y crois pas, je pense qu'ils sont pas assez malins pour s'être dit « tiens on va se liguer pour attaquer sur tous les fronts en même temps pour faire taire les pénibles »; moi je pense qu'ils l'ont pas fait exprès, mais ils sont en train d'éteindre Internet; et c'est un effet de bord naturel, c'est-à-dire qu'Internet remettait en cause leur monopole, ils ont fait chacun les petites actions dont ils avaient besoin pour essayer de maintenir leur monopole: les gros éditeurs de musique en faisant des DRM, les auteurs de logiciels tout pourris propriétaires en faisant des brevets, les marchands de contenu qui veulent pas qu'on aille acheter le contenu des autres en faisant du filtrage etc etc etc. Je pense même pas qu'ils se soient concertés pour faire tous les mêmes conneries.
  • On va manger du numérique avarié Et quand ils vous disent qu'on passe à l'heure du numérique, c'est vrai. Ils font bien du numérique, si vous regardez la télé autrefois y'avait de la neige, maintenant elle pixélise, c'est ben qu'elle est numérique ! Mais c'est pas de l'Internet, c'est du numérique. Du numérique, ça peut être le baladeur fermé propriétaire d'une grande marque japonaise en quatre lettres commençant pas S finissant par Y qui met des rootkit dans les CD ou ça peut être le fait que je fasse écouter la musique que j'aime bien à ma ptite sœur. Dans les deux cas, c'est du numérique, juste moi je trouve y'en a un il est avarié, je vous laisse deviner lequel.
  • L'apparition d'Internet a permis l'apparition du libre et l'apparition du libre a permis l'apparition d'Internet, les deux ont crû en même temps. Il va y a voir un décrochage. Le numérique va continuer à croître mais Internet a commencé sa décroissance il y a déjà quelques années. Il y a de moins en moins de gens qui s'hébergent eux-mêmes sur leur ligne ADSL. La décroissance d'Internet a commencé, la décroissance du libre c'est juste après. Même si vous arrivez à ce qu'ils ne fassent pas passer les brevets logiciels cette année et les DRM l'année prochaine, si vous arrêtez Internet, si vous les laisser arrêter Internet libre, vous allez mourir.
  • Donc je crois que ce sont les deux piliers, le premier c'est: il faut éduquer, aller expliquer aux gens ce que c'est qu'Internet, aller dire aux gens que Internet c'est pas de mettre des vidéos marrantes sur Dailymotion, Internet c'est de mettre les vidéos marrantes sur mon PC et que vous veniez les voir. C'est fondamental comme différence; ça c'est le premier pilier, éduquer les gens, c'est très long. Je veux dire on savait, 'fin moi ça fait très longtemps que je suis sur Internet, ça fait 10 ans que je suis président de FDN, ça fait longtemps que je réfléchis sur ces questions, là je sais que c'est long d'éduquer les gens. La croissance actuelle des ventes de Machin Box en Minitel 2.0 c'est pas la croissance de l'éducation au net. Le type qui publie son blog sur un ordinateur qu'il ne possède pas, il fait du Minitel alors il apprend à faire du Minitel amélioré où il peut parler, mais il n'a pas encore appris à faire du net, c'est-à-dire à mettre son blog sur une machine qu'il est le seul à pouvoir couper du réseau. C'est très différent, cette éducation-là va prendre un ptit peu de temps. Et le deuxième pilier c'est: faites votre réseau, faites vos serveurs IRC qui ne sont pas ceux des gros opérateurs, faites vos serveurs mail qui ne sont pas ceux des gros opérateurs. Faites votre réseau. Avec ces deux piliers-là, on aura quelques résistants qui sont ceux qui font le réseau, et quelques enseignants pour propager la bonne parole, ce sont les deux fondamentaux dont on a besoin. Je sais pas ce qu'on peut faire d'autre. Si, on peut essayer de se battre sur le juridique, mais on y va vraiment avec un lance-pierre contre des chars d'assaut.
  • y'a deux objections classiques au « hébergez-vous vous-mêmes », y'en a des moins classiques qui sont en général pas très intéressantes, en tout cas j'en ai pas encore entendu, y'en a deux qui sont vraiment classiques, y'a celle que tu indiques qui est intelligente, y'en a une autre qui est bête. Je vais commencer par celle qui est bête pour m'en débarrasser. Le « c'est compliqué techniquement », ça, c'est juste faux, je veux dire si le débile de base il est capable de poster une vidéo sur Dailymotion et il est capable de poster dans son blog, faire une Internet box qui contient le serveur Apache*4 qui contient son blog et les plug in type Dailymotion, il aura qu'à uploader vers sa boîte, c'est pas plus dur. Donc le « techniquement c'est compliqué » ça c'est juste faux.
  • Après y'a le problème écologique. La question écolo là-dedans c'est « si je laisse mon PC allumé tout le temps pour héberger mon pauvre site web qui a 12 visiteurs par jour, je brûle le courant plein pour rien ». Ça c'est un vrai problème. Mais dire « je vais m'héberger en salle machine avec tout le monde comme ça si on pose une bombe tout le monde se tait », c'est la mauvaise réponse. Quand les écolo disent « la consommation d'électricité fabriquée avec du charbon et du nucléaire c'est vachement dangereux » ils ont raison. Quand on apporte comme réponse « y'a qu'à se passer d'électricité », c'est pas la bonne. Un ordinateur capable d'héberger un site web c'est pas l'énorme machin avec 12 ventilos que tu utilises pour jouer au dernier jeu à la mode. Un ordinateur capable d'héberger un site web ça a une puissance de calcul similaire à celle qu'on trouve dans un palm aujourd'hui, ou dans un téléphone; c'est-à-dire que ton téléphone là, s'il était pas en Java avec de la merde dedans, il serait capable de faire des sites web comme on n'en rêvait pas en 95. Il consomme peau de balle en courant. Lui tu peux le laisser chez toi branché, et pour peu qu'en plus tu lui donnes du courant que t'as fabriqué avec des fines herbes et avec du bois, ou avec du solaire, ça va être nickel. Un ptit ordinateur qui ne mange que du solaire et qui est autonome tout seul dans sa boîte avec du solaire ça existe, les fous qui font des réseaux wifi bizarres ouverts etc, ils ont ça, des espèces de routeurs qu'ils viennent mettre sur le toit collés à la borne wifi, c'est 100% autonome si c'est sur du solaire, ça mange pas d'énergie.
  • -Hébergeur hébergé, c'est pas forcément une bonne réponse dans le sens « on se met à 3 et on loue une bécane dans une salle machine », c'est dans cet esprit-là? Dans cet esprit-là, dans la balance entre Internet et le Minitel quand tu mets ton site web chez OVH*6 tu es purement dans Minitel, quand tu mets dans le serveur des pages perso Wanadoo c'est pire, quand tu commences à le mettre sur le serveur hébergé en salle machine d'une assoss sympathique, l'Autre.net, Ouvaton des gens comme ça, Tuxfamily*7 tu rééquilibres un peu, quand tu le mets sur les machines auto-hébergées des gens comme RHIEN*8, le Réseau d'Hébergeurs Indépendants ENgagés, je vous invite à aller les voir si vous ne les connaissez pas, R-H-I-E-N, c'est super bien ce qu'ils font, ça penche presque vers de l'Internet parce que, eux, ils s'y mettent à 10-15-20-30 à héberger sur la machine du gars qui sait faire leur site web derrière leur ligne ADSL. On est quasiment sur de l'Internet, on est sur du beaucoup-net. Donc oui c'est mieux. Je veux dire si t'as à choisir entre les pages perso de ton fournisseur d'accès moisi qui retirera le contenu si ça lui plait pa,s et te faire héberger dans la même machine que ta bande de potes, c'est plutôt mieux la deuxième solution, maintenant si la machine en question elle est dans une salle machine qui t'appartient pas, où les flics ils rentrent quand ils veulent avec même pas un mandat, juste ils demandent poliment au monsieur à l'entrée, pas top.
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    "Internet, logiciel libre, c'est la même chose En fait ce à quoi je veux en venir c'est que c'est la même chose: c'est-à-dire que sans logiciel libre pas d'Internet: si BIND n'avait pas été libre, si le protocole de routage IP n'avait pas été libre et ouvert Internet ne serait pas né. Donc sans logiciel libre pas d'Internet. Sans Internet pas de logiciel libre, évident. Si on supprime le mail et les échanges électroniques de code entre développeurs pour faire murir les softs, ça ne peut pas marcher. Les deux sont intimement liés: en fait ce sont deux facettes d'un même objet. Cet objet, si vous voulez on débattra tout à l'heure, je pense que c'est ce qu'on appelle la société du savoir, l'économie du savoir. Mais ce sont deux facettes du même objet on peut pas différencier, on peut pas dissocier Internet et logiciel libre, c'était ça le bout d'historique que je voulais vous raconter."
Aurialie Jublin

Dans le combat final des gilets jaunes, Jupiter va affronter des modérateurs ... - 0 views

  • Dans ce nouveau genre de mobilisation, où la participation en ligne est toute aussi importante que les blocages sur les ronds-points, les chefs par défaut sont les admins des pages Facebook. Eric Drouet et Priscillia Ludosky sont maintenant tous les deux admins du groupe La France en colère !!!, qui comprend 250 000 personnes. Dans le groupe des huit, une troisième tête se dégage : le charismatique Maxime Nicolle aka Fly Rider, qui avait été invité chez Cyril Hanouna. Il gère Fly Rider infos blocages, un groupe de 62 000 personnes qui suivent ses Facebook live quotidiens.
  • S’il fallait tracer les limites d’un ancien et d’un nouveau monde, Emmanuel Macron et Philippe Martinez apparaissent comparés à Eric Drouet et Maxime Nicolle comme la relique d’une époque révolue. Ces deux leaders des gilets jaunes renouvellent totalement la manière de gérer un mouvement social.
  • On se demanderait presque pourquoi BFM TV ne les diffuse pas en direct à l’antenne. Ces lives n’ont pas moins de pertinence dans le conflit qu’un discours d’Emmanuel Macron ou Edouard Philippe. Alors que, parmi les gilets jaunes, plus personne ne croit au discours des médias traditionnels, ces Facebook live, et plus largement toutes les vidéos qui circulent sur le réseau, apparaissent comme le seul média fiable.
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  • On peut évidemment douter de cette explication un peu simpliste, mais force est de constater que Maxime Nicolle joue là le rôle d’un corps intermédiaire – typiquement d’un leader syndical – en canalisant la colère populaire, en répondant aux inquiétudes des éléments les plus extrêmes de sa base. Dans les groupes de gilets jaunes, il y a une vraie différence entre le ton posé de ces Facebook lives, fascinants moments de débat public, et la violence parfois affligeante des commentaires.
  • «Il faut pouvoir informer les gens, expliquait Nicolle dans un Facebook live. Il y a des gens comme moi et d’autres qui font des vidéos parce qu’ils ont des facilités d’élocution, que d’autres n’ont pas. Si nous, on ne le fait pas, personne ne le fera à notre place.» C’est une démocratie de l’audience : le succès de leurs groupes et de leurs Facebook lives leur donne une mission d’information et de représentation par rapport aux autres gilets jaunes.
  • Pour les gilets jaunes, une réunion avec le gouvernement ne peut qu’être diffusée en direct, sinon ils manqueraient à leur obligation de transparence et pourraient trahir, dans l’opacité des négociations politiques, les revendications de la base. La République en marche, le mouvement participatif le moins participatif de tous les temps, incapable de toute transparence, ferait bien de s’en inspirer.
  • Le mouvement a été sans conteste aidé par le nouvel algorithme Facebook qui survalorise les contenus de groupes au détriment des contenus postés par des pages (et donc par les médias). Après quelques likes sur un groupe, on se retrouve submergé du contenu de ce groupe dans son fil d’actualités. Le nouvel algo a précipité les gilets jaunes dans une «bulle de filtre» où ils ne voient presque plus que du contenu jaune.
  • «Connecter ensemble les amis et la famille a été quelque chose très positif, déclarait Zuckerberg en 2017. Mais je pense qu’il y a ce sentiment général que nous avons une responsabilité pour faire plus que cela et pour aider les communautés et aider les gens à être exposé à de nouvelles perspectives et rencontrer de nouvelles personnes – pas seulement donner la parole aux gens, mais aussi aider à construire un terreau commun pour que les gens avancent ensemble.» Qui mieux que les groupes de gilets jaunes ont appliqué la doctrine de Zuckerberg ?
  • Les admins de groupe Facebook, dont les prérogatives ne cessent d’être augmentées par Zuckerberg, sont les nouveaux corps intermédiaires, prospérant sur les ruines des syndicats, des associations ou des partis politiques. Ayant méticuleusement fait disparaître ces courroies de transmission entre lui et le peuple, Emmanuel Macron se retrouve maintenant en frontal face à des admins de page Facebook.
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    "Plusieurs des porte-parole du mouvement sont les administrateurs de groupes Facebook très influents. Ils conçoivent leur action dans une transparence totale et sont soumis en temps réel à la supervision et la critique de leurs congénères. "
Aurialie Jublin

Facebook n'est pas un réseau social, c'est un scanner qui nous numérise - Fra... - 0 views

  • Le modèle économique de Facebook, Google et de la cohorte des startups financées par le capital-risque de la Silicon Valley, j’appelle ça de l’élevage d’être humains. Facebook est une ferme industrielle pour les êtres humains. Et le manifeste de Mark n’est rien d’autre que la dernière tentative d’un milliardaire paniqué pour enjoliver un modèle d’affaires répugnant fondé sur la violation des droits humains avec l’objectif faussement moral de se débarrasser de la réglementation et de justifier un désir décomplexé de créer une seigneurie à l’échelle planétaire, en connectant chacun d’entre nous à Facebook, Inc.
  • Ce n’est pas le rôle d’une entreprise de « développer l’infrastructure sociale d’une communauté » comme Mark veut le faire. L’infrastructure sociale doit faire partie des biens communs, et non pas appartenir aux entreprises monopolistiques géantes comme Facebook. La raison pour laquelle nous nous retrouvons dans un tel bazar avec une surveillance omniprésente, des bulles de filtres et des informations mensongères (de la propagande) c’est que, précisément, la sphère publique a été totalement détruite par un oligopole d’infrastructures privées qui se présente comme un espace public.
  • Il est grand temps que nous commencions à financer et à construire l’équivalent numérique de parcs à l’ère du numérique au lieu de construire des centres commerciaux de plus en plus grands.
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  • Nous ne pouvons plus nous offrir le luxe de ne pas comprendre la nature du « moi » à l’âge numérique. L’existence même de nos libertés et de la démocratie en dépend. Nous sommes (et nous le sommes depuis un moment maintenant) des organismes cybernétiques. Nous devons résister de toutes nos forces à toute tentative de réduire les personnes à des propriétés.
  • il s’ensuit que nous devons étendre les protections du moi au-delà de nos limites biologiques pour y inclure toutes ces technologies qui servent à nous prolonger. Par conséquent, toute tentative par des tierces parties de posséder, contrôler et utiliser ces technologies comme une marchandise est une tentative de posséder, contrôler et monétiser les éléments constitutionnels des individus comme des marchandises. Pour faire court, c’est une tentative de posséder, contrôler et utiliser les êtres humains comme des marchandises.
  • Inutile de dire que nous devons résister avec la plus grande vigueur à toute tentative de réduire les êtres humains à de la marchandise. Car ne pas le faire, c’est donner notre consentement tacite à une nouvelle servitude : une servitude qui ne fait pas commerce des aspects biologiques des êtres humains mais de leurs paramètres numériques. Les deux, bien sûr, n’existent pas séparément et ne sont pas réellement séparables lorsque la manipulation de l’un affecte nécessairement l’autre.
  • Il s’ensuit également que toute tentative de violation des limites de ce moi doit être considérée comme une attaque du moi cybernétique. C’est précisément cette violation qui constitue aujourd’hui le modèle économique quotidien de Facebook, Google et des majors de la technologie de la Sillicon Valley. Dans ce modèle, que Shoshana Zuboff appelle le capitalisme de surveillance, ce que nous avons perdu, c’est notre souveraineté individuelle. Les personnes sont à nouveau redevenues des possessions, bien que sous forme numérique et non biologique.
  • Imaginez un monde où chacun possède son propre espace sur Internet, fondé sur les biens communs. Cela représente un espace privé (un organe de notre être cybernétique) auquel nos appareils dits intelligents (qui sont aussi des organes), peuvent se connecter.
  • Au lieu d’envisager cet espace comme un nuage personnel, nous devons le considérer comme un nœud particulier, permanent, dans une infrastructure de pair à pair dans laquelle nos appareils divers (nos organes) se connectent les uns aux autres. En pratique, ce nœud permanent est utilisé pour garantir la possibilité de trouver la localisation (à l’origine en utilisant des noms de domaine) et la disponibilité (car il est hébergé/toujours en service) tandis que nous passerons de l’architecture client/serveur du Web actuel à l’architecture de pair à pair de la prochaine génération d’Internet.
  • Les fournisseurs de services doivent, naturellement, être libres d’étendre les fonctionnalités du système tant qu’ils partagent les améliorations en les remettant dans les biens communs (« partage à l’identique »), évitant ainsi le verrouillage. Afin de fournir des services au-dessus et au-delà des services de base fondés sur les biens communs, les organisations individuelles doivent leur attribuer un prix et faire payer les services selon leur valeur ajoutée. De cette manière, nous pouvons construire une économie saine basée sur la compétition reposant sur un socle éthiquement sain à la place du système de monopoles que nous rencontrons aujourd’hui reposant sur une base éthiquement pourrie.
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    "Dans son manifeste récent Mark Zuckerberg mettait en valeur sa vision d'une colonie mondiale centralisée dont les règles seraient dictées par l'oligarchie de la Silicon Valley. J'affirme que nous devons faire exactement l'inverse et œuvrer à un monde fondé sur la souveraineté individuelle et un patrimoine commun sain."
Aurialie Jublin

Society in the loop : vers un intelligence artificielle plus démocratique ? -... - 0 views

  • Mais l’intelligence artificielle se diffuse également dans des sphères qui concernent plus directement la vie publique, et donc la société. Pour ne citer qu’eux : le classement de lycéens après leurs bacs[4], l’automatisation de procédures judiciaires[5] ou des horaires de ramassage scolaire[6], la dérégulation du flux automobile dans les villes dus à l’utilisation d’un service de GPS comme Waze[7], l’utilisation de la reconnaissance faciale dans des lieux publics[8] et privés[9], l’usage de « détecteurs de mensonges » aux frontières[10], la police prédictive[11], ou même plus simplement l’usage de systèmes reposant sur la captation de l’attention de l’utilisateur[12].  A leurs échelles, ces sujets touchent la vie sociale dans des dimensions qui pourraient légitimement demander à ce que des discussions plus démocratiques aient lieu. Ils entrent certes, plus ou moins directement dans la catégorie « intelligence artificielle » mais participent de la numérisation du monde à travers des algorithmes, et feront tous le pas vers l’IA si ce n’est déjà fait.
  • C’est là qu’intervient le passage qualitatif du « human in the loop » (HITL) au « society in the loop » (SITL). Pour le dire simplement, le SITL devient nécessaire lorsqu’un système utilisant l’intelligence artificielle a des implications importantes sur la sphère sociale. Iyad Rahwan explique : « alors que le HITL utilise le jugement d’un individu ou d’un groupe pour optimiser un système pensé trop étroitement, SITL embarque le jugement et les valeurs d’une société vue comme un tout, dans la définition la gouvernance algorithmique[13] de questions sociétales ». En résumé, le SITL est une forme de contrat social entre ceux qui doivent obéir aux règles et ceux qui écrivent les règles.
  • Coupons court au débat qui concerne les bulles de filtres : leur émergence et leurs effets dépendent du paramétrage des algorithmes de Facebook, de Google et des autres services susceptibles de créer ces bulles. Par conséquent, elles restent à leur main, notamment à travers leurs Conditions générales d’utilisation (CGU) et le secret d’affaires qui protègent ces systèmes (et les modèles d’affaires de captation du « temps de cerveau disponible » qui y sont directement liés). Pas de démocratie à cet endroit, quand bien même les impacts sur la démocratie pourraient être réels, même s’ils sont encore mal mesurés. C’est une des premières limites du modèle « Society in the loop ».
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  • Dans le cas des véhicules autonomes en revanche, une vaste étude a été réalisée sur plusieurs années par le MIT Lab. Elle a concerné des millions de personne dans 233 pays (à travers le petit jeu http://moralmachine.mit.edu/) et a montré à quel point le traitement des questions éthique est variable, même lorsqu’on parle de conduite automobile ! Comme le relate Hubert Guillaud : « la question éthique diverge selon la culture, le niveau économique et la localisation géographique ; bien plus que selon des préférences individuelles (…) les Japonais ont plutôt tendance à préférer des véhicules qui épargnent les piétons alors que d’autres cultures, comme la culture chinoise, préfèrent des véhicules qui épargnent les passagers. » L’objectif d’une telle étude est d’apporter l’éclairage de la société toute entière afin que le système technique réponde au « bien commun ».
  • A l’initiative de Grégoire Japiot (@gregoire) et Matteo Mazzeri (@matemaz), le projet GEnIAL (voir le site internet) est « Une plateforme qui utilise les interfaces conversationnelles et l’intelligence artificielle afin de permettre à la population d’un territoire de mieux vivre dans sa ville à l’ère de la Smart City en offrant des moyens simples pour accéder aux services des administrations et des autres acteurs de la région. » Le projet, qui se revendique de « Society in the loop », est d’utilité publique et censé resté « la propriété des citoyens », contrairement aux services d’assistants proposés par les géants d’internet. Les données collectées ne sont pas commercialisées et la vie privée reste préservée. Grégoire, le fondateur, précise que les concertations citoyennes sont au cœur du projet. L’idée : intégrer dans le service les retours de la société (citoyens, administrations/institutions publiques, chercheurs et acteurs économiques) en vue d’élaborer des modèles d’apprentissage utilisés pour construire une « intelligence artificielle concertée ».
  • Concrètement, GEnIAL Bot, est une « solution qui vise à permettre aux utilisateurs d’interagir avec l’ensemble des informations d’un territoire via des interfaces conversationnelles de type chatbot et assistant vocal. » Au lieu de devoir utiliser des moteurs de recherche pour identifier les différents sites où se trouvent les informations recherchées ou bien de devoir téléphoner aux services concernés, les utilisateurs peuvent interroger GEnIAL Bot en s’adressant en langage naturel et se laisser guider sous forme de conversations vers l’information. Pour la partie technologique, GEnIAL « dispose d’une convention de partenariat avec le CERN qui lui permet de concevoir avec les équipes les plus pointues, une intelligence artificielle éthique et explicable, dont les modèles d’apprentissage sont pensés de manière à refléter l’identité du territoire et intégrer un processus de concertation continue avec ses habitants. »
  • A une échelle très locale, le projet GEnIAL pourrait entrer dans ce qu’il convient d’appeler la « démocratie technique ». La formule que j’emprunte ici à Callon, Barthes et Lascoumes dans l’ouvrage fondateur Agir dans un monde incertain, Essai sur la démocratie technique (Seuil, 2011) désigne notamment les dispositifs par lesquels des profanes peuvent peser sur les modes de conception et de diffusion des sciences et des techniques. A l’évocation de la démocratie technique, on pense souvent aux grandes polémiques et controverses qui ont agité des sujets technoscientifiques comme les OGM, l’enfouissement des déchets nucléaires, ou encore les traitements contre le SIDA. Ce dernier cas a montré que l’intrusion des malades parmi les experts a pu conduire à améliorer les protocoles des laboratoires pharmaceutiques, alors très éloignés de leurs vies.
  • Si ces exemples peuvent paraître éloignés des questions relatives à l’intelligence artificielle, ils permettent d’entrouvrir une autre dimension de la démocratie technique. Par-delà la pure contestation ou modification a posteriori d’une technique existante, Callon, Barthes et Lascoumes décrivent un modèle de « co-production des savoirs ». Ce modèle postule que les non-spécialistes peuvent produire des connaissances à partir de leurs intérêts propres. Ils sont les plus à même d’entrevoir les risques d’un projet et de les faire reconnaître comme légitimes lors d’une étape de conception commune. Ce faisant, ils participent pleinement à la production des sciences et des techniques. Ce modèle suscite des critiques : on pointe le fait que des profanes ne seraient pas capables de s’exprimer sur un sujet technique, et que par conséquent, l’avis des experts serait toujours supérieur, de meilleure qualité, et devrait être pris en compte en priorité.
  • De nombreux contre-exemples viennent infirmer ces thèses. L’expérience prouve que si les conditions sont réunies, des personnes éloignées d’un sujet technique ou scientifique peuvent tout à fait construire des rapports de grande qualité et reconnus comme tels par les experts eux-mêmes. Ce fut le cas lors des controverses concernant les OGM il y a de cela une vingtaine d’années. Callon, Barthes et Lascoumes racontent également comment les amateurs contribuent à améliorer la connaissance scientifique dans de nombreux domaines, comme par exemple l’astronomie.
  • pourquoi ce traitement démocratique si spécial devrait-il se limiter à l’intelligence artificielle ? Une des raisons est sans doute que l’on pressent que son déploiement va changer le monde et susciter des controverses qu’il vaut mieux anticiper. N’oublions pas cependant que de nombreuses technologies numériques (ou non) changent le monde plus insidieusement et suivant des échelles temporelles qui nous les rendent « invisibles à l’œil nu ». Légitimement, on pourrait aussi poser la question démocratique à leur endroit[20].
  • Ce que la démocratie technique questionne, c’est non seulement l’aménagement du progrès, mais aussi sa définition. C’est-à-dire la direction donnée à la civilisation. Entraîner une intelligence artificielle – même avec la méthodologie Society in the loop – c’est déjà faire le choix d’une intelligence artificielle. Ce qui ne veut pas dire que ce choix soit mauvais. Pas plus qu’il n’est naturellement bon. Disons que c’est un choix parmi d’autres. Ce point chaud qui concerne la définition du progrès est et sera de plus en plus au centre de toutes les questions liant technosciences et démocratie.
  • Parallèlement, l’Université de Montréal a bâti une « Déclaration pour un développement responsable de l’intelligence artificielle[23] ». Cette déclaration décrit dix principes phares pour guider le développement de l’IA, parmi lesquels un « principe de bien être » ou encore un « principe d’inclusion de la diversité » (
  • Toutes les controverses techniques n’ont pas vocation à passer sous les fourches caudines de la démocratie, il existe une multitude d’autres échelons pour co-construire, réguler, interdire ou favoriser des systèmes. En témoignent les nombreuses villes qui se « défendent » contre AirBnb ou Uber puis qui finissent par utiliser les données que ces sociétés récoltent, à d’autres fins (des « arrangements » a posteriori[25]). Par ailleurs, c’est aussi dans les écoles qui forment les ingénieurs, designers et entrepreneurs de demain et bien sûr dans les entreprises elles-mêmes, dont certaines décident d’être plus soucieuses des effets générés par leurs activités, que l’avenir se joue
  • Bien sûr, ces quelques pages souffrent de nombreuses limites et à de multiples niveaux. A mon sens néanmoins, le fond de la question consiste (aussi) à savoir quelle « dose » de démocratie nous sommes prêts à mettre dans nos ambitions technologiques. Et en retour, dans quelle mesure les technologies que nous produirons permettront ou non à la démocratie de continuer d’exister[26].
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    "En 2017, Iyad Rahwan (@iyadrahwan), responsable du groupe des coopérations évolutives au MIT posait avec Joi Ito (@Joi) du MIT Medialab le concept de « Society in the loop » (SITL), une méthode pour impliquer différentes parties-prenantes dans la conception d'un système d'apprentissage automatique[1] (ou machine learning), à la base des intelligences artificielles (IA) qui jalonnent le quotidien. L'idée : co-construire plutôt qu'imposer les solutions au grand public, en faisant intervenir dès la phase de conception une diversité d'acteurs. J'en retrace ici un court historique, une illustration et les quelques perspectives et limites qu'il me paraît intéressant de pointer, notamment au regard des questions relatives à ce qu'on appelle la « démocratie technique »."
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