« La politique n'est pas la solution », par Anselm Jappe. - Critique radicale... - 0 views
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La logique de la valeur se base sur des producteurs privés qui n’ont pas de lien social entre eux, et c’est pourquoi elle doit produire une instance séparée qui s’occupe de l’aspect général. L’Etat moderne est donc créé par la logique de la marchandise. Il est l’autre face de la marchandise ; les deux sont liés entre eux comme deux pôles inséparables. Leur rapport a changé plusieurs fois pendant l’histoire du capitalisme, mais c’est une grande erreur que de se laisser entraîner par l’actuelle polémique des néolibéraux contre l’Etat (qui d’ailleurs est démentie par leur pratique, là où ils sont à la barre) à croire que le capital ait une aversion fondamentale contre l’Etat. Cependant, le marxisme du mouvement ouvrier et presque toute la gauche ont toujours misé sur l’Etat, parfois jusqu’au délire, en le prenant pour le contraire du capitalisme. La critique contemporaine du capitalisme néolibéral évoque souvent un « retour de l’Etat », unilatéralement identifié avec l’Etat-providence de l’époque keynésienne. En vérité, c’est le capitalisme lui-même qui a très massivement recouru à l’Etat et à la politique pendant la phase de son installation (entre le XVe et la fin du XVIIIe siècle) et qui a continué à le faire là où les catégories capitalistes devaient encore être introduites -
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Autrement dit, tout ce que les sujets de la valeur peuvent penser, imaginer, vouloir ou faire se montre déjà sous forme de marchandise, d’argent, de pouvoir étatique, de droit [2]. Le libre arbitre n’est pas libre face à sa propre forme, c’est-à-dire face à la forme marchandise et à la forme argent, ni à leurs lois. Dans une constitution fétichiste, il n’existe pas une volonté du sujet qu’on puisse opposer à la réalité « objective ». De même que les lois de la valeur se trouvent hors de portée du libre arbitre des individus, elles sont aussi inaccessibles à la volonté politique. Dans cette situation, « la démocratisation n’est rien d’autre que la soumission complète à la logique sans sujet de l’argent » [3]. Dans la démocratie, ce ne sont jamais les formes fétichistes de base elles-mêmes qui constituent l’objet de « discussion démocratique ». Elles sont déjà présupposées à toutes les décisions, qui ne peuvent donc concerner que la meilleure façon de servir le fétiche. Dans la société marchande, la démocratie n’est pas « manipulée », « formelle », « fausse », « bourgeoise ». Elle est la forme la plus adéquate à la société capitaliste, dans laquelle les individus ont complètement intériorisé la nécessité de travailler et de gagner de l’argent
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Les illusions « de gauche » sur la démocratie sont apparues particulièrement audacieuses lorsqu’elles se sont présentées comme demande d’ « autogestion ouvrière » des entreprises, donc comme extension de la « démocratie » au procès productif. Mais si ce qu’il faut autogérer, c’est une entreprise qui doit réaliser des profits monétaires, les autogestionnaires ne peuvent faire rien d’autre, collectivement, que ce que font tous les sujets de marché : ils doivent faire survivre leur unité de production dans la concurrence. La faillite de toutes les tentatives d’autogestion, même celles organisées à grande échelle comme en Yougoslavie, n’est pas seulement imputable au sabotage opéré par les bureaucrates (même si celui-ci a eu lieu naturellement). Mais dans l’absence d’un mode de production directement socialisé, les unités de production séparées sont condamnées, qu’elles le veuillent ou pas, à suivre les lois fétichistes de la rentabilité.
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