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Aurialie Jublin

affordance.info: Du droit à l'oubli au capitalisme de la surveillance. - 0 views

  • Nous avons donc, d'un côté, les actuels GAFAM qui, pour mieux asseoir leur contrôle sur notre activité de consommation, opèrent une redistribution des règles de la privacy à leur seule convenance, avec le risque déjà palpable de la mise en oeuvre d'une société du contrôle Orwellienne, et fondent ce nouveau capitalisme de la surveillance. D'un autre côté, le High-Frequency Trading est le modèle déjà constitué et opératoire de régulation des marchés grâce à une analyse temps-réel dont sont seuls capables les algorithmes dédiés et la puissance de calcul associée, risquant à tout moment de nous plonger dans une nouvelle crise spéculative. En parallèle, est en train d'émerger, dans le sillage d'Airbn'B et d'Uber notamment, un nouveau modèle de salariat algorithmique, dont l'enjeu est de proposer un nouveau cadre de régulation de ce qui restera du travail ou des activités humaines non-automatisables, modèle qui en externalisant presque totalement les charges incombant jusqu'ici à l'employeur et en précarisant les travailleurs, renforce le risque d'une fin du modèle social compensatoire que nous connaissions jusqu'ici (et dans lequel les employeurs payaient des charges qui elles-mêmes permettaient de financer des politiques publiques, dans lequel un modèle de protection sociale était fondé sur l'impôt, etc ...).
  • Ceux qui supportent ces changements, c'est à dire ... nous, ont vaguement fait le deuil du rêve d'intelligence collective (trop rarement réactivé par exemple lors des négociations collectives autour de la privacy) qui avait présidé à l'émergence d'internet et se sont constitués en une nouvelle classe, un "cognitariat" jusqu'ici presque uniforme mais qui commence, du fait de la pression du salariat algorithmique et de la portion congrue des activités échappant encore au seul traitement calculatoire, un cognitariat disais-je, qui commence à voir émerger un sous-cognitariat. C'est ce cognitariat qui supporte des bouleversements dont l'enjeu d'est rien d'autre que la régulation des comportements sociaux (la régulation des comportements socio-culturels étant déjà opératoire au travers de la théorie de la bulle de filtre d'Eli Pariser notamment), régulation qui se fait notamment au travers de l'analyse prédictive permise par le traitement des "Big Data", et qui comporte également de nombreux risques liés à une essentialisation de l'humain ainsi qu'à une "biologisation" déjà à l'oeuvre au travers de l'essor de la génomique personnelle et de l'internet du génome.
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    "Fin du travail, plein d'amis mais sans famille, apatrides du numérique. Le "Digital Labor" sera à n'en pas douter la problématique politique et économique des 50 prochaines années. Il amènera des changements et des disruptions profondes dont nous peinons encore aujourd'hui à mesurer l'ampleur. Ces bouleversements se structureront autour de 3 grands axes en revanche déjà identifiables : celui de ce capitalisme de la surveillance et du rôle des GAFAM celui du salariat algorithmique cette fois préempté par le modèle d'une partie des NATU (AirB'B et Uber donc) et celui, enfin, d'une nouvelle classe 'trans-' ou 'hyper-'sociale, le cognitariat, et sa version sombre, le lumpen-cognitariat dont je vous parlais dans mon billet sur "les coolies de la pop économie"."
abrugiere

D'Uber à AirBnB, l'économie du partage redéfinit des pans entiers d'activité ... - 1 views

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    - Innovation ou entorse aux règles ? - La prospérité de ces plateformes émergentes tient en partie à leur relative absence de régulation. «On a toujours eu des gens qui essayaient d'échapper aux règles et faisaient des affaires comme cela», a indiqué à l'AFP Dean Baker, un économiste du Centre pour la recherche économique et politique (CEPR) de Washington, qui appelle à regarder «là où ils innovent ou créent de vrais avantages». Uber a voulu le faire en commandant une étude dirigée par l'économiste de l'université de Princeton Alan Kreuger, qui montre que ses chauffeurs gagnent environ 6 dollars par heure de plus que ceux des taxis traditionnels, tout en relevant qu'ils ont des dépenses différentes. C'est «bien pour les gens d'avoir l'option de travailler pendant leur temps libre et de gagner davantage d'argent», a reconnu Dean Baker, mais «que se passe-t-il quand quelqu'un a un accident ? A-t-il les mêmes indemnisations qu'un salarié ?» A terme, même si cela réduit leur rentabilité, ces plateformes devront «accepter une régulation raisonnable ou être poussées à disparaître», a-t-il prédit.
Aurialie Jublin

Pour une protection sociale des données personnelles - - S.I.Lex - - 0 views

  • Une première contestation est venue du Think Tank Génération libre par le biais d’un rapport défendant la thèse de la « patrimonalisation » des données personnelles. L’idée consiste à créer un droit de propriété privée sur les données personnelles de manière à ce que les individus puissent négocier leur utilisation sur une base contractuelle avec les plateformes, en se faisant éventuellement rémunérer en contrepartie. Ce point de vue sous-entend que c’est le marché qui doit réguler l’utilisation des données et que la vie privée sera plus efficacement protégée par ce biais qu’en la défendant comme un droit fondamental de la personne. A l’opposé de cette vision ultra-libérale, Antonio Casilli et Paola Tubaro ont publié une tribune dans les colonnes du Monde, formulant une critique d’ordre « social » du système actuel. Intitulé Notre vie privée : un concept négociable, ce texte invite lui aussi à un renversement profond de perspective résumé par la phrase suivante : « la défense de nos informations personnelles ne doit pas exclure celle des droits des travailleurs de la donnée ».
  • Le défi qui attend la CNIL est de devenir non pas un gardien de la propriété sur les données, mais un défenseur des droits des travailleurs de la donnée.
  • S’il y a un rapport de production assimilable à du travail, alors il faut s’assurer de l’extension des régimes de protection du travail, y compris à ceux qui, de prime abord, seraient présentés comme de simples usagers ou consommateurs.
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  • Il paraît en effet douteux que la CNIL puisse à elle seule assurer une défense des droits des travailleurs de la donnée, même si son champ d’action était élargi. Non pas que cette autorité soit dépassée, comme certains le laissent entendre, mais parce que la protection des travailleurs passe traditionnellement par des mécanismes juridiques et institutionnels d’une nature bien différente de la régulation assurée aujourd’hui par la CNIL. Historiquement, c’est un système de droits et la protection sociale qui se sont progressivement mis en place pour protéger les individus dans le cadre des relations asymétriques de travail. Il convient de ne pas participer à leur affaiblissement en morcelant les espaces de régulation, mais bien de faire valoir les droits sociaux existants.
  • Nous soutenons donc que si les données sont produites dans le cadre d’activités assimilables à de nouvelles formes de travail, alors ce sont des mécanismes de protection sociale enracinés dans le droit social qu’il convient de déployer pour garantir les droits des personnes.
  • Si la défense du droit à la vie privée dépend aujourd’hui avant tout d’une négociation collective, alors il convient de nous doter collectivement des moyens les plus efficaces possibles pour engager, conduire et peser dans ces négociations, dont les termes restent aujourd’hui dictés par le cadre profondément déséquilibré imposé par les plateformes. Un simple appel à la CNIL sera là encore sans doute insuffisant pour changer en profondeur cette situation. C’est en réinventant la protection des données sous l’angle de la protection sociale qu’il nous paraît possible de faire émerger de nouveaux moyens d’action collective qui sortiraient l’individu de l’isolement dans lequel il reste trop souvent enfermé lorsqu’il s’agit de vie privée, que ce soit face aux plateformes ou à l’État.
  • Car la protection sociale renvoie plus fondamentalement à la question des solidarités et celles-ci ne peuvent être uniquement une affaire d’État. Si négociation collective autour de la vie privée il y a, celle-ci doit être le fait d’une société civile collectivement organisée, sans quoi les individus ne pourront échapper aux rapports structurellement inégalitaires auxquels les soumettent les plateformes, et la négociation en cours ne pourra conduire qu’à la soumission collective.
  • Du point de vue d’une protection sociale entendue comme participant à la construction d’un « régime de travail réellement humain », on peut se demander si la seule option souhaitable ne consiste pas pour le législateur à interdire purement et simplement que l’on rémunère ce type de tâches à la pièce. Aucune « protection sociale » ne pourra jamais venir compenser après coup les dégâts causés par la réduction d’humains au rang de « tâcherons du clic » et l’accepter reviendrait à porter un coup mortel à l’idée que le travail puisse constituer une activité « réellement humaine ».
  • Il s’agit non seulement de s’intéresser aux architectures techniques des plates-formes qui permettent l’extraction et la circulation des données personnelles, mais aussi de créer les conditions pour que le travail de production et d’enrichissement des données (autant de la part des services de microtravail que des usagers de plates-formes généralistes comme Instagram ou Google) reste respectueux des droits des personnes et du droit du travail
  • Se référer à ce riche héritage juridique, institutionnel et social permettrait selon nous de dépasser certaines des insuffisances auxquelles la défense des données personnelles et de la vie privée se heurte encore trop souvent aujourd’hui. C’est notamment en suivant une telle piste qu’il nous paraît possible de réconcilier les dimensions individuelle et collective en matière de protection des données. Le système juridique actuel reste en effet imprégné d’un individualisme méthodologique qui n’envisage la personne que de manière isolée et indépendamment des rapports sociaux dans laquelle la vie privée est toujours étroitement enchâssée.
  • C’est ce fil que nous souhaitons suivre dans cet article qui vise à explorer les différentes dimensions d’une protection des données repensée comme une protection sociale. Comme le souligne la démonstration d’Antonio Casilli et Paola Tubaro, il convient de partir de l’idée qu’il existe un continuum de pratiques entre usagers et travailleurs des plateformes, depuis les utilisateurs de Google ou Facebook jusqu’aux chauffeurs d’Uber. Cette continuité justifie la construction de nouveaux droits et un nouveau volet de la protection sociale, pensé dans une solidarité entre usagers et travailleurs.
  • expliciter en préambule ce que nous percevons des liens qui se sont tissés entre données personnelles, vie privée, usages et travail numériques. Ces liens sont remarquables et inédits à plusieurs égards : leur volume, la précision des informations que produisent nos usages, et leurs méthodes de production
  • Le second phénomène inédit, intrinsèquement lié au premier, c’est le degré d’opacité des mécanismes techniques et humains de production des données qui forgent cette identité. Ce qui nous échappe, c’est donc autant la perception (y compris physique) de nos traces et signaux numériques, que les processus de production (partant de l’exploitation de ces signaux et traces) qui forgent une donnée, et enfin leur exploitation ou utilisation sous la forme d’une expression explicite de nos identités et de nos activités.
  • Cette triple perte de contrôle justifie à notre sens que notre relation avec les plateformes soit considérée sous l’angle d’une présomption de subordination d’usage. Elle permettrait d’acter en droit les déséquilibres de fait qui caractérisent les forces en présence, entre la société civile, les collectifs d’usagers et les travailleurs numériques d’une part, et les plateformes lucratives d’autre part. Notion distincte de la subordination des rapports de production dans l’espace du travail, elle viendrait s’articuler à elle, établissant en droit un continuum de négociation.
  • La subordination juridique et économique est ainsi reconnue et traditionnellement associée au statut d’employé. Mais elle déborde aujourd’hui ce cadre pour s’exercer sur les consommateurs et les usagers, également saisis par une subordination d’usage. Celle-ci intègre une logique lucrative, en ce qu’elle transforme en valeur financière – et donc « financiarise » à proprement parler – des rapports humains jusqu’alors vécus hors des sphères de production de marché orientées vers le profit.
  • Pour faire émerger ce concept de « subordination d’usage », il paraît possible de s’appuyer notamment sur les travaux d’Alain Supiot, qui propose depuis la fin des années 90 des moyens conceptuels pour identifier des formes de travail « au-delà de l’emploi ». Il propose en particulier de saisir les « nouveaux visages de la subordination » à partir du critère de la « dépendance économique » qui viendrait compléter celui de la subordination stricto sensu caractérisant aujourd’hui le contrat de travail. Dans cette vision, le rapport de production est bien conçu comme incluant d’emblée un rapport de subordination face à la figure de l’entreprise capitaliste, intégrant la notion de déséquilibre exorbitant dans les rapports sociaux, que le droit et la négociation doivent participer à « civiliser »
  • La présomption de subordination permettrait donc de faire correspondre au continuum des pratiques d’usage et de travail, une continuité de droits, puisant pour partie leur légitimité dans le caractère exorbitant et disproportionné des rapports induits à la fois par la nature propriétaire et par l’objectif d’exploitation des plateformes lucratives de marché. Pour faire émerger ce concept de « subordination d’usage », il paraît possible de s’appuyer notamment sur les travaux d’Alain Supiot, qui propose depuis la fin des années 90 des moyens conceptuels pour identifier des formes de travail « au-delà de l’emploi ». Il propose en particulier de saisir les « nouveaux visages de la subordination » à partir du critère de la « dépendance économique » qui viendrait compléter celui de la subordination stricto sensu caractérisant aujourd’hui le contrat de travail.
  • Cette continuité entre ces deux régimes d’action est liée au rapport de production (des données) que nous entretenons avec les plateformes, rapport qui vient se fondre dans la problématique de la régulation du travail. Un des enjeux est de faire émerger une identification claire du travail numérique, dans un moment historique d’exploitation des travailleurs les plus fragiles et des pratiques prédatrices de délocalisation de la main d’œuvre.
  • Il y a donc un double enjeu à mieux saisir ces rapports sociaux de production : il s’agit d’identifier ou de faire émerger plus distinctement les régimes de travail présent dans les espaces de production numérique pour mieux les encadrer d’une part, et d’autre part d’envisager les limites que nous voulons leur fixer pour protéger la vie privée et son exploitation.
  • La pénétration du travail numérique dans notre vie privée, au sens où il est saisi par les plateformes pour le transformer en valeur économique, interroge à la fois nos conceptions et nos imaginaires contemporains relatifs à la vie privée et au travail, en particulier le travail domestique.
  • Le second phénomène inédit, intrinsèquement lié au premier, c’est le degré d’opacité des mécanismes techniques et humains de production des données qui forgent cette identité. Ce qui nous échappe, c’est donc autant la perception (y compris physique) de nos traces et signaux numériques, que les processus de production (partant de l’exploitation de ces signaux et traces) qui forgent une donnée, et enfin leur exploitation ou utilisation sous la forme d’une expression explicite de nos identités et de nos activités.
  • Une patrimonialisation des données personnelles, telle qu’elle est proposée par Génération libre, ne constituerait pas un moyen d’ouvrir cette discussion collective, mais conduirait au contraire à y renoncer définitivement. En effet, la réparation de cette violence par la réaffirmation ou la revendication d’une propriété privée négociable sur un marché réduit la question politique du vivre ensemble à l’abandon total de toute volonté collective de débat démocratique – ici remplacé par la négociation sur le marché.
  • Accepter des micro-rémunérations corrélées aux données personnelles, c’est graver dans le marbre que les discussions collectives deviennent des petites négociations individuelles […] Ce micro-revenu est d’ailleurs en parfaite cohérence avec la promotion d’un revenu universel tel le que propose Génération Libre (attention, il y a plein de revenus universels différents) façon néo-libérale : on vous donne le minimum pour ne pas trop vous ennuyer dans ce nouveau monde plein de machines (dont personne n’a discuté au préalable, faute au déterminisme technologique, mais c’est encore un autre sujet). Ce qui nous laisse avec l’amère sensation d’avoir gagné quelque chose, alors que c’est justement le projet des libertariens. L’argumentaire de Génération Libre est subtil puisqu’il explicite un certain nombre de ces problèmes (surveillance de masse, ciblage publicitaire abusif, croisements de données non choisis) tout en prétendant qu’à partir du moment où l’on se ferait payer pour ses données, on deviendrait conscient – et consentant – quant à l’usage qui pourra en être fait…).[…]
  • La défense de la dignité et des libertés des personnes est centrale dans le fait de distinguer espace privé et espace de production. De fait, une part de nos gestes privés et intimes, exprimés dans des espaces numériques qui revêtent l’apparence de la sphère privée, sont accaparés dans un objectif de profit. De plus, les industries travaillent activement à influencer l’environnement et nos comportements numériques pour mieux capter la valeur issue des entrelacements de nos liens sociaux qui forment le « graphe social », reflet numérique de notre vie collective.
  • Il est urgent de revendiquer collectivement une régulation efficace contre ces phénomènes d’exploitation, mais aussi le soutien et l’encouragement au développement d’outils numériques émancipateurs. Car comme le souligne Irénée Régnauld, cette exploitation et cette violence ne sont pas des fatalités technologiques
  • Que reste-t-il de ces aspirations et du sens investi collectivement dans le travail lorsque l’on exerce des « métiers » de tâcherons développés par les industries numériques ? Au-delà des déséquilibres économiques, c’est la dignité des personnes qui est à protéger face au retour des modèles d’exploitation proprement féodaux. De même, il apparaît combien notre conception du travail sous-tend nos conceptions de la société dans son ensemble, et les perspectives de progrès social et de progrès humain partagé qu’il nous revient de discuter collectivement.
  • Compléter l’action de protection de la vie privée en l’articulant avec les enjeux de respect du droit du travail et la protection des travailleurs pourrait permettre d’enrichir le débat en réintroduisant les notions de consentement et d’intentionnalité, mais aussi d’intimité, associés à la notion de vie privée moderne, à réencastrer dans nos comportements au sein des plateformes. Relier l’exploitation des données et de la dimension potentiellement intime qu’elle recouvre, avec la question centrale d’un régime de travail décent des travailleurs professionnels, pourrait permettre de poser plus distinctement l’enjeu de rapports éthiques numériques, entre usagers, consommateurs et travailleurs, tels qu’ils sont discutés au sein des autres espaces de production
  • Or les données personnelles sont bien toujours également des « données sociales », parce que la vie privée elle-même est toujours enchâssée dans un tissu de relations sociales (amicales, familiales, professionnelles, territoriales, citoyennes, etc.). L’interconnexion des données, via les outils numériques, constitue par ailleurs un préalable indispensable à leur valorisation, y compris financière
  • Il y a donc d’emblée une double dimension collective caractéristique de nos données « personnelles », qui s’exprime au sens d’un usage du monde « en lien » dans nos pratiques numériques, de la connexion et de la mise en relation – autant que du point de vue des rapports de production qui sont nécessaires à l’existence et l’exploitation des données. Ces deux répertoires d’actions numériques sont difficiles à distinguer précisément car l’approche centrée sur « l’émission » de données est marquée par une grande continuité des effets, sinon des pratiques individuelles et collectives
  • Le droit des données personnelles reste aujourd’hui largement « aveugle » à cette double dimension collective et pour la chercheuse Antoinette Rouvroy, cette construction individualiste du statut des données est précisément ce qui entraîne aujourd’hui une « inadéquation des régimes de protection »
  • Le défi qui serait le nôtre aujourd’hui, relativement à la protection des données, pourrait donc s’énoncer ainsi: comment tenir compte, de la nature relationnelle, et donc aussi collective, à la fois de la donnée (une donnée n’est jamais que la transcription numérique d’une relation entre un individu son milieu, laquelle n’acquiert d’utilité, dans le contexte d’analyses de type big data, que mise en rapport avec des données « émises » par les comportements d’autres individus), et de ce qui mérite d’être protégé, y compris à travers la protection des données ?
  • Avec les données d’intérêt général, on songeait à donner à l’État une forme de pouvoir de « réquisition » de données détenues par des acteurs privés dans une série de secteurs stratégiques (santé, énergie, environnement, logement, etc.) ou pour faire face à des situations de crise. Ce concept a fait l’objet de nombreuses critiques et s’il a été maintenu dans la version finale du texte, ce n’est qu’au prix d’une profonde transformation, puisqu’il se réduit désormais à une simple obligation d’ouverture des données imposée aux personnes privées délégataires de service public.
  • Des négociations collectives avec des représentants des utilisateurs, formalisées et encadrées par la loi, pourraient intervenir ensuite pour obtenir des conditions plus favorables de la part des plateformes. Ces discussions pourraient se dérouler secteur par secteur, de la même manière que les négociations collectives en droit du travail se font au niveau des branches, permettant aux utilisateurs de s’organiser sur une base concrète. Il y aurait aussi intérêt à ce que ces négociations puissent s’ouvrir au niveau local, par exemple celui des métropoles, car on sait que c’est à cette échelle que des conflits peuvent naître à propos de l’utilisation des données avec des plateformes comme AirBnB, Uber ou Waze et qu’il existe des enjeux importants en termes de récupération des données pour la conduite de politiques publiques infrastructurelles (dans les transports, le logement, l’urbanisme, etc.).
  • Les choses sont différentes avec les plateformes comme Facebook ou Google qui s’appuient sur le « travail gratuit » de simples utilisateurs ne pouvant agir pour bloquer l’outil de production. Ils pourraient certes cesser de recourir à ces services, mais jusqu’à présent, même les plus grands scandales n’ont pas entraîné des exodes significatifs d’internautes hors de l’écosystème des GAFAM…
  • Mais imaginons à présent un « droit à la portabilité collective » qui puisse être actionné par des groupements d’individus agissant au sein d’associations ou de syndicats tels qu’évoqués plus haut, et plus seulement par des individus isolés revendiquant leur droit à la vie privée. Un tel droit collectif pourrait être opposé aux plateformes lorsque ces acteurs parviendraient à apporter la preuve que la récupération des données est nécessaire pour l’exercice de droits et libertés fondamentaux. On changerait alors l’échelle, mais aussi le sens même de la portabilité, car ce serait bien alors des portions entières du graphe qui pourraient être récupérées collectivement de cette manière, en conservant leur valeur « sociale » sans que celle-ci ne soit dissoute par l’atomisation que provoque fatalement la portabilité individuelle.
  • Si l’objectif est de réinventer la protection des données sous la forme d’une « protection sociale » à même de préserver la dignité et les droits fondamentaux des individus, n’importe-t-il pas de nous poser en amont la question de savoir si nous devons nous résigner à ce que toutes ces activités basculent dans des rapports de production, y compris lorsque nous ne l’avons pas choisi, individuellement et collectivement ? Si l’idée d’une « protection sociale des données » a un sens, ne devrait-elle pas précisément résider dans une faculté de déterminer quelle part de nos vies nous voulons voir saisies dans un rapport de production et quelle part nous voulons au contraire en préserver ?
  • Admettre d’emblée que toutes nos activités numériques sont assimilables à du Digital Labor ne revient-il pas à entériner que ce basculement dans des rapports de production est inéluctable et que plus rien de nous permettra d’échapper à cette « financiarisation » forcée de nos vies, y compris dans ce qu’elles ont de plus intime ? Si tel était le cas, la « protection sociale des données » pourrait recevoir la même critique que celle qu’on adresse parfois à la protection sociale tout court : que ces mécanismes, installés dans leur forme actuelle pendant la période fordiste, visent simplement à « compenser » les rapports de domination imposés aux individus dans la sphère du travail et non à remettre en cause le principe même de la soumission qu’ils impliquent. Pour conjurer ce risque, il importe selon nous d’être au contraire capable d’opérer des distinctions claires au sein même du continuum de pratiques décrites comme du Digital Labor, en les repositionnant soigneusement par rapport à l’idée de protection sociale.
  • Si l’idée d’une « protection sociale des données » a un sens, ne devrait-elle pas précisément résider dans une faculté de déterminer quelle part de nos vies nous voulons voir saisies dans un rapport de production et quelle part nous voulons au contraire en préserver ?
  • Face à ces situations de fragilisation brutale des individus, il importe de réactiver les principes de base de la protection sociale, en appelant à ce que les juges ou le législateur fassent preuve de volontarisme en requalifiant ces activités en emplois salariés. C’est de cette manière que le législateur a procédé par exemple avec les intermittents du spectacle dans les années 1990 en instaurant une présomption de salariat, alors même que ces activités s’exercent dans un cadre où la subordination traditionnellement associée à la situation d’emploi n’est pas nécessairement caractérisée. Même s’il y aurait beaucoup à dire sur les lacunes de la protection sociale des intermittents, il n’en reste pas moins que ce rattachement à l’emploi salarié participe à la sécurisation du parcours des individus œuvrant dans ce secteur.
  • En imposant aux individus d’inscrire leur intimité dans un rapport de production, les plateformes provoquent en réalité un effondrement de la distinction entre la sphère publique et la sphère privée, phénomène lourd de conséquences qu’Hannah Arendt a identifié comme un des mécanismes par lesquels le totalitarisme s’empare des sociétés. Le cadre analytique du Digital Labor traduit donc une certaine vérité, car à l’époque moderne c’est bien le fait de faire apparaître une activité dans l’espace public qui la transforme presque mécaniquement en « travail ».
  • Cela implique donc, lorsque nous utilisons des services numériques, de toujours être en mesure de savoir clairement si nous sommes engagés dans un rapport de production et de pouvoir en sortir, si nous le voulons. Sachant que cette possibilité de « sortir » reste en réalité profondément illusoire si n’existent pas des alternatives tangibles dans lesquelles nos activités sociales pourraient s’inscrire sans qu’on les soumette à des dominations à visée économique. C’est la raison pour laquelle une protection sociale des données personnelles passe nécessairement aussi par la construction de Communs numériques, basés sur des logiciels libres.
  • Compte tenu de ce contexte, il s’agit bien de construire une protection sociale des données en même temps que de revendiquer des conditions de travail dignes et réellement humaines pour les personnes impliquées professionnellement dans leur production. Cette double dimension collective dans la production et la gestion des données ouvre sur un vaste enjeu de solidarité, en action, dans la coordination de nos usages « amateurs »/non-professionnels avec ceux des travailleurs des plateformes. Discuter collectivement le fondement d’une éthique dans l’agencement de nos relations numériques nous amène nécessairement à regarder en face les grands équilibres économiques, l’exploitation et les mécanismes de prédation des grandes firmes sur les travailleurs les plus précaires, et souligne tout autant l’urgence de la construction de responsabilités collectives pour y répondre.
  • Il ne faut pourtant pas nous priver de penser des environnements et des pratiques numériques beaucoup plus émancipatrices, en s’appuyant sur ce que le monde du logiciel libre, le mouvement des communs et de l’économie solidaire, proposent conjointement : participer à la construction du progrès social et des capabilités numériques individuelles et collectives, permettant de prendre une part active dans l’organisation de nos pratiques. A cet égard, les activités d’éducation populaire développées par l’association Framasoft sont tout à fait remarquables, en ce qu’elles articulent des solutions logicielles alternatives avec un travail de fond d’éducation populaire – au sens d’une éducation qui prend en compte la dimension profondément politique de la construction et de la circulation des savoirs et des savoir-faire.
  • Dans cette même perspective, qualifier les données d’intérêt général, c’est aussi ne pas laisser s’échapper le caractère profondément politique de leur usage : c’est réaffirmer la dimension sociétale de nos usages individuels et collectifs.
  • Pour contrer cela, nous devons construire une nouvelle infrastructure pour permettre aux personnes de regagner cette souveraineté individuelle. Ces aspects de l’infrastructure qui concernent le monde qui nous entoure doivent appartenir aux biens communs et les aspects qui concernent les gens – qui constituent les organes de notre être cybernétique – doivent être détenus et contrôlés par les individus eux-mêmes.
Aurialie Jublin

e-RH - L'entreprise libérée est-elle socialement responsable ? - 1 views

  • Bon nombre de démarches de « libération » reposent simplement sur une approche de réduction drastique du management intermédiaire et des fonctions support. Cette approche est la conséquence d’une vision caricaturale du management, selon laquelle la ligne managériale serait « un empêcheur de diriger en rond ».
  • Le management intermédiaire joue un rôle majeur en termes de santé au travail (cf le rapport Pénicaud-Lachmann-Larose « Bien-être et efficacité au travail », publié en février 2010), de régulation sociale, de transition vers l’entreprise numérique (cf le rapport de Bruno Mettling, sur « Transformation numérique et la vie au travail », septembre 2015) et désormais de construction des parcours professionnels. Des études solides montrent que les entreprises qui investissent le plus dans la qualité de leur management en tirent les fruits sur le plan de l’efficacité productive et de la rentabilité financière (voir « Return on Management : ce que votre DAF doit savoir sur la performance »
  • Renforcer le pouvoir d’agir des collaborateurs est un objectif louable, qui va dans le sens de l’entreprise responsable. Mais ce renforcement ne doit pas être obtenu au prix de l’affaiblissement, voire de la disparition des parties prenantes, qui sont en mesure de soutenir les collaborateurs. J’ai constaté dans plusieurs démarches d’« entreprise libérées », une recherche délibérée d’un sur-investissement des collaborateurs par des méthodes proches de la manipulation.
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  • L’entrée en collision avec les modes de régulation sociale traditionnels (représentants du personnel et syndicats) ne se traduit pas (pour l’instant ?) par l’invention de modes nouveaux de relations sociales à même de proposer une alternative crédible. On est donc ici aux antipodes de l’entreprise responsable, qui valorise la régulation par les parties prenantes et les contre-pouvoirs.
  • En conduite du changement, on doit toujours être attentif au diagnostic de la situation actuelle et à la projection dans la situation future, mais surtout à ce qui fait le pont entre les deux : la trajectoire. Les démarches d’« entreprises libérées » sont très prolixes sur la situation future (malheureusement naïvement présentée comme un éden) mais généralement très faibles sur la trajectoire.  Elles oublient par exemple, que la démarche d’« empowerment » des opérateurs suppose une forte maturité professionnelle et une polyvalence développée.
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    "L'entreprise libérée : ce n'est plus un mot valise mais une expression container, tant on y trouve des contenus variés, de toutes origines, qui tous se revendiquent de ce mouvement. C'est pourquoi il faut revenir à la source, celle du livre écrit il y a 6 ans par Isaac Getz et Brian M. Carney, « Freedom Inc ». On y trouve les ingrédients de la « libération » :  le rôle déterminant de l'écoute, notamment de la part des dirigeants, le renoncement par ces mêmes dirigeants aux symboles, marques distinctives et autres privilèges, le travail sur la vision et le projet de l'entreprise, qui doivent être appropriés par les collaborateurs, l'allègement des contrôles, des normes de comportement, du prescrit, au profit de l'autonomie et de la responsabilisation des opérateurs, l'arrêt des stratégies de motivation (primes variables, etc.) au profit de la mise à disposition d'un environnement de travail favorable. "
Aurialie Jublin

Stop à l'uberisation de la société ! - Libération - 0 views

  • Le numérique nous donne en effet l’occasion de reconsidérer le travail non plus tel un emploi condamné à devenir toujours plus précaire, anxiogène et de l’ordre de l’auto-exploitation, mais dans le cadre d’un projet de société contributive dont ce même emploi serait un moyen parmi d’autres plutôt qu’une fin en soi. Une entreprise comme TaskRabbit crée certes de la valeur d’usage via sa plateforme de petits emplois à la demande, mais elle garde pour elle et ses actionnaires tous les bénéfices de sa valeur d’échange. A l’inverse, Loconomics est une coopérative détenue par ceux qui y proposent leurs services. Contre les plateformes de ladite économie du partage, qui n’en a que le nom, Trebor Scholz défend le «coopérativisme de plateforme», pour bâtir une société des communs au-delà des seules dimensions économique et financière.
  • Il suppose de s’atteler aux métiers du futur, concernant tout autant les orfèvres des data pour utiliser et nous libérer des algorithmes que le soin aux personnes, sans besoin de la moindre machine ; de codifier le travail d’une façon à la fois très protectrice de notre art de vivre et beaucoup moins administrative qu’aujourd’hui ; d’interroger la mise en place d’un revenu d’existence suffisant, justifié de façon structurelle par le chômage numérique massif et la lente agonie à venir de l’emploi ; d’expérimenter l’extension du régime des intermittents dans la perspective d’une société réellement contributive, d’accession et de transmission des savoirs par tous et entre tous ; d’étudier une refonte de la fiscalité selon les principes de la Taxe Pollen, quitte à instaurer d’abord une taxe européenne sur les flux issus du Trading Haute Fréquence (THF) afin de financer le revenu universel.
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    "La combinaison de la robotisation et des Big data, des algorithmes et des effets de réseau nous transforme d'ores et déjà en fossoyeurs involontaires du salariat. Bienvenue dans un monde enfin « flexible », dopé par la robotisation et le travail au compteur. Un monde où usagers et clients se notent en permanence, où chacun devient son propre Big Brother et où la régulation des acteurs de tous les marchés, de l'assurance aux transports urbains, se joue en mode automatique Big data plutôt que sur le registre de la loi ou de la confiance sans calcul."
Aurialie Jublin

Derrière les promesses de l'intelligence artificielle, le cauchemar du "digit... - 0 views

  • « Ce ne sont pas les machines qui font le travail des hommes, mais les hommes qui sont poussés à réaliser un digital labor pour les machines en les accompagnant, en les invitant, en les entraînant », résume le chercheur. Les intelligences artificielles doivent toujours être paramétrées, entraînées et encore très largement supervisées par des humains, malgré les progrès des méthodes d’apprentissage non supervisés. Les progrès fulgurants des IA ces dernières années sont surtout dus à l’explosion des quantités de données d’entraînement : or celles-ci doivent être triées, annotées, préparées par des humains. Et enfin, ces programmes doivent être évalués et corrigés pour pouvoir s’améliorer. Ainsi, les utilisateurs vont utiliser pendant plusieurs années une version beta du service Gmail de Google, pour l’améliorer, ou tagger leurs amis sur des photos et contribuer ainsi sans nécessairement en avoir conscience à l’affinement du service de reconnaissance faciale de Facebook : « C’est un travail humble et discret, qui fait de nous, contemporains, à la fois les dresseurs, les manouvriers et les agents d’entretien de ces équipements. » La question que pose l’intelligence artificielle et l’automatisation, ce n’est donc pas celle de la menace sur l’emploi – mais celle de la transformation profonde du travail pour répondre aux besoins de la machine.
  • Cet imaginaire largement libertarien irrigue profondément la culture du web depuis ses débuts et s’incarne, par exemple, dans la figure du hacker ou de l’entrepreneur nomade, du passionné qui s’accomplit dans un « projet professionnel qui est aussi existentiel ». Mais Antonio Casilli note combien cette vision est élitiste et ne prend pas en compte l’asymétrie des forces dans un marché du travail en berne où le chômage est élevé et l’ascenseur social en panne,
  • En l’absence de régulation, le digital labor préfigure le pire du travail : un monde de travailleurs isolés, privés de droits sociaux et iolés les uns des autres, livrés aux conditions léonines des employeurs — et accomplissant des tâches standardisées, fragmentées, peu qualifiées et dépourvues de sens global. Ici et là, des tentatives de régulation ou de création de plateformes équitables sont en cours. Il est urgent de les soutenir, si l’on ne veut pas que le développement croissant de l’automatisation ne soit synonyme non d’une disparition du travail, mais de sa dégradation irrémédiable.
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    "Un spectre hante l'intelligence artificielle, c'est le digital labor. Le dernier livre du sociologue Antonio Casilli , spécialiste des réseaux sociaux et des mutations du travail à l'ère numérique, dresse un panorama sombre des nouvelles formes de travail déconsidéré ou invisible apparues avec l'essor des plateformes et de l'automatisation."
Aurialie Jublin

Que devient le travail dans l'économie digitale ? - Metis - 1 views

  • Cette économie ne peut se définir uniquement par les technologies digitales elles-mêmes mais par un ensemble de propriétés radicalement nouvelles. On en citera quelques unes qui montrent que l'on aborde des rivages nouveaux :- le rendement croissant des innovations et le coût marginal zéro. Le principe des rendements croissants, lié aux externalités de réseaux positives, fait que la valeur d'un bien ou d'un service digital est d'autant plus élevée qu'il bénéficie d'un réseau étendu. La conséquence est que les coûts de production et de distribution, quasiment indépendants du volume produit, doivent être payés dès l'investissement initial. Jusqu'ici nous avions vécu dans une économie de rendements décroissants !- des nouveaux modèles d'affaire se développent autour des plateformes en ligne générant une nouvelle forme de marché appelée marché « à deux versants ou bifaces ». Cela concerne des produits ou des services qui sont proposés simultanément à deux catégories d'utilisateurs via internet. Ces marchés induisent des types de concurrence en rupture avec les marchés traditionnels où plusieurs concurrents coexistent et sont en compétition. Là, le gagnant prend tout (the winner takes all).
  • Concernant l'impact des ruptures technologiques sur les environnements de travail, les auteurs, après avoir recensé six nouveaux champs (le cloud, les données massives, les applications mobiles, la géolocalisation, l'internet des objets, les machines apprenantes et la robotique mobile) notent bien des potentiels de transformation du travail notamment par un déplacement de la frontière entre les capacités des humains et des machines.
  • Les auteurs distinguent les nouvelles formes de travail ou d'emploi suivantes plus spécifiquement liés au développement de l'économie digitale:- les « nomades numériques » qui peuvent être des travailleurs salariés ou des indépendants. Leur activité est réalisée à l'extérieur des locaux de l'employeur ou du client. Cette forme de travail repose sur une grande autonomie et permet à des personnes exclues habituellement des emplois classiques de travailler. Mais qu'en est-il de la prise en charge de la santé et de la sécurité de ces nomades numériques ?- l' « externalisation ouverte » (crowd working) qui désigne le travail réalisé à partir de plates-formes en ligne permettant à des organisations ou des individus d'accéder, via internet, à un groupe indéfini et inconnu d'autres organisations ou individus pour résoudre des problèmes spécifiques ou fournir des services ou des produits spécifiques en échange de paiement. Ceci se traduit par le développement d'un marché orienté sur la tâche plutôt que sur l'emploi et une baisse de la qualité du travail ; on constate souvent un détournement des normes d'emploi. Certains parlent de «cybertariat » (cyber-prolétariat). D'une certaine manière, cela s'apparente à une formalisation de l'économie informelle.- le travail sur appel organisé par des plateformes. Il consiste en une relation d'emploi continu formalisée par un contrat de travail sans travail continu. Ce type de contrat repose sur le principe du travail sur appel, en fonction de la demande : c'est un travail occasionnel intermittent, une nouvelle forme d'intermédiation entre une demande de travail et des réserves de travailleurs en attente de tâches et de missions. Ces emplois sont caractérisés par un temps de travail très flexible, un salaire très variable et une disponibilité étendue : ils matérialisent un découplage entre le contrat de travail et le temps de travail, et soumettent la vie quotidienne à des horaires imprévisibles.
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  • Ces nouvelles formes de travail se caractérisent par un brouillage des frontières : recouvrement entre vie professionnelle et vie privée, ambivalence entre le statut de salarié et d'indépendant, ou parfois de collaborateur bénévole, difficultés à distinguer le producteur du consommateur, etc. D'où la conclusion provisoire : « si ces formes de travail ne sont pas entièrement neuves et si elles sont en partie porteuses d'éléments positifs pour les travailleurs, elles sont aussi accompagnées de nombreux effets qui suscitent l'inquiétude, qui bousculent les systèmes de relations sociales et qui requièrent des formes de régulation appropriées ».
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    "Le document de travail de Patricia Vendramin et Gérard Valenduc à l'origine de cet article est publié par l'Institut syndical européen (European Trade Unions Institute), un centre de recherche et de formation de la Confédération Européenne des syndicats (CES). L'Institut a demandé à deux professeurs-chercheurs de faire le point sur l'impact des technologies digitales sur le travail."
abrugiere

Du salarié sédentaire et soumis à un individu libre et nomade | Atlantico - 2 views

  • Les aspirations à l’autonomie de l’individu, qui jouent un rôle moteur dans la fin de la société salariale sont, d’une certaine manière, la résurgence de cette contestation du contrôle total qu’a imposé le modèle industriel et qu’il ne peut plus justifier à partir du moment où sa contrepartie, assurer une sécurité de l’emploi, n’existe plus.
  • Le chômage de masse apparaît à partir du premier choc pétrolier de 1973, qui n’est que le premier acte de la fin du monopole industriel des États-Unis et de l’Europe
  • Le changement social que constitue le retour de l’autonomie de l’individu dans les processus de production est tout aussi révolutionnaire. Le mode de management et de régulation des rapports sociaux dans l’entreprise va tenter de s’adapter à cette nouvelle donne. On a commencé doucement avec les horaires flexibles, pour, par touches successives, revenir à une individualisation des salaires, de la gestion des compétences, de la formation, à la fixation d’objectifs personnalisés, aux entretiens annuels, à la notation des performances. Le salarié s’est "réindividualisé", mais au prix du stress de l’adaptation permanente que nécessitent l’enrichissement des tâches et les changements d’organisation, de la comparaison avec les autres, avec les cercles de qualité, les tableaux de bord, et même parfois les tableaux d’honneur affichés dans les locaux, le contrôle des pairs impliqué par le travail en équipe.
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    Les aspirations à l'autonomie de l'individu, qui jouent un rôle moteur dans la fin de la société salariale sont, d'une certaine manière, la résurgence de cette contestation du contrôle total qu'a imposé le modèle industriel et qu'il ne peut plus justifier à partir du moment où sa contrepartie, assurer une sécurité de l'emploi, n'existe plus Le chômage de masse apparaît à partir du premier choc pétrolier de 1973, qui n'est que le premier acte de la fin du monopole industriel des États-Unis et de l'Europe. C'est la montée en puissance, non perçue à l'époque, des pays émergents, la limite de la production de masse standardisée et indifférenciée, l'irruption des technologies de traitement de l'information. Read more at http://www.atlantico.fr/decryptage/comment-on-est-passe-salarie-sedentaire-et-soumis-individu-libre-et-nomade-jean-pierre-gaudard-638206.html#ooaLi0Mpm7wVtgCQ.99
Aurialie Jublin

TaskRabbit ou l'emploi à la demande : les promesses (déçues) du futur du trav... - 1 views

  • Si TaskRabbit se présente comme le site de l’économie à la demande de demain, il suscite néanmoins de nombreuses critiques, parfois virulentes, s’attachant le plus souvent à la précarisation de l’emploi, à la baisse générale des salaires observable sur le site ou encore à la corvéabilité à merci des postulants. Consommation collaborative ou économie du petit boulot (gig economy), les ambigüités des promesses de TaskRabbit rejoignent les grandes interrogations liées à la dite « économie du partage ». Cependant, TaskRabbit pourrait bel et bien être un signe avant-coureur des structures du nouveau monde du travail, tel qu’il tendrait à l’être dans les années à venir, alors que l’emploi salarié devient minoritaire.
  • Dans un monde du travail qui n’a jamais autant fait place aux freelances, missions ponctuelles, et autres contributions irrégulières à des projets contributifs ou d’intérêts généraux, une régulation et une sécurisation des parcours seront néanmoins nécessaires pour éviter une trop importante atomisation de l’emploi fragilisant les individus. Reste à se tourner vers la protection, non plus d’emplois, mais bien de personnes, aux carrières plus mouvantes que jamais.
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    "Face à ce modèle attractif, mêlant promesses de désintermédiation, de matching (adéquation offre/demande) et d'hyper-flexibilité, beaucoup de postulants se trouvent néanmoins dans une situation délicate : la compétition accrue constatée sur ce site, notamment due au nombre d'offres postées largement inférieur au nombre d'inscrits, condamne certains d'entre eux à passer la majeure partie de leur temps les yeux rivés sur l'écran de leur smartphone, à la recherche de l'offre idéale. Une forme de précarisation qu'ils considèrent néanmoins parfois comme davantage enviable que l'inactivité."
Aurialie Jublin

Amazon, Uber: le travail en miettes et l'économie du partage des restes | Sla... - 1 views

  • Dans un contexte de pénurie d’emploi, les services qui permettent à des jeunes, des étudiants, des retraités, des femmes au foyer, des chômeurs de trouver un petit revenu peuvent constituer, faute de mieux, un rempart contre la pauvreté. Cette «fonction sociale» est d'ailleurs toujours mise en avant par ces entreprises de mise en relation entre offreurs et demandeurs. 
  • Au rayon des semi-bonnes nouvelles, l’entreprise Instacart, un service de shopping en ligne sur le modèle de la mise en relation d’un client et d’un «picker» qui fait les courses et les livre, vient d’annoncer que ses contractants indépendants seraient désormais salariés de l’entreprise: elle a invoqué pour expliquer sa décision le besoin de former et de superviser ces derniers, ce qui n’était pas compatible avec leur statut d’indépendants.
  • En revanche, on ne voit guère de propositions de rupture ni de résistance ferme face à ce système injuste qui accumule des fortunes colossales tout en imposant de nouvelles règles du jeu anti-sociales et irresponsables. Après le processus d’évolution historique vers une sécurité accrue des travailleurs, mouvement d’amélioration quasi-continu des conditions de travail et des rémunérations, le retournement serait en marche, nous faisant risquer collectivement de revenir à des régulations du travail régressives: travail à la tâche, «au jour la journée», avec quelques guildes de travailleurs en guise de contre-pouvoir et de force de négociation vis-à-vis des plateformes. Et on peine à voir ce qu'il y a de si enthousiasmant dans ce modèle.
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    "Attention à ne pas trop s'enflammer pour les nouvelles formes de micro-travail ou de travail semi-amateur qu'essaient de généraliser les entreprises du secteur numérique."
Aurialie Jublin

L'utopie du revenu garanti récupérée par la Silicon Valley, par Evgeny Morozo... - 1 views

  • Pourquoi un tel engouement ? Bien sûr, il y a d’abord la vieille allergie libertarienne à l’Etat-providence, un spectre que le revenu universel, combiné à un démantèlement total des services publics, pourrait définitivement réduire à néant.
  • Ensuite, l’automatisation croissante de l’industrie risque à terme de multiplier encore le nombre de chômeurs : le versement à tous d’un petit pécule garanti et sans conditions permettrait d’éloigner la menace d’un soulèvement populaire néo-luddite. Pour la Silicon Valley, chacun doit s’initier à la programmation informatique, se satisfaire des miettes du revenu garanti et ne poursuivre qu’un rêve : rencontrer un aventurier du capital-risque.
  • Un troisième calcul pourrait expliquer cet emballement soudain : la nature précaire des emplois serait mieux supportée si les employés disposaient par ailleurs d’une ressource stable. Conduire une voiture pour Uber serait alors vécu comme un loisir, agrémenté d’un petit bénéfice matériel. Un peu comme la pêche, mais en plus social.
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  • Adieu, encombrantes vieilleries de l’Etat social ; adieu, régulations qui protégeaient encore un peu les droits des travailleurs ; adieu, questionnements pénibles sur la propriété des données personnelles extorquées aux internautes, comme sur les infrastructures qui les engendrent.
  • Il y a cependant une autre raison sous-jacente à la nouvelle lubie de la Silicon Valley : elle a compris que si elle échouait à définir les termes du débat sur le revenu universel, le public risquerait de prendre conscience que le principal obstacle à la concrétisation de cette utopie n’est autre que… la Silicon Valley elle-même.
  • Contrairement à ceux qui défendent le revenu universel comme un principe nécessaire sur le plan moral ou social, ces économistes l’analysent sous l’angle d’un choix de politique économique qui a parfaitement son utilité dans la phase actuelle de transition vers le capitalisme cognitif. Le revenu garanti permettrait selon eux de remédier à l’instabilité structurelle générée, entre autres choses, par la précarisation du travail et des écarts de revenus de plus en plus aberrants, mais également d’accélérer la circulation des idées — et leur potentiel d’innovations lucratives — dans les circuits de l’économie.
  • Dans quel sens ? En premier lieu, le revenu garanti permet de rémunérer le travailleur pour toutes les tâches qu’il accomplit pendant qu’il n’est techniquement pas au travail — lesquelles tâches, à l’ère du capitalisme cognitif, produisent souvent plus de valeur que le travail rémunéré
  • En outre, dans la mesure où nous travaillons collectivement à l’enrichissement de la Silicon Valley — savez-vous dans quelles proportions vous aidez Google à améliorer son indexation chaque fois que vous utilisez son moteur de recherche ? Ou de combien une ligne de code écrite pour un logiciel libre améliore l’ensemble du produit ? —, il est souvent impossible de déterminer la part d’implication de chacun dans le produit final. Le revenu universel entérine simplement le fait qu’une part importante du travail cognitif moderne est social par nature.
  • Finalement, le revenu garanti constitue un moyen de s’assurer qu’une partie des gains de productivité tirés des nouvelles techniques de rationalisation du travail — qui profitaient naguère aux salariés grâce au mécanisme de l’indexation des salaires — continueront à profiter aux employés pendant que la destruction des droits du travailleur se poursuivra de plus belle. Ce qui favoriserait l’accroissement des investissements et des profits, et l’enclenchement d’un cercle vertueux.
  • Toutefois, il appelle deux conditions supplémentaires : d’une part, que l’Etat redistributif survive et refleurisse au lieu de disparaître, car ce sont les investissements publics dans la santé et l’éducation qui nous donnent la liberté d’être créatifs ; d’autre part, que l’impôt soit réformé en profondeur, pour taxer non seulement les transactions financières mais aussi l’utilisation des outils d’appropriation tels que les brevets, les marques déposées et les droits d’usage des données, qui s’opposent au partage du savoir dans la société.
  • Cette approche plus radicale de la question du revenu garanti suggère que la Silicon Valley, loin d’en être la grande championne, constitue en fait sa pire ennemie. Les géants du numérique s’emploient à contourner l’impôt ; ils cherchent en permanence de nouvelles astuces pour extorquer leurs données aux usagers qui les produisent ; ils veulent réduire à néant l’Etat redistributif, soit en le détruisant complètement, soit en le remplaçant par leurs propres services privés et hautement individualisés — le bracelet connecté de FitBit qui enregistre nos indicateurs de santé contre un système de couverture maladie gratuit et universel. Sans compter qu’ils colonisent, usurpent et transforment en machine à cash — aussi appelée « économie du partage » — toute forme nouvelle d’entraide sociale permise par les derniers progrès des technologies de la communication.
  • En somme, on peut soit défendre un revenu universel socialement ambitieux — qui permettrait par exemple aux gens de s’organiser et de coopérer comme ils le souhaitent, étant délivrés de l’obligation d’effectuer un travail salarié —, soit plaider pour un capitalisme de plate-forme où chaque travailleur se mue en entrepreneur précaire de lui-même. Mais on ne peut pas avoir les deux.
Aurialie Jublin

Les données sont-elles du capital ou du travail ? - 0 views

  • Naturellement, la majorité du peuple de la Silicon Valley ne voit rien de mal à ce contrat numérique implicite. Hal Varian, chef économiste chez Google, affirme que les consommateurs reçoivent en retour des services très populaires et très pratiques, et ce gratuitement. Les annonceurs bénéficient d’un moyen bon marché et efficace pour mieux cibler leur audience. Si les utilisateurs n’aiment pas l’offre de Google, ils peuvent facilement le quitter pour d’autres services. Les concurrents peuvent générer ou acheter leurs propres données, libres de droits. La concurrence est à portée de clic.
  • Mais une équipe de chercheurs universitaires et technologues, sous la direction de M. Lanier, a récemment publié une étude qui remet en cause ce point de vue. Ils affirment que les données devraient être vues comme le produit du travail, et non le sous-produit des loisirs.
  • L'économie des données s’est développée par accident, plus que volontairement. Elle est inefficace, injuste et contre-productive, et devrait être totalement repensée, soutiennent-ils. Ils font la différence entre d’un côté, le modèle existant de Data as Capital, ou “données comme capital” (DaC en anglais), qui traite les données comme les produits de combustion de notre mode de consommation, la matière première d’un capitalisme de surveillance ; et de l’autre, un modèle théorique de Data as Labour, (DaL) ou “données comme travail”, qui traite les données comme une propriété générée par les utilisateurs et qui devrait profiter en priorité à ces derniers. Ils lancent un appel aux économistes du travail et aux entrepreneurs pour créer un véritable marché des données des utilisateurs. Un tel marché rémunérerait les données, créant ainsi de nouveaux emplois, tout en nourrissant une culture de “dignité numérique” et en donnant un coup de pouce à la productivité de l’économie. Cette idée est développée dans ‘Radical Markets’ (Les marchés radicaux), un livre d’Eric Posner et Glen Weyl, à paraître prochainement, et qui présente à la fois une critique féroce du “techno-féodalisme” et un appel idéaliste au partage plus équitable des fruits de notre intelligence collective. Pour M. Weyl, “le modèle actuel de propriété des données n’est pas économiquement viable”.
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  • Pour aiguiller l'économie des données dans la bonne direction, ils proposent de renforcer trois contre-pouvoirs. Premièrement, plus de concurrence et d’innovation sont essentielles pour stimuler le marché des données. Les grands acteurs technologiques ne devraient pas pouvoir mettre des bâtons dans les roues des nouveaux arrivants. Et de fait, peut-être faudra-t-il qu’un des grands groupes technologiques sorte des rangs pour promouvoir une nouvelle économie des données, étant donné l’ampleur vertigineuse et décourageante des économies d’échelle à réaliser.
  • Deuxièmement, les gouvernements devraient mettre à jour et appliquer une politique de la concurrence, en encourageant la portabilité des données et la croissance de l’économie du DaL. Un régime de régulation plus strict, comme le Règlement général de la protection des données (RGPD) de l’Union européenne, qui entrera en vigueur en mai, serait d’une grande aide. Enfin, nous consommateurs devrons devenir plus matures quant à notre rôle de travailleurs numériques et – en terminologie marxiste – développer une conscience de classe. Des syndicats des données numériques devront naître afin de se battre pour nos droits collectifs. Historiquement, l’approche du travail pour faire plier le capital a été la grève. On saura que le mouvement DaL est pris au sérieux lorsque nous commencerons à planter des piquets de grève numériques sur les réseaux sociaux avec le slogan : “pas de posts sans salaire !”
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    "Si Platon était encore de ce monde, il verrait la majorité de nos activités professionnelles comme des loisirs, et une grande partie des loisirs dont nous profitons comme du travail. Ces patrons aux salaires extravagants que l'on croise à Davos et qui voyagent dans le monde entier en jet privé pour débattre des grands sujets du moment ne feraient en fait à ses yeux que se livrer à un tourbillon sans fin de conférences. Mais Platon regarderait probablement de travers ceux qui prennent plaisir à pêcher, à jardiner ou à cuisiner - des activités laborieuses. C'est la thèse développée récemment lors d'une conférence du Financial Times par le philosophe tchèque Tomas Sedlacek. Son argument était surtout (je crois) une provocation intellectuelle, destinée à révéler comment nos définitions du travail et des loisirs dépendent du contexte culturel bien plus que de lois sociales immuables. "
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