Il faut donc commencer par distinguer des gratuités. On peut en repérer trois. La gratuité comme production d’une sphère non-marchande dans l’économie, conquise grâce à des financements socialisés : c’est le modèle de l’école, des bibliothèques, de l’hôpital, et la définition même des services publics. La gratuité comme refus des individus de se soumettre aux lois du marché : piraterie, « perruque » dans les ateliers, « autoréductions » dans les supermarchés, mais aussi travail coopératif, développement de logiciels libres, bidouilles de hacker ou glanage, toutes formes qui s’insinuent dans les plis du capitalisme, s’y aménagent des espaces ou le minent de l’intérieur. La gratuité enfin comme pointe avancée de la société de consommation, sophistication ultime des techniques de vente : produits gratuits appelant des versions payantes, lecture à l’œil sur fond de clignotement publicitaires, secteurs de vente entiers (presse, radios, moteurs de recherche) construits sur une offre gratuite financée par la publicité ou les produits dérivés.