Pourquoi le travail est-il devenu absurde ? | InternetActu.net - 0 views
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Dan Lyons ne mâche pas ses mots. « Pourquoi le lieu de travail est-il devenu un mixte de jardin d’enfants et de centre de tests de personnalité pour scientologue ? » Nos bureaux sont devenus un cabinet de psychologie dirigé par une « bande de charlatans », dont nous sommes les nouveaux cobayes. Et la Silicon Valley est largement responsable de nos malheurs. D’abord parce que « c’est là que sont développées ces méthodes et technologies, c’est là que sont testées bon nombre de ces idées épouvantables qui visent à changer radicalement l’entreprise ».
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« Le travail ressemble de plus en plus à une boîte de Skinner », en faisant référence aux chambres de conditionnement visant à altérer le comportement des rats à coups de récompenses et de décharges électriques, disait déjà en 2008 le neuropsychologue Gregory Berns dans le New York Times. Partout, l’implication et la satisfaction sont en bernes. Stress, dépression, burn-out, brown-out, suicides… s’étendent et s’intensifient. L’intimidation, les violences verbales, les menaces, les humiliations, le harcèlement… semblent devenus courants. Le monde du travail est malade. Mais pour Lyons, l’épidémie a un patient zéro : la Silicon Valley !
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Tous ont des caractéristiques communes : outre leur richesse, ils adhèrent massivement à une vision du monde hostile aux travailleurs. Bezos a bâti sa fortune sans grande considération pour ses magasiniers, payés à des salaires si faibles qu’ils sont nombreux à bénéficier de l’aide sociale, contraints de vivre nomades, comme le montrait la journaliste Jessica Bruder dans le poignant Nomadland. Les usines de Musk ne sont guère plus reluisantes : les accidents y sont deux fois plus fréquents que dans les usines du secteur de l’automobile. Dans le capitalisme sans capital, « l’exploitation des travailleurs est fructueuse ».
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Reid Hoffman (@reidhoffman), ancien de PayPal, fondateur de Linkedin et désormais capital-risqueur, souvent pompeusement présenté comme le « philosophe des entrepreneurs », auteur de Blitzscaling, est également l’architecte du nouveau pacte entre les entreprises et les salariés (The Alliance, Harvard Business Review, 2014, non traduit). Cette « alliance » considère le travail comme une simple transaction. Les entreprises ne doivent aucune loyauté envers leurs employés et encouragent les travailleurs à se considérer comme des indépendants, à être La startup de soi-même !
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Pourtant, selon des psychologues des organisations, l’insécurité de l’emploi est corrélée à la diminution de la créativité, à la baisse du rendement et de la productivité… et au harcèlement. Pour Lyons, la vision du monde des entrepreneurs d’aujourd’hui relève du pur cynisme, n’assumant aucune de leurs responsabilités autres que leur enrichissement personnel. Quel contraste avec le discours d’Henry Ford – « Mon ambition est d’employer de plus en plus d’hommes afin qu’ils puissent bénéficier de la révolution industrielle. Nous voulons aider les gens à se construire une vie » ! Et Ford dirigeait des entreprises bien plus grandes et importantes que Netflix ou Linkedin !
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« Les licornes ne possèdent aucun secret de management éclairé. La plupart des startups sont des entreprises très mal gérées, à moitié bancales, dirigées par des bouffons, des abrutis et des copains de confréries étudiantes, et financées par des investisseurs sans aucune morale qui espèrent seulement que leur entreprise sera introduite en Bourse pour gagner de l’argent rapidement. Ils n’ont aucune expertise opérationnelle ni aucun talent spécial pour le comportement organisationnel ». Leur modèle d’affaires n’est pas très novateur. Il consiste à vendre moins cher que les autres en payant moins cher.
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Depuis, la méthode agile est devenue une religion, « un élixir miracle ayant le pouvoir de tout faire », même transformer des organisations. Mais pour Lyons, la méthode n’a que pour fonction d’en imposer une nouvelle, diminuer les salaires et virer les seniors ! Taylor avec son chronomètre poussait les gens à l’épuisement physique, la méthode agile, elle, épuise psychologiquement. Lyons estime que la plupart des implémentations de ces méthodes ne marchent pas, en tout cas les évaluations sur son efficacité semblent inexistantes (hormis pour ceux qui la promeuvent).
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Pour Matthew Stewart, l’auteur du Mythe du management : « cette idée moderne du management nous a projeté dans une quête erronée pour trouver des réponses scientifiques à des questions non scientifiques. C’est proposer de prétendues solutions technologiques à ce qui n’est, au fond, qu’un problème éthique et politique ».
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Pour accroître la productivité, il faut mettre les gens en confiance, éliminer la crainte de se faire licencier à tout moment, les former, les rémunérer correctement, leur offrir une bonne couverture sociale… Or, on ne trouve rien là dessus dans la méthode agile comme dans le lean !
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Sur le même ton, Lyons règle son sort à l’holacratie (« L’holacratie c’est comme si toutes ces choses avaient été mises dans un mixeur avec du LSD, et emballées par le psychopathe Charles Manson »). Zappos a fait fuir 30 % de ses employés en adoptant cette méthode et a disparu de la liste Best Places to Work où elle figurait en haut du classement depuis des années. Derrière son discours dégoulinant de bonnes intentions sur l’autonomisation et la liberté, l’holacratie est doctrinaire et autoritaire. « Les humains ne sont pas conçus pour fonctionner comme des logiciels », rappelle Aimee Groth de Quartz.