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Aurialie Jublin

Technologie : l'âge sombre | InternetActu.net - 0 views

  • Pire, la technologie s’est fait la complice de tous les défis auxquels nous sommes confrontés : à la fois d’un système économique hors de contrôle qui ne cesse d’élargir les inégalités, la polarisation politique comme le réchauffement climatique. Pour Bridle, la technologie n’est pas la solution à ces défis, elle est devenue le problème. Il nous faut la comprendre plus que jamais, dans sa complexité, ses interconnexions et ses interactions : mais cette compréhension fonctionnelle ne suffit pas, il faut en saisir le contexte, les conséquences, les limites, le langage et le métalangage.
  • Trop souvent, on nous propose de résoudre ce manque de compréhension de la technologie par un peu plus d’éducation ou son corollaire, par la formation d’un peu plus de programmeurs. Mais ces deux solutions se limitent bien souvent en une compréhension procédurale des systèmes. Et cette compréhension procédurale vise surtout à renforcer la « pensée computationnelle », c’est-à-dire la pensée des ingénieurs et des informaticiens qui n’est rien d’autre que le métalangage du solutionnisme technologique 
  • Les systèmes techniques sont devenus de plus en plus complexes. Trop critiques et interconnectés pour être compris, pensés ou conçus. Leur compréhension n’est disponible plus que pour quelques-uns et le problème est que ces quelques-uns sont les mêmes que ceux qui sont au sommet des structures de pouvoir. Pour James Bridle, il y a une relation causale entre la complexité des systèmes, leur opacité, et les violences et inégalités qu’ils propagent.
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  • Le cloud (l’informatique en nuage) n’est plus une métaphore du réseau, c’est l’incarnation de ce système global et surpuissant qu’aucun d’entre nous ne peut désormais attraper. Ce nuage est pourtant une bien mauvaise métaphore. Rien de ce qu’il recèle n’y est sans poids, rien n’y est amorphe ou invisible. Le cloud cache une infrastructure physique complexe faite de lignes téléphoniques, de fibre optique, de satellite, de vastes entrepôts d’ordinateurs, qui consomment d’énormes quantités d’énergie et qui influent sur de multiples juridictions. Le cloud est l’incarnation d’une nouvelle industrie.
  • De la sécurité nationale aux secrets industriels, il y a beaucoup de raisons à obscurcir ce que recouvre ce nuage. Mais ce qui s’en évapore est assurément notre propriété (dans les nuages, tout appartient à d’autres) et notre agentivité, c’est-à-dire notre capacité à faire.
  • Le réseau donne l’impression d’être à la fois l’idéal de progrès le plus abouti et l’idéal de base de notre culture tout en paraissant avoir émergé inconsciemment, poursuivant son but d’interconnexion sans fin pour lui-même et par lui-même… « Nous présumons que l’interconnexion est inhérente et inévitable. Le réseau semble être devenu le résultat du progrès, son accomplissement ultime », à l’image de machines qui accompliraient ainsi leurs propres désirs. Internet semble avoir accompli l’idéal des Lumières, l’idéal du progrès : celui que plus de connaissance et plus d’information conduit toujours à prendre de meilleures décisions.
  • Mais n’est-ce pas plutôt le contraire auquel nous assistons ? « Ce qui était censé éclairer le monde l’a obscurci. L’abondance d’information et la pluralité d’opinion accessible à tous n’ont pas produit un consensus cohérent, mais au contraire a déchiré la réalité en narrations simplistes, en théories fumeuses et en politique d’opinion. Contrairement au Moyen Âge, où l’âge sombre était lié à une perte de connaissance antique, l’âge sombre moderne est lié à une abondance de connaissance dont nous ne savons plus démêler collectivement l’apport. »
  • L’obscurité dont parle Bridle c’est notre incapacité à voir clairement ce qui est devant nous, avec capacité et justice. Pour Bridle pourtant, ce constat ne doit pas être lu comme une condamnation de la technologie. Au contraire. Pour relever l’âge sombre qui s’annonce, il nous faut nous engager plus avant dans la technologie, avec elle, mais avec une compréhension radicalement différente de ce qu’il est possible d’en faire, en retrouver un sens que la seule recherche d’efficacité nous a fait perdre. Tout comme le changement climatique, les effets de la technologie s’étendent sur le globe et affectent tous les aspects de nos vies. Mais comme le changement climatique, ses effets sont potentiellement catastrophiques et résultent de notre incapacité à comprendre les conséquences de nos propres inventions. Nous devons changer de manière de voir et penser le monde, nous invite Bridle, un peu facilement ou naïvement.
  • « En rapprochant la simulation de l’approximation, les grands prêtres de la pensée computationnelle pensent remplacer le monde par des modèles biaisés de lui-même ; et en le faisant, les modeleurs s’assurent du contrôle du monde. » James Bridle s’inscrit dans la continuité des constats de l’historien des sciences David Noble qui, dans Le progrès sans le peuple notamment, soulignait combien la pensée des ingénieurs avait contribué à donner du pouvoir aux puissants plutôt que favoriser l’équité ou la démocratie ; comme dans celle de Richard Sclove du Loka Institute, qui dans Choix technologiques, choix de société, soulignait combien les enjeux démocratiques restaient le parent pauvre de la question technologique.
  • La pensée computationnelle s’infiltre partout : elle devient notre culture. Elle nous conditionne à la fois parce qu’elle nous est illisible et à la fois parce que nous la percevons comme neutre émotionnellement et politiquement. Les réponses automatisées nous semblent plus dignes de confiance que celles qui ne le sont pas. Dans la pensée computationnelle, nous sommes victimes du biais d’automatisation : « nous avons plus confiance dans l’information automatisée que dans notre propre expérience, même si elle est en conflit avec ce qu’on observe ». Les conducteurs de voitures comme les pilotes d’avion ont plus tendance à croire leurs instruments que leur expérience, même si celle-ci n’est pas alignée.
  • Pour Bridle, l’informatique, en ce sens, est un piratage de notre capacité cognitive, de notre capacité attentionnelle, qui renvoie toute responsabilité sur la machine. « À mesure que la vie s’accélère, les machines ne cessent de prendre en main de plus en plus de tâches cognitives, renforçant par là leur autorité – sans regarder les conséquences ». « Nous nous accommodons de mieux en mieux et de plus en plus aux confortables raccourcis cognitifs que nous proposent nos machines. L’informatique remplace la pensée consciente. Nous pensons de plus en plus comme des machines, ou plutôt nous ne pensons plus du tout ! ».
  • « Ce qui est difficile à modéliser, à calculer, à quantifier, ce qui est incertain ou ambigu, est désormais exclu du futur possible. » L’informatique projette un futur qui ressemble au passé (« Les algorithmes ne prédisent pas le futur, ils codifient le passé », disait déjà Cathy O’Neil). La pensée computationnelle est paresseuse. Elle propose finalement des réponses faciles. Elle nous fait croire qu’il y a toujours des réponses.
  • les réseaux souffrent d’une gouvernance fragmentée, sans responsabilités claires, peu cartographiés et sous-financés ; des infrastructures en silos ; des investissements privés comme publics insuffisants et plus encore un manque de compréhension de la complexité de leur fonctionnement… expliquent leur fragilité intrinsèque et la difficulté de leur maintenance. Ajoutez à cela les impacts du changement climatique sur leur maintenance et leur évolution et vous comprendrez que les réseaux ne sont pas dimensionnés pour faire face au futur. Bref, non seulement l’informatique contribue largement au réchauffement climatique, mais elle risque d’en être l’une des principales victimes.
  • Mais les grands volumes de données ne produisent pas de la connaissance automatiquement. Dans la recherche pharmacologique par exemple, les dépenses et investissements n’ont jamais été aussi forts alors que les découvertes, elles, n’ont jamais produit aussi peu de nouveaux traitements. On appelle cela la loi d’Eroom : l’exact inverse de la loi de Moore. Le nombre de résultats de recherche chute et ces résultats sont de moins en moins dignes de confiance. Si les publications scientifiques n’ont jamais été aussi volumineuses (au détriment de leur qualité), les rétractions ont augmenté et le nombre de recherches ayant un impact significatif, elles, ont diminué proportionnellement. La science connaît une crise de réplicabilité majeure.
  • Plusieurs facteurs expliquent ce revirement de la loi du progrès. La première est que les choses les plus évidentes à découvrir ont été exploitées. La régulation est également devenue plus exigeante et la société moins tolérante aux risques. Mais le problème principal relève certainement des méthodes désormais employées. Historiquement, la découverte de médicament était le fait de petites équipes de chercheurs qui se concentrait intensément sur de petits groupes de molécules. Mais depuis 20 ans, ces processus ont été largement automatisés, sous la forme de ce qu’on appelle le HTS (High-throughput screening pour criblage à haut débit) qui consiste en des recherches automatisées de réactions potentielles via de vastes bibliothèques de composants. Le HTS a priorisé le volume sur la profondeur. Ce qui a marché dans d’autres industries a colonisé la recherche pharmaceutique : automatisation, systématisation et mesures… Certains commencent à douter de l’efficacité de ces méthodes et voudraient revenir à l’empirisme humain, au hasard, au bordel, au jeu… À nouveau, « la façon dont nous pensons le monde est façonnée par les outils à notre disposition ». Nos instruments déterminent ce qui peut être fait et donc, ce qui peut être pensé. À mesure que la science est de plus en plus technologisée, tous les domaines de la pensée humaine le sont à leur tour. Les vastes quantités de données ne nous aident qu’à voir les problèmes des vastes quantités de données.
  • Les bourses et places de marchés d’antan ont été remplacées par des entrepôts, des data centers, anonymes, dans des banlieues d’affaires impersonnelles. La dérégulation et la numérisation ont transformé en profondeur les marchés financiers. La vitesse des échanges s’est accélérée avec la technologie. Les transactions à haute fréquence (HFT, High-frequency trading) reposent sur la latence et la visibilité. La latence, c’est-à-dire la rapidité d’échange où des millions peuvent s’échanger en quelques millisecondes et la visibilité (sauf pour les non-initiés), c’est-à-dire le fait que les échanges sont visibles de tous les participants, instantanément. Les échanges reposent sur des algorithmes capables de calculer des variations éclair et de masquer les mouvements de fonds. Les échanges sont plus opaques que jamais : ils s’imposent sur des forums privés, les « dark pools » (en 2015, la SEC, l’organisme américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, estimait que les échanges privés représentaient 1/5e du total des échanges)… Les échanges financiers ont été rendus obscurs et plus inégaux que jamais, rappelle Bridle.
  • Pour Bridle, l’une des clefs qui expliquent que les inégalités se renforcent avec la technologie est intrinsèquement liée à l’opacité des systèmes. Comme les robots des entrepôts d’Amazon et ses employés commandés par des commandes vocales émanant de robots, nous sommes en train d’arranger le monde pour rendre les machines toujours plus efficaces, quitte à ce que le monde devienne incompréhensible et inadapté aux humains. Les travailleurs deviennent le carburant des algorithmes, utiles seulement pour leurs capacités à se déplacer et à suivre des ordres. Pour Bridle, les startups et les Gafam signent le retour des barons voleurs, ces tyrans industriels du XIXe siècle. La technologie est venue couvrir d’un voile d’opacité la prédation : l’avidité s’est habillée de la logique inhumaine des machines. Amazon ou Uber cachent derrière des pixels lumineux un système d’exploitation sans faille
  • Pour la sociologue Deborah Cowen (@debcowen), nous sommes entrés dans la tyrannie de la techne explique-t-elle dans The Deadly Life of Logistics (2014) : l’efficacité est devenu primordiale sur tous les autres objectifs, sur toutes les autres valeurs
  • Autre exemple avec How-Old.net un outil de reconnaissance faciale qui tente de prédire l’âge d’une personne, et qui a été utilisée pour deviner l’âge de migrants arrivants au Royaume-Uni. Microsoft, qui a développé cette application, s’est défendu et a dénoncé cette utilisation… comme les 2 chercheurs chinois. Ceux-ci expliquaient néanmoins dans leur défense que leur système était « sans préjugé » (sic). Comme souvent, on nous explique que la technologie, et plus encore l’apprentissage automatisé, est neutre. Mais « la technologie n’émerge pas de nulle part. Elle est toujours la réification de croyances et de désirs, notamment de ses créateurs. Leurs biais sont encodés dans les machines et les bases de données ou les images que nous prenons du monde. »
  • Pour Bridle, le problème n’est pas tant que les machines puissent réécrire la réalité, mais que la réalité, le passé comme le futur, ne puissent plus être correctement racontés. DeepDream de Google illustre parfaitement cela. L’enjeu n’est pas pour nous de comprendre ce qu’est l’image, mais de nous demander ce que le réseau de neurones veut y voir ?
  • Pour Bridle, nous devrions ajouter une 4e loi aux trois lois de la robotique d’Asimov. Les machines intelligentes devraient être capables de s’expliquer aux humains. Ce devrait être une loi première, car éthique. Mais le fait que ce garde-fou ait déjà été brisé laisse peu d’espoir quant au fait que les autres règles le soient à leur tour. « Nous allons devoir affronter un monde où nous ne comprendrons plus nos propres créations et le résultat d’une telle opacité sera toujours et inévitablement violent ».
  • Pour Bridle, l’alliance entre l’humain et la machine peut encore fonctionner, comme l’a montré Garry Kasparov avec les échecs avancés, consistant à ce qu’une IA et qu’un humain jouent ensemble plutôt qu’ils ne s’affrontent. C’est dans la perspective d’associer les talents des humains et des machines, d’associer leurs différences d’une manière coopérative plutôt que compétitive que nous parviendrons à réduire l’opacité computationnelle. La perspective que l’intelligence des machines nous dépasse dans nombre de disciplines est une perspective destructrice. Nous devons trouver la voie d’une éthique de la coopération avec les machines, plutôt qu’un affrontement.
  • Bridle s’en prend également longuement à la surveillance et notamment à la surveillance d’Etat pour souligner combien elle nous est masquée et continue à l’être, malgré les révélations d’Edward Snowden. Vous pouvez lire n’importe quel e-mail dans le monde d’une personne dont vous avez l’adresse. Vous pouvez regarder le trafic de tout site web. Vous pouvez suivre les mouvements de tout ordinateur portable à travers le monde. Pour Bridle, cela nous a montré qu’il n’y a pas de restriction possible à la capacité de surveillance du réseau. L’échelle et la taille de la surveillance a excédé ce que nous pensions comme étant techniquement possible.
  • En opposition au secret, nous demandons de la transparence, mais elle n’est peut-être pas le bon levier. La NSA et Wikileaks partagent la même vision du monde avec des finalités différentes, rappelle Bridle. Les deux pensent qu’il y a des secrets au coeur du monde qui, s’ils étaient connus, pourraient rendre le monde meilleur. Wikileaks veut la transparence pour tous. La NSA veut la transparence pour elle. Les deux fonctionnent sur une même vision du monde. Wikileaks ne voulait pas devenir le miroir de la NSA, mais voulait briser la machine de surveillance. En 2006, Assange a écrit « Conspiracy as Governance » (.pdf). Pour lui, tout système autoritaire repose sur des conspirations, car leur pouvoir repose sur le secret. Les leaks minent leur pouvoir, pas par ce qui fuite, mais parce que la peur et la paranoïa dégradent la capacité du système autoritaire à conspirer. Mais les fuites de données ne suffisent pas à remettre en cause ou à abattre l’autorité. Les révélations ne font pas bouger l’opinion, sinon, nous aurions réagi bien avant les révélations de Snowden. Tant que les organisations de surveillance ne changent pas de l’intérieur, ceux qui sont en dehors de ces organisations, comme les lanceurs d’alertes, n’ont pas de capacité d’action. Ils attendent que des fonctionnaires ou que la justice confirment ce qu’ils avancent.
  • Mais la lumière du calcul nous dépossède de pouvoir, car elle nous fait crouler sous l’information et nous donne un faux sens de la sécurité. C’est là encore une conséquence de la pensée computationnelle. « Notre vision est devenue universelle, mais notre capacité d’action, elle, s’est réduite plus que jamais. » A l’image du réchauffement climatique, à nouveau, « nous savons de plus en plus de choses sur le monde, mais nous sommes de moins en moins capable d’agir sur lui ». Au final, nous nous sentons plus démunis que jamais. Plutôt que de reconsidérer nos hypothèses, nous nous enfonçons dans la paranoïa et la désintégration sociale.
  • Le monde est devenu trop complexe pour des histoires simples. En fait, « la démultiplication de l’information ne produit pas plus de clarté, mais plus de confusion ». L’un des symptômes de la paranoïa consiste à croire que quelqu’un vous surveille. Mais cette croyance est désormais devenue raisonnable, s’amuse Bridle en évoquant la surveillance d’Etat comme la surveillance des services numériques. Nous sommes entièrement sous contrôle, tant et si bien qu’on peut se demander qui est paranoïaque désormais ?
  • « Les théories conspirationnistes sont le dernier ressort des sans pouvoirs, imaginant ce que serait que d’être puissant », avance Bridle. Pour le spécialiste de la postmodernité, Frederic Jameson, les théories conspirationnistes sont « la cartographie cognitive des plus démunis dans un âge postmoderne ». C’est la figure dégradée de la logique par ceux qui ont le moins de capital culturel, une tentative désespérée de se représenter un système qu’ils ne comprennent pas. Encerclé par l’évidence de la complexité, l’individu a recours à un récit simpliste pour tenter de regagner un peu de contrôle sur la situation. À mesure que la technologie augmente et accélère le monde, celui-ci devient plus complexe. Les théories conspirationnistes deviennent alors des réponses, étranges, intriquées et violentes, pour s’en accommoder.
  • Ainsi, si vous cherchez de l’information sur les vaccins, vous tomberez invariablement sur de l’information contre les vaccins. Si vous cherchez de l’information sur la rotondité de la terre, vous tomberez inexorablement sur ceux qui pensent qu’elle est plate. Ces opinions divergentes semblent devenir la majorité tant elles sont exprimées et répétées avec force. « Ce qui se passe quand vous désirez en savoir de plus en plus sur le monde entre en collision avec un système qui va continuer à assortir ses réponses à n’importe quelle question, sans résolution ». Vous trouverez toujours quelqu’un pour rejoindre vos points de vue. Et toujours un flux pour les valider. Voici l’âge de la radicalisation algorithmique (à l’image de ce que disait Zeynep Tufekci de YouTube). Les théories conspirationnistes sont devenues la narration dominante. Elles expliquent tout. Dans la zone grise des connaissances, tout prend un sens.
  • Les failles des algorithmes sont les dernières failles du capitalisme où certains s’infiltrent non pas pour le renverser, mais pour tenter de gratter un peu d’argent que les plus gros systèmes s’accaparent. Au final, des vidéos automatisées finissent par être vues par des enfants. Leurs personnages préférés y font n’importe quoi, parfois suggèrent des scènes de meurtre ou de viols. Ces effets de réseaux causent des problèmes réels. Les algorithmes de YouTube ont besoin d’exploitation pour produire leurs revenus. Derrière leurs aspects séduisants, ils encodent les pires aspects du marché, notamment l’avidité. « La capacité à exploiter l’autre est encodée dans les systèmes que nous construisons », pointe très justement James Bridle, puisque leur efficacité repose sur leur capacité à extraire de l’argent de nos comportements.
  • À défaut d’une solution, Google annonçait en avril que l’application YouTube Kids allait devenir « non-algorithmique »… À croire, comme le pointait très justement le chercheur Olivier Ertzscheid, que l’algorithimsation n’est pas une solution sans limites.
  • Pour Bridle, les humains sont dégradés des deux côtés de l’équation : à la fois dans l’exploitation qui est faite de leur attention et à la fois dans l’exploitation de leur travail. Ces nouvelles formes de violence sont inhérentes aux systèmes numériques et à leur motivation capitaliste. Le système favorise l’abus et ceux qui le produisent sont complices, accuse-t-il. L’architecture qu’ils ont construite pour extraire le maximum de revenus des vidéos en ligne a été hackée par d’autres systèmes pour abuser d’enfants à une échelle massive. Les propriétaires de ces plateformes ont une responsabilité forte dans l’exploitation qu’ils ont mise en place. « C’est profondément un âge sombre quand les structures qu’on a construites pour étendre la sphère de communications sont utilisées contre nous d’une manière systématique et automatique. »
  • Pour Bridle, les fausses nouvelles ne sont pas le produit de l’internet. Elles sont le produit de la cupidité et de la démocratisation de la propagande où tout a chacun peut devenir un propagandiste. Elles sont un amplificateur de la division qui existe déjà dans la société, comme les sites conspirationnistes amplifient la schizophrénie.
  • Mais ce qu’il y a de commun avec le Brexit, les élections américaines ou les profondeurs de YouTube, c’est que malgré tous les soupçons, il reste impossible de savoir qui fait ça, qu’elles sont leurs motivations, leurs intentions. On peut regarder sans fin ces flux vidéos, on peut parcourir sans fin les murs de mises à jour de statuts ou de tweets… cela ne permet pas de discerner clairement ce qui est généré algorithmiquement ou ce qui est construit délibérément et soigneusement pour générer des revenus publicitaires. On ne peut pas discerner clairement la fiction paranoïaque, l’action d’États, la propagande du spam… Ces confusions servent les manipulateurs quels qu’ils soient bien sûr, mais cela les dépasse aussi. C’est la manière dont le monde est. Personne ne semble réellement décider de son évolution… « Personne ne veut d’un âge sombre, mais nous le construisons quand même et nous allons devoir y vivre. »
  • Exploiter plus de données pour construire de meilleurs systèmes est une erreur. Cette méthode ne parviendra pas à prendre en compte la complexité humaine ni à la résoudre. Le développement de l’information n’a pas conduit à une meilleure compréhension du monde, mais au développement de points de vue alternatifs et concurrents. Nous devons changer nos façons de penser comme nous y invitait Lovecraft. Nous ne survivrons pas plus à l’information brute qu’à la bombe atomique. Le nouvel âge sombre est un lieu où le futur devient radicalement incertain et où le passé devient irrévocablement contesté. Mais c’est le présent dans lequel nous devons vivre et penser. Nous ne sommes pas sans pouvoir ni capacités. Mais pour cela nous devons nous défaire des promesses illusoires de la pensée computationnelle. Penser le monde autre, c’est ce à quoi nous invite James Bridle dans le nouvel âge sombre.
  • Reste à savoir si cet âge sombre des technologies est vraiment notre avenir. L’âge sombre du Moyen Âge n’a jamais vraiment existé ailleurs que dans les lacunes des historiens. On peut douter également de cette nouvelle obscurité ou regretter le titre faussement prophétique. Reste que la complexité et l’intrication du monde que décrit James Bridle, montrent combien il nous faut, plus que jamais, nous défaire justement d’une vision simple et manichéenne de la technologie.
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    "Ce New Dark Age porte un titre prophétique et apocalyptique. Un peu trop peut-être. C'est effectivement un livre très critique sur notre rapport à la technologie, très éloigné du rapport souvent curieux et amusé que Bridle portait aux technologies avec la nouvelle esthétique. En une dizaine de chapitres, Bridle explore les glitchs qui sont désormais devenus des schismes, des scissions, des ruptures… comme s'ils n'étaient plus aussi distrayants. Dans son livre, il montre combien les bugs se cristallisent en caractéristiques. Combien la complexité technique que nous avons construite s'entremêle pour produire des effets en réseau, complexes, profonds, intriqués que nous ne parvenons plus vraiment à démêler. Son constat principal consiste à dire que ces dysfonctionnements ne sont pas amenés à être corrigés. Ils sont au contraire intrinsèques à la nature même des technologies qui se déploient aujourd'hui. Contrairement à ce que nous annonçaient les pionniers et les prophètes des technologies, pour Bridle, la technologie n'annonce pas de nouvelles Lumières ou une Renaissance, mais, comme Jules Michelet parlait du Moyen Âge, un âge sombre, une ère d'obscurité pour ne pas dire d'obscurantisme. Ni les réseaux sociaux, ni l'intelligence artificielle, ni les systèmes techniques ne vont nous aider à faire monde commun. Au contraire."
Aurialie Jublin

Le Bitcoin va-t-il détruire la planète ? Contre point - LinuxFr.org - 0 views

  • « Si le Bitcoin consomme autant d’électricité que le Maroc, c’est une catastrophe, non ? » Actuellement le Bitcoin consommerait autant d’électricité que le Maroc. En fait, si on ne peut pas parler de catastrophe écologique c’est tout simplement parce que ce mot est plutôt employé pour une pollution flagrante (genre marée noire ou autre pollution chimique). Mais le fait est que le bitcoin consomme tous les jours et tous les jours un peu plus, la facture énergétique s’allonge et s'accroît ; c’est comme fumer : ça détruit un peu tous les jours les poumons et on ne parle de catastrophe que lorsque le cancer est là. Le Bitcoin seul ne crée pas le réchauffement climatique, mais il fait partie des nombreux systèmes qui tendent à l’aggraver. Donc : Si le Bitcoin consomme autant d’électricité que le Maroc, ce n’est pas une catastrophe mais ça n’est clairement pas bon du tout. Pour simplifier je vais diviser les erreurs de raisonnement en quatre parties : La fausse simplification consommation continue et gaspillée n’équivaut pas à pollution On ne compare que ce qui est comparable Oui, l’énergie du Bitcoin est gaspillée Les 2 phases d’optimisation en ingénierie
  • « …parfois l’électricité est là et inutilisée. C’est le cas des panneaux solaires, des barrages hydro-électriques ou des centrales nucléaires qui produisent de l’électricité, quoi qu’il arrive. On ne peut pas faire ON/OFF. Et l’électricité est pour le moment difficilement transportable. » 2 divisions par 0 et un verre de vin : Une plutôt évidente : “les panneaux solaires qui produisent de l’électricité quoi qu’il arrive” … sauf quand il fait nuit, quand la météo n’est pas clémente ou quand ils sont sales. L’autre division par 0 : “l’électricité est pour le moment difficilement transportable”. Difficilement par rapport à quoi ? Car en fait c’est sûrement la source d’énergie la plus transportable qui soit. D’ailleurs les pays européens sont interconnectés entre eux et s’échangent de l’électricité (bien plus rapidement qu’une transaction Bitcoin
  • Et même s’il est possible actuellement de perdre de l’énergie verte (en 2017 la Californie a perdu 300 000 MW faute d’utilisation). Cela démontre juste l’immaturité des réseaux électriques intelligents (smart grid).
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  • “Les comparaisons que j’ai vues sont toutes plus absurdes les unes que les autres”, celle-ci en est un parfait exemple. Reprenons: qu’est ce que Bitcoin : Un système d’échange de valeurs. Ok, donc utiliser Bitcoin c’est comme payer avec sa carte bleue : le système a le même but. Donc ici, on essaye de nous faire avaler que 30 millions de personnes qui ne font que payer régulièrement avec leur carte bleue c’est pareil que 33 millions qui, en plus eux aussi, d’utiliser une carte bleue de temps en temps, se déplacent, s’éclairent, utilisent leurs ordinateurs, leurs machines, rechargent leurs téléphones, ont une climatisation, font fonctionner leurs entreprises … etc, bref 33 millions de personnes qui vivent. Non ce n’est pas du tout comparable : le fait que 30 millions d’utilisateurs de Bitcoin consomment autant que 33 millions de marocains démontre l’inefficacité énergétique extrême du Bitcoin.
  • « Surprise, le Bitcoin consomme à peine plus que la production des pièces de monnaies et des billets de banque ! Or, rappelons que les pièces et billets ne représentent que 8% de la masse monétaire totale et plus spécifiquement 6,2% pour la zone euro. » Effectivement je suis surpris ! Car je n’ai pas du tout les mêmes chiffres pour la production de monnaie. Mais j’ai l’impression que Ploum a intégré l’extraction de l’or dans le coût de production de monnaie ce qui est faux depuis de nombreuses années (j’y reviens juste après) Pour le coût de la monnaie fiduciaire je vais citer Emmanuelle Assouan, de la Banque de France :« le coût de fabrication d'un billet se situe entre 5 et 10 centimes d'euro. Une validation d'une transaction bitcoin c'est 215 kilowatts-heure… » 6.6. « Or, outre la consommation énergétique, l’extraction de l’or est extrêmement contaminante (notamment en termes de métaux lourds comme le mercure). » Donc l’excuse c’est “lui il pollue plus que moi, donc je peux polluer aussi”. C’est la défense Chewbacca !
  • 6.10. « Sans compter que nous n’en sommes qu’au début ! Bitcoin a le potentiel pour devenir une véritable plateforme décentralisée qui pourrait remplacer complètement le web tel que nous le connaissons et modifier nos interactions sociales et politiques : votes, communications, échanges sans possibilité de contrôle d’une autorité centralisée. » L’inefficience de Bitcoin a une conséquence lourde en plus de polluer : il ne scale pas (c’est à dire : très mauvaise montée en échelle). Il plafonne à 7 transactions par seconde, ce qui à l’échelle de la planète : 7 milliards d’utilisateurs potentiels, est vraiment … minable (presque sans mauvais jeux de mot). Pour comparer : VISA effectue en moyenne plus de 1600 transactions par seconde et des pics bien plus importants sont absorbés sans problème. Donc, non, sans résoudre le problème d’efficience, Bitcoin ne peut pas faire plus que ce qu’il fait aujourd’hui, c’est à dire finalement ne servir qu’à très peu d’utilisateurs.
  • Ploum ne parle que de la “Proof Of Work” comme concept de sécurisation. C’est pourtant une partie du système particulièrement inélégante qui devrait être remplacée par quelque chose de moins énergivore. Ethereum veut passer à la “Proof Of Stake” (preuve d’enjeux, moins énergivore) par exemple. Gridcoin remplace la “Proof Of Work” par des calculs utiles à l’humanité Duniter applique un handicap aux utilisateurs ayant trop de puissance de calcul ce qui évite la course à la puissance polluante. Bref, la consommation énergétique outrancière de Bitcoin n’est pas une fatalité pour les crypto monnaies.
  • Une image plus juste : le Bitcoin est actuellement comme un tracteur auquel on ajouterait des chariots, plus on lui ajoute de chariots, plus il crache de la fumée noire en faisant un boucan d'enfer et plus sa vitesse diminue … même si sa vitesse n’atteint jamais 0 km/h. A partir d’un certain nombre de chariots sa vitesse est tellement basse qu’il en devient inutilisable. Ici les chariots sont les utilisateurs et la vitesse représente les frais et la rapidité/lenteur des transactions. Ploum voudrait nous dire que ce tracteur rejette une fumée noire qui est une merveille d’écologie et que ce tracteur peut prendre l’autoroute sans rien y changer. Mais que c’est l’autoroute et notre perception de la vitesse qu’il faudrait adapter au système …
  • Je vous prie de croire que je n’ai aucune raison particulière de défendre les banques ou les états. Un système d’échange décentralisé est une bonne chose, mais pour moi laisser une planète dans le meilleur état possible à mes enfants est bien plus important.
  •  
    "Cet article est une réponse à celui de Ploum visible ici et ici. D'ordinaire j'aime bien les articles de Ploum, sa plume est plaisante et son analyse me paraît souvent juste; mais dans son article sur la consommation énergétique du Bitcoin, Ploum use de contre-vérités, de raccourcis et de métaphores inadaptées pour arriver à ses fins. Je vais m'attacher à démontrer qu'avec un minimum de connaissances des problèmes d'un réseau électrique, de la consommation d'énergie et de rendement il est impossible de considérer ce gaspillage d'énergie comme négligeable. Je reviendrai sur le pourquoi il est urgent d'être efficient dans tous les domaines. C'est-à-dire qu'il ne suffit pas "d'utiliser de l'énergie verte puis c'est tout", une telle affirmation relève d'une ignorance des problèmes liés à la transition énergétique."
Aurialie Jublin

CHATONS, le collectif anti-GAFAM ? - Framablog - 0 views

  • Pour faire court, CHATONS serait un peu aux services libres ce que la Fédération FDN est aux fournisseurs d’accès internet libres : un moyen de rassembler, de mutualiser, de décentraliser, de donner de la visibilité, de fédérer autour de valeurs communes, de faciliter l’essaimage, mais sans pour autant centraliser, rigidifier, contrôler ces structures.
  • Framasoft ne couvre pas l’ensemble des besoins, et ne propose aucune garantie de disponibilités dans ses Conditions Générales d’Utilisation. Il serait donc utile de répartir la charge et les services sur différentes organisations, non seulement pour éviter les silos de données, mais aussi pour s’assurer de ne laisser aucun utilisateur dans l’impasse. L’un des objectifs serait de mettre en réseau les différentes organisations volontaires, afin qu’elles puissent proposer des services complémentaires (voir redondants) aux utilisateurs.
  • Pas encore, mais il est certain qu’Internet, tel que nous le connaissons, est en train de changer. Et pas forcément dans le bon sens. Les attaques contre la neutralité du net se multiplient (malgré quelques victoires). Google et Apple sont aujourd’hui les deux plus grosses capitalisation boursières mondiales, tous secteurs confondus. La valeur de leurs actions équivaut aux PIB d’États « riches » comme l’Argentine, la Belgique ou la Suède. La trésorerie des GAFAM leur permettent de faire un lobbying à une échelle jamais connue auparavant, leur assurant à terme d’avoir des lois, des réglementations, qui joueront en leur faveur. Cette puissance financière leur permet de racheter n’importe quelle start-up de la planète, leur confiant la maîtrise des innovations. La loi de Moore permet d’envisager des collectes, agrégation et analyse de données toujours plus importantes. L’internet des objets va accélérer ce mouvement et lui donner une ampleur nouvelle en « sortant » les pratiques de surveillance des périphériques habituels. Ces pratiques de surveillance sont adossées à des lois publiées en procédure accélérée, sans recul sur leur efficacité.
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  • Si nous voulons une économie qui soit aussi sociale et solidaire, il va nous falloir un internet qui soit aussi social et solidaire. Et cela passera entre autre par une diversité d’acteurs indépendants proposant des services web libres, éthiques et respectueux de vos données, décentralisés et solidaires.
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    "Suite à la mise en place de la campagne Dégooglisons Internet, Framasoft souhaite impulser la création d'un Collectif d'Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires (C.H.A.T.O.N.S. ! :-P ). Ce collectif rassemblerait les organisations souhaitant proposer des services alternatifs à ceux de GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), respectueux de la vie privée des utilisateurs."
Aurialie Jublin

dWeb : vers un web (à nouveau) décentralisé ? | InternetActu.net - 0 views

  • Les partisans du web décentralisé, explique Corbyn, souhaitent promouvoir et développer un web qui ne dépendrait plus des grandes entreprises qui amassent nos données pour en tirer profit. Pour ses promoteurs (parmi lesquels on trouve Tim Berners-Lee, Brewster Kahle ou Ted Nelson…), l’enjeu est de revenir à un web originel, avant qu’il ne soit perverti par les grandes plateformes qui ont émergé avec le web 2.0. Redistribuer le web afin que les utilisateurs gardent le contrôle de leurs données, interagissent et échangent des messages directement avec les autres membres du réseau sans passer par des services centralisés : tel est l’enjeu du dWeb.
  • Dans une série de billets un peu techniques présentant des applications concrètes de ce nouveau web décentralisé, on découvre plusieurs solutions émergentes comme Scuttlebutt, un réseau social décentralisé qui repose sur un protocole chiffré qui permet de stocker ses messages en local afin de les partager avec d’autres utilisateurs en pair à pair ; WebTorrent, un lecteur de torrent qui fonctionne dans le navigateur ; ou encore IPFS, un protocole pour remplacer le protocole HTTP du web…
  • Si ce web décentralisé est encore balbutiant, ce mouvement a été largement renouvelé par le développement des protocoles blockchain. De nouvelles applications sont apparues, comme Stealthy (un système de messagerie instantanée décentralisée), OpenBazaar (une place de marché décentralisée), GraphiteDocs (une alternative à Google Doc), Textile (une alternative à Instagram), Matrix (une alternative à Slack), DTube (une alternative à YouTube)… On y trouve aussi bien sûr les alternatives décentralisées aux réseaux sociaux que sont Akasha et Diaspora… Et même un navigateur pour explorer le web en pair à pair : Beaker Browser basé sur le protocole dat (voire les explications).
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  • Cet espace ressemble plutôt à une niche de geeks, à l’image des vidéos que l’on trouve sur DTube. La contestation de la centralisation ne suffira pas à faire décoller ce nouvel attrait pour la décentralisation, pointait-il avec pertinence.
  • Dans cet essai, intitulé « Information Civics » (qu’on pourrait traduire par la citoyenneté de l’information ou par l’éducation civique des réseaux), Frazee invite à reprendre le pouvoir sur les grands réseaux sociaux. Il rappelle combien nous sommes déconnectés de la gouvernance des grandes plateformes et que cette déconnexion est ce qui motive la réponse proposée par la décentralisation.
  • Paul Frazee rappelle néanmoins que toute décentralisation n’est pas démocratique pour autant. Il égratigne notamment la gouvernance de Bitcoin qui est plus ploutocratique qu’autre chose, donnant le pouvoir à ceux qui ont le plus de capital. Etherum a provoqué la colère de nombre de ses membres lorsque l’état du registre a été modifié pour contrer un piratage. Pour Frazee, cet exemple est également la preuve que des autorités existent en dehors du code du protocole. « Ces controverses montrent que nous pourrions avoir une vision incomplète de la gouvernance et de l’autorité ».
  • Peut-on considérer la décentralisation comme étant simplement une élimination de toute autorité ? Si c’était le cas, nous n’aurions pas à discuter d’éducation civique aux réseaux, estime-t-il. Pour lui, la décentralisation ne peut pas seulement reposer sur la maximalisation de la répartition du pouvoir, au risque de donner plus de pouvoir à certains qu’à d’autres.
  • Dans les applications centralisées comme Facebook ou Google, toute autorité est confiée au serveur. Pour Frazee, ils sont par essence des services autoritaires. Les utilisateurs n’ont aucun mécanisme à leur disposition pour contraindre ou ignorer les décisions du serveur. Aucune loi ne restreint la puissance du serveur. Dire qu’ils sont autoritaires n’est pas les dénigrer, c’est décrire leur conception politique. Cet autoritarisme est particulièrement saillant lors de controverses, comme lors de mécontentement des utilisateurs dû à des changements d’interfaces, lors de colères contre les politiques de modération, la conception d’algorithmes, le placement publicitaire ou l’utilisation des données personnelles des utilisateurs… Mais au-delà de leur indignation, les utilisateurs n’ont aucun pouvoir sur ces politiques autoritaires, qui, si elles apportent du confort, apportent aussi leur lot d’anxiété quant à la manipulation, la surveillance ou la censure. Dans ce système politique, pour l’utilisateur, se révolter consiste à changer de service, bien souvent au détriment de leurs données – perdues -, ce qui ne laisse en fait pas beaucoup de place à la révolte. En passant d’un service à un autre, « les utilisateurs ne trouvent aucune libération politique ».
  • Proposer des alternatives nécessite donc de distribuer l’autorité, à l’image des services P2P, des services d’adressage chiffrés, des blockchains… Chacune de ces méthodes n’empêche pas l’utilisation de serveurs centraux ni la formation d’autorités, mais vise à les réduire. Proposer de nouvelles applications nécessite également de nouveaux protocoles qui sont plus lents à changer et à se déployer. Mais au-delà des défis techniques et sociaux liés à la mise en application, il existe des défis politiques liés à trouver des accords sur ces nouvelles normes tout comme à trouver des processus de partage de pouvoir qui ne provoquent pas de dysfonctionnements.
  • Pour y remédier, Frazee propose de s’appuyer sur des « protocoles de réseaux constitutionnels », c’est-à-dire des protocoles qui appliquent automatiquement le code, comme dans les contrats intelligents. Le code est alors une constitution parce qu’elle fournit les règles pour le fonctionnement de l’autorité et que les utilisateurs peuvent s’assurer à tout moment que la constitution est respectée. « Le constitutionnalisme de réseaux a pour effet de transférer l’autorité de l’opérateur au code » : elle assure du processus, décrit des autorités et limites leurs possibilités d’action.
  •  Je crois en l’engagement civique. Nous disposons d’outils puissants qui encodent des valeurs et des droits. Nous devons transformer les architectures de pouvoir qui sont les nôtres. »
  • Pour améliorer la structure civique du web – le rendre plus démocratique -, il faut donc rééquilibrer les droits. Peut-on permettre que les clients (c’est-à-dire les ordinateurs de chacun) aient plus de droits que les serveurs, qu’ils aient le droit de publier, le droit d’avoir une identité, le droit de déployer du code (pour décider de comment ils souhaitent que leurs applications fonctionnent) ? Seuls les réseaux pair-à-pair déploient des noeuds avec des droits égaux, rappelle-t-il. Cette question n’est pas qu’une question technique, estime Frazee, c’est une question démocratique, une question civique. Les techniciens n’ont pas à résoudre les problèmes pour les gens, mais à laisser les gens résoudre ces problèmes comme ils veulent.
  • En février, l’entrepreneur et investisseur Chris Dixon (@cdixon) était déjà revenu sur l’importance de la décentralisation. Il rappelait que le premier internet était basé sur des protocoles décentralisés, mais qu’il avait été dépassé dans les années 2000 par des services qui avaient supplanté les capacités des protocoles ouverts, comme ceux des majors du web. Pour lui aussi, la centralisation est l’une des causes des tensions sociales qui s’expriment aujourd’hui que ce soit la désinformation, la surveillance, les brèches de données… Pour autant, souligne-t-il, les réseaux décentralisés ne résoudront pas tous les problèmes.
  • Pour Primavera De Filippi (@yaoeo) – qui a publié avec Aaron Wright, Blockchain and the law ainsi qu’un Que-sais-Je ? sur ces sujets -, le web décentralisé pose également des défis juridiques et de gouvernance : qui est responsable des problèmes quand tout est décentralisé ?
  • Comme elle le souligne en conclusion de son livre, si ces systèmes promettent d’améliorer la société, ils pourraient également restreindre plus que renforcer l’autonomie et la liberté des individus. L’hypothèse qui veut que la règle du code soit supérieure à celle du droit n’est pas sans poser problème. Comme Lawrence Lessig l’a déjà dit : « Quand le gouvernement disparaît, ce n’est pas comme si le paradis allait prendre sa place. Quand les gouvernements sont partis, d’autres intérêts prendront leur place. » Pour Primavera de Filippi et Aaron Wright, le déploiement de systèmes autonomes régulés seulement par le code nous pose de nouveaux défis de responsabilité.
  • Comme le dit Yochai Benkler : «Il n’y a pas d’espace de liberté parfaite hors de toute contrainte ». Tout ce que nous pouvons faire est de choisir entre différents types de contraintes. (…) Les applications décentralisées basées sur une blockchain pourraient bien nous libérer de la tyrannie des intermédiaires centralisés et des autorités de confiance, mais cette libération pourrait se faire au prix d’une menace beaucoup plus grande encore : celle de la chute sous le joug de la tyrannie du code. »
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    "La journaliste Zoë Corbyn, pour le Guardian est revenue sur le Sommet pour un web décentralisé (vidéos), qui se tenait début août à San Francisco."
Aurialie Jublin

affordance.info: La libellule et la muraille (Google en Chine) - 0 views

  • Nous sommes à un moment de l'histoire des technologies de l'information et du numérique qui est assez comparable à l'état du monde en 1949 c'est à dire au moment où l'autre superpuissance de l'époque (l'union soviétique) se dota également de la bombe nucléaire (voir notamment ici ou là). Ce que je veux dire par là c'est que désormais, la totalité des plateformes existantes "à l'Ouest" dispose d'équivalents "à l'Est". Et le rapport au nucléaire n'est pas seulement analogique ou symbolique comme je l'écrivais par ici :  "Le numérique est une technologie littéralement nucléaire. Une technologie de noyau. Au "cœur" fissible d’un éventail de possibles aussi prometteurs qu’angoissants et pour certains, incontrôlables."   L'analogie est également (géo)politique. Toutes les grandes plateformes vont devoir faire le choix politique de savoir dans quelle mesure elles acceptent de se censurer et donc de collaborer avec des régimes autoritaires pour conquérir un marché. Et à l'échelle des enjeux que représentent à la fois les audiences qu'elles touchent déjà et celles qu'elles visent à conquérir, chacun de ces choix est un peu plus qu'un simple choix économique ou même moral.   
  • La vraie nouveauté c'est que ce projet à suscité la colère d'une partie des salariés de Google, qui à l'image de la victoire - je pense temporaire - qu'ils avaient remporté pour obliger leur employeur à se retirer du projet militaire Maven, espèrent cette fois faire suffisamment de bruit pour que ce projet de moteur censuré n'aille pas à son terme.  La crise éthique de certains anciens cadres des GAFA qui agissent comme autant de "repentis" pour les technologies qu'ils ont contribué à créer n'est plus simplement externe mais elle s'étend désormais à l'interne et touche aussi bien Google que Facebook, Microsoft, Amazon (à propos d'un programme de reconnaissance faciale) ou Twitter (à propos du refus de Jack Dorsey de fermer le compte d'un leader de l'Alt-right complotiste). 
  • S'agissant du contrôle linguistique il opère pour l'instant uniquement au travers des dispositifs et des plateformes agréées par le gouvernement chinois ou opérant sous son autorité directe. C'est le cas par exemple du moteur de recherche Baïdu. Comme d'autres, la Chine n'échappe pas à la multiplication des terminaux de connexion. Là où il y a quelques années il suffisait de surveiller l'ordinateur familial pour capter l'ensemble des pratiques connectées de 5 ou 6 personnes, il faut aujourd'hui étendre et démultiplier les moyens de surveillance sur chaque Smartphone ou tablette. Après la surveillance "de masse" c'est la surveillance "de chacun" qui prime. D'où d'ailleurs, le renforcement du contrôle "social" et du micro-ciblage comportemental qui devient le plus petit dénominateur commun efficient dans le cadre d'une volonté politique de contrôle de la population comme dans le cadre d'une volonté marketing d'expansion commerciale. Les deux aspects finissant d'ailleurs par se rejoindre, ce qui n'est pas le moindre des problèmes que nous avons aujourd'hui à résoudre, car pour citer encore Zeynep Tufekci :  "Nous créons une dystopie simplement pour pousser les gens à cliquer sur des publicités". Il me semble que nous sommes aujourd'hui à la phase d'après. Celle où les gens ont cliqué sur suffisamment de publicités et ont, ce faisant, accepté suffisamment de technologies de traçage actif ou passif pour que les conditions d'existence d'une forme de pouvoir autoritaire soient réunies et surtout pour qu'elle soient en passe d'être acceptées comme naturelles ou, pire, comme légitimes. 
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  • La question essentielle se déplace donc : il ne s'agit plus de savoir si nous acceptons ou si nous refusons ce traçage publicitaire (débat permis et en partie résolu par le RGPD) ; il s'agit de savoir si nous acceptons ou si nous refusons cette forme de néo-fascisme documentaire propre au totalitarisme littéral des plateformes et le cadre économico-politique qui est sa condition d'existence première. Les "repentis" de la Silicon Valley l'ont dénoncé de l'extérieur. Désormais les employés de ces firmes tentent de s'y opposer de l'intérieur. Il reste aux citoyens, c'est à dire à nous-mêmes, à terminer le boulot. Et ce ne sera pas facile. Car il nous faut retrouver l'envie de le faire. Or ...
  • Le même article - à lire dans la continuité des leçons que nous propose Zeynep Tufekci - rappelle qu'à rebours du postulat d'une inéluctable émancipation dont serait porteur le numérique et ses plateformes pour des populations sous le joug de régimes autoritaires, c'est l'inverse qui est en train de se produire : c'est le modèle chinois d'un internet censuré qui est en train de s'exporter dès aujourd'hui au Vietnam, en Tanzanie ou en Ethiopie, mais également sous un autre aspect en Australie où le réveil est déjà douloureux, et probablement demain dans l'ensemble de ces pays "émergents" et politiquement instables ou non-démocratiques, les mêmes que visent également les occidentaux GAFA pour aller y puiser leur prochain milliard d'utilisateurs. Et cette guerre là n'est pas que commerciale. Elle est avant tout culturelle. Et d'un cynisme est sans égal. Car lorsque toutes les ressources naturelles auront été épuisées, lorsque le dernier gisement du dernier minerai aura été extrait et raffiné, il restera encore à tous ces états la possibilité de vendre le visage de leurs citoyens. Ils n'ont d'ailleurs pas attendu.
  • Les intérêts des GAFA et des gouvernements disons, "autoritaires", sont donc aujourd'hui peu ou prou les mêmes. Ils cherchent à exporter un modèle d'affaire qui est le prétexte à une forme renouvelée de Soft Power qui fait du risque de dystopie et de la mise en oeuvre de son architecture de surveillance un simple dégât collatéral voire un biais nécessaire. Et leurs stratégies sont également semblables par bien des aspects : là encore elles visent une anecdotisation, une discrétisation des régimes de surveillance qui leur permettent de perpétuer et de légitimer leur modèle d'affaire. Quand aux questions d'éthique et aux scrupules, là encore ... on apprenait récemment que pour que Google cesse réellement de nous géolocaliser via notre smartphone, il ne suffisait pas simplement de lui dire de cesser de nous géolocaliser.
  • l'hystérisation récente autour du "fichage" supposé de milliers de Twittos en est un symptôme qui me semble aussi explicite que malheureux, et rappelle à quel point la question des "sans papiers" ou des furtifs échappant à l'hyper-surveillance des plateformes et des états est aujourd'hui plus que jamais politiquement centrale.
  • Souvenons-nous que le démantèlement ou la nationalisation desdites plateformes ont d'abord prêté à sourire avant de finalement être envisagées même si cela ne fut que d'un point de vue purement théorique.  Comme le rappelle encore Zeynep Tufekci :  "Pour comprendre pleinement ce qui se passe, nous avons aussi besoin d'étudier comment les dynamiques des sociétés humaines, la connectivité ubiquitaire, et le modèle d'affaire des géants du numérique se combinent pour créer des environnements dans lesquels la désinformation prospère et où même une information authentique et vérifiée peut nous paralyser et nous rendre confus plutôt que de nous informer et de nous éclairer."
  • Croire que les états n'ont pas à se mêler de la stratégie d'entreprises comme Google, Facebook ou Amazon au motif que nous ne serions, justement, pas en Chine ou dans un pays communiste est aujourd'hui le triple aveu d'un dépassement, d'une impuissance et d'une incapacité à penser ce qui se joue réellement à l'échelle politique.  Et en même temps ... imaginer que des états, que nos états actuels, gouvernés par des bouffons narcissiques de la finance ou par des clowns égocentriques ivres de leur nationalisme, imaginer que ces états puissent aujourd'hui se mêler du projet politique de ces mêmes firmes n'apparaît pas davantage comme une solution souhaitable. 
  • Le drame est que nous n'avons plus confiance ni dans les murailles ni dans les libellules. Et que cette érosion totale de la confiance à l'égard du politique et de la technique (numérique) s'ajoute à l'incapacité du premier à penser la seconde alors même que les infrastructures techniques du numérique n'ont de sens que si elles servent un projet politique. 
  • S'agissant du contrôle de la sphère sociale, on se réfèrera à la littérature pléthorique sur le "Social Credit Score" qui permet d'accorder à certains des droits refusés à d'autres en fonction de comportements sociaux mesurés et scrutés en permanence par le gouvernement (voir notamment sur Wired ou dans Wikipedia). 
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    "Au coeur de l'été. Une libellule. Et une muraille. "Libellule" (en anglais "Dragonfly") c'est le nom de code du projet de Google pour retourner implanter une version censurée de son moteur de recherche en Chine d'après les révélations de The Intercept. En Chine, d'où la "muraille" du titre de ce billet. "
Aurialie Jublin

De l'imbrication algorithmique | InternetActu.net - 0 views

  • Pour la programmeuse et essayiste Ellen Ullman, le problème est que la programmation est de plus en plus éloignée de la compréhension humaine du fait de l’intrication des programmes, algorithmes et données. Les gens pensent souvent que les algorithmes peuvent être modifiés, mais le plus souvent, ils s’exécutent et évoluent par eux-mêmes (cf. notre dossier, réinventer la programmation). Leurs concepteurs ne les contrôlent pas vraiment et ce d’autant plus qu’ils font appellent à des bases de données, à des bibliothèques de programmes distants, à d’autres algorithmes qui évoluent également.
  • Mais désormais, les algorithmes désignent des systèmes logiciels de prise de décision complexes, avec un nombre de règles et de critères volumineux, souvent interreliés et interdépendants. Or, ils nous ont été toujours présentés comme des promesses d’objectivité, d’où le fait qu’ils se soient étendus à nombre de décisions de la vie courante : octroi de prêts, de prestations, de places… Pourtant, ces décisions ne sont pas sans biais, du fait de la manière même dont ces relations sont conçues par les ingénieurs.
  • Le problème, c’est que quand l’algorithme apprend, nous ne savons plus quels sont les règles et les paramètres qu’il utilise puisqu’il les transforme. Ces algorithmes-là ne sont plus prévisibles et peuvent se mettre à produire des résultats erratiques. Pour Smith ce sont des « algorithmes Frankenstein », des machines qui créent leurs propres règles, comme ceux qui dominent désormais les marchés financiers via les transactions à haute fréquence. Pour Neil Johnson, physicien de la complexité à l’université George Washington, Facebook peut ainsi avoir des algorithmes simples pour reconnaître un visage dans une photo… Mais que se passe-t-il quand des milliers d’algorithmes travaillent ensemble sur des milliards de profils ? « Vous ne pouvez pas prédire le comportement global appris à partir de règles microscopiques ».
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  • Pour la mathématicienne Cathy O’Neil (@mathbabedotorg), dans l’environnement algorithmique complexe actuel, il est difficile de définir les responsabilités des différents segments de codes imbriqués les uns aux autres. Les Flash Crash, ces krachs financiers éclair, n’ont pas lieu que sur les marchés financiers. La tarification algorithmique d’Amazon s’emballe aussi parfois en faisant grimper le prix de livres à des hauteurs folles. Or, comprendre où se situe la responsabilité de ces emballements n’est pas si simple. « Comme dans la finance, le déni est intégré au système ».
  • Éviter les conflits de code sur des millions de lignes de code alimentés par des flux d’information constants est extrêmement difficile. Pour l’historien des sciences George Dyson, le problème est que nous construisons des systèmes qui vont au-delà de nos moyens intellectuels pour les contrôler. Or, nous pensons que si un système est déterministe (c’est-à-dire qu’il agit selon des règles fixes), alors il est prévisible et que s’il est prévisible alors il peut être contrôlé. Mais ces deux hypothèses sont fausses, estime Dyson. « La loi d’Ashby dit qu’un système de contrôle doit être aussi complexe que le système qu’il contrôle ». Mais cela se révèle difficile. Nous ne savons pas tester cette complexité de manière exhaustive.
  • Une étude sur les attaques par drones au Pakistan entre 2003 et 2013 a ainsi montré que 2 % des personnes tuées par drones étaient des cibles présentant une menace. 20 % étaient considérés comme des non-combattants… Et 75 % étaient des cibles… « non identifiés ». Pour elle, nous sommes face à une technologie d’identification très grossière. Dans ce contexte, la perspective du développement d’armes autonomes laisse plus que perplexe. Pour Lilly Irani (@gleemie) de l’université de Californie, les choix des concepteurs d’algorithmes nous sont trop souvent présentés comme objectifs quand ils cachent des enjeux politiques.
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    "On se souvient de la mort d'Elaine Herzberg, première humaine tuée par une voiture autonome en mars 2018 (voir l'enquête qu'en dressait l'écrivain Thierry Crouzet). Pour le Guardian, le journaliste Andrew Smith (@wiresmith) revient sur les hésitations de l'algorithme de la voiture à reconnaître ce qu'il se passait."
Aurialie Jublin

Le spectre du techno-populisme, par Evgeny Morozov (Les blogs du Diplo, 16 novembre 2018) - 0 views

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    En réalité, les sites comme Wikipedia ou Flickr comptaient relativement peu de contributeurs. Mais leur célébration universelle a retardé ou désamorcé les questions concernant le pouvoir des entreprises ou la longévité de l'utopie numérique naissante. Sans surprise, quelques années plus tard, cette utopie n'était plus : hyper-centralisé et dominé par une poignée de plateformes, le Web n'était plus que l'ombre de l'entité excentrique qu'il représentait auparavant. En 2018, l'utilisateur créatif tout-puissant de 2006 a fait place à un junkie zombifié accro à la mollette de défilement et au bouton « J'aime », emprisonné pour toujours dans les cages invisibles des courtiers en données. Ironiquement, ce noble effort pour élever tout le monde au rang d'intellectuels et de créatifs nous a assuré une présence éternelle dans les listes de Cambridge Analytica.
Aurialie Jublin

La directive Copyright n'est pas une défaite pour l'Internet Libre et Ouvert ... - 0 views

  • Trop souvent, nous avons concentré nos énergies sur des combats législatifs, hypnotisés par l’idée que le décompte des voix conduirait à une sorte « d’ordalie démocratique ». Cela nous a donné plusieurs fois l’illusion d’avoir remporté quelque chose, comme au moment du rejet de l’ACTA, alors que les racines du problème restaient intactes. Mais heureusement en sens inverse, si la victoire n’est jamais acquise en cas de succès législatif, il en est de même pour la défaite. Et rien ne serait plus faux que de penser que le vote de cette semaine sur la directive Copyright constitue la fin de l’histoire, sous prétexte que nous aurions encaissé là une défaite décisive !
  • Certes les articles 11 et 13 du texte, qui instaurent une obligation de filtrage automatisé des plateformes et une taxe sur les liens hypertextes au profit des éditeurs de presse, représentent des monstruosités contre lesquelles il était nécessaire de lutter. Mais il convient à présent d’apprécier exactement la portée de ces mesures, pour réadapter très rapidement notre stratégie en conséquence à partir d’une appréhension claire de la situation. Or cette « vision stratégique d’ensemble » est à mon sens précisément ce qui a manqué tout au long de cette campagne dans le camp des défenseurs des libertés numériques et il est inquiétant de constater que ces erreurs de jugement n’ont pas disparu maintenant que l’heure est venue d’analyser les conséquences du scrutin.
  • On a pu voir par exemple cette semaine l’eurodéputée du Parti Pirate Julia Reda expliquer sur son blog que ce vote constituait un « coup dur porté à l’internet libre et ouvert » (Today’s decision is a severe blow to the free and open internet). De son côté, Cory Doctorow a écrit un article sur le site de l’EFF, où il affirme que « l’Europe a perdu Internet » (Today, Europe lost the Internet). Sur Next INpact, Marc Rees déplore dans la même veine « une mise au pilori du Web tel que nous le connaissons, un affront à la liberté d’expression. » Ces appréciations font écho au mot d’ordre qui fut celui des défenseurs des libertés en campagne contre les articles 11 et 13 de la Directive : Save Your Internet (Sauvez votre Internet).
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  • Or lorsqu’on lit attentivement ces articles, tels qu’amendés par le vote des eurodéputés, on se rend compte qu’ils ne visent pas pas « l’Internet » ou « le Web » tout entier, mais seulement une catégorie d’acteurs déterminés, à savoir les plateformes centralisées à but lucratif. Ce n’est donc pas « l’Internet libre et ouvert » qui va être frappé par cette directive, mais plutôt exactement ce qui représente son antithèse ! A savoir cette couche d’intermédiaires profondément toxiques qui ont dénaturé au fil du temps les principes sur lesquels Internet et le Web s’appuyaient à l’origine pour nous faire basculer dans la « plateformisation ».
  • Or le grand mensonge sur lesquels s’appuient les GAFAM – principaux responsables de cette centralisation -, c’est de chercher à faire croire qu’ils représentent à eux-seuls l’Internet tout entier, comme si rien ne pouvait plus exister en dehors de leur emprise. En ce sens quand j’entends Cory Doctorow dire que nous « avons perdu Internet » à cause de mesures ciblant les acteurs centralisés lucratifs, je ne peux que frémir. Avec tout le respect que je peux avoir pour ce grand monsieur, ses propos paraissent avoir incorporé la prétention des GAFAM à recouvrir le web et c’est particulièrement grave. Car c’est précisément cela qui constituerait la défaite finale des défenseurs des libertés : se résigner à cet état de fait et ne pas agir sur les marges dont nous disposons encore pour briser cette hégémonie.
  • Sur Next INpact, Marc Rees identifie avec raison le changement le plus profond que ce texte va amener : il remet en question la distinction classique entre hébergeurs et éditeurs, issue de la directive eCommerce de 2000. Jusqu’à présent, les hébergeurs bénéficiaient d’une responsabilité atténuée vis-à-vis des actes commis par leurs utilisateurs. Au lieu de cela, la directive Copyright introduit une nouvelle catégorie d’intermédiaires dits « actifs » qui devront assumer la responsabilité des contenus qu’ils diffusent, même s’ils ne sont pas directement à l’origine de leur mise en ligne.
  • On voit que le « rôle actif » se déduit de trois éléments : la taille de l’acteur, son but lucratif et la hiérarchisation automatisée de contenus. Ce sont donc bien des plateformes centralisées lucratives, type Facebook ou YouTube, qui devront assumer cette nouvelle responsabilité. Pour y échapper, elles devront conclure des accords de licence pour rémunérer les ayant droits et, à défaut, déployer un filtrage automatisé des contenus a priori. En pratique, elles seront certainement toujours obligées de mettre en place un filtrage, car il est quasiment impossible d’obtenir une licence capable de couvrir l’intégralité des œuvres pouvant être postées.
  • La directive a par ailleurs pris le soin de préciser que les « prestataires sans finalité commerciale, comme les encyclopédies en ligne de type Wikipedia » ainsi que les « plateformes de développement de logiciels Open Source » seraient exclus du champ d’application de l’article 13, ce qui donne des garanties contre d’éventuels dommages collatéraux.
  • Marc Rees nous explique que cette évolution est dangereuse, parce que l’équilibre fixé par la directive eCommerce constituerait le « socle fondamental du respect de la liberté d’expression » sur Internet. Mais cette vision me paraît relever d’une conception purement « formelle » de la liberté d’expression. Peut-on encore dire que ce qui se passe sur Facebook ou YouTube relève de l’exercice de la liberté d’expression, alors que ces acteurs soumettent leurs utilisateurs à l’emprise d’une gouvernance algorithmique de plus en plus insupportable, que cible précisément la notion de « rôle actif » ?
  • Il est peut-être temps de tirer réellement les conséquences de la célèbre maxime « Code Is Law » de Lawrence Lessig : le droit n’est qu’une sorte de voile dans l’environnement numérique, car c’est le soubassement technique sur lequel s’appuie les usages qui conditionne réellement l’exercice des libertés. Quoi que dise la directive eCommerce, il n’y a quasiment plus rien qui relève de l’exercice de la liberté d’expression sur les plateformes centralisées lucratives, sinon une grotesque parodie qui salit le nom même de la liberté et nous en fait peu à peu perdre jusqu’au sens ! En le lisant « en creux », l’article 13 dessine au contraire l’espace sur Internet où la liberté d’expression peut encore réellement s’exercer : le réseau des sites personnels, celui des hébergeurs ne jouant pas un rôle actif et – plus important encore – les nouveaux services s’appuyant sur une fédération de serveurs, comme Mastodon ou Peertube.
  • Ce qui va se passer à présent avec l’obligation de filtrage automatisée, c’est que les grandes plateformes centralisées lucratives, type YouTube ou Facebook, vont sans doute devenir des espaces où les utilisateurs éprouveront le poids d’une répression « à la chinoise » avec la nécessité de se soumettre à un contrôle algorithmique avant même de pouvoir poster leurs contenus. Le contraste n’en sera que plus fort avec les espaces restant en dehors du périmètre de l’article 13, que les créateurs et leur public seront d’autant plus incités à rejoindre. Doit-on réellement le déplorer ?
  • On retrouve ici le problème de « l’agnosticisme économique » dont j’ai déjà parlé sur ce blog à propos du fonctionnement même des licences libres. En refusant de discriminer selon les types d’usages économiques, les défenseurs du Libre se sont en réalité privés de la possibilité de développer une réelle doctrine économique. C’est ce même aveuglement aux questions économiques qui conduit à des aberrations de positionnement comme celles que l’on a vu au cours de cette campagne contre la directive Copyright. Comment mobiliser autour du mot d’ordre « Save Your Internet », alors que cet « Internet » que l’on a voulu faire passer pour « le notre » comprend en réalité les principaux représentants du capitalisme de surveillance ? C’est le sens même de nos luttes qui disparaît si nous ne nous donnons pas les moyens d’opérer des distinctions claires parmi les acteurs économiques.
  • En juin dernier, c’est-à-dire avant même le premier vote sur la directive, La Quadrature du Net a commencé à développer ce type d’analyses, en suggérant de ne pas s’opposer à l’introduction du critère du « rôle actif » des plateformes pour au contraire le retourner comme une arme dans la lutte contre la centralisation
  • L’enjeu n’est pas de chercher – sans doute vainement – à supprimer l’article 13, mais de réussir à délimiter clairement son périmètre pour s’assurer qu’il ne s’appliquera qu’à des acteurs centralisés lucratifs procédant à une hiérarchisation des contenus. Manœuvrer ainsi ferait peser sur les GAFAM une charge écrasante, tout en préservant un espace pour développer un réseau d’acteurs éthiques non-centralisés et inscrits dans une logique d’économie solidaire. Il n’y a qu’au sein d’une telle sphère que l’on puisse encore espérer œuvrer pour un « Internet Libre et Ouvert ».
  • Il faut aussi sortir de l’urgence immédiate imposée par cette série de votes pour se replacer dans le temps long. De toutes façons, quelle que soit l’issue des dernières négociations, il restera encore plusieurs années (3, 4, peut-être plus ?) avant que la directive ne soit transposée dans les pays de l’Union. C’est un délai appréciable qui nous laisse encore le temps de travailler au développement de cette sphère d’acteurs alternatifs.
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    "Bien que la directive droit d'auteur soit le symptôme d'une soumission économique de nos industries aux géants du Web, elle crée néanmoins l'opportunité de remettre en cause ces géants, au profit de l'Internet décentralisé. C'est ce que nous rappelle Calimaq, membre de La Quadrature du Net, dans cette tribune - initialement publiée sur son blog."
Aurialie Jublin

[Écologie] Le monde du logiciel est en train de se détruire... Manifeste pour... - 0 views

  • Tout est lent, et cela ne va pas dans le bon sens. Certaines voix s’élèvent. Je vous invite notamment à lire “Le désenchantement du logiciel”. Tout est insupportablement lent, tout est ÉNORME, tout finit par devenir obsolète… La taille des sites web explose. Un site web est aussi gros que le jeu Doom. Le phénomène ne touche pas que le Web mais aussi l’IoT, le mobile… Le saviez-vous ? Il faut 13% de CPU pour faire clignoter un curseur…
  • Tout grossit : la taille des applications, les données stockées, la taille des pages web, la mémoire des téléphones… Les téléphones ont maintenant 2 Go de mémoire, échanger une photo de 10 Mo par mail est maintenant classique… À la limite, cela ne serait peut-être pas un problème si tous les logiciels étaient utilisés, efficaces et performants… Mais cela n’est pas le cas,
  • Alors tout le monde se cale sur une lenteur. Tout est uniformément lent. On se cale sur cela et tout va bien. Être performant aujourd’hui, c’est arriver à atteindre un ressenti utilisateur qui correspond à cette lenteur uniforme. On élague les choses qui pourraient être trop visibles. Une page qui met plus de 20 secondes à se charger, c’est trop lent. Par contre, 3 secondes c’est bien. 3 secondes ? Avec les multicoeurs de nos téléphones/PC et les data centers partout dans le monde, le tout relié par des supers technologies de communication (4G, fibre…),c’est un peu bizarre non ? Si on regarde la débauche de ressources pour le résultat obtenu, 3 secondes, c’est énorme. D’autant plus que les bits circulent dans nos processeurs avec des unités de temps du niveau de la nanoseconde. Donc oui, tout est uniformément lent.
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  • Il est nécessaire de revenir à plus d’efficience, de « challenger » les besoins en matériel, de redéfinir ce qu’est la performance. Tant que l’on se satisfera de cette lenteur uniforme avec des solutions pour ne pas ralentir plus (comme l’ajout de matériel), nous n’avancerons pas. La dette technique, notion largement assimilée par les équipes de développement, n’est malheureusement pas adaptée à ce problème (on y reviendra). Nous sommes sur une dette de ressources matérielles et de mauvaise adéquation entre le besoin utilisateur et la solution technique. On parle ici d’efficience et non pas uniquement de performance. L’efficience est une histoire de mesure du gaspillage. L’ISO définie l’efficience avec comme domaine : Time behaviour, Resource utilization et Capacity. Pourquoi ne pas pousser plus ces concepts ?
  • Développez du code Java pour un serveur J2EE ou pour un téléphone Android, ce n’est pas pareil. Des structures spécifiques existent par exemple pour traiter des données en Android mais les structures classiques sont toujours utilisées. Les développeurs ont perdu le lien avec le hardware. C’est malheureux car c’est passionnant (et utile) de savoir comment fonctionne un processeur. Pourquoi : abstraction et spécialisation (nous verrons cela plus loin). Car en perdant ce lien, on perd une des forces du développement. Ce lien est important chez les hackers ou chez les développeurs d’informatique embarquée mais malheureusement de moins en moins présent chez les autres développeurs.
  • Les pratiques devops pourraient répondre à cette perte de lien. Là, c’est pareil, nous n’allons pas jusqu’au au bout : généralement le devops va se focaliser à bien gérer le déploiement d’une solution logicielle sur une infrastructure mixte (matérielle et un peu logicielle). Il faudrait aller plus loin en remontant par exemple les métriques de consommation, en discutant sur les contraintes d’exécution… plutôt que de “scaler” juste parce que c’est plus simple.
  • Certaines technologies ont une utilité mais sont maintenant systématiquement utilisées. C’est le cas par exemple des ORM qui sont devenus systématiques. Aucune réflexion n’est faite sur son intérêt en début des projets. Résultat : on a rajouté une surcouche qui consomme, qu’il faut maintenir et des développeurs qui n’ont plus l’habitude d’effectuer des requêtes natives. Cela ne serait pas un problème si chaque développeur connaissait très bien le fonctionnement des couches d’abstraction : comment fonctionne HIBERNATE par exemple ? On s’appuie hélas de façon aveugle sur ces frameworks.
  • Le besoin d’abstraction est lié à un autre défaut: nous attendons toujours des outils miracles. La silver bullet qui améliorera encore plus nos pratiques. Le langage idéal, le framework pour aller plus vite, l’outil de gestion miracle des dépendances… C’est la promesse à chaque fois d’un nouveau framework : gagner du temps en développement, être plus performant… Et on y croit, on fonce. On abandonne les frameworks sur lesquels nous avions investi, sur lesquels on avait passé du temps… et on passe au nouveau. C’est le cas actuellement des frameworks JS. L’histoire du développement est pavé de framework oubliés, non maintenus, abandonnés… Nous sommes les champions pour réinventer ce qui existe déjà. Si on le gardait suffisamment longtemps, on aurait le temps de maîtriser un framework, de l’optimiser, de le comprendre. Mais ce n’est pas le cas. Et que l’on ne me dise pas que si on n’avait pas continuellement réinventé la roue, on aurait encore des roues en pierre… Innover serait d’améliorer les frameworks existants .
  • Sur les langages, c’est la même rengaine. Attention, je ne préconise pas de rester sur l’assembleur et sur le C… C’est le cas par exemple dans le monde Android, pendant plus de 10 ans les développeurs ont pu travailler sur des outils et des frameworks Java. Et comme cela, par magie, le nouveau Langage de la communauté est Kotlin. On imagine l’impact sur les applications existantes (si elles doivent changer), il faut recréer des outils, retrouver des bonnes pratiques… Pour quel gain?
  • Sincèrement, on ne voit aucun ralentissement sur les cycles de renouvellement des technologies. C’est toujours un rythme frénétique. Nous trouverons bien le Graal un jour. Le problème est ensuite l’empilement de ses technologies. Comme aucune ne meurt vraiment et que l’on en maintient toujours des parties, on développe d’autres couches pour s’adapter et continuer à maintenir ces bouts de code ou ces librairies. Le problèmen’est pas le code legacy,, c’est la glue que l’on développe autour qui pêche.
  • Au final, on passe du temps à résoudre des problèmes techniques internes, on recherche des outils pour résoudre les problèmes que l’on ajoute, on passe son temps à s’adapter à ses nouveaux outils, on ajoute des surcouches (voir chapitre précédent…) … et on n’a pas améliorer la qualité intrinsèque du logiciel ou les besoins auxquels on doit répondre.
  • Au final, le rythme frénétique des changements ne nous permet pas de nous stabiliser sur une technologie. J’avoue qu’en tant que vieux développeur que je suis, j’ai été découragé par le changement Java vers Kotlin pour Android. C’est peut-être pour certains de véritables challenges, mais quand je repense au temps que j’ai passé sur l’apprentissage, sur la mise en place d’outils
  • Ensuite, comme aucune solution ne meurt vraiment, que de nouvelles arrivent… on se retrouve avec des projets avec des multitudes de technologies à gérer avec les compétences associées aussi… On s’étonne ensuite que le marché du recrutement de développeur soit bouché. Pas étonnant.. Il y a énormément de développeurs mais il est difficile de trouver un développeur React avec 5 ans d’expérience qui connaîsse le Go. Le marché est fractionné, comme les technologies. C’est peut-être bon pour les développeurs car cela crée de la rareté et cela fait monter les prix, mais pas pour le projet !
  • Cependant, cet apprentissage continu des technologies pose le problème d’apprentissage de domaines transverses : accessibilité, agilité, performance… En effet, qu’est-ce qui nous prouve que les outils et les langages que nous allons choisir ne vont pas changer dans 4 ans ? Rust, Go… dans 2 ans ? Rien ne tend à donner une tendance.
  • On ne se remet pas en question car on veut s’amuser. Le fun est important, car si l’on s’ennuie dans son boulot, on va déprimer. Par contre, on ne peut pas, sous prétexte de vouloir du fun tout le temps, changer nos outils continuellement. Il y a un déséquilibre entre l’expérience du développeur et l’expérience de l’utilisateur. On veut du fun, mais qu’est-ce que cela va réellement apporter à l’utilisateur ? Un produit plus « joyeux » ? Non, nous ne sommes pas des acteurs.
  • On ne se pose pas de question sur l’éthique de notre domaine, sur sa durabilité… Cela vient peut-être du fait que notre domaine n’a pas réellement de code éthique (comme par exemple les médecins ou les avocats). Mais sommes-nous en tant que développeurs réellement libres si l’on ne peut pas avoir une autocritique ? Nous sommes peut être asservis à une cause portée par d’autres personnes ? Le problème n’est pas simple mais nous avons dans tous les cas une responsabilité. Sans code éthique, c’est le plus fort et le plus malhonnête qui est le plus fort. Le buzz et les pratiques pour manipuler les utilisateurs sont de plus en plus répandus. Sans Dark Pattern ton produit ne sera rien. Les plus gros (GAFA…) n’en sont pas arrivés là pour rien.
  • Est-ce que la solution est politique ? Il faut légiférer pour mieux gouverner le monde du logiciel. On le voit avec les dernières réponses législatives aux problèmes concrets : RGPD, notification des cookies… la source du problème n’est pas résolue. Peut-être parce que les politiques ne comprennent que très mal le monde du logiciel.
  • Car si cette structuration n’est pas faite, les développeurs vont perdre la main sur ce qu’ils font. Or le manque d’éthique de la profession est critiqué à l’extérieur. Rachel Coldicutt (@rachelcoldicutt) directrice de DotEveryOne, un think tank britannique qui promeut une technologie plus responsable, encourage à former des diplômés non-informaticiens qui traiteraient de ces problèmes (Voir plus précisément dans l’article d’Internet Actu). Pour poursuivre sur ce dernier article, cela serait dans la droite ligne de l’informatique, domaine issu du monde militaire où les ingénieurs et développeurs seraient formés à suivre des décisions et des commandements.
  • Le monde du logiciel s’intègre dans un système organisationnel classique. Grands groupes, sous-traitances via des ESN, web agencies… Tous suivent les mêmes techniques de gestion des projets informatiques. Et tout le monde va « dans le mur ». Aucune analyse sérieuse n’est faite sur le coût global d’un logiciel (TCO), sur son impact sur la société, sur son bénéfice, sa qualité… C’est la rapidité de release(Time to Market), la surcharge featurale (fonctionnelle), la productivité immédiate, qui comptent. Premièrement car les gens externes à ce monde ne connaissent que trop peu la technicité du logiciel et son monde. Il est virtuel donc simple (sic). Mais ce n’est pas le cas. Les écoles de commerce et autres usines de managers n’ont pas de cours de développement. Comment peuvent-ils bien diriger et piloter des projets ?
  • On continue a vouloir chiffrer des projets informatiques comme de simples projets alors que des mouvements comme le no estimate propose des approches innovantes. Les projets continuent d’échouer : le chaos report rapporte que simplement 30% des projets réussissent bien. Et face à cette mauvaise gouvernance, les équipes techniques continuent de se battre sur les technologies. Dommages collatéraux : la qualité, l’éthique, l’environnement… et au final l’utilisateur. Cela ne serait pas si critique si le logiciel n’avait pas un impact aussi fort sur le monde. Software eats the world… et oui, on le « bouffe »…
  • Si ces décisions absurdes arrivent, ce n’est pas uniquement la faute du développeur mais bien de l’organisation. Et qui dit organisation dit management (sous-différente forme). Si l’on revient au livre de Morel, il parle de piège cognitif dans lesquels les managers et les techniciens tombent souvent. C’est le cas de la navette Challenger qui a été quand même lancée malgré la connaissance du problème d’un joint défectueux. Les managers ont sous-évalué les risques et les ingénieurs ne les ont pas prouvés. Chacun a reproché à l’autre de ne pas fournir assez de preuves scientifiques. C’est souvent ce qui se passe dans les entreprises : des warnings sont levés par certains développeurs mais le management ne les prend pas assez au sérieux.
  • En même temps, on revient aux causes précédentes (silver bullet, on s’amuse…), il est nécessaire d’avoir une vraie ingénierie et une vraie analyse des technologies. Sans cela, les équipes techniques seront toujours non-écoutées par le management. Des outils et benchmark existent mais ils sont encore trop peu connus. Par exemple, Technologie Radar qui classe les technologies en terme d’adoption.
  • Ce phénomène de décision absurde est renforcé par le tissu complexe du développement logiciel : Les sociétés historiquement hors du numérique sous-traitent à des entreprises du numérique, les ESN sous-traitent aux freelances… Le partage de responsabilité technique / management est encore plus complexe et les décisions absurdes plus nombreuses.
  • Mais cela ne s’arrête pas là. On peut aussi voir l’usage de l’open-source comme une sorte de sous-traitance. Idem pour l’usage de framework. On est juste consommateur passif, on se déleste de plein de problématiques (qui ont un impact sur les ressources, la qualité…).
  • C’est d’autant plus facile que le domaine est passionnant et que la pratique des sides-projects, du temps passé sur les projets open-source hors des horaires de bureau est chose commune… La recherche de “fun” et le temps passé bénéficient alors plus aux organisations qu’aux développeurs. Difficile dans ce cas de chiffrer le coût réel d’un projet. Et pourtant, cela ne serait pas un problème si on arrivait à des logiciels « au top ».
  • Le développeur n’est ici plus un artisan du code, mais plutôt un pion dans un système critiquable du point de vue humain. Cela n’est pas visible, tout va bien et on s’amuse. En apparence seulement, car certains domaines du développement logiciel vont plus loin et rendent beaucoup plus visible cette exploitation : Le domaine du jeux-vidéo où les heures explosent.
  • Et donc, toutes ces maladresses (logiciel trop lourd, sans qualité…) se retrouvent chez les utilisateurs. Comme on doit releaser au plus vite les logiciels, que l’on ne tente pas de résoudre les inefficiences internes, et que l’on ne met pas plus de ressource pour faire de la qualité, on arrive à des logiciels médiocres. Mais on a tellement d’outils de monitoring et de suivi des utilisateurs pour détecter ce qui se passe directement chez eux qu’au final, on pense que ce n’est pas grave. Cela serait une bonne idée si les outils étaient bien utilisés. Or la multitude d’informations récoltées (en plus des bugs remontés par les utilisateurs) n’est que faiblement utilisée. Trop d’information, difficulté de cibler la vraie source du problème… on s’y perd et au final, c’est l’utilisateur qui trinque. Tous les logiciels sont maintenant en bêta-test. A quoi bon faire de la sur-qualité, autant attendre que l’utilisateur le demande. Et on revient ainsi au premier chapitre : un logiciel uniformément lent … et médiocre.
  • Heureusement, on est sauvé par la non-sensibilisation des utilisateurs au monde du logiciel. C’est un monde effectivement virtuel et magique qu’ils ont l’habitude d’utiliser. On leur a mis en main les outils mais sans notice explicative. Comment évaluer la qualité d’un logiciel, les risques sur l’environnement, les problèmes de sécurité… si l’on n’a pas des notions d’informatique, même rudimentaires ?
  • L’informatique du 21ème siècle est ce que l’agroalimentaire était pour les consommateurs au 20ème siècle. Pour des raisons de productivité, on a poussé des solutions médiocres avec un calcul court-termiste : mise sur le marché de plus en plus rapide, profit en hausse constante… agriculture intensive, malbouffe, pesticides… avec des impacts importants sur la santé, sur l’environnement… Les consommateurs savent maintenant (de plus en plus) les conséquences désastreuses de ces dérives, l’industrie agroalimentaire doit donc se réinventer, techniquement, commercialement et éthiquement. Pour le logiciel, quand les utilisateurs comprendront les tenants et les aboutissants des choix techniques, l’industrie du logiciel devra gérer les mêmes problèmes. En effet, le retour au bon sens et aux bonnes pratiques n’est pas une chose simple pour l’agroalimentaire. Dans l’IT, on commence à le voir avec ses conséquence sur la vie privée des utilisateurs (mais nous n’en sommes qu’aux balbutiements).
  • On va dans la mauvaise direction. L’industrie de l’informatique a déjà effectué dans les années 70 des erreurs avec des impacts non-négligeables. L’exclusion des femmes de l’informatique en fait partie. Non seulement cela a été fatal pour certaines industries mais on peut se poser la question de comment on peut maintenant adresser des réponses à seulement 50% de la population informatique, avec une représentativité très faible. Le chemin est maintenant difficile à retrouver.
  • Mais l’impact du monde IT ne s’arrête pas là. La source et le modèle d’une grosse partie de l’informatique sont issus de la Silicon valley. Si l’on écarte les gagnants de la Silicon Valley, les populations locales subissent la montée des prix, le déclassement, la pauvreté…
  • Dans sa lancée vers le progrès technique, le monde du logiciel crée aussi sa dette environnementale…
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    "Le monde du logiciel va mal et si l'on n'agit pas, on risque de le regretter. Environnement, qualité, exclusion… Software Eats The World (Le logiciel mange le monde…) ? Oui un peu trop. "
Aurialie Jublin

The next billion users : une immersion dans l'internet des pauvres - Digital Society Forum - 0 views

  • Rien n’y fait : équipés d’Internet, les pauvres ne font pas du tout ce qu’on attend d’eux, à savoir se sortir de la pauvreté. Les cabines numériques disposées dans les villages indiens deviennent des bornes d’arcade et, surprise, les cent millions d’ordinateurs de l’opération « One laptop per child » (financée par des entreprises, notamment AMD, Brightstar Corporation, eBay, Google, Marvell, etc.) n’ont pas réduit le fossé éducatif, sans doute parce qu’ils avaient été distribués à des enfants ne sachant parfois ni lire ni écrire. Des absurdités de ce type, l’autrice en dresse une longue liste, comme ces smartphones que l’on distribue à de jeunes femmes n’ayant le droit de s’en servir que pour passer des appels d’urgence. A New Delhi, d’autres jeunes femmes (les « computer girls ») deviennent des craques de l’informatique, mais restent assignées à leur statut traditionnel, système de castes oblige. Le constat est sans ambiguïté : non seulement la technologie tombe du ciel sans être intégrée dans une quelconque stratégie sociale, mais toute tentative de réappropriation est méprisée et découragée.
  • Histoire similaire en Chine, où l’on craignait que les cybercafés populaires ne favorisent les activités anti-régime. Ils furent rapidement interdits aux mineurs et on y généralisa le tracking, une pratique désormais monnaie courante dans l’Empire du Milieu. D’exemple en exemple, Payal Arora démontre que les décisions prises par les pouvoirs en place n’ont eu de cesse de réduire l’accès à Internet et à la culture aux personnes les moins dotées, sous prétexte que l’usage qui en serait fait n’entrerait pas dans les bons standards de moralité. Comme souvent, les pauvres font l’objet de politiques paternalistes : on leur demande d’être vertueux et le moindre faux pas les condamne.
  • A l’inverse, la débrouille des quartiers défavorisés est érigée en exemple à suivre. La mode de l’innovation frugale (ou « Jugaad innovation » ) qui consiste à innover avec des ressources limitées, en témoigne. En Inde par exemple, la customisation des véhicules afin de transporter plus de passagers est souvent mise en avant. Cependant, elle augmente sensiblement le nombre d’accidents : « la frugalité a un coût, celui de la sécurité », écrit Arora. Les Nano cars de Tata – des petites voitures accessibles au plus grand nombre – quant à elles, sont certes pratiques mais occasionnent de lourds dégâts environnementaux : rien ne dit aujourd’hui que ces innovations améliorent réellement la vie des pauvres, affirme la chercheuse
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  • Plus grave encore, il y a fort à parier qu’elles freinent les solutions de plus long terme comme par exemple le développement de transports publics accessibles à tous. Côté mobile, une application comme AquaSift permet de détecter la toxicité de l’eau mais ne résout en rien le fait que dans beaucoup de communautés pauvres, y accéder reste difficile. On ne change pas le gouvernement avec une application. Si l’innovation frugale rencontre un succès fulgurant en Occident, ce n’est que parce que nous en avons totalement romantisé l’image.
  • En somme, la frugalité (Jugaad en Inde, « Shan-zaï » en Chine, « Gambiarra », « Bacalhau » ou « Jeitinho » au Brésil) est aussi une forme de solutionnisme technologique qui repose, une fois encore, sur la confortable conviction que les pauvres ont toutes les ressources en eux pour s’en sortir, pourvu qu’ils articulent habilement leurs problèmes aux dernières technologies disponibles.
  • Payal Arora n’a pas de mots assez durs pour dénoncer la vaste supercherie du système. Non seulement aucune relation de causalité n’a prouvé son efficacité, mais en plus, il structure l’éducation dans un sens qui pose une multitude de questions d’ordre éthiques et politiques. Ainsi, ces appareils et les programmes soi-disant éducatifs avec lesquels ils fonctionnent restent des boîtes noires, indisponibles à tout audit sérieux. L’expérimentation, qui dure 75 jours, nécessite la présence d’un ou plusieurs adultes dont on ne connaît pas la rémunération et le protocole de suivi des enfants est tout sauf rigoureux scientifiquement. Des études plus sérieuses ont rapporté que la plupart des machines ne fonctionnaient pas, faute de connexion Internet. Et quand elles marchaient, elles étaient souvent monopolisés par de jeunes garçons devant des jeux vidéos. Enfin, les contenus pédagogiques, souvent en anglais, présentent un danger pour la pérennité des langues traditionnelles. Pour le professeur Mark Warschauer (University of California), cité par Arora, ces dispositifs sont un échec total. Pourtant, Mitra a bien récolté un million d’euros grâce au Ted Prize pour cette « école dans le cloud » résolument inefficace… Pour Arora, cette triste histoire trouve ses racines dans la foi encore trop peu contestée dans le constructivisme , une théorie qui stipule que l’enfant peut apprendre seul et sans professeur.
  • En prenant un peu de hauteur, la chercheuse critique plus largement une certaine forme de philanthropie très à la mode dans les milieux technologiques. Elle l’accuse ouvertement d’être contre-productive et de servir les intérêts de grandes corporations plus que des populations pauvres : « la technologie est devenue une institution en soi, la pauvreté une opportunité. La croyance néolibérale en l’efficacité absolue du marché transforme n’importe quelle inégalité en actif pour l’innovation. » Pour Arora, cette idéologie vient justifier la nécessité de tester sur les moins aisés de nouvelles solutions qu’un riche Occidental n’imaginerait même pas pour ses propres enfants. Les pauvres n’ont pas besoin de plus d’innovation, mais de moins d’innovation, affirme-telle : « Si l’innovation est une courroie de transmission pour des projets pilote, alors les pauvres seront mieux sans. Ils ne devraient pas servir de rats de laboratoires pour les nouvelles technologies. Le simple fait qu’une technologie est nouvelle ne devrait pas justifier en soi qu’on l’expérimente sur des pauvres ».
  • Sa dénonciation englobe aussi le projet « AltSchool » largement financé par Mark Zuckerberg et Priscilla Chan, une sorte de « classe Ikea », où les enfants terminent seuls devant des écrans, pour un prix conséquent et sans que son efficacité réelle soit démontrée. Le plus grand problème selon elle, reste que le marché pardonne plus facilement les défaillances technologiques qu’humaines : la Silicon Valley peut réinjecter des millions de dollars pour trouver une nouvelle solution technique à un problème ancien, mais elle refuse de réfléchir aux problèmes de fond, comme le manque de professeurs ou l’état désastreux des écoles dans certains quartiers.
  • En dernière partie d’ouvrage, Payal Arora attaque les questions liant surveillance et vie privée. On le savait déjà, les pauvres en ont toujours été surveillés. Le « social credit system » chinois et son cousin indien « Unique Digital Number » (UID) sont ainsi connus pour conforter les hiérarchies sociales en place et agir par contagion : en Chine, fréquenter une personne dont le score est bas revient à prendre le risque de voir baisser son propre score. On en déduirait un peu rapidement que dans les pays pauvres, et plus généralement en dehors de l’Occident, la vie privée aurait moins de valeur aux yeux des individus. A y regarder de près, cela semble un peu plus compliqué. En interrogeant plus largement les usages quotidiens des réseaux sociaux dans les favelas et autres bidonvilles, Arora montre qu’ici comme là-bas, la vie privée n’est pas sans valeur ni abstraite, mais un concept avant tout lié à des particularités culturelles. Au Brésil par exemple, une jeune femme déclare ne pas en vouloir à sa mère de la « stalker » en ligne (c’est-à-dire à suivre ces déplacements, fouiller ses messages et autres réseaux d’amis)
  • En Inde, Facebook est pour de nombreux jeunes l’occasion de parler au sexe opposé, chose difficile dans la vie réelle. Le Chat est à ce titre tout à fait adapté à la romance, à travers des poèmes et autres conversations romantiques. Cependant, à l’échelle mondiale, un tiers de ces échanges se font anonymement, avant tout pour protéger les données personnelles et par souci de réputation, notamment en Asie.
  • Arora en profite pour démonter les profonds préjugés qui tendent nous à faire croire que parce que l’on est pauvre, parce que l’on vit dans une communauté étroitement liée, parfois à plusieurs dans une même pièce, on ne valoriserait pas la vie privée. En réalité, les pauvres, dans les pays étudiés par Arora, ne sont pas moins attachés à la confidentialité que les Occidentaux, même si celle-ci prend différentes significations en fonction des pays, des cultures et des genres. Dans un village en Jordanie, la confidentialité sert avant tout à protéger la vertu féminine et l’honneur masculin (préserver son image dans la communauté, ne pas s’exposer publiquement pour les femmes). Dans une famille aisée du Royaume-Uni, elle préserve l’innocence des jeunes (notamment à travers le filtrage des contenus). Plus encore qu’en Occident, préserver sa confidentialité dans les pays pauvres relève de la lutte car le succès immense des réseaux amène aussi son lot de danger : « revenge porn » et harcèlement peuvent ruiner la réputation d’un individu, conduire à l’exil et même au suicide.
  • The Next Billion Users, Digital Life Beyond the West est, en résumé, une étude inestimable, formidablement documentée et regorgeant d’illustrations plus pertinentes les unes que els autres. Loin des théories globalisantes qui tendent à mettre dans un même sac « Les Chinois », « Les Indiens », quitte à les opposer à l’Occident dans une lutte pour la puissance technologique, cette enquête de terrain vient au contraire contredire nos préjugés sur ce monde que nous jugeons bien souvent à l’emporte-pièce et sans nous embarrasser de détails. A travers son étude et notamment ses entretiens et anecdotes, la chercheuse met en lumière les relents colonialistes qui ponctuent les relations Nord-Sud, notamment en matière numérique. Arora brise notre propension à romantiser la pauvreté, à ne l’envisager qu’à travers nos lunettes postcoloniales, comme une tribu de bons sauvages qu’il faudrait éduquer à notre mode de vie. Enfin, elle réduit en poussière le fantasme du pauvre débrouillard, entrepreneur par nature, auto-organisé et vertueux. Cette vision, biaisée, n’a pour objet que d’asseoir les projets technocratiques de l’Occident, qui ne regarde que ses intérêts propres et surtout pas ceux des populations « à civiliser ».
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    "A quoi ressemble l'Internet des pauvres ? Pas à l'image romantique forgée par la philanthropie occidentale, explique l'anthropologue Payal Arora. Pourtant, cette conception paternaliste de la pauvreté informe toujours nombre d'initiatives de développement par la technologie, qui s'apparentent à une nouvelle forme de solutionnisme."
Aurialie Jublin

« Les opérateurs télécom sont devenus les prolétaires du web » - U&R - 0 views

  • Nous sommes en voie de babélisation : Facebook est une tour de Babel, Google en est une autre. La Chine est à ce jour le seul « État plateforme » complet, avec l'imbrication du politique coercitif et du numérique via ces autres silos que sont les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi). Les choix technologiques asymétriques qui ont été faits ne pouvaient que conduire à l'émergence de ces silos. Et dans ces silos, nous passons notre temps à émettre des signaux pour gagner de l'attention. Mais on peut échapper au darwinisme numérique, qui amène les IA à nous remplacer progressivement pour toutes sortes de tâches, des plus fastidieuses aux plus artistiques, comme nous le vantent ceux qui en ont la maitrise, à savoir les gourous de la Silicon Valley. Les opérateurs télécom sont devenus les prolétaires du web alors qu'ils en étaient les maîtres.
  • Existe-t-il une lueur d'espoir, quand même, dans votre vision du futur d'Internet ? Oui, car les protocoles symétriques d'origine, comme la norme IPV6, sont toujours là. Et ça permet la distribution par chacun d'entre nous, au lieu de la confier à ces silos géants, dont le modèle économique repose sur les données que nous leur offrons gratuitement en échange de notre capacité à émettre ces signaux d'attention dont je parlais plus tô. Le péché originel, ce sont les protocoles asymétriques qui nous ont privé de notre singularité. Mais on peut encore croire à un âge de raison des réseaux. Il faudra peut-être 2, 3 ou 4 générations, et ça passera peut-être par des contractions violentes, mais c'est encore possible. C'est nous qui devons agir ! Les États n'agiront pas car agir serait contraire aux intérêts de la surveillance. Et les plateformes n'agiront pas non plus, car ce serait contraire aux intérêts de leurs actionnaires. Nous devons tous aspirer à l'émergence de cet être en réseau, qu'on ne peut décrire mais qui est là, et que la sonde poéitique permet de deviner par moments. Ce sera une révolution copernicienne.
  • Quand Mark Zuckerberg poste une photo de son chien, qui s'appelle Beast, des centaines de milliers de personnes s'intéressent à ce chien, qui n'aurait aucun intérêt si ce n'était pas celui du patron de Facebook. Elle est là, l'asymétrie de l'attention. C'est un changement de perspective dont on a besoin. Et justement, avant Filippo Brunelleschi, vers 1420, il n'y avait pas de perspective dans les tableaux, tout était à plat. Grâce à son bricolage avec un cadre et un miroir, il a donné à voir le monde via les tableaux (qui sont les ancêtres de nos écrans) avec la perspective optique, qui n'existait pas avant lui.
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  • Et nous aurons peut-être un jour un grand espace de partage, avec tout le monde à égalité, dans lequel chacun est libre de prendre sa part ou pas, et dans lequel tout le monde sera traité de la même façon s'il décide d'en être. Un tel espace permettrait l'éclosion de communs. Nous sommes aujourd'hui quelques chercheurs à commencer à définir ce nouveau champ de recherche qui n'en est qu'à ses débuts.
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    "« On peut encore croire à un âge de raison des réseaux », nous dit le chercheur Olivier Auber, qui dans son nouveau livre, Anoptikon (FYP éditions, 2019), plaide pour un changement de perspective afin de faire d'Internet le grand espace de partage qu'il promettait d'être à ses débuts."
Aurialie Jublin

Censure antiterroriste : Macron se soumet aux géants du Web pour instaurer un... - 0 views

  • Pour rappel, le texte, poussé par la France et l’Allemagne, utilise le prétexte de la lutte contre le terrorisme pour soumettre l’ensemble des hébergeurs (et pas seulement les grandes plateformes) à des obligations extrêmement strictes : retrait en une heure de contenus qualifiés de terroristes par une autorité nationale (en France, ce sera l’OCLCTIC, le service de la police chargé de la cybercriminalité)  la mise en place d’un « point de contact » disponible 24h/24 et 7j/7  l’instauration de « mesures proactives » pour censurer les contenus avant même leur signalement  si ces mesures sont jugées insatisfaisantes par les États, ces derniers peuvent imposer des mesures spécifiques telles que la surveillance généralisée de tous les contenus.
  • D’un point de vue humain, technique et économique, seules les grandes plateformes qui appliquent déjà ces mesures depuis qu’elles collaborent avec les polices européennes seront capables de respecter ces obligations : Google, Facebook et Twitter en tête. Les autres acteurs n’auront d’autres choix que de cesser leur activité d’hébergement ou (moins probable, mais tout aussi grave) de sous-traiter aux géants l’exécution de leurs obligations.
  • Ce texte consacre l’abandon de pouvoirs régaliens (surveillance et censure) à une poignée d’acteurs privés hégémoniques. Pourtant, la Commission et les États membres, en 146 pages d’analyse d’impact, ne parviennent même pas à expliquer en quoi ces obligations pourraient réellement être efficaces dans la lutte contre le terrorisme.
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  • Quand nous avons dit aux ministères que leur texte détruirait l’ensemble du Web décentralisé, ne laissant qu’une poignée de géants en maîtres, on nous a laissé comprendre que, oui, justement, c’était bien le but. Tranquillement, nos interlocuteurs nous ont expliqué que Google-Youtube et d’autres multinationales numériques avaient convaincu le gouvernement que la radicalisation terroriste était facilitée par les petites et moyennes plateformes, et qu’il fallait donc laisser la régulation du Web aux seuls géants prétendument capables de la gérer. Où sont les preuves de cette radicalisation plus facile en dehors de leurs plateformes ? Nulle part. Sans aucune honte, le gouvernement s’est même permis de sortir l’argument du secret défense, complètement hors sujet, pour masquer son manque de preuve et afficher son irrespect de toute idée de débat démocratique. C’est comme ça : Google l’a dit, ne discutez pas.
  • Macron se moque de détruire tout espoir d’une économie numérique européenne. Il veut simplement un texte sécuritaire qu’il pourra afficher au moment des élections européennes (ses « mid-terms » à lui), afin de draguer une partie de la population inquiète du terrorisme et qu’il s’imagine assez stupide pour tomber dans le panneau. Dans son arrogance délirante, il n’a même plus peur de renier ses électeurs pro-Europe ou pro-business, ni la population attachée aux libertés qui, pensant repousser l’extrême droite, l’aura élu.
  • Dans ce dossier, la menace terroriste est instrumentalisée pour transformer le Web en GAFAMinitel, pour acter la fusion de l’État et des géants du Net, et ainsi consacrer la surveillance généralisée et la censure automatisée de nos échanges en ligne. Tout ça pour quoi ? Pour lutter contre une auto-radicalisation fantasmée dont la preuve serait secret-défense (la bonne affaire !), et alors que les enquêtes sérieuses sur la question montrent que les terroristes ne se sont pas radicalisés sur Internet.
  • Le seul effet de ce texte sera de renforcer les multinationales du numériques et les dérives de l’économie de l’attention dont ils sont porteurs : la sur-diffusion de contenus anxiogènes, agressifs et caricaturaux capables de capter notre temps de cerveau disponible. L’urgence législative est de combattre ces dérives : de limiter l’économie de l’attention tout en favorisant le développement de modèles respectueux de nos libertés. C’est ce que nous proposons.
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    "Il y a deux mois, la Commission européenne a publié sa proposition de règlement « censure antiterroriste ». Nous le dénoncions, expliquant que ce projet aura pour effet de détruire l'ensemble du Web décentralisé. Depuis, nous avons rencontré les ministères français en charge du dossier : nos craintes se sont amplifiées. La France, avec le soutien de l'Allemagne et du Parlement européen, va tout faire pour empêcher un débat démocratique sur ce texte : le gouvernement n'en parle pas dans la presse, veut forcer son adoption urgente et invoque le secret-défense pour empêcher tout débat factuel. Pourquoi tant de secret ? Probablement parce que ce texte, écrit en collaboration avec Google et Facebook, aura pour effet de soumettre l'ensemble du Web à ces derniers, à qui l'État abandonne tout son rôle de lutte contre les contenus terroristes. La collaboration annoncée lundi par Macron entre l'État et Facebook n'en est que le prémice, aussi sournois que révélateur."
Aurialie Jublin

Réguler Internet par la décentralisation - La Quadrature du Net - 0 views

  • Pour compenser cette « règle » qui rendrait la haine et le conflit rentables, le gouvernement veut renforcer les obligations imposées aux plateformes géantes qui en profitent : transparence et devoir de vigilance accrus. Pourquoi pas (cela peut être fait de façon plus ou moins pertinente, nous y reviendrons plus tard). Mais cette solution ne suffira jamais à contrer à elle seule les dérives permises par la « rentabilité du conflit ». Et il est illusoire d’imaginer, comme le fait le rapport cité ci-dessus, qu’on pourrait atténuer ce problème en mettant un juge derrière chaque diffamation ou injure prononcée sur Internet. Il y en a bien trop. Non, si on veut traiter le problème sérieusement, c’est l’ensemble de l’économie de l’attention qu’il faut remettre en question. Et cela doit passer par l’émergence d’alternatives saines qui reposent sur un autre modèle que celui des GAFAM.
  • En pratique, à La Quadrature du Net, nous avons songé à devenir un hébergeur de vidéos (en autorisant tout le monde à mettre en ligne des vidéos sur notre service de streaming Peertube). Ce serait une façon concrète de participer à la construction d’une alternative à Youtube, qui ne tirerait aucun profit des discours conflictuels ou de la surveillance de masse. Mais nous avons dû y renoncer. Nous n’avons pas du tout assez de juristes pour évaluer quelles vidéos seraient « manifestement illicites ». Nous n’avons pas les moyens de supporter des amendes en cas de plaintes. Youtube reste maître.
  • Si le gouvernement veut effectivement lutter contre la diffusion de « contenus haineux et extrêmes », il doit changer le droit pour favoriser le développement d’alternatives à l’économie de l’attention. Voici notre proposition. Premièrement, que les hébergeurs ne soient plus soumis aux mêmes obligations que les plateformes géantes, qui régulent les informations de façon active pour leurs intérêts économiques. Secondement, que les hébergeurs neutres, qui ne tirent aucun profit en mettant en avant de tel ou tel contenu, ne supportent plus la charge d’évaluer si un contenu est « manifestement illicite » et doit être censuré. Seul un juge doit pouvoir leur exiger de censurer un contenu.
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  • Dans le cadre de la loi, chaque hébergeur applique ses propres règles de modération, plus ou moins stricte, et chaque personne choisit l’espace de discussion adapté à ses besoins et à ses envies. La liberté de ce choix est renforcée par le développement des standards de « réseaux sociaux décentralisés », notamment du standard ActivityPub publié en janvier 2018 par le World Wide Web Consortium (W3C, à l’origine des standards du Web) et déjà appliqué par Mastodon (alternative à Twitter) ou Peertube. Ces standards permettront à une infinité d’hébergeurs de communiquer entre eux, selon les règles de chacun. Ils permettront aussi à chaque personne de passer librement d’un hébergeur à un autre, d’un jeu de règles à un autre (ce que les plateformes géantes font tout pour empêcher aujourd’hui).
  • Si le gouvernement veut mieux réguler le Web, il doit le faire sérieusement. En se contentant d’alourdir les obligations des géants, son action restera superficielle. Pour agir en profondeur et sur le long terme, sa démarche doit aussi être constructive, favorisant le développement de modèles vertueux.
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    "La directive droit d'auteur et les récents débats sur les « fausses informations » ont servi d'introduction au débat général sur la régulation du Web, tel qu'il s'annonce pour l'année à venir. Aujourd'hui, La Quadrature du Net présente ses propositions concrètes."
Aurialie Jublin

Les bornes Autolib', mobilier urbain à l'abandon | L'interconnexion n'est plu... - 0 views

  • Ni Peugeot, ni Renault. Or, aucun des représentants des sociétés potentiellement intéressées par les bornes de recharge Autolib’ n’a l’intention de les utiliser. « La recharge des véhicules, on en fait notre affaire », annonce le représentant de Free2Move, le service qui sera proposé « fin 2018 » par Peugeot. « La recharge et le nettoyage seront effectués dans la zone dans laquelle seront disponibles les véhicules », explique la responsable de Moov’in, un service présenté par Renault. Le constructeur proposera à partir de septembre, à une date encore non précisée, 120 voitures électriques, en test, dans deux secteurs, les 11e et 12e arrondissements de Paris et Clichy (Hauts-de-Seine). Mais aucune de ces voitures ne se servira des bornes Autolib’.
  • Les opérateurs expliquent, à l’unisson, que les bornes sont équipées d’un logiciel de pilotage qui appartient au groupe Bolloré, opérateur d’Autolib’ jusqu’à la fin du mois. Ils ne savent pas quand ce logiciel sera remplacé. Autrement dit, les bornes seront bientôt inutilisables, y compris pour les particuliers autorisés à garer, moyennant un abonnement annuel, leur véhicule électrique sur les places Autolib’. Ce logiciel, en pratique « la carte automate contrôlant physiquement les bornes de charge depuis la borne principale », explique un lecteur, pourrait certes être prochainement remplacé, mais la Ville de Paris annonce que le délai sera d’environ « six mois ».
  • Enfin, ces bornes ne permettent qu’une recharge lente ; il fallait 12 heures pour charger complètement une Autolib’. Or, depuis 2011, la technologie a évolué, de nouvelles bornes sont apparues, permettant d’effectuer 80% de la recharge en une heure environ.
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  • Voilà qui rappelle le triste sort des bornes de « stationnement intelligent » qui devaient supprimer les voitures ventouse à Nice (lire ici), un système abandonné après trois ans d’existence. Ou les stations du vélo en libre-service de Perpignan ou Chalon-sur-Saône, tous deux désormais supprimés. On songe aussi aux portiques de la « taxe poids-lourds », dite « écotaxe », démontés après le renoncement du gouvernement Ayrault à cette mesure pourtant votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Voire au projet d’aérotrain survolant la Beauce sur une rampe en béton. Ceux-là n’avaient même pas servi.
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    "Ces plots métalliques gris et blancs d'environ un mètre de haut, disposés dans tous les quartiers de Paris et dans une centaine de villes de banlieue parisienne, faisaient partie du paysage urbain depuis 2011. Et ne serviront bientôt plus à rien. La fin du système Autolib' condamne les 3200 bornes de recharge électrique, ainsi que les totems où s'effectuait la réservation, au probable démontage. Par ailleurs, une partie des voitures Bluecar, chères à Vincent Bolloré, sont déjà parties à la casse, selon le magazine Chalenges."
Aurialie Jublin

Les musulmans chinois, en première ligne de la surveillance - 1 views

  • La population musulmane de la région est soumise à de nombreuses technologies de contrôle afin de mesurer le degré de croyance et de pratique religieuse des individus, notamment par le biais du big data et de la reconnaissance faciale.
  • Le quotidien de la minorité religieuse est ainsi fait de caméras statiques et de drones-colombes intelligents, ou d’agents officiels et secrets susceptibles de fouiller tout individu plusieurs fois par jours. Des fouilles corporelles ou numériquse,  soit directement par le biais du smartphone ou via les traces numériques semées sur le très surveillé réseau social WeChat.
  • En cette période de hajj, le pélerinage à La Mecque que tous les musulmans en capacité de le faire se doivent d'effectuer une fois dans sa vie, cette surveillance étouffante se poursuit pour les ressortissants chinois. Accompagnés durant tout le pèlerinage par un guide de l’Association Islamique Chinoise, dirigée par l’Etat, les pélerins sont également porteurs de « cartes intelligentes » nouées autour de leur cou et enregistrant leurs données de géolocalisation ainsi que leurs conversations.
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  • Maya Wang a signé, fin février, un rapport sur le « police cloud », un programme de police prédictive fondé sur l'analyse de données volumineuses, et déployé au Xinjiang. Il signale les personnes qui pourraient être des menaces, et celles ci peuvent être envoyées dans les « centres d'éducation politique ». « Pour la première fois, écrivait elle, nous sommes en mesure de démontrer que le recours au big data par les services de renseignements du gouvernement chinois non seulement viole de manière flagrante le droit à la vie privée, mais permet également aux autorités de détenir arbitrairement des personnes.»  
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    "Le nationalisme religieux est dans la ligne de mire du Parti Communiste chinois. Le gouvernement cible particulièrement les minorités musulmanes du Xinjiang concentrées dans une région située à l'opposé des capitales économiques et politiques chinoises. Comme le souligne un article de The Atlantic, la région fait donc office de zone de test à grande échelle pour les technologies de contrôle dernière génération et les programmes de propagande au sein de camps de rééducation."
Aurialie Jublin

Les Communs numériques sont-il condamnés à devenir des « Communs du capital »... - 0 views

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    Faudrait-il que les géants du numérique fassent davantage et qu'ils prennent en charge de manière significative la soutenabilité à long terme du Commun numérique que représente Wikipédia ? Cette question renvoie à celle de la réciprocité pour les Communs, qui est à la fois absolument essentielle et très ambivalente. Si on élargit la perspective aux logiciels libres, force est de constater que ces Communs sont devenus une infrastructure essentielle sans laquelle Internet ne pourrait plus fonctionner aujourd'hui (90% des serveurs dans le monde tournent sous Linux, 25% des sites internet utilisent WordPress, etc.). Mais beaucoup de ces projets souffrent d'un problème de maintenance et de financement, car leur développement repose sur des communautés dont les moyens sont sans rapport avec l'importance des ressources qu'elles mettent à disposition du monde entier. C'est ce que montre très bien l'ouvrage « Sur quoi reposent nos infrastructures numériques ? Le travail invisible des faiseurs du web » signé par Nadia Enghbal
Aurialie Jublin

Comunes collective - 0 views

  • Ourproject.org is a web-based collaborative free content repository. It acts as a central location for offering web space and tools for projects of any topic, focusing on free knowledge. It aims to extend the ideas and methodology of free software to social areas and free culture in general. Thus, it provides multiple web services (hosting, mailing lists, wiki, ftp, forums…) to social/cultural/artistic projects as long as they share their contents with Creative Commons licenses (or other free/libre licenses). Active since 2002, nowadays it hosts 1,733 projects and its services receive around 1,000,000 monthly visits.
  • Kune is a platform for encouraging collaboration, content sharing & free culture. It aims to improve/modernize/replicate the labor of what ourproject.org does, but in an easier manner and expanding on its features for community-building. It allows for the creation of online spaces of collaborative work, where organizations and individuals can build projects online, coordinate common agendas, set up virtual meetings and join people/orgs with similar interests. It sums up the characteristics of online social networks with collaborative software, aimed at groups and boosting the sharing of contents among orgs/peers.
  • Move Commons (MC) is a simple web tool for initiatives, collectives and NGOs to declare and visualize the core principles they are committed to. The idea behind MC follows the same mechanics of Creative Commons tagging cultural works, providing a user-friendly, bottom-up, labeling system for each initiative with 4 meaningful icons and some keywords. It aims to boost the visibility and diffusion of such initiatives, building a network among related initiatives/collectives across the world and allowing mutual discovery.
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  •   Other projects   Alerta! is a community-driven alert system Plantaré is a community currency for seed exchange The World of Alternatives is a proof-of-concept initiative that aims to classify and document collectively alternatives of our “Another World is Possible” in Wikipedia Karma is a proof-of-concept gadget for a decentralized reputation rating system Massmob is a proof-of-concept gadget for calling and organizing meetings and smart mobs Troco is a proof-of-concept gadget of a peer-to-peer currency Brick (temporal nickname) is a forthcoming initiative for guiding student assignments towards the solution of real problems and the sharing of their results for reusing/replicating/adapting the solutions Ideas (temporal nickname) is a forthcoming initiative for brainstorming ideas of possible social projects related to the Commons
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    "Comunes is a non-profit collective dedicated to facilitating the use of free/libre web tools and resources to collectives and activists alike, with the hopes of encouraging the Commons."
Aurialie Jublin

Facebook n'est pas un réseau social, c'est un scanner qui nous numérise - Fra... - 0 views

  • Le modèle économique de Facebook, Google et de la cohorte des startups financées par le capital-risque de la Silicon Valley, j’appelle ça de l’élevage d’être humains. Facebook est une ferme industrielle pour les êtres humains. Et le manifeste de Mark n’est rien d’autre que la dernière tentative d’un milliardaire paniqué pour enjoliver un modèle d’affaires répugnant fondé sur la violation des droits humains avec l’objectif faussement moral de se débarrasser de la réglementation et de justifier un désir décomplexé de créer une seigneurie à l’échelle planétaire, en connectant chacun d’entre nous à Facebook, Inc.
  • Ce n’est pas le rôle d’une entreprise de « développer l’infrastructure sociale d’une communauté » comme Mark veut le faire. L’infrastructure sociale doit faire partie des biens communs, et non pas appartenir aux entreprises monopolistiques géantes comme Facebook. La raison pour laquelle nous nous retrouvons dans un tel bazar avec une surveillance omniprésente, des bulles de filtres et des informations mensongères (de la propagande) c’est que, précisément, la sphère publique a été totalement détruite par un oligopole d’infrastructures privées qui se présente comme un espace public.
  • Il est grand temps que nous commencions à financer et à construire l’équivalent numérique de parcs à l’ère du numérique au lieu de construire des centres commerciaux de plus en plus grands.
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  • Nous ne pouvons plus nous offrir le luxe de ne pas comprendre la nature du « moi » à l’âge numérique. L’existence même de nos libertés et de la démocratie en dépend. Nous sommes (et nous le sommes depuis un moment maintenant) des organismes cybernétiques. Nous devons résister de toutes nos forces à toute tentative de réduire les personnes à des propriétés.
  • il s’ensuit que nous devons étendre les protections du moi au-delà de nos limites biologiques pour y inclure toutes ces technologies qui servent à nous prolonger. Par conséquent, toute tentative par des tierces parties de posséder, contrôler et utiliser ces technologies comme une marchandise est une tentative de posséder, contrôler et monétiser les éléments constitutionnels des individus comme des marchandises. Pour faire court, c’est une tentative de posséder, contrôler et utiliser les êtres humains comme des marchandises.
  • Inutile de dire que nous devons résister avec la plus grande vigueur à toute tentative de réduire les êtres humains à de la marchandise. Car ne pas le faire, c’est donner notre consentement tacite à une nouvelle servitude : une servitude qui ne fait pas commerce des aspects biologiques des êtres humains mais de leurs paramètres numériques. Les deux, bien sûr, n’existent pas séparément et ne sont pas réellement séparables lorsque la manipulation de l’un affecte nécessairement l’autre.
  • Il s’ensuit également que toute tentative de violation des limites de ce moi doit être considérée comme une attaque du moi cybernétique. C’est précisément cette violation qui constitue aujourd’hui le modèle économique quotidien de Facebook, Google et des majors de la technologie de la Sillicon Valley. Dans ce modèle, que Shoshana Zuboff appelle le capitalisme de surveillance, ce que nous avons perdu, c’est notre souveraineté individuelle. Les personnes sont à nouveau redevenues des possessions, bien que sous forme numérique et non biologique.
  • Imaginez un monde où chacun possède son propre espace sur Internet, fondé sur les biens communs. Cela représente un espace privé (un organe de notre être cybernétique) auquel nos appareils dits intelligents (qui sont aussi des organes), peuvent se connecter.
  • Au lieu d’envisager cet espace comme un nuage personnel, nous devons le considérer comme un nœud particulier, permanent, dans une infrastructure de pair à pair dans laquelle nos appareils divers (nos organes) se connectent les uns aux autres. En pratique, ce nœud permanent est utilisé pour garantir la possibilité de trouver la localisation (à l’origine en utilisant des noms de domaine) et la disponibilité (car il est hébergé/toujours en service) tandis que nous passerons de l’architecture client/serveur du Web actuel à l’architecture de pair à pair de la prochaine génération d’Internet.
  • Les fournisseurs de services doivent, naturellement, être libres d’étendre les fonctionnalités du système tant qu’ils partagent les améliorations en les remettant dans les biens communs (« partage à l’identique »), évitant ainsi le verrouillage. Afin de fournir des services au-dessus et au-delà des services de base fondés sur les biens communs, les organisations individuelles doivent leur attribuer un prix et faire payer les services selon leur valeur ajoutée. De cette manière, nous pouvons construire une économie saine basée sur la compétition reposant sur un socle éthiquement sain à la place du système de monopoles que nous rencontrons aujourd’hui reposant sur une base éthiquement pourrie.
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    "Dans son manifeste récent Mark Zuckerberg mettait en valeur sa vision d'une colonie mondiale centralisée dont les règles seraient dictées par l'oligarchie de la Silicon Valley. J'affirme que nous devons faire exactement l'inverse et œuvrer à un monde fondé sur la souveraineté individuelle et un patrimoine commun sain."
Aurialie Jublin

De la tyrannie des métriques | InternetActu.net - 0 views

  • Pour Muller, nous sommes obsédés par les chiffres. Nous avons une pression irrépressible à mesurer la performance, à en publier les chiffres, et à récompenser les performances depuis ceux-ci, quand bien même l’évidence nous montre que cela ne fonctionne pas si bien. Pour Muller, notre problème n’est pas tant la mesure que ses excès. Trop souvent nous préférons substituer des chiffres, des mesures, à un jugement personnel. Trop souvent le jugement est compris comme personnel, subjectif, orienté par celui qui le produit, alors que les chiffres, en retour, eux, sont supposés fournir une information sûre et objective.
  • Trop souvent, les métriques sont contre-productives, notamment quand elles peinent à mesurer ce qui ne l’est pas, à quantifier ce qui ne peut l’être.
  • Muller montre par de nombreux exemples comment nous nous ingénions à contourner les mesures, à l’image des hôpitaux britanniques qui avaient décidé de pénaliser les services dont les temps d’attente aux urgences étaient supérieurs à 4 heures. La plupart des hôpitaux avaient résolu le problème en faisant attendre les ambulances et leurs patients en dehors de l’hôpital !
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  • Pour Muller, l’obsession des métriques repose sur : la croyance qu’il est possible et désirable de remplacer le jugement acquis par l’expérience personnelle et le talent, avec des indicateurs numériques de performance comparative basés sur des données standardisées ; la croyance que rendre ces mesures publiques (c’est-à-dire transparentes) assure que les institutions effectuent leurs buts (c’est-à-dire leur responsabilité) ; la croyance que la meilleure façon de motiver les gens dans les organisations est de les attacher à des récompenses ou des pénalités depuis ces mesures de performance (que les récompenses soient monétaires ou réputationnelles)
  • Il souligne que trop souvent, on mesure le plus ce qui est le plus facile à mesurer, le plus simple. Mais c’est rarement le plus important. En mesurant le plus simple, on en oublie la complexité : ainsi quand on mesure les objectifs d’un employé, on oublie souvent que son travail est plus complexe que cela. On mesure plus facilement les sommes dépensées ou les ressources qu’on injecte dans un projet que les résultats des efforts accomplis. Les organisations mesurent plus ce qu’elles dépensent que ce qu’elles produisent.
  • Bien souvent, la mesure, sous prétexte de standardisation, dégrade l’information, notamment pour rendre les choses comparables au détriment des ambiguïtés et de l’incertitude.
  • Quant aux manières de se jouer des métriques, elles sont là aussi nombreuses : simplifier les objectifs permet souvent de les atteindre au détriment des cas difficiles ; améliorer les chiffres se fait souvent en abaissant les standards… sans parler de la triche, on ne peut plus courante.
  • C’est vraiment avec Frederick Taylor, cet ingénieur américain qui va inventer le management scientifique au début du 20e siècle, que la mesure va s’imposer. Le but même du taylorisme était de remplacer le savoir implicite des ouvriers avec des méthodes de production de masse, développées, planifiées, surveillées et contrôlées par les managers. Le Taylorisme va s’imposer en promouvant l’efficacité par la standardisation et la mesure, d’abord dans l’industrie avant de coloniser avec le siècle, tous les autres secteurs productifs.
  • Les métriques se sont imposées dans les secteurs où la confiance était faible. Les décisions humaines sont devenues trop dangereuses à mesure qu’elles impliquaient une trop grande complexité de facteurs : d’où la prolifération des métriques, des process, des règles… La demande d’un flux constant de rapports, de données, de chiffres… a finalement diminué l’autonomie de ceux qui étaient les plus bas dans les organisations.
  • Dans son livre, Muller évoque nombre de secteurs où les chiffres n’ont pas produit ce qu’on attendait d’eux. Dans le domaine scolaire, en médecine, dans le domaine militaire, dans la police et bien sûr dans les affaires… les chiffres sont souvent mal utilisés et ne parviennent pas à mesurer l’important. Bien souvent, les chiffres déplacent les objectifs, favorisent le court-termisme, découragent la prise de risque, l’innovation, la coopération… coûtent du temps
  • voire sont dommageable pour la productivité elle-même (« Une question qui devrait être posée est de savoir dans quelle mesure la culture des métriques a elle-même contribué à la stagnation économique ? »)…
  • Pour lui, il faut d’abord se poser la question de ce que l’on cherche à mesurer en se souvenant que plus un objet mesuré est influencé par la procédure de mesure, moins il est fiable. Et que ce constat empire quand la mesure repose sur l’activité humaine, plus capable de réagir au fait d’être mesurée, et pire encore quand des systèmes de récompenses ou de punition sont introduits…
  • L’information est-elle utile ? Le fait que quelque chose soit mesurable ne signifie pas qu’il faille le faire (au contraire, bien souvent la facilité à mesurer est inversement proportionnelle à sa signification !). « Posez-vous la question de ce que vous voulez vraiment savoir ! », conseille l’historien.
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    "On n'a pas attendu le numérique pour produire des métriques, mais celui-ci a incontestablement simplifié et amplifié leur production. Quitte à produire un peu n'importe quelles mesures puisque celles-ci semblent désormais accessibles et ajustables en quelques clics. On connaît la rengaine : « ce qui ne peut être mesuré ne peut être géré » (même si la formule de Peter Drucker est en fait plus pertinente que ce que nous en avons retenu). Est-ce pour autant qu'on ne gère que ce que l'on sait chiffrer ?"
Aurialie Jublin

Pour une pratique féministe de la visualisation de données - Catherine D'Igna... - 0 views

  • Et pourtant, il existe des façons de procéder à des représentations plus responsables. Il existe des moyens pour « situer » le regard et le localiser dans des corps et des géographies concrètes. Les cartographes critiques, les artistes de la contre-cartographie, les pratiquants de cartographie participative et d’autres développent des expérimentations et des méthodes pour cela depuis des années et ont beaucoup à nous apprendre.
  • Une manière de re-situer les visualisations de données pourrait être de les déstabiliser en rendant les désaccords possibles. Comment créer des manières de répondre aux données ? De mettre en question les faits ? De présenter des points de vue et des réalités alternatives ? De contester et même de saper les bases de l’existence de ces données et des méthodes par lesquelles elles ont été acquises ? Comment procéder ? Sachant que la plupart des gens qui travaillent sur les données sont des hommes blancs, il s’agit simplement d’inclure des gens différents, avec des points de vue différents, dans la production des visualisations. Ainsi par exemple, le Detroit Geographical Expedition and Institute était né, à la fin des années 1960, d’une collaboration entre des géographes universitaires, dont les responsables étaient des hommes blancs, et des jeunes du centre ville de Detroit conduits par Gwendolyn Warren, une militante de la communauté noire de 19 ans.
  • Cette carte, intitulée « Where Commuters Run Over Black Children on the Pointes-Downtown Track », était technologiquement en avance sur son temps. Peut-être est-elle assez conventionnelle (à nos yeux) dans sa stratégie visuelle. Mais ce qui donne à cette carte son caractère dissident, c’est le titre, formulé par les jeunes Noirs qui ont produit la carte. « Où les banlieusards qui rentrent du boulot écrasent les enfants noirs ». Un titre qui n’est pas neutre. On est loin de « Localisation des accidents de la route dans le centre de Detroit », titre qui aurait probablement été donné à la carte si elle avait été élaborée par des consultants extérieurs employés par la ville. Mais du point de vue des familles noires dont les enfants avaient été tués, il ne faisait aucun doute que les enfants étaient noirs, les banlieusards blancs, et les événements décrits comme des « meurtres » plutôt que des « accidents ».
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  • ToxicSites.us, un site web géré par Brooke Singer, met en ligne un rapport sur chacun des sites « superfund » — ces lieux répertoriés par le CERCLA, l’agence américaine en charge des sites souillés par des déchets dangereux. Le site invite les contributeur·e·s à ajouter des reportages locaux, des images et des films qui documentent ces sites (et contredisent potentiellement les données), et cherche à faciliter l’organisation et le plaidoyer pour les efforts de nettoyage. Permettre de « répondre aux données » invite aussi à transformer la conversation en action.
  • Si les infographies — je ne parle pas ici des outils de recherche et d’exploration, mais des représentations publiques et populaires — excellent à présenter des mondes entièrement contenus, elles ne savent pas représenter visuellement leurs limites. Où sont les lieux où l’enquête n’est pas allée, qu’elle n’a pas pu atteindre ? Comment les indiquer ? Comment représente-t-on les données manquantes ? Andy Kirk a fait cet exposé remarquable sur le design du rien, qui recense diverses manières de représenter l’incertitude et d’intégrer le zéro, l’absent et le vide. Comment encourager plus de designers à prendre ces méthodes en considération ? Peut-on demander à nos données qu’elles montrent aussi ce qui constitue leur extérieur ?
  • Quelles sont les conditions matérielles qui ont rendu cette infographie possible ? Qui l’a financée ? Qui a collecté les informations ? Quel travail a été nécessaire en coulisses et comment la production de ce graphique s’est-elle déroulée ? Par exemple, le Public Laboratory for Open Technology and Science — un groupe de science citoyenne dont je fais partie — utilise une technique de cartographie consistant à suspendre une caméra à un cerf-volant où à un ballon pour collecter des photos aériennes. Un effet secondaire de cette méthode, adopté avec entrain par la communauté, est que la caméra capture aussi l’image des personnes qui collectent les images. On voit le corps des collecteurs des données, un objet généralement absent des représentations sous forme de produit fini.
  • Quel est le problème ? La théorie féministe du point de vue situé rappelle que toute connaissance est située socialement et que les perspectives des groupes opprimés — femmes, minorités et autres — sont exclues de manière systématique de la connaissance dite « générale ». La cartographie critique dirait que les cartes sont des sites du pouvoir et produisent des mondes qui sont intimement associés à ce pouvoir. Comme le soulignent Denis Wood et John Krygier, le choix de ce que l’on place sur la carte « fait inévitablement surgir le problème de la connaissance, tout comme les opérations de symbolisation, de généralisation et de classification ». Il faudra bien admettre l’existence de ce pouvoir d’inclure et d’exclure, apprendre à le dépister et développer un langage visuel pour le décrire. Dans l’immédiat, il importe de reconnaître que la visualisation de données est un des outils de pouvoir parmi les plus puissants et les plus biaisés.
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    "La visualisation de données, ou infographie, est à la mode et chacun s'enthousiasme pour les nouveaux outils qui permettent d'en produire - nous en avons dénombré, avec mon collègue Rahul Bhargava, plus de cinq cents. Malgré cette richesse technique, on manque souvent d'outils permettant une réflexion critique sur la politique et l'éthique de la représentation. Et comme le grand public est plutôt facile à impressionner avec des graphiques, la « data visualization » acquiert un grand pouvoir rhétorique. Quand bien même nous savons rationnellement que ces images ne représentent pas « le monde entier », nous avons tendance à l'oublier, et à accepter les graphiques comme des faits car ils sont généralisés, scientifiques et semblent présenter un point de vue neutre et expert. Quel est le problème ? La théorie féministe du point de vue situé rappelle que toute connaissance est située socialement et que les perspectives des groupes opprimés - femmes, minorités et autres - sont exclues de manière systématique de la connaissance dite « générale ». La cartographie critique dirait que les cartes sont des sites du pouvoir et produisent des mondes qui sont intimement associés à ce pouvoir. Comme le soulignent Denis Wood et John Krygier, le choix de ce que l'on place sur la carte « fait inévitablement surgir le problème de la connaissance, tout comme les opérations de symbolisation, de généralisation et de classification ». Il faudra bien admettre l'existence de ce pouvoir d'inclure et d'exclure, apprendre à le dépister et développer un langage visuel pour le décrire. Dans l'immédiat, il importe de reconnaître que la visualisation de données est un des outils de pouvoir parmi les plus puissants et les plus biaisés."
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