Mais ce ne fut pas son seul rôle, ni le principal. Quand on examine de près les sources disponibles sur la révolte brésilienne, on voit qu’elle a été servie par l’écriture de trois autres manières. Tout d’abord, très prosaïquement, elle a permis aux émeutiers de s’organiser d’une manière dont la sophistication est relevée par tous les observateurs : des billets servaient à transmettre des instructions, à planifier des incendies simultanés, à fixer des rendez-vous – on est bien du côté de la technicité de l’écriture, des savoir-faire qu’elle transmet, des capacités qu’elle accroît. Ensuite, les insurgés se sont servis des pouvoirs magico-religieux prêtés au livre : ils cousaient des sourates du Coran dans leur manteau pour se protéger des balles et se donner du courage. Mais l’islam a un autre avantage en termes de mobilisation collective, lié à son statut de religion écrite davantage qu’à ses préceptes eux-mêmes : écrit, donc détaché de ses conditions d’énonciation, donc universaliste, il a la capacité de traverser les appartenances tribales, ce qui contribue à l’unité des insurgés.