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Aurialie Jublin

Un salarié qui disparaît du jour au lendemain? La pratique est de plus en plu... - 0 views

  • Analyse confirmée par Sébastien Palerme, du groupe de construction: "Je ne connais ce phénomène que depuis un peu plus de 5 ans. Elle est liée à l'état d'esprit des nouvelles générations qui change: moins d'engagement dans le milieu professionnel, plus d'individualisme."
  • "C’est très fréquent dans les professions paramédicales, analyse sur LinkedIn Isabelle Lesieur, cadre de la santé qui a travaillé en EHPAD et dans des services de psychiatrie. Le plus souvent, cela traduit une maladie, un accident ou un burn-out. Je me souviens par exemple d’une infirmière. Elle travaille 3 heures, puis explose en larmes en me disant qu’elle ne peut pas travailler comme ça. Elle part en courant… et je n’ai jamais plus eu de nouvelles !"
  • Isabelle Wroclawski est directrice d’une maison d’accueil spécialisée pour personnes handicapées, qui emploie une centaine de salariés. Elle affirme que 12 aides-soignants et aides médico-psychologiques se sont volatilisés depuis début 2017. “C’est devenu tellement courant dans notre établissement que plus personne ne s’inquiète quand quelqu’un disparaît", explique-t-elle par téléphone.
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  • Si la pratique semble presque ordinaire dans certaines entreprises, c'est qu'elle peut être le seul moyen pour un professionnel de percevoir une allocation chômage. En effet, la démission ne donne pas droit à une indemnisation (même si la loi Avenir professionnel, votée le 1er août, doit changer la donne). Mais attention, cette spécificité française est loin d’expliquer tous les cas de "ghosting". D’abord, un salarié peut abandonner son poste tout en avertissant (même officieusement) son employeur. Ensuite, beaucoup de nos "fantômes" sont partis pour un nouvel emploi.
  • Seule option pour les employeurs: déclencher une procédure de licenciement pour abandon de poste, avec mise en demeure de régulariser la situation, convocation à un entretien préalable au licenciement, puis licenciement (pour cause réelle et sérieuse, ou faute grave).
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    "Les professionnels sont toujours plus nombreux à arrêter de venir au travail, sans aucune explication. C'est ce qu'ont expliqué des recruteurs et managers à la rédaction de LinkedIn."
Aurialie Jublin

Pour une protection sociale des données personnelles - - S.I.Lex - - 0 views

  • Une première contestation est venue du Think Tank Génération libre par le biais d’un rapport défendant la thèse de la « patrimonalisation » des données personnelles. L’idée consiste à créer un droit de propriété privée sur les données personnelles de manière à ce que les individus puissent négocier leur utilisation sur une base contractuelle avec les plateformes, en se faisant éventuellement rémunérer en contrepartie. Ce point de vue sous-entend que c’est le marché qui doit réguler l’utilisation des données et que la vie privée sera plus efficacement protégée par ce biais qu’en la défendant comme un droit fondamental de la personne. A l’opposé de cette vision ultra-libérale, Antonio Casilli et Paola Tubaro ont publié une tribune dans les colonnes du Monde, formulant une critique d’ordre « social » du système actuel. Intitulé Notre vie privée : un concept négociable, ce texte invite lui aussi à un renversement profond de perspective résumé par la phrase suivante : « la défense de nos informations personnelles ne doit pas exclure celle des droits des travailleurs de la donnée ».
  • Le défi qui attend la CNIL est de devenir non pas un gardien de la propriété sur les données, mais un défenseur des droits des travailleurs de la donnée.
  • S’il y a un rapport de production assimilable à du travail, alors il faut s’assurer de l’extension des régimes de protection du travail, y compris à ceux qui, de prime abord, seraient présentés comme de simples usagers ou consommateurs.
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  • Il paraît en effet douteux que la CNIL puisse à elle seule assurer une défense des droits des travailleurs de la donnée, même si son champ d’action était élargi. Non pas que cette autorité soit dépassée, comme certains le laissent entendre, mais parce que la protection des travailleurs passe traditionnellement par des mécanismes juridiques et institutionnels d’une nature bien différente de la régulation assurée aujourd’hui par la CNIL. Historiquement, c’est un système de droits et la protection sociale qui se sont progressivement mis en place pour protéger les individus dans le cadre des relations asymétriques de travail. Il convient de ne pas participer à leur affaiblissement en morcelant les espaces de régulation, mais bien de faire valoir les droits sociaux existants.
  • Nous soutenons donc que si les données sont produites dans le cadre d’activités assimilables à de nouvelles formes de travail, alors ce sont des mécanismes de protection sociale enracinés dans le droit social qu’il convient de déployer pour garantir les droits des personnes.
  • Si la défense du droit à la vie privée dépend aujourd’hui avant tout d’une négociation collective, alors il convient de nous doter collectivement des moyens les plus efficaces possibles pour engager, conduire et peser dans ces négociations, dont les termes restent aujourd’hui dictés par le cadre profondément déséquilibré imposé par les plateformes. Un simple appel à la CNIL sera là encore sans doute insuffisant pour changer en profondeur cette situation. C’est en réinventant la protection des données sous l’angle de la protection sociale qu’il nous paraît possible de faire émerger de nouveaux moyens d’action collective qui sortiraient l’individu de l’isolement dans lequel il reste trop souvent enfermé lorsqu’il s’agit de vie privée, que ce soit face aux plateformes ou à l’État.
  • Car la protection sociale renvoie plus fondamentalement à la question des solidarités et celles-ci ne peuvent être uniquement une affaire d’État. Si négociation collective autour de la vie privée il y a, celle-ci doit être le fait d’une société civile collectivement organisée, sans quoi les individus ne pourront échapper aux rapports structurellement inégalitaires auxquels les soumettent les plateformes, et la négociation en cours ne pourra conduire qu’à la soumission collective.
  • Du point de vue d’une protection sociale entendue comme participant à la construction d’un « régime de travail réellement humain », on peut se demander si la seule option souhaitable ne consiste pas pour le législateur à interdire purement et simplement que l’on rémunère ce type de tâches à la pièce. Aucune « protection sociale » ne pourra jamais venir compenser après coup les dégâts causés par la réduction d’humains au rang de « tâcherons du clic » et l’accepter reviendrait à porter un coup mortel à l’idée que le travail puisse constituer une activité « réellement humaine ».
  • Il s’agit non seulement de s’intéresser aux architectures techniques des plates-formes qui permettent l’extraction et la circulation des données personnelles, mais aussi de créer les conditions pour que le travail de production et d’enrichissement des données (autant de la part des services de microtravail que des usagers de plates-formes généralistes comme Instagram ou Google) reste respectueux des droits des personnes et du droit du travail
  • Se référer à ce riche héritage juridique, institutionnel et social permettrait selon nous de dépasser certaines des insuffisances auxquelles la défense des données personnelles et de la vie privée se heurte encore trop souvent aujourd’hui. C’est notamment en suivant une telle piste qu’il nous paraît possible de réconcilier les dimensions individuelle et collective en matière de protection des données. Le système juridique actuel reste en effet imprégné d’un individualisme méthodologique qui n’envisage la personne que de manière isolée et indépendamment des rapports sociaux dans laquelle la vie privée est toujours étroitement enchâssée.
  • C’est ce fil que nous souhaitons suivre dans cet article qui vise à explorer les différentes dimensions d’une protection des données repensée comme une protection sociale. Comme le souligne la démonstration d’Antonio Casilli et Paola Tubaro, il convient de partir de l’idée qu’il existe un continuum de pratiques entre usagers et travailleurs des plateformes, depuis les utilisateurs de Google ou Facebook jusqu’aux chauffeurs d’Uber. Cette continuité justifie la construction de nouveaux droits et un nouveau volet de la protection sociale, pensé dans une solidarité entre usagers et travailleurs.
  • expliciter en préambule ce que nous percevons des liens qui se sont tissés entre données personnelles, vie privée, usages et travail numériques. Ces liens sont remarquables et inédits à plusieurs égards : leur volume, la précision des informations que produisent nos usages, et leurs méthodes de production
  • Le second phénomène inédit, intrinsèquement lié au premier, c’est le degré d’opacité des mécanismes techniques et humains de production des données qui forgent cette identité. Ce qui nous échappe, c’est donc autant la perception (y compris physique) de nos traces et signaux numériques, que les processus de production (partant de l’exploitation de ces signaux et traces) qui forgent une donnée, et enfin leur exploitation ou utilisation sous la forme d’une expression explicite de nos identités et de nos activités.
  • Cette triple perte de contrôle justifie à notre sens que notre relation avec les plateformes soit considérée sous l’angle d’une présomption de subordination d’usage. Elle permettrait d’acter en droit les déséquilibres de fait qui caractérisent les forces en présence, entre la société civile, les collectifs d’usagers et les travailleurs numériques d’une part, et les plateformes lucratives d’autre part. Notion distincte de la subordination des rapports de production dans l’espace du travail, elle viendrait s’articuler à elle, établissant en droit un continuum de négociation.
  • La subordination juridique et économique est ainsi reconnue et traditionnellement associée au statut d’employé. Mais elle déborde aujourd’hui ce cadre pour s’exercer sur les consommateurs et les usagers, également saisis par une subordination d’usage. Celle-ci intègre une logique lucrative, en ce qu’elle transforme en valeur financière – et donc « financiarise » à proprement parler – des rapports humains jusqu’alors vécus hors des sphères de production de marché orientées vers le profit.
  • Pour faire émerger ce concept de « subordination d’usage », il paraît possible de s’appuyer notamment sur les travaux d’Alain Supiot, qui propose depuis la fin des années 90 des moyens conceptuels pour identifier des formes de travail « au-delà de l’emploi ». Il propose en particulier de saisir les « nouveaux visages de la subordination » à partir du critère de la « dépendance économique » qui viendrait compléter celui de la subordination stricto sensu caractérisant aujourd’hui le contrat de travail. Dans cette vision, le rapport de production est bien conçu comme incluant d’emblée un rapport de subordination face à la figure de l’entreprise capitaliste, intégrant la notion de déséquilibre exorbitant dans les rapports sociaux, que le droit et la négociation doivent participer à « civiliser »
  • La présomption de subordination permettrait donc de faire correspondre au continuum des pratiques d’usage et de travail, une continuité de droits, puisant pour partie leur légitimité dans le caractère exorbitant et disproportionné des rapports induits à la fois par la nature propriétaire et par l’objectif d’exploitation des plateformes lucratives de marché. Pour faire émerger ce concept de « subordination d’usage », il paraît possible de s’appuyer notamment sur les travaux d’Alain Supiot, qui propose depuis la fin des années 90 des moyens conceptuels pour identifier des formes de travail « au-delà de l’emploi ». Il propose en particulier de saisir les « nouveaux visages de la subordination » à partir du critère de la « dépendance économique » qui viendrait compléter celui de la subordination stricto sensu caractérisant aujourd’hui le contrat de travail.
  • Cette continuité entre ces deux régimes d’action est liée au rapport de production (des données) que nous entretenons avec les plateformes, rapport qui vient se fondre dans la problématique de la régulation du travail. Un des enjeux est de faire émerger une identification claire du travail numérique, dans un moment historique d’exploitation des travailleurs les plus fragiles et des pratiques prédatrices de délocalisation de la main d’œuvre.
  • Il y a donc un double enjeu à mieux saisir ces rapports sociaux de production : il s’agit d’identifier ou de faire émerger plus distinctement les régimes de travail présent dans les espaces de production numérique pour mieux les encadrer d’une part, et d’autre part d’envisager les limites que nous voulons leur fixer pour protéger la vie privée et son exploitation.
  • La pénétration du travail numérique dans notre vie privée, au sens où il est saisi par les plateformes pour le transformer en valeur économique, interroge à la fois nos conceptions et nos imaginaires contemporains relatifs à la vie privée et au travail, en particulier le travail domestique.
  • Le second phénomène inédit, intrinsèquement lié au premier, c’est le degré d’opacité des mécanismes techniques et humains de production des données qui forgent cette identité. Ce qui nous échappe, c’est donc autant la perception (y compris physique) de nos traces et signaux numériques, que les processus de production (partant de l’exploitation de ces signaux et traces) qui forgent une donnée, et enfin leur exploitation ou utilisation sous la forme d’une expression explicite de nos identités et de nos activités.
  • Une patrimonialisation des données personnelles, telle qu’elle est proposée par Génération libre, ne constituerait pas un moyen d’ouvrir cette discussion collective, mais conduirait au contraire à y renoncer définitivement. En effet, la réparation de cette violence par la réaffirmation ou la revendication d’une propriété privée négociable sur un marché réduit la question politique du vivre ensemble à l’abandon total de toute volonté collective de débat démocratique – ici remplacé par la négociation sur le marché.
  • Accepter des micro-rémunérations corrélées aux données personnelles, c’est graver dans le marbre que les discussions collectives deviennent des petites négociations individuelles […] Ce micro-revenu est d’ailleurs en parfaite cohérence avec la promotion d’un revenu universel tel le que propose Génération Libre (attention, il y a plein de revenus universels différents) façon néo-libérale : on vous donne le minimum pour ne pas trop vous ennuyer dans ce nouveau monde plein de machines (dont personne n’a discuté au préalable, faute au déterminisme technologique, mais c’est encore un autre sujet). Ce qui nous laisse avec l’amère sensation d’avoir gagné quelque chose, alors que c’est justement le projet des libertariens. L’argumentaire de Génération Libre est subtil puisqu’il explicite un certain nombre de ces problèmes (surveillance de masse, ciblage publicitaire abusif, croisements de données non choisis) tout en prétendant qu’à partir du moment où l’on se ferait payer pour ses données, on deviendrait conscient – et consentant – quant à l’usage qui pourra en être fait…).[…]
  • La défense de la dignité et des libertés des personnes est centrale dans le fait de distinguer espace privé et espace de production. De fait, une part de nos gestes privés et intimes, exprimés dans des espaces numériques qui revêtent l’apparence de la sphère privée, sont accaparés dans un objectif de profit. De plus, les industries travaillent activement à influencer l’environnement et nos comportements numériques pour mieux capter la valeur issue des entrelacements de nos liens sociaux qui forment le « graphe social », reflet numérique de notre vie collective.
  • Il est urgent de revendiquer collectivement une régulation efficace contre ces phénomènes d’exploitation, mais aussi le soutien et l’encouragement au développement d’outils numériques émancipateurs. Car comme le souligne Irénée Régnauld, cette exploitation et cette violence ne sont pas des fatalités technologiques
  • Que reste-t-il de ces aspirations et du sens investi collectivement dans le travail lorsque l’on exerce des « métiers » de tâcherons développés par les industries numériques ? Au-delà des déséquilibres économiques, c’est la dignité des personnes qui est à protéger face au retour des modèles d’exploitation proprement féodaux. De même, il apparaît combien notre conception du travail sous-tend nos conceptions de la société dans son ensemble, et les perspectives de progrès social et de progrès humain partagé qu’il nous revient de discuter collectivement.
  • Compléter l’action de protection de la vie privée en l’articulant avec les enjeux de respect du droit du travail et la protection des travailleurs pourrait permettre d’enrichir le débat en réintroduisant les notions de consentement et d’intentionnalité, mais aussi d’intimité, associés à la notion de vie privée moderne, à réencastrer dans nos comportements au sein des plateformes. Relier l’exploitation des données et de la dimension potentiellement intime qu’elle recouvre, avec la question centrale d’un régime de travail décent des travailleurs professionnels, pourrait permettre de poser plus distinctement l’enjeu de rapports éthiques numériques, entre usagers, consommateurs et travailleurs, tels qu’ils sont discutés au sein des autres espaces de production
  • Or les données personnelles sont bien toujours également des « données sociales », parce que la vie privée elle-même est toujours enchâssée dans un tissu de relations sociales (amicales, familiales, professionnelles, territoriales, citoyennes, etc.). L’interconnexion des données, via les outils numériques, constitue par ailleurs un préalable indispensable à leur valorisation, y compris financière
  • Il y a donc d’emblée une double dimension collective caractéristique de nos données « personnelles », qui s’exprime au sens d’un usage du monde « en lien » dans nos pratiques numériques, de la connexion et de la mise en relation – autant que du point de vue des rapports de production qui sont nécessaires à l’existence et l’exploitation des données. Ces deux répertoires d’actions numériques sont difficiles à distinguer précisément car l’approche centrée sur « l’émission » de données est marquée par une grande continuité des effets, sinon des pratiques individuelles et collectives
  • Le droit des données personnelles reste aujourd’hui largement « aveugle » à cette double dimension collective et pour la chercheuse Antoinette Rouvroy, cette construction individualiste du statut des données est précisément ce qui entraîne aujourd’hui une « inadéquation des régimes de protection »
  • Le défi qui serait le nôtre aujourd’hui, relativement à la protection des données, pourrait donc s’énoncer ainsi: comment tenir compte, de la nature relationnelle, et donc aussi collective, à la fois de la donnée (une donnée n’est jamais que la transcription numérique d’une relation entre un individu son milieu, laquelle n’acquiert d’utilité, dans le contexte d’analyses de type big data, que mise en rapport avec des données « émises » par les comportements d’autres individus), et de ce qui mérite d’être protégé, y compris à travers la protection des données ?
  • Avec les données d’intérêt général, on songeait à donner à l’État une forme de pouvoir de « réquisition » de données détenues par des acteurs privés dans une série de secteurs stratégiques (santé, énergie, environnement, logement, etc.) ou pour faire face à des situations de crise. Ce concept a fait l’objet de nombreuses critiques et s’il a été maintenu dans la version finale du texte, ce n’est qu’au prix d’une profonde transformation, puisqu’il se réduit désormais à une simple obligation d’ouverture des données imposée aux personnes privées délégataires de service public.
  • Des négociations collectives avec des représentants des utilisateurs, formalisées et encadrées par la loi, pourraient intervenir ensuite pour obtenir des conditions plus favorables de la part des plateformes. Ces discussions pourraient se dérouler secteur par secteur, de la même manière que les négociations collectives en droit du travail se font au niveau des branches, permettant aux utilisateurs de s’organiser sur une base concrète. Il y aurait aussi intérêt à ce que ces négociations puissent s’ouvrir au niveau local, par exemple celui des métropoles, car on sait que c’est à cette échelle que des conflits peuvent naître à propos de l’utilisation des données avec des plateformes comme AirBnB, Uber ou Waze et qu’il existe des enjeux importants en termes de récupération des données pour la conduite de politiques publiques infrastructurelles (dans les transports, le logement, l’urbanisme, etc.).
  • Les choses sont différentes avec les plateformes comme Facebook ou Google qui s’appuient sur le « travail gratuit » de simples utilisateurs ne pouvant agir pour bloquer l’outil de production. Ils pourraient certes cesser de recourir à ces services, mais jusqu’à présent, même les plus grands scandales n’ont pas entraîné des exodes significatifs d’internautes hors de l’écosystème des GAFAM…
  • Mais imaginons à présent un « droit à la portabilité collective » qui puisse être actionné par des groupements d’individus agissant au sein d’associations ou de syndicats tels qu’évoqués plus haut, et plus seulement par des individus isolés revendiquant leur droit à la vie privée. Un tel droit collectif pourrait être opposé aux plateformes lorsque ces acteurs parviendraient à apporter la preuve que la récupération des données est nécessaire pour l’exercice de droits et libertés fondamentaux. On changerait alors l’échelle, mais aussi le sens même de la portabilité, car ce serait bien alors des portions entières du graphe qui pourraient être récupérées collectivement de cette manière, en conservant leur valeur « sociale » sans que celle-ci ne soit dissoute par l’atomisation que provoque fatalement la portabilité individuelle.
  • Si l’objectif est de réinventer la protection des données sous la forme d’une « protection sociale » à même de préserver la dignité et les droits fondamentaux des individus, n’importe-t-il pas de nous poser en amont la question de savoir si nous devons nous résigner à ce que toutes ces activités basculent dans des rapports de production, y compris lorsque nous ne l’avons pas choisi, individuellement et collectivement ? Si l’idée d’une « protection sociale des données » a un sens, ne devrait-elle pas précisément résider dans une faculté de déterminer quelle part de nos vies nous voulons voir saisies dans un rapport de production et quelle part nous voulons au contraire en préserver ?
  • Admettre d’emblée que toutes nos activités numériques sont assimilables à du Digital Labor ne revient-il pas à entériner que ce basculement dans des rapports de production est inéluctable et que plus rien de nous permettra d’échapper à cette « financiarisation » forcée de nos vies, y compris dans ce qu’elles ont de plus intime ? Si tel était le cas, la « protection sociale des données » pourrait recevoir la même critique que celle qu’on adresse parfois à la protection sociale tout court : que ces mécanismes, installés dans leur forme actuelle pendant la période fordiste, visent simplement à « compenser » les rapports de domination imposés aux individus dans la sphère du travail et non à remettre en cause le principe même de la soumission qu’ils impliquent. Pour conjurer ce risque, il importe selon nous d’être au contraire capable d’opérer des distinctions claires au sein même du continuum de pratiques décrites comme du Digital Labor, en les repositionnant soigneusement par rapport à l’idée de protection sociale.
  • Si l’idée d’une « protection sociale des données » a un sens, ne devrait-elle pas précisément résider dans une faculté de déterminer quelle part de nos vies nous voulons voir saisies dans un rapport de production et quelle part nous voulons au contraire en préserver ?
  • Face à ces situations de fragilisation brutale des individus, il importe de réactiver les principes de base de la protection sociale, en appelant à ce que les juges ou le législateur fassent preuve de volontarisme en requalifiant ces activités en emplois salariés. C’est de cette manière que le législateur a procédé par exemple avec les intermittents du spectacle dans les années 1990 en instaurant une présomption de salariat, alors même que ces activités s’exercent dans un cadre où la subordination traditionnellement associée à la situation d’emploi n’est pas nécessairement caractérisée. Même s’il y aurait beaucoup à dire sur les lacunes de la protection sociale des intermittents, il n’en reste pas moins que ce rattachement à l’emploi salarié participe à la sécurisation du parcours des individus œuvrant dans ce secteur.
  • En imposant aux individus d’inscrire leur intimité dans un rapport de production, les plateformes provoquent en réalité un effondrement de la distinction entre la sphère publique et la sphère privée, phénomène lourd de conséquences qu’Hannah Arendt a identifié comme un des mécanismes par lesquels le totalitarisme s’empare des sociétés. Le cadre analytique du Digital Labor traduit donc une certaine vérité, car à l’époque moderne c’est bien le fait de faire apparaître une activité dans l’espace public qui la transforme presque mécaniquement en « travail ».
  • Cela implique donc, lorsque nous utilisons des services numériques, de toujours être en mesure de savoir clairement si nous sommes engagés dans un rapport de production et de pouvoir en sortir, si nous le voulons. Sachant que cette possibilité de « sortir » reste en réalité profondément illusoire si n’existent pas des alternatives tangibles dans lesquelles nos activités sociales pourraient s’inscrire sans qu’on les soumette à des dominations à visée économique. C’est la raison pour laquelle une protection sociale des données personnelles passe nécessairement aussi par la construction de Communs numériques, basés sur des logiciels libres.
  • Compte tenu de ce contexte, il s’agit bien de construire une protection sociale des données en même temps que de revendiquer des conditions de travail dignes et réellement humaines pour les personnes impliquées professionnellement dans leur production. Cette double dimension collective dans la production et la gestion des données ouvre sur un vaste enjeu de solidarité, en action, dans la coordination de nos usages « amateurs »/non-professionnels avec ceux des travailleurs des plateformes. Discuter collectivement le fondement d’une éthique dans l’agencement de nos relations numériques nous amène nécessairement à regarder en face les grands équilibres économiques, l’exploitation et les mécanismes de prédation des grandes firmes sur les travailleurs les plus précaires, et souligne tout autant l’urgence de la construction de responsabilités collectives pour y répondre.
  • Il ne faut pourtant pas nous priver de penser des environnements et des pratiques numériques beaucoup plus émancipatrices, en s’appuyant sur ce que le monde du logiciel libre, le mouvement des communs et de l’économie solidaire, proposent conjointement : participer à la construction du progrès social et des capabilités numériques individuelles et collectives, permettant de prendre une part active dans l’organisation de nos pratiques. A cet égard, les activités d’éducation populaire développées par l’association Framasoft sont tout à fait remarquables, en ce qu’elles articulent des solutions logicielles alternatives avec un travail de fond d’éducation populaire – au sens d’une éducation qui prend en compte la dimension profondément politique de la construction et de la circulation des savoirs et des savoir-faire.
  • Dans cette même perspective, qualifier les données d’intérêt général, c’est aussi ne pas laisser s’échapper le caractère profondément politique de leur usage : c’est réaffirmer la dimension sociétale de nos usages individuels et collectifs.
  • Pour contrer cela, nous devons construire une nouvelle infrastructure pour permettre aux personnes de regagner cette souveraineté individuelle. Ces aspects de l’infrastructure qui concernent le monde qui nous entoure doivent appartenir aux biens communs et les aspects qui concernent les gens – qui constituent les organes de notre être cybernétique – doivent être détenus et contrôlés par les individus eux-mêmes.
Aurialie Jublin

Reconnaissance ouverte des apprentissages pour mieux coopérer | Techniques in... - 0 views

  • Pour ouvrir l’échange, Serge Ravet nous a présenté l’initiative MIRVA et les OpenBadges : rendre les apprentissages informel visibles et actionnables. Serge nous a démontré l’intérêt de pouvoir montrer ses talents cachés au travers d’open badges. L’idée est que chacun puisse proposer et définir des éléments de reconnaissance qui fassent sens, au niveau d’une communauté, d’un territoire. Cette reconnaissance ouverte est porteuse de confiance et de partage, en permettant une reconnaissance beaucoup plus ouverte que si elle est porté uniquement par des institutions délivrant des diplômes.
  • Eden Jean-Marie du CIBC Normandie, nous a ensuite présenté comment accompagner les parcours d’apprenants pour leur donner confiance et de leur permettre de se prendre en main. L’outil proposé en support à cet accompagnement est DayTripper, qui permet de capturer une expérience avec son mobile, de la décrire, de la caractériser et de la partager. Ainsi, chacun peut valoriser ses apprentissages, communiquer sur ses parcours, ses expériences, et donc de devenir acteur, porteur de preuves de son parcours.
  • Philippe Ruffieux apporte quant à lui une approche qui permet aux apprenants de travailler ensemble. Chacun peut devenir expert d’un apprentissage dès qu’il a réussi à le démontrer et ensuite accompagner ses pairs, voire proposer de nouvelles modalités pour démontrer ses capacités. On est bien dans une démarche d’enseignement mutuel. L’outil proposé, Sqily permet ainsi de définir des objectifs d’apprentissage, de décrire un parcours complet sous forme d’arbre, de gérer la validation mutuelle, et de supporter l’enseignement collaboratif avec une interface proche de Slack, outil collaboratif bien connu et reconnu.
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  • Open Badges, DayTripper, Sqily sont des outils existant, permettant de rendre visible les talents, les apprentissages, les expériences et de soutenir la coopération. Les témoignages démontrent que ces outils prennent leur sens dans une démarche qui soutient et développe la capacité d’agir des acteurs. Si vous êtes intéressés par les conditions pour que numérique rime avec pouvoir d’agir, je vous encourage à aller consulter le travail du projet Capacity qui est en train de présenter ses conclusions sur ce sujet.
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    "Coopérer autour de ses apprentissages, tout un programme pour les apprenants tout au long de la vie, élèves, étudiants, citoyens… Comment rendre visible ses connaissances, comment donner à voir ce que l'on a appris au détour d'une expérience, du chemin, comment permettre aux étudiants de s'épauler pour progresser ensemble ? Lors du forum des usages coopératifs de Brest, plusieurs acteurs, proposant des solutions complémentaires nous ont proposé un panorama d'approches et de solutions qui promettent de dynamiser ces coopérations, tout en gommant les frontières dans les apprentissages."
Christophe Gauthier

Peut-on encore ne pas travailler ? | Anthony Masure - 0 views

  • Le consommateur de la société hyperindustrielle est un consommateur qui se déqualifie à toute vitesse — et qui du même coup se désindividue, comme l’avait montré [Gilbert] Simondon pour le producteur. Il ne sait plus « faire à manger », il ne sait plus compter. Bientôt il ne saura plus conduire, sa voiture conduira toute seule. Les consommateurs sont préformatés dans leurs comportements de consommation, téléguidés, conditionnés, et, comme dit [Gilles] Deleuze, « contrôlés »
  • Ainsi, quand je like, que je commente ou que je publie un message publié sur média social, je renforce sa valeur financière en générant du temps d’activité (qui apparaîtra dans son bilan d’activité), en créant du contenu (qui pourra générer d’autres interactions), et en lui fournissant des informations personnelles (métadonnées : heure et lieu de connexion, etc.).
  • Selon Hannah Arendt, le « domaine public » se caractérise par le fait que chacun peut voir et entendre la place de l’autre, différente de la sienne
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  • Sans cette distinction, il ne saurait exister de lieu de rencontre, et donc de débat politique. Aussi, ces activités quotidiennes économisées en jeu (« gamifiées ») pour ne pas paraître laborieuses posent directement un problème politique, tant que les revenus dégagés (soustraits en grande partie à l’impôt) et que les modes de gouvernance (qui prennent la forme de « conditions d’utilisation » formulées pour ne pas être lues) échappent à la délibération collective — et se placent dès lors hors du domaine public qui caractérisait encore les « marchés d’échange » du capitalisme naissant. Evgeny Morozov parle ainsi de « réglementation algorithmique
  • » pour pointer le fait que chacune de nos actions est susceptible d’être enregistrée, quantifiée et corrigée, y compris par des États.
  • Aussi, plutôt que de chercher à sauver l’emploi, qui comme nous l’avons vu, a largement perdu de sa consistance, il faut plutôt œuvrer à redonner du sens au travail — compris non pas comme une souffrance (labeur) ou comme une activité récurrente s’épuisant dans la consommation, mais plutôt, au sens moderne du terme, comme l’idée d’« effectuer un exercice », de « fonctionner » (en parlant d’une machine) ou encore de « pouvoir être façonné » (« se travailler »)
  • Un tel design, inemployable, c’est-à-dire qui ne participe pas d’une instrumentalisation des relations humaines, n’est pourtant pas sans valeur. Les projets réalisés par l’architecte et designer Ettore Sottsass dans les années 1970 sont à ce titre révélateurs d’une démarche interrogeant les fondements de la culture industrielle, et plus globalement « des lois, des habitudes et du vocabulaire de la culture rationaliste
  • Alimentant et tirant profit de la disparition des métiers, voire des professions, des sociétés « de service » fournissent clé en main nourriture, amour, vacances, connaissances, langues, éducation, loisirs
  • peut-on encore ne pas travailler ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord examiner la mutation de la notion de métier en profession à l’époque des Lumières, puis le développement du capitalisme
  • Cette première séparation conceptuelle entre les capacités techniques d’un individu et leur asservissement (voire leur aliénation) au sein de tâches d’exécution recouvre déjà des problématiques contemporaines :
  • est-il certain que toutes les compétences qu’un individu est en capacité d’exercer et de développer s’épuisent dans leurs applications économiques ?
  • C’est précisément cet écart qui sépare le travail de l’emploi
  • mince est la limite entre des emplois salariés, pour lesquels il faut en faire toujours plus, et une myriade de micro-tâches non rémunérées, qui donnent l’impression de travailler jour et nuit
  • Au capitalisme industriel (concentration des moyens de production) se sont ainsi ajoutés le capitalisme financier (ère de la spéculation et domination des institutions financières) puis le capitalisme cognitif
  • le design peut permettre de répondre à la question de départ, à savoir qu’il s’agit moins de chercher à ne pas travailler
  •  
    "Tandis que le travail, en crise, est de plus en plus recherché, mince est la limite entre des emplois salariés, pour lesquels il faut en faire toujours plus, et une myriade de micro-tâches non rémunérées, qui donnent l'impression de travailler jour et nuit. Autrement dit : peut-on encore ne pas travailler ? Afin de traiter ce paradoxe, nous examinerons tout d'abord le passage du métier à des professions employées à faire croître le capital. Ensuite, après avoir vu en quoi l'époque contemporaine pourrait signer une possible « mort de l'emploi », nous analyserons en quoi le développement du « labeur numérique » (digital labor) et des objets supposément « intelligents » (smart) brouille la distinction entre le temps libre et le temps travaillé. Afin de sortir de ces impasses, nous nous demanderons si le design, en tant que travail de « qualités » inutiles, pourrait permettre d'envisager de nouveaux rapports au temps."
Aurialie Jublin

Derrière les promesses de l'intelligence artificielle, le cauchemar du "digit... - 0 views

  • « Ce ne sont pas les machines qui font le travail des hommes, mais les hommes qui sont poussés à réaliser un digital labor pour les machines en les accompagnant, en les invitant, en les entraînant », résume le chercheur. Les intelligences artificielles doivent toujours être paramétrées, entraînées et encore très largement supervisées par des humains, malgré les progrès des méthodes d’apprentissage non supervisés. Les progrès fulgurants des IA ces dernières années sont surtout dus à l’explosion des quantités de données d’entraînement : or celles-ci doivent être triées, annotées, préparées par des humains. Et enfin, ces programmes doivent être évalués et corrigés pour pouvoir s’améliorer. Ainsi, les utilisateurs vont utiliser pendant plusieurs années une version beta du service Gmail de Google, pour l’améliorer, ou tagger leurs amis sur des photos et contribuer ainsi sans nécessairement en avoir conscience à l’affinement du service de reconnaissance faciale de Facebook : « C’est un travail humble et discret, qui fait de nous, contemporains, à la fois les dresseurs, les manouvriers et les agents d’entretien de ces équipements. » La question que pose l’intelligence artificielle et l’automatisation, ce n’est donc pas celle de la menace sur l’emploi – mais celle de la transformation profonde du travail pour répondre aux besoins de la machine.
  • Cet imaginaire largement libertarien irrigue profondément la culture du web depuis ses débuts et s’incarne, par exemple, dans la figure du hacker ou de l’entrepreneur nomade, du passionné qui s’accomplit dans un « projet professionnel qui est aussi existentiel ». Mais Antonio Casilli note combien cette vision est élitiste et ne prend pas en compte l’asymétrie des forces dans un marché du travail en berne où le chômage est élevé et l’ascenseur social en panne,
  • En l’absence de régulation, le digital labor préfigure le pire du travail : un monde de travailleurs isolés, privés de droits sociaux et iolés les uns des autres, livrés aux conditions léonines des employeurs — et accomplissant des tâches standardisées, fragmentées, peu qualifiées et dépourvues de sens global. Ici et là, des tentatives de régulation ou de création de plateformes équitables sont en cours. Il est urgent de les soutenir, si l’on ne veut pas que le développement croissant de l’automatisation ne soit synonyme non d’une disparition du travail, mais de sa dégradation irrémédiable.
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    "Un spectre hante l'intelligence artificielle, c'est le digital labor. Le dernier livre du sociologue Antonio Casilli , spécialiste des réseaux sociaux et des mutations du travail à l'ère numérique, dresse un panorama sombre des nouvelles formes de travail déconsidéré ou invisible apparues avec l'essor des plateformes et de l'automatisation."
Aurialie Jublin

Comment la fiction nous aide-t-elle à penser les futurs du travail ? - 0 views

  • Dans un article de Wired publié en 2015 et intitulé « À quoi ressembleront les entreprises en 2050 ? », le prospectiviste Stowe Boyd construit trois scénarios à partir d’une démarche inductive qu’on ne peut décrire que comme une matrice fictionnelle. Ces scénarios reposent sur la combinaison de trois facteurs déterminants pour l’avenir du travail : l’IA, mais aussi le changement climatique et les inégalités, ces deux derniers – et en particulier le changement climatique – étant pratiquement absents du débat actuel sur le travail et l’emploi.
  • Pourtant, que deviendrait la robotique dans monde où l’énergie serait rare, sans parler des matériaux nécessaires pour fabriquer les robots ? Comment le travail se transformerait-il si une forme d’effondrement contraignait la majorité des terriens à relocaliser leur activité et la réorienter vers leurs besoins de base ? Que deviendrait-il si la dynamique de notre économie globalisée, nourrie par une innovation continue, se brisait ? Si les économies développées devaient faire face à des mouvements migratoires climatiques sans commune mesure avec ceux qui les inquiètent tant aujourd’hui ?
  • Dans le scénario «  Collapseland », l’absence d’action sur le climat conduit à un effondrement qui stoppe le progrès des technologies numériques, en partie faute de ressources, en partie parce que les grandes entreprises et les pouvoirs autoritaires qui dominent ce monde-là trouvent plus intéressant de faire travailler plus pour gagner moins. La fille automate de Paolo Bacigalupi (2009) nous invite dans une usine caractéristique de ce monde
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  • Dans le scénario « Néo-Féodalistan », les entreprises mènent le combat contre le changement climatique en optant pour le tout-technologique. L’automatisation est maximale, jusqu’à la direction des entreprises, sous la supervision de petites équipes d’experts et, au-dessus d’elles, des actionnaires. ·Un revenu universel, des services publics gratuits et des biens rendus beaucoup moins coûteux grâce à l’automatisation assurent la survie (et la soumission) d’une population dont l’immense majorité n’a pas d’emploi.
  • Enfin, le scénario «  Humania » résulte de choix politiques délibérés pour lutter à la fois contre le changement climatique et les inégalités, et limiter le recours à l’automatisation au nom d’un «  droit à l’emploi ». Le monde du travail qu’il décrit ressemble à celui que vantent aujourd’hui les start-up du Net : des organisations horizontales, agiles, que l’on rejoint et quitte au gré des projets, au sein desquelles on s’organise un peu à sa guise. Les conventions qui relient entreprises et collaborateurs prennent acte du caractère temporaire de leur relation, chacun s’engageant alors à aider l’autre à se passer de lui. Un revenu universel facilite l’arbitrage permanent entre travail rémunéré et autres activités.
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    "Appelant fin mars la science-fiction à « s'emparer du thème du travail », la ministre Muriel Pénicaut s'est attiré la réplique de Norbert Merjagnan sur le site d'Usbek & Rica, ainsi que d'un collectif d'auteur·es dans ActuaLitté : « Madame la ministre, la SF ne vous a pas attendue ! » Mais comment la fiction nous aide-t-elle à penser les futurs du travail ? Illustration dans cette série de 4 articles, issue des travaux du collectif pour une « Université de la Pluralité »."
Aurialie Jublin

Face à face avec les plateformes à Bruxelles | Le Club de Mediapart - 0 views

  • Certes, les grandes plateformes se gargarisent d'avoir "offert" une assurance complémentaire santé et prévoyance à leurs auto-entrepreneurs qui s'avère bien difficile à utiliser. Aziz, un membre du Collectif des Livreurs Autonomes Parisiens (CLAP), en a fait les frais récemment. Gravement blessé en chutant lors d'une course, il a passé 16 jours à l'hôpital dont six en service de réanimation. Il ne bénéficiera pas de l'indemnité forfaitaire destinée à "réduire la perte financière en cas d'interruption d'activité", car son cas n'entre pas dans les clauses du contrat…
  • Pendant que certains s'échinent à instaurer le dialogue, d'autres préfèrent plancher sur les alternatives. Rappelons l'exemple de la coopérative belge SMart. En mai 2016, elle signe une convention avec Deliveroo garantissant une rémunération horaire respectant les barèmes minimums légaux d’au moins 3 heures par jour presté, ainsi qu'une indemnisation partielle du matériel de travail. Les coursiers travaillaient ainsi sous le régime salarié. En octobre 2017, Deliveroo a mis fin à cette expérimentation de manière unilatérale. Le groupe s'est appuyé sur une mesure du gouvernement belge visant à exonérer de charges et défiscaliser jusqu’à 6 000€ de revenus annuels qui ciblait notamment ces livreurs indépendants.
  • « Cette première expérience vers la reconnaissance d'un statut de travailleur spécifique avec 4000 coursiers, potentiellement reproductible ailleurs a fait peur aux actionnaires », estime Sandrino Graceffa, le directeur de SMart. « Ils ont préféré mettre un terme à ce contrat plutôt que de risquer sa prolifération ». Pour le dialogue et la concertation, on repassera…
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  • Nous avons également découvert l’initiative d’IG Metall, le puissant syndicat allemand, qui a mis en place un site pour faire remonter des plaintes de travailleurs ubérisés. « Il y a deux ans, j'étais tout seul derrière mon ordi à essayer de fédérer quelques dizaines de personnes. Maintenant ça nous a largement dépassé. Aujourd'hui, les plateformes commencent à comprendre que la lutte se fait à l'échelle européenne », explique Jérôme Pimot.
  • L'ère n'est plus seulement à la lutte contre l'ubérisation, mais à la construction de plateformes alternatives et coopératives, qui permettront aux livreurs ainsi qu'à toute profession menacée de s'auto-organiser. Bien sûr, il faudra continuer d'expliquer pourquoi ces géants de l'économie dite "collaborative" ne créent pas de l'emploi, mais achètent de la force de travail au rabais, subtilisant au passage la valeur produite par le travailleur pour enrichir des actionnaires. Il faudra sans cesse rappeler que face à l'indépendance factice de l'auto-entreprenariat, il est nécessaire de défendre aujourd'hui une autonomie effective de salariés coopérateurs. Que face à une génération d'entrepreneurs du web biberonnés au lait de la startup nation, il faut mettre en valeur les projets collectifs de celles et ceux qui ne prônent pas la liberté contre la justice sociale.
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    "CoopCycle était invité à Bruxelles pour une journée dédiée à l'économie des plateformes le 23 janvier dernier. Une conférence organisée par le réseau Sharers & Workers qui plaide pour la construction d'une « économie numérique des plateformes financièrement soutenable ». "
Aurialie Jublin

Pourquoi les patrons peinent à recruter | Alternatives Economiques - 0 views

  • fin 2017, 48 % des embauches de plus d’un mois étaient signées en CDI, un taux inédit depuis mi-2008.
  • « Les entreprises qui ont du mal à recruter signent davantage de CDI pour tenter de garder les effectifs », note Denis Ferrand, directeur général de Coe-Rexecode, un think-tank proche du patronat. « Même s’il ne faut pas les surestimer, les difficultés de recrutement se font de plus en plus sentir », confirme Pascal Blain, directeur de Pôle Emploi Auvergne Rhône-Alpes. Autre signal, depuis janvier 2017, les patrons de l’industrie déclarent davantage de difficultés du côté de l’offre (leur capacité à produire) que du côté de la demande (le manque de commandes). Le taux d’utilisation des capacités de production s’élevait début 2018 à 85,8 %, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis dix ans.
  • Ces difficultés des recruteurs s’expliquent aussi par un contexte d’amélioration du marché du travail. 250 000 emplois ont été créés en 2017 en France. Une belle performance qui fait suite à des années 2015 et 2016 elles aussi dynamiques. Du coup, les clignotants de l’emploi sont plutôt au vert. Et les candidats sont moins nombreux à devoir se partager les offres. Ainsi, outre un taux de chômage au plus bas depuis 2009 (à 8,9 % en France métropolitaine), l’indice de tension sur le marché du travail – soit le rapport entre le nombre d’offres collectées par Pôle emploi et le nombre de demandeurs d’emploi inscrits –remonte depuis plusieurs trimestres. Mi-2017, on comptait 55 offres d’emploi pour 100 inscrits à Pôle Emploi, contre 42 offres pour 100 chômeurs fin 2014.
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  • Dans ce cadre d’éclaircie sur l’emploi, les problèmes bien réels des entreprises à trouver chaussure à leur pied ne doivent pourtant pas être surestimés. En 2017, 37,5 % des projets de recrutement étaient jugés difficiles. C’est certes plus qu’en 2016 (32,4 %) mais c’est moins qu’en 2012 (42,6 %).
  • De son côté, Denis Ferrand se veut beaucoup moins rassurant : « Les difficultés de recrutement touchent tous les secteurs. Et la première raison citée par les chefs d’entreprise, c’est le niveau de qualification ». « L’inquiétude que l’on peut avoir, c’est que la croissance soit freinée par manque de main d’œuvre qualifiée », poursuit-il. Il se pourrait qu’à moyen terme, la croissance atteigne un plafond pour ces raisons-là, et qu’on ait un taux de chômage structurel autour de 9 % ».
  • a Cour des Comptes dresse ainsi un bilan mitigé du « plan 500 000 » mis en place par François Hollande en 2016-2017. Les sages lui reprochent non seulement de ne pas avoir eu d’effet significatif sur le taux d’insertion dans l’emploi (51,2 % en 2016 soit sensiblement le même taux qu’en 2015) mais aussi d’avoir dépassé le budget alloué d’un demi-milliard d’euros.
  • Un jugement que ne partage pas Audrey Pérocheau, directrice de la formation à Pôle Emploi : « Actuellement en France, la formation a un effet positif très net sur l’emploi. Avec ce plan 500 000, nous avons doublé l’effort de formation, et nous avons touché des publics éloignés de l’emploi. Malgré cela, nous avons maintenu un taux d’accès à l’emploi de 51,2 % pour les demandeurs qui ont suivi une formation, ce qui prouve qu’il y avait un besoin »
  • Selon l’OCDE en effet, 23,4 % des salariés français de 15 à 64 ans sont sous-qualifiés, un taux plutôt élevé au regard des voisins européens.
  • A l’inverse, 11,6 % des salariés français sont surqualifiés, un taux plus faible que les autres pays comparables. La France se situe loin des pays les plus durement touchés par la crise économique (Portugal, Grèce, Italie, Espagne), dans lesquels le phénomène de déclassement est particulièrement spectaculaire. 
  • Dans une étude récente, Pôle Emploi analysait les 3,2 millions d’offres déposées en 2017. Et constatait que 2,9 millions d’entre elles avaient été pourvues dans l’année. Sur les 300 000 offres non-pourvues, 97 000 ont été annulées par les employeurs (parce que le besoin a disparu ou que le budget manque), et 53 000 offres sont toujours en cours. Restent donc 150 000 abandons de recrutement faute de candidats, soit seulement 4,7 % des offres. Sur ces 150 000 abandons, l’employeur a généralement reçu des candidatures (87 % des cas), mais n’a pas donné suite, essentiellement par pénurie de formation aux compétences nécessaires (51 % des cas).
  • il y en aurait en France entre 110 000 et 180 000 postes durables (CDI ou CDD de plus de six mois), non pourvus faute de candidats. Les combler grâce à des formations ciblées serait bien sûr positif. Mais cela ne permettrait pas de baisser sensiblement le nombre de demandeurs d’emploi (5,6 millions d’inscrits à Pôle Emploi en catégorie ABC).
  • Pour Morad Ben Mezian, le « tout formation » ne peut résoudre ces problèmes d’inadéquation entre l’offre et la demande. D’où la nécessité, estime cet expert de la formation professionnelle de recourir à des outils, comme les plates-formes de ressources humaines financées par les pouvoirs publics ou les branches professionnelles, pour les aider à mieux identifier les compétences dont elles ont besoin. « Lorsque les entreprises comprennent que la formation peut améliorer leur compétitivité, elles n’hésitent plus. » 
  • t toujours multi-factoriel », insiste Stéphane Ducatez.  Les employeurs reconnaissent également que les difficultés viennent parfois de leur propre fait, entre recrutement trop urgent, manque de moyens financiers, ou difficultés liées au processus interne de recrutement.
  • Avec une croissance supérieure et une meilleure formation, les non-diplômés trouveraient-ils vraiment un emploi, eux qui sont le plus touchés par le chômage ? Denis Ferrand en doute : « Le taux d’emploi* des non-diplômés ne cesse de reculer en France, contrairement à nos voisins européens. On peut se demander si les Bac+5 ne prennent pas les places des Bac +3, et ainsi de suite, poussant les sans diplômes vers le chômage ou l’inactivité »
  • Si les pays étrangers font un peu mieux que nous sur le plan du chômage, poursuit l’économiste, cela s’explique avant tout pour d’autres raisons : « La France a une démographie qui reste dynamique, avec 150 000 actifs en plus chaque année, et des gains de productivité qui restent assez élevés. Ces deux éléments empêchent une baisse rapide du chômage », assure Eric Heyer. Il faut en effet sans cesse créer davantage d’emplois pour absorber les nouveaux-venus sur le marché de l’emploi et plus une entreprise se montre efficace – plus elle optimise son organisation du travail et son appareil de production via la robotisation par exemple – moins elle a besoin de recruter. « L’Allemagne n’a pas cette démographie dynamique, l’Espagne n’a pas les gains de productivité. L’Italie n’a ni l’un ni l’autre. C’est donc plus simple pour eux de faire baisser le chômage, formation ou pas ».  
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    "5,6 millions de chômeurs d'un côté, des entreprises qui déclarent avoir du mal à recruter de l'autre… A première vue, le problème du marché du travail français semble frappé au coin du bon sens : les demandeurs d'emploi ne sont pas assez formés. Mais est-ce si simple ?"
Aurialie Jublin

Cher Elon Musk, oublie les robots-tueurs, voici ce qui devrait vraiment t'inq... - 0 views

  • Tu devrais jeter cet œil inquiet (et attentif) au Rapport AI Now (2016). Tu devrais te soucier des thèmes qu’ils mettent en lumière, notamment en ce qui concerne les impacts sur le travail, la santé, l’égalité et l’éthique à l’heure où l’intelligence artificielle s’insinue dans nos vies quotidiennes.
  • Tu devrais réfléchir à la façon dont l’apprentissage machine change nos façons de travailler et le travail tout court. Tu devrais te préoccuper de l’impact de l’intelligence artificielle sur la création et la destruction de nos emplois, te soucier des questions éducatives, de formation à de nouveaux métiers et des allocations et modes de redistribution qui devraient résulter d’une reconfiguration du travail par l’IA. Tu devrais considérer la question de l’automatisation non pas seulement du point de vue de la robotique mais sous l’angle des infrastructures : comment les industries du transport, de la logistique, seront affectées par l’apprentissage machine ? Scoop : elles le sont déjà au prix de nombreux emplois.
  • Tu devrais te préoccuper des articles publiés par ProPublica sur les biais algorithmiques, notamment celui-ci qui explique comment les logiciels de police prédictive accusent de façon inconsidérée les noirs et beaucoup moins les blancs. Tu devrais te soucier de cet autre article de ProPublica qui indique que certains assureurs augmentent les prix pour les personnes de couleur. Les raisons sous-jacentes ne sont pas si claires mais selon ProPublica, des algorithmes prédateurs favorisent les quartiers blancs plus que les autres. La négligence derrière cette masse de données devrait t’inquiéter
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  • Tu devrais t’inquiéter de la provenance des données qui entraînent ces algorithmes. Tu devrais t’offusquer de voir ces données récupérées sans consentement explicite, comme l’a montré The Verge dans cet article qui rapporte que des images de personnes transgenres en transition ont été utilisées sans leur consentement dans le cadre d’un projet de recherche portant sur la reconnaissance faciale grâce à l’intelligence artificielle.
  • ProPublica révèle aussi que le système de « scoring » établissant une possibilité forte de « commettre de nouveau un crime » généré par les logiciels de police prédictive était utilisé pour alourdir les peines. Les juges s’en servent comme d’une aide, une « preuve algorithmique » issue d’un nouvel outil au service du système judiciaire. Voici une préoccupation majeure.
  • Que se passe-t-il quand un utilisateur se retrouve coincé dans une série de systèmes sans pouvoir en sortir ? Que se passe-t-il quand un agent conversationnel est bloqué, quand des données sont fausses et qu’il n’y a personne pour proposer à l’utilisateur d’apporter des modifications ou des rectifications ? Les machines font des erreurs, un point c’est tout. La question est donc : comment ces systèmes gèrent-ils leurs propres erreurs ?
  • Elon, tu devrais t’inquiéter des capteurs qui ne reconnaissent pas la peau noire. Tu devrais t’inquiéter des produits insensibles à certaines couleurs, comme par exemple ces distributeurs de savon qui ne réagissent pas aux mains noires. Tu devrais t’inquiéter des caméras qui suggèrent que les asiatiques ont « cligné des yeux » parce que leur système est majoritairement entraîné par des profils de type caucasien.
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