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Aurialie Jublin

Commentaires pédophiles sous les vidéos de mineurs : que peut faire YouTube ?... - 0 views

  • Pour faire face à une telle demande de modération, les algorithmes ne suffisent pas. C’est pour cela que Google, qui détient YouTube, s’était engagée l’année dernière à « porter à 10 000 » le nombre de modérateurs, soit des « personnes chargées de lutter contre les contenus susceptibles de violer les politiques de Google et YouTube ». YouTube rappelle également s'être rapprochée d’organismes à but non lucratif comme la NCMEC aux Etats-Unis (Centre National pour les enfants disparus ou exploités) ou Point de Contact en France afin qu’ils transmettent les informations aux autorités compétentes. 
  • La modération, qu'elle soit algorithmique ou humaine, peut-elle suffir ? L'embauche de modérateurs laisse Fabrice Epelboin, spécialiste des réseaux sociaux et auteur d’une étude sur la pédophilie en ligne en 2010, perplexe : « Lorsqu’un juge prend une décision, il utilise son intelligence ou son jugement. Ici, on est face à des employés qui ne font qu’appliquer des règles, et qui en plus, sont payés au lance-pierre. » La modération algorithmique ne suffit pas non plus face à un contenu si immense, estime-t-il : « YouTube ne peut pas lutter. Il y a une quantité de contenus postés qui dépasse l’entendement. Je ne pense pas que cela soit utile de renforcer les algorithmes de YouTube pour l’instant, car l’intelligence artificielle n’est pas suffisamment opérationnelle aujourd’hui pour filtrer le web.»
  • Il ajoute également que dans le cas de cette nouvelle affaire, on ne peut pas écarter « l’option trollesque ». Il se peut, selon lui, qu’une partie des commentaires soit postée par des « trolls », des internautes qui postent des messages tendancieux pour alimenter les polémiques. « Ma première réaction a été de penser au forum 4chan, un équivalent de jeuxvideos.com aux Etats-Unis. Dans les années 2000, des utilisateurs s’amusaient à tourner en dérision la pédophilie en "trollant" sur des vidéos YouTube. Je me souviens notamment d’une vidéo de Justin Bieber qui avait été prise pour cible. »
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  • Mais alors, quelle est la responsabilité de la plateforme dans la prolifération de ces commentaires et la facilité d'accès à ces vidéos, recommandées par son algorithme ? Le débat n’est pas nouveau. Facebook avait été fustigé pour avoir « laissé proliférer » des théories complotistes, voire encouragé celles-ci, notamment après la fusillade de Parkland en février 2018. La question ne cesse de revenir : doit-on simplement considérer YouTube, Twitter ou Facebook comme des plateforme d’hébergement et de partage, et donc accepter qu’elles ne soient pas responsables des contenus qui y sont publiés, ou doit-on exiger qu'elles soient responsables juridiquement en cas de scandales comme celui-ci ? 
  • Sur la question spécifique des contenus ou commentaires pédophiles, YouTube n’en est pas à son premier nettoyage. En décembre dernier, The Times of London avait révélé que 100 enfants avaient été les victimes de potentiels pédophiles sur YouTube. Alors qu’ils se filmaient en direct devant leur caméra pour s’amuser (livestreaming), des internautes leur ont demandé de retirer leurs vêtements ou d’adopter des poses sexualisées. Selon le journal, qui avait signalé ces vidéos, seulement la moitié des contenus avaient alors été supprimés par YouTube. Les journalistes ont dû contacter le service de presse de YouTube pour retirer l’autre moitié.
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    "Malgré la vivacité des algorithmes ayant repéré les « CP » sur cette affaire Pokémon Go, des millions de vidéos d'enfants pullulent sur la plateforme sans que des commentaires pédophiles qui y sont associés ne soient modérés. Le contenu de ces vidéos n'est pas pédopornographique. On y voit majoritairement des jeunes filles en train de faire du yoga, de la gymnastique, ou de jouer au jeu d'équilibre Twister. Des vidéos familiales ou filmées par des enfants eux-mêmes, suffisamment habiles pour jouer avec leur mobile ou leur tablette. Mais ce qu'a soulevé le YouTubeur MattsWhatItIs dans une vidéo postée le 17 février, ce sont la non modération des commentaires pédophiles sous ces vidéos, ainsi que le rôle de l'algorithme de recommandation de YouTube. Muni d'un VPN et d'un nouveau compte, le Youtubeur a réussi à atteindre ces vidéos en quelques clics, en tapant « bikini haul » (une pratique qui consiste à montrer les maillots de bain qu'on vient d'acheter), « gymnastics » (gymnastique), ou encore « yoga ». Au départ, les vidéos proposées correspondent aux mots-clefs. Mais après deux ou trois clics dans la barre « vidéos similaires », des vidéos d'enfants apparaissent. Une fois le premier clic enclenché, on est plongé dans une bulle pernicieuse qui ne nous propose rien d'autre que des vidéos de petites filles."
Aurialie Jublin

(Un retour sur) Peertube. - Mr. Funk E. Dude - 0 views

  • One of the ways that it distinguishes itself from YouTube and Vimeo however, is in its peer to peer sharing structure. If just one person is watching your video, then it’s pulling it straight from the server. If two or more are watching your video, then it shares bits of the video between them, creating less activity on the server. The idea is that, like all other decentralized social networks, you can run your own instance of the software and the server load is significantly reduced.
  • As with most decentralized social networks each instance of PeerTube has it’s own rules, guidelines, and restrictions. The biggest difference between the instances probably boils down to daily upload file limitations. It’s important when choosing an instance to see what their restrictions are as it may effect your experience.
  • My first problem is with finding anything interesting to watch. Because PeerTube is worldwide you’ll notice right away that a LOT of the videos on the front page are mostly in different languages. French, Spanish, Russian, English, and others. This isn’t necessarily a bad thing in and of itself, but it does slow down the amount of time it takes to find a good video to watch. An option to sort by language would be a big step.
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  • My next problem is with theft. There are a LOT of stolen YouTube videos. I’d say more then 3/4 of the videos on most of the PeerTube instances I’ve visited are taken from YouTube. I get how some people might have a grudge against Google and therefor YouTube and think that copying the videos and placing them on PeerTube might hurt YouTube, but in reality it hurts the creators that made them in the first place.
  • So if 3/4 of PeerTube Videos are just stolen YouTube videos, why not just go to YouTube? It’s the same problem any video sharing platform has. Content. If there’s not enough people creating content to watch, no one is going to use the service. YouTube is a HUGE source of content that no new service can really compete directly against. Turning PeerTube into a YouTube dumping ground is just admitting defeat. Until PeerTube finds a way to attract content creators, it’s going to struggle.
  • My last problem is with porn. Now, I’m no prude. I’ve got no issues with porn. It’s great, when in the right context. The problem is when it’s someone slinging their dick like a propeller right next to a video on how to adjust the settings on your hard drive. Fortunately most people put their porn behind content warning which blur the thumbnail and make you click on a warning to see the video, but not everyone does. Most instances will ban people for not using content warnings, but if someone is running their own instance, then the moderators for other instances have to ban the offenders instance from the Federation. It can be a slow process.
  • Until PeerTube fixes these four issues it’s going wallow in obscurity. It’s a good idea, being able to share videos across different social media platforms. Lessening server stress by using P2P. Decentralization. Federation. Content warning. All useful to the users, but it’s the content and how it’s managed by both the users and each instances moderators that will determine if, on a whole, PeerTube can survive and thrive like Mastodon, Pixelfed, or Friendica.
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    "I know I've said a lot of great things about federated social networks and for the most part they are. Nothing is perfect however. With that said, let me introduce, and explain the problem I see, with PeerTube."
Asso Fing

« On cherche à éveiller la conscience éthique des développeurs et data scient... - 0 views

  • Comment la communauté Data For Good utilise-t-elle les algorithmes ? Qu’est-ce qui vous différencie des grandes entreprises tech ? Avec Data For Good, on veut permettre aux associations, aux projets citoyens et aux institutions d’avoir accès à la data science, qui est utilisée uniquement par les grandes entreprises comme les GAFA et les start-up pour l’instant, car c’est un service qui coûte très cher. Notre communauté bénévole soutient certains projets comme celui de l’association Frateli, qui travaille sur du mentorat. On leur a créé une plateforme de matching, avec des algorithmes, pour matcher en un clic un mentor avec un mentoré, alors qu’avant tout était fait à la main sur un tableur Excel. L’humain garde la décision finale, il peut changer les résultats donnés par l’algorithme, mais cela reste beaucoup plus rapide.
  • Notre but n’est pas de récolter des données, on ne fait pas des algorithmes qui utilisent les données des utilisateurs pour faire de la publicité. De plus, les codes sources produits par Data For Good sont tous en open source, donc si une autre association veut les utiliser, elle peut le faire gratuitement et librement. Les GAFA ouvrent certains de leurs codes sources, mais c’est avant tout pour attirer des développeurs, et ils n’ouvrent que des bribes de leurs codes. Et ils savent très bien que sans les données qu’ils possèdent, ces extraits de codes ne servent à rien.
  • Vous travaillez aussi chez AlgoTransparency, une plateforme qui cherche à décrypter les mécanismes de l’algorithme de YouTube : avez-vous réussi à savoir comment était construit cet algorithme, qui est un secret bien gardé par YouTube ? Sur YouTube, on est enfermé dans une spirale de recommandations qui ne montre pas forcément le meilleur de l’humanité... Sur AlgoTransparency, on a mis en place un robot qui est capable de mesurer quelle vidéo est recommandée, à partir de quelle vidéo. On a donc des données sur ces vidéos, mais comprendre comment fonctionne l’algorithme est très compliqué car celui-ci est très complexe, et il évolue en permanence car il est ré-entraîné tous les jours. Nous, on a décidé d’étudier nos données, en rentrant des mots clés, et de voir ce qu’il en sort.
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  • L’algorithme de la plateforme, et YouTube le dit lui-même, c’est de maximiser le temps passé sur la plateforme, le « watch time ». Et quand l’algorithme voit que les gens passent plus de temps sur la plateforme quand ils regardent des vidéos complotistes par exemple, il va plus recommander ce contenu. Il fait juste le boulot pour lequel on l’a programmé.
  • Et dans un second temps, on pourrait créer pour la plateforme un statut hybride, qui serait entre l’hébergeur, qui n’a pas de responsabilité sur le contenu qu’il héberge, et le média, qui a toute la responsabilité sur ce qu’il partage. Pour l’instant, YouTube dit être un hébergeur, car il ne peut pas éditorialiser tout le contenu qui se trouve sur la plateforme. Pourtant, les algorithmes ont un rôle éditorial : quand ils recommandent un million de fois une vidéo à des êtres humains, il y a un choix fait derrière, l’algorithme a privilégié un contenu plutôt qu’un autre.
  • Par contre, là où on peut avoir peur, c’est quand ces algorithmes, notamment de machine learning (c’est-à-dire des algorithmes qui vont apprendre à partir des données qu’on leur a fourni pour prédire des choses), impactent la vie humaine : par exemple, lorsqu’on les utilise dans l’espace public pour faire de la reconnaissance faciale, ou quand les décisions concernant les peines de prison sont prises par des algorithmes. Si on ne sait pas quels sont les critères choisis pour définir les algorithmes, c’est là que ça devient dangereux. Et c’est pour cela qu’on demande l’ouverture de tous les codes sources utilisés dans les administrations (comme la loi Le Maire le recommande).
  • Est-ce que le problème de l’algorithme ne serait pas de décontextualiser les données ? Normalement, c’est aux data scientists de garder en tête le contexte des données qu’ils étudient, et de savoir qu’elles peuvent être biaisées : par exemple, connaître le quartier où habitent les utilisateurs peut être un biais sur leur niveau social. Dans le serment d’Hippocrate de Data For Good, on cherche au mieux à éveiller la conscience éthique des data scientist, en « informant les parties prenantes sur (…) l’utilisation des données », en assurant que « les individus ne soient pas discriminés par rapport à des critères illégaux ou illégitimes », en « respectant la vie privée et la dignité humaine » et en « assumant ses responsabilités en cas de difficulté ou de conflits d’intérêts ».
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    "Et si les développeurs et data scientists prêtaient serment, comme les médecins, pour une utilisation des données plus éthique ? Data For Good, une communauté de data scientists et de développeurs bénévoles au service de projets d'intérêt général, en a fait une de ses missions. Ce « serment d'Hippocrate » des data scientists sera mis en ligne le 26 juin, lors d'un « Demo Day » qui présentera les projets soutenus par Data For Good. Curieux d'en savoir plus, nous avons interrogé Frédéric Bardolle, membre de Data For Good et d'Algotransparency, une plateforme qui décrypte les mécanismes de l'algorithme de YouTube. "
Aurialie Jublin

Technologie : l'âge sombre | InternetActu.net - 0 views

  • Pire, la technologie s’est fait la complice de tous les défis auxquels nous sommes confrontés : à la fois d’un système économique hors de contrôle qui ne cesse d’élargir les inégalités, la polarisation politique comme le réchauffement climatique. Pour Bridle, la technologie n’est pas la solution à ces défis, elle est devenue le problème. Il nous faut la comprendre plus que jamais, dans sa complexité, ses interconnexions et ses interactions : mais cette compréhension fonctionnelle ne suffit pas, il faut en saisir le contexte, les conséquences, les limites, le langage et le métalangage.
  • Trop souvent, on nous propose de résoudre ce manque de compréhension de la technologie par un peu plus d’éducation ou son corollaire, par la formation d’un peu plus de programmeurs. Mais ces deux solutions se limitent bien souvent en une compréhension procédurale des systèmes. Et cette compréhension procédurale vise surtout à renforcer la « pensée computationnelle », c’est-à-dire la pensée des ingénieurs et des informaticiens qui n’est rien d’autre que le métalangage du solutionnisme technologique 
  • Les systèmes techniques sont devenus de plus en plus complexes. Trop critiques et interconnectés pour être compris, pensés ou conçus. Leur compréhension n’est disponible plus que pour quelques-uns et le problème est que ces quelques-uns sont les mêmes que ceux qui sont au sommet des structures de pouvoir. Pour James Bridle, il y a une relation causale entre la complexité des systèmes, leur opacité, et les violences et inégalités qu’ils propagent.
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  • Le cloud (l’informatique en nuage) n’est plus une métaphore du réseau, c’est l’incarnation de ce système global et surpuissant qu’aucun d’entre nous ne peut désormais attraper. Ce nuage est pourtant une bien mauvaise métaphore. Rien de ce qu’il recèle n’y est sans poids, rien n’y est amorphe ou invisible. Le cloud cache une infrastructure physique complexe faite de lignes téléphoniques, de fibre optique, de satellite, de vastes entrepôts d’ordinateurs, qui consomment d’énormes quantités d’énergie et qui influent sur de multiples juridictions. Le cloud est l’incarnation d’une nouvelle industrie.
  • De la sécurité nationale aux secrets industriels, il y a beaucoup de raisons à obscurcir ce que recouvre ce nuage. Mais ce qui s’en évapore est assurément notre propriété (dans les nuages, tout appartient à d’autres) et notre agentivité, c’est-à-dire notre capacité à faire.
  • Le réseau donne l’impression d’être à la fois l’idéal de progrès le plus abouti et l’idéal de base de notre culture tout en paraissant avoir émergé inconsciemment, poursuivant son but d’interconnexion sans fin pour lui-même et par lui-même… « Nous présumons que l’interconnexion est inhérente et inévitable. Le réseau semble être devenu le résultat du progrès, son accomplissement ultime », à l’image de machines qui accompliraient ainsi leurs propres désirs. Internet semble avoir accompli l’idéal des Lumières, l’idéal du progrès : celui que plus de connaissance et plus d’information conduit toujours à prendre de meilleures décisions.
  • Mais n’est-ce pas plutôt le contraire auquel nous assistons ? « Ce qui était censé éclairer le monde l’a obscurci. L’abondance d’information et la pluralité d’opinion accessible à tous n’ont pas produit un consensus cohérent, mais au contraire a déchiré la réalité en narrations simplistes, en théories fumeuses et en politique d’opinion. Contrairement au Moyen Âge, où l’âge sombre était lié à une perte de connaissance antique, l’âge sombre moderne est lié à une abondance de connaissance dont nous ne savons plus démêler collectivement l’apport. »
  • L’obscurité dont parle Bridle c’est notre incapacité à voir clairement ce qui est devant nous, avec capacité et justice. Pour Bridle pourtant, ce constat ne doit pas être lu comme une condamnation de la technologie. Au contraire. Pour relever l’âge sombre qui s’annonce, il nous faut nous engager plus avant dans la technologie, avec elle, mais avec une compréhension radicalement différente de ce qu’il est possible d’en faire, en retrouver un sens que la seule recherche d’efficacité nous a fait perdre. Tout comme le changement climatique, les effets de la technologie s’étendent sur le globe et affectent tous les aspects de nos vies. Mais comme le changement climatique, ses effets sont potentiellement catastrophiques et résultent de notre incapacité à comprendre les conséquences de nos propres inventions. Nous devons changer de manière de voir et penser le monde, nous invite Bridle, un peu facilement ou naïvement.
  • « En rapprochant la simulation de l’approximation, les grands prêtres de la pensée computationnelle pensent remplacer le monde par des modèles biaisés de lui-même ; et en le faisant, les modeleurs s’assurent du contrôle du monde. » James Bridle s’inscrit dans la continuité des constats de l’historien des sciences David Noble qui, dans Le progrès sans le peuple notamment, soulignait combien la pensée des ingénieurs avait contribué à donner du pouvoir aux puissants plutôt que favoriser l’équité ou la démocratie ; comme dans celle de Richard Sclove du Loka Institute, qui dans Choix technologiques, choix de société, soulignait combien les enjeux démocratiques restaient le parent pauvre de la question technologique.
  • La pensée computationnelle s’infiltre partout : elle devient notre culture. Elle nous conditionne à la fois parce qu’elle nous est illisible et à la fois parce que nous la percevons comme neutre émotionnellement et politiquement. Les réponses automatisées nous semblent plus dignes de confiance que celles qui ne le sont pas. Dans la pensée computationnelle, nous sommes victimes du biais d’automatisation : « nous avons plus confiance dans l’information automatisée que dans notre propre expérience, même si elle est en conflit avec ce qu’on observe ». Les conducteurs de voitures comme les pilotes d’avion ont plus tendance à croire leurs instruments que leur expérience, même si celle-ci n’est pas alignée.
  • Pour Bridle, l’informatique, en ce sens, est un piratage de notre capacité cognitive, de notre capacité attentionnelle, qui renvoie toute responsabilité sur la machine. « À mesure que la vie s’accélère, les machines ne cessent de prendre en main de plus en plus de tâches cognitives, renforçant par là leur autorité – sans regarder les conséquences ». « Nous nous accommodons de mieux en mieux et de plus en plus aux confortables raccourcis cognitifs que nous proposent nos machines. L’informatique remplace la pensée consciente. Nous pensons de plus en plus comme des machines, ou plutôt nous ne pensons plus du tout ! ».
  • « Ce qui est difficile à modéliser, à calculer, à quantifier, ce qui est incertain ou ambigu, est désormais exclu du futur possible. » L’informatique projette un futur qui ressemble au passé (« Les algorithmes ne prédisent pas le futur, ils codifient le passé », disait déjà Cathy O’Neil). La pensée computationnelle est paresseuse. Elle propose finalement des réponses faciles. Elle nous fait croire qu’il y a toujours des réponses.
  • les réseaux souffrent d’une gouvernance fragmentée, sans responsabilités claires, peu cartographiés et sous-financés ; des infrastructures en silos ; des investissements privés comme publics insuffisants et plus encore un manque de compréhension de la complexité de leur fonctionnement… expliquent leur fragilité intrinsèque et la difficulté de leur maintenance. Ajoutez à cela les impacts du changement climatique sur leur maintenance et leur évolution et vous comprendrez que les réseaux ne sont pas dimensionnés pour faire face au futur. Bref, non seulement l’informatique contribue largement au réchauffement climatique, mais elle risque d’en être l’une des principales victimes.
  • Mais les grands volumes de données ne produisent pas de la connaissance automatiquement. Dans la recherche pharmacologique par exemple, les dépenses et investissements n’ont jamais été aussi forts alors que les découvertes, elles, n’ont jamais produit aussi peu de nouveaux traitements. On appelle cela la loi d’Eroom : l’exact inverse de la loi de Moore. Le nombre de résultats de recherche chute et ces résultats sont de moins en moins dignes de confiance. Si les publications scientifiques n’ont jamais été aussi volumineuses (au détriment de leur qualité), les rétractions ont augmenté et le nombre de recherches ayant un impact significatif, elles, ont diminué proportionnellement. La science connaît une crise de réplicabilité majeure.
  • Plusieurs facteurs expliquent ce revirement de la loi du progrès. La première est que les choses les plus évidentes à découvrir ont été exploitées. La régulation est également devenue plus exigeante et la société moins tolérante aux risques. Mais le problème principal relève certainement des méthodes désormais employées. Historiquement, la découverte de médicament était le fait de petites équipes de chercheurs qui se concentrait intensément sur de petits groupes de molécules. Mais depuis 20 ans, ces processus ont été largement automatisés, sous la forme de ce qu’on appelle le HTS (High-throughput screening pour criblage à haut débit) qui consiste en des recherches automatisées de réactions potentielles via de vastes bibliothèques de composants. Le HTS a priorisé le volume sur la profondeur. Ce qui a marché dans d’autres industries a colonisé la recherche pharmaceutique : automatisation, systématisation et mesures… Certains commencent à douter de l’efficacité de ces méthodes et voudraient revenir à l’empirisme humain, au hasard, au bordel, au jeu… À nouveau, « la façon dont nous pensons le monde est façonnée par les outils à notre disposition ». Nos instruments déterminent ce qui peut être fait et donc, ce qui peut être pensé. À mesure que la science est de plus en plus technologisée, tous les domaines de la pensée humaine le sont à leur tour. Les vastes quantités de données ne nous aident qu’à voir les problèmes des vastes quantités de données.
  • Les bourses et places de marchés d’antan ont été remplacées par des entrepôts, des data centers, anonymes, dans des banlieues d’affaires impersonnelles. La dérégulation et la numérisation ont transformé en profondeur les marchés financiers. La vitesse des échanges s’est accélérée avec la technologie. Les transactions à haute fréquence (HFT, High-frequency trading) reposent sur la latence et la visibilité. La latence, c’est-à-dire la rapidité d’échange où des millions peuvent s’échanger en quelques millisecondes et la visibilité (sauf pour les non-initiés), c’est-à-dire le fait que les échanges sont visibles de tous les participants, instantanément. Les échanges reposent sur des algorithmes capables de calculer des variations éclair et de masquer les mouvements de fonds. Les échanges sont plus opaques que jamais : ils s’imposent sur des forums privés, les « dark pools » (en 2015, la SEC, l’organisme américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, estimait que les échanges privés représentaient 1/5e du total des échanges)… Les échanges financiers ont été rendus obscurs et plus inégaux que jamais, rappelle Bridle.
  • Pour Bridle, l’une des clefs qui expliquent que les inégalités se renforcent avec la technologie est intrinsèquement liée à l’opacité des systèmes. Comme les robots des entrepôts d’Amazon et ses employés commandés par des commandes vocales émanant de robots, nous sommes en train d’arranger le monde pour rendre les machines toujours plus efficaces, quitte à ce que le monde devienne incompréhensible et inadapté aux humains. Les travailleurs deviennent le carburant des algorithmes, utiles seulement pour leurs capacités à se déplacer et à suivre des ordres. Pour Bridle, les startups et les Gafam signent le retour des barons voleurs, ces tyrans industriels du XIXe siècle. La technologie est venue couvrir d’un voile d’opacité la prédation : l’avidité s’est habillée de la logique inhumaine des machines. Amazon ou Uber cachent derrière des pixels lumineux un système d’exploitation sans faille
  • Pour la sociologue Deborah Cowen (@debcowen), nous sommes entrés dans la tyrannie de la techne explique-t-elle dans The Deadly Life of Logistics (2014) : l’efficacité est devenu primordiale sur tous les autres objectifs, sur toutes les autres valeurs
  • Autre exemple avec How-Old.net un outil de reconnaissance faciale qui tente de prédire l’âge d’une personne, et qui a été utilisée pour deviner l’âge de migrants arrivants au Royaume-Uni. Microsoft, qui a développé cette application, s’est défendu et a dénoncé cette utilisation… comme les 2 chercheurs chinois. Ceux-ci expliquaient néanmoins dans leur défense que leur système était « sans préjugé » (sic). Comme souvent, on nous explique que la technologie, et plus encore l’apprentissage automatisé, est neutre. Mais « la technologie n’émerge pas de nulle part. Elle est toujours la réification de croyances et de désirs, notamment de ses créateurs. Leurs biais sont encodés dans les machines et les bases de données ou les images que nous prenons du monde. »
  • Pour Bridle, le problème n’est pas tant que les machines puissent réécrire la réalité, mais que la réalité, le passé comme le futur, ne puissent plus être correctement racontés. DeepDream de Google illustre parfaitement cela. L’enjeu n’est pas pour nous de comprendre ce qu’est l’image, mais de nous demander ce que le réseau de neurones veut y voir ?
  • Pour Bridle, nous devrions ajouter une 4e loi aux trois lois de la robotique d’Asimov. Les machines intelligentes devraient être capables de s’expliquer aux humains. Ce devrait être une loi première, car éthique. Mais le fait que ce garde-fou ait déjà été brisé laisse peu d’espoir quant au fait que les autres règles le soient à leur tour. « Nous allons devoir affronter un monde où nous ne comprendrons plus nos propres créations et le résultat d’une telle opacité sera toujours et inévitablement violent ».
  • Pour Bridle, l’alliance entre l’humain et la machine peut encore fonctionner, comme l’a montré Garry Kasparov avec les échecs avancés, consistant à ce qu’une IA et qu’un humain jouent ensemble plutôt qu’ils ne s’affrontent. C’est dans la perspective d’associer les talents des humains et des machines, d’associer leurs différences d’une manière coopérative plutôt que compétitive que nous parviendrons à réduire l’opacité computationnelle. La perspective que l’intelligence des machines nous dépasse dans nombre de disciplines est une perspective destructrice. Nous devons trouver la voie d’une éthique de la coopération avec les machines, plutôt qu’un affrontement.
  • Bridle s’en prend également longuement à la surveillance et notamment à la surveillance d’Etat pour souligner combien elle nous est masquée et continue à l’être, malgré les révélations d’Edward Snowden. Vous pouvez lire n’importe quel e-mail dans le monde d’une personne dont vous avez l’adresse. Vous pouvez regarder le trafic de tout site web. Vous pouvez suivre les mouvements de tout ordinateur portable à travers le monde. Pour Bridle, cela nous a montré qu’il n’y a pas de restriction possible à la capacité de surveillance du réseau. L’échelle et la taille de la surveillance a excédé ce que nous pensions comme étant techniquement possible.
  • En opposition au secret, nous demandons de la transparence, mais elle n’est peut-être pas le bon levier. La NSA et Wikileaks partagent la même vision du monde avec des finalités différentes, rappelle Bridle. Les deux pensent qu’il y a des secrets au coeur du monde qui, s’ils étaient connus, pourraient rendre le monde meilleur. Wikileaks veut la transparence pour tous. La NSA veut la transparence pour elle. Les deux fonctionnent sur une même vision du monde. Wikileaks ne voulait pas devenir le miroir de la NSA, mais voulait briser la machine de surveillance. En 2006, Assange a écrit « Conspiracy as Governance » (.pdf). Pour lui, tout système autoritaire repose sur des conspirations, car leur pouvoir repose sur le secret. Les leaks minent leur pouvoir, pas par ce qui fuite, mais parce que la peur et la paranoïa dégradent la capacité du système autoritaire à conspirer. Mais les fuites de données ne suffisent pas à remettre en cause ou à abattre l’autorité. Les révélations ne font pas bouger l’opinion, sinon, nous aurions réagi bien avant les révélations de Snowden. Tant que les organisations de surveillance ne changent pas de l’intérieur, ceux qui sont en dehors de ces organisations, comme les lanceurs d’alertes, n’ont pas de capacité d’action. Ils attendent que des fonctionnaires ou que la justice confirment ce qu’ils avancent.
  • Mais la lumière du calcul nous dépossède de pouvoir, car elle nous fait crouler sous l’information et nous donne un faux sens de la sécurité. C’est là encore une conséquence de la pensée computationnelle. « Notre vision est devenue universelle, mais notre capacité d’action, elle, s’est réduite plus que jamais. » A l’image du réchauffement climatique, à nouveau, « nous savons de plus en plus de choses sur le monde, mais nous sommes de moins en moins capable d’agir sur lui ». Au final, nous nous sentons plus démunis que jamais. Plutôt que de reconsidérer nos hypothèses, nous nous enfonçons dans la paranoïa et la désintégration sociale.
  • Le monde est devenu trop complexe pour des histoires simples. En fait, « la démultiplication de l’information ne produit pas plus de clarté, mais plus de confusion ». L’un des symptômes de la paranoïa consiste à croire que quelqu’un vous surveille. Mais cette croyance est désormais devenue raisonnable, s’amuse Bridle en évoquant la surveillance d’Etat comme la surveillance des services numériques. Nous sommes entièrement sous contrôle, tant et si bien qu’on peut se demander qui est paranoïaque désormais ?
  • « Les théories conspirationnistes sont le dernier ressort des sans pouvoirs, imaginant ce que serait que d’être puissant », avance Bridle. Pour le spécialiste de la postmodernité, Frederic Jameson, les théories conspirationnistes sont « la cartographie cognitive des plus démunis dans un âge postmoderne ». C’est la figure dégradée de la logique par ceux qui ont le moins de capital culturel, une tentative désespérée de se représenter un système qu’ils ne comprennent pas. Encerclé par l’évidence de la complexité, l’individu a recours à un récit simpliste pour tenter de regagner un peu de contrôle sur la situation. À mesure que la technologie augmente et accélère le monde, celui-ci devient plus complexe. Les théories conspirationnistes deviennent alors des réponses, étranges, intriquées et violentes, pour s’en accommoder.
  • Ainsi, si vous cherchez de l’information sur les vaccins, vous tomberez invariablement sur de l’information contre les vaccins. Si vous cherchez de l’information sur la rotondité de la terre, vous tomberez inexorablement sur ceux qui pensent qu’elle est plate. Ces opinions divergentes semblent devenir la majorité tant elles sont exprimées et répétées avec force. « Ce qui se passe quand vous désirez en savoir de plus en plus sur le monde entre en collision avec un système qui va continuer à assortir ses réponses à n’importe quelle question, sans résolution ». Vous trouverez toujours quelqu’un pour rejoindre vos points de vue. Et toujours un flux pour les valider. Voici l’âge de la radicalisation algorithmique (à l’image de ce que disait Zeynep Tufekci de YouTube). Les théories conspirationnistes sont devenues la narration dominante. Elles expliquent tout. Dans la zone grise des connaissances, tout prend un sens.
  • Les failles des algorithmes sont les dernières failles du capitalisme où certains s’infiltrent non pas pour le renverser, mais pour tenter de gratter un peu d’argent que les plus gros systèmes s’accaparent. Au final, des vidéos automatisées finissent par être vues par des enfants. Leurs personnages préférés y font n’importe quoi, parfois suggèrent des scènes de meurtre ou de viols. Ces effets de réseaux causent des problèmes réels. Les algorithmes de YouTube ont besoin d’exploitation pour produire leurs revenus. Derrière leurs aspects séduisants, ils encodent les pires aspects du marché, notamment l’avidité. « La capacité à exploiter l’autre est encodée dans les systèmes que nous construisons », pointe très justement James Bridle, puisque leur efficacité repose sur leur capacité à extraire de l’argent de nos comportements.
  • À défaut d’une solution, Google annonçait en avril que l’application YouTube Kids allait devenir « non-algorithmique »… À croire, comme le pointait très justement le chercheur Olivier Ertzscheid, que l’algorithimsation n’est pas une solution sans limites.
  • Pour Bridle, les humains sont dégradés des deux côtés de l’équation : à la fois dans l’exploitation qui est faite de leur attention et à la fois dans l’exploitation de leur travail. Ces nouvelles formes de violence sont inhérentes aux systèmes numériques et à leur motivation capitaliste. Le système favorise l’abus et ceux qui le produisent sont complices, accuse-t-il. L’architecture qu’ils ont construite pour extraire le maximum de revenus des vidéos en ligne a été hackée par d’autres systèmes pour abuser d’enfants à une échelle massive. Les propriétaires de ces plateformes ont une responsabilité forte dans l’exploitation qu’ils ont mise en place. « C’est profondément un âge sombre quand les structures qu’on a construites pour étendre la sphère de communications sont utilisées contre nous d’une manière systématique et automatique. »
  • Pour Bridle, les fausses nouvelles ne sont pas le produit de l’internet. Elles sont le produit de la cupidité et de la démocratisation de la propagande où tout a chacun peut devenir un propagandiste. Elles sont un amplificateur de la division qui existe déjà dans la société, comme les sites conspirationnistes amplifient la schizophrénie.
  • Mais ce qu’il y a de commun avec le Brexit, les élections américaines ou les profondeurs de YouTube, c’est que malgré tous les soupçons, il reste impossible de savoir qui fait ça, qu’elles sont leurs motivations, leurs intentions. On peut regarder sans fin ces flux vidéos, on peut parcourir sans fin les murs de mises à jour de statuts ou de tweets… cela ne permet pas de discerner clairement ce qui est généré algorithmiquement ou ce qui est construit délibérément et soigneusement pour générer des revenus publicitaires. On ne peut pas discerner clairement la fiction paranoïaque, l’action d’États, la propagande du spam… Ces confusions servent les manipulateurs quels qu’ils soient bien sûr, mais cela les dépasse aussi. C’est la manière dont le monde est. Personne ne semble réellement décider de son évolution… « Personne ne veut d’un âge sombre, mais nous le construisons quand même et nous allons devoir y vivre. »
  • Exploiter plus de données pour construire de meilleurs systèmes est une erreur. Cette méthode ne parviendra pas à prendre en compte la complexité humaine ni à la résoudre. Le développement de l’information n’a pas conduit à une meilleure compréhension du monde, mais au développement de points de vue alternatifs et concurrents. Nous devons changer nos façons de penser comme nous y invitait Lovecraft. Nous ne survivrons pas plus à l’information brute qu’à la bombe atomique. Le nouvel âge sombre est un lieu où le futur devient radicalement incertain et où le passé devient irrévocablement contesté. Mais c’est le présent dans lequel nous devons vivre et penser. Nous ne sommes pas sans pouvoir ni capacités. Mais pour cela nous devons nous défaire des promesses illusoires de la pensée computationnelle. Penser le monde autre, c’est ce à quoi nous invite James Bridle dans le nouvel âge sombre.
  • Reste à savoir si cet âge sombre des technologies est vraiment notre avenir. L’âge sombre du Moyen Âge n’a jamais vraiment existé ailleurs que dans les lacunes des historiens. On peut douter également de cette nouvelle obscurité ou regretter le titre faussement prophétique. Reste que la complexité et l’intrication du monde que décrit James Bridle, montrent combien il nous faut, plus que jamais, nous défaire justement d’une vision simple et manichéenne de la technologie.
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    "Ce New Dark Age porte un titre prophétique et apocalyptique. Un peu trop peut-être. C'est effectivement un livre très critique sur notre rapport à la technologie, très éloigné du rapport souvent curieux et amusé que Bridle portait aux technologies avec la nouvelle esthétique. En une dizaine de chapitres, Bridle explore les glitchs qui sont désormais devenus des schismes, des scissions, des ruptures… comme s'ils n'étaient plus aussi distrayants. Dans son livre, il montre combien les bugs se cristallisent en caractéristiques. Combien la complexité technique que nous avons construite s'entremêle pour produire des effets en réseau, complexes, profonds, intriqués que nous ne parvenons plus vraiment à démêler. Son constat principal consiste à dire que ces dysfonctionnements ne sont pas amenés à être corrigés. Ils sont au contraire intrinsèques à la nature même des technologies qui se déploient aujourd'hui. Contrairement à ce que nous annonçaient les pionniers et les prophètes des technologies, pour Bridle, la technologie n'annonce pas de nouvelles Lumières ou une Renaissance, mais, comme Jules Michelet parlait du Moyen Âge, un âge sombre, une ère d'obscurité pour ne pas dire d'obscurantisme. Ni les réseaux sociaux, ni l'intelligence artificielle, ni les systèmes techniques ne vont nous aider à faire monde commun. Au contraire."
Aurialie Jublin

YouTube : confessions d'un repenti - Le Point - 0 views

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    "De 2010 à 2013, Guillaume Chaslot a travaillé dans l'équipe chargée de l'algorithme de recommandation de YouTube. Il raconte."
Aurialie Jublin

An Apology for the Internet - From the People Who Built It - 1 views

  • There have always been outsiders who criticized the tech industry — even if their concerns have been drowned out by the oohs and aahs of consumers, investors, and journalists. But today, the most dire warnings are coming from the heart of Silicon Valley itself. The man who oversaw the creation of the original iPhone believes the device he helped build is too addictive. The inventor of the World Wide Web fears his creation is being “weaponized.” Even Sean Parker, Facebook’s first president, has blasted social media as a dangerous form of psychological manipulation. “God only knows what it’s doing to our children’s brains,” he lamented recently.
  • To keep the internet free — while becoming richer, faster, than anyone in history — the technological elite needed something to attract billions of users to the ads they were selling. And that something, it turns out, was outrage. As Jaron Lanier, a pioneer in virtual reality, points out, anger is the emotion most effective at driving “engagement” — which also makes it, in a market for attention, the most profitable one. By creating a self-perpetuating loop of shock and recrimination, social media further polarized what had already seemed, during the Obama years, an impossibly and irredeemably polarized country.
  • The Architects (In order of appearance.) Jaron Lanier, virtual-reality pioneer. Founded first company to sell VR goggles; worked at Atari and Microsoft. Antonio García Martínez, ad-tech entrepreneur. Helped create Facebook’s ad machine. Ellen Pao, former CEO of Reddit. Filed major gender-discrimination lawsuit against VC firm Kleiner Perkins. Can Duruk, programmer and tech writer. Served as project lead at Uber. Kate Losse, Facebook employee No. 51. Served as Mark Zuckerberg’s speechwriter. Tristan Harris, product designer. Wrote internal Google presentation about addictive and unethical design. Rich “Lowtax” Kyanka, entrepreneur who founded influential message board Something Awful. Ethan Zuckerman, MIT media scholar. Invented the pop-up ad. Dan McComas, former product chief at Reddit. Founded community-based platform Imzy. Sandy Parakilas, product manager at Uber. Ran privacy compliance for Facebook apps. Guillaume Chaslot, AI researcher. Helped develop YouTube’s algorithmic recommendation system. Roger McNamee, VC investor. Introduced Mark Zuckerberg to Sheryl Sandberg. Richard Stallman, MIT programmer. Created legendary software GNU and Emacs.
  • ...45 more annotations...
  • How It Went Wrong, in 15 Steps Step 1 Start With Hippie Good Intentions …
  • I think two things are at the root of the present crisis. One was the idealistic view of the internet — the idea that this is the great place to share information and connect with like-minded people. The second part was the people who started these companies were very homogeneous. You had one set of experiences, one set of views, that drove all of the platforms on the internet. So the combination of this belief that the internet was a bright, positive place and the very similar people who all shared that view ended up creating platforms that were designed and oriented around free speech.
  • Step 2 … Then mix in capitalism on steroids. To transform the world, you first need to take it over. The planetary scale and power envisioned by Silicon Valley’s early hippies turned out to be as well suited for making money as they were for saving the world.
  • Step 3 The arrival of Wall Streeters didn’t help … Just as Facebook became the first overnight social-media success, the stock market crashed, sending money-minded investors westward toward the tech industry. Before long, a handful of companies had created a virtual monopoly on digital life.
  • Ethan Zuckerman: Over the last decade, the social-media platforms have been working to make the web almost irrelevant. Facebook would, in many ways, prefer that we didn’t have the internet. They’d prefer that we had Facebook.
  • Step 4 … And we paid a high price for keeping it free. To avoid charging for the internet — while becoming fabulously rich at the same time — Silicon Valley turned to digital advertising. But to sell ads that target individual users, you need to grow a big audience — and use advancing technology to gather reams of personal data that will enable you to reach them efficiently.
  • Harris: If you’re YouTube, you want people to register as many accounts as possible, uploading as many videos as possible, driving as many views to those videos as possible, so you can generate lots of activity that you can sell to advertisers. So whether or not the users are real human beings or Russian bots, whether or not the videos are real or conspiracy theories or disturbing content aimed at kids, you don’t really care. You’re just trying to drive engagement to the stuff and maximize all that activity. So everything stems from this engagement-based business model that incentivizes the most mindless things that harm the fabric of society.
  • Step 5 Everything was designed to be really, really addictive. The social-media giants became “attention merchants,” bent on hooking users no mater the consequences. “Engagement” was the euphemism for the metric, but in practice it evolved into an unprecedented machine for behavior modification.
  • Harris: That blue Facebook icon on your home screen is really good at creating unconscious habits that people have a hard time extinguishing. People don’t see the way that their minds are being manipulated by addiction. Facebook has become the largest civilization-scale mind-control machine that the world has ever seen.
  • Step 6 At first, it worked — almost too well. None of the companies hid their plans or lied about how their money was made. But as users became deeply enmeshed in the increasingly addictive web of surveillance, the leading digital platforms became wildly popular.
  • Pao: There’s this idea that, “Yes, they can use this information to manipulate other people, but I’m not gonna fall for that, so I’m protected from being manipulated.” Slowly, over time, you become addicted to the interactions, so it’s hard to opt out. And they just keep taking more and more of your time and pushing more and more fake news. It becomes easy just to go about your life and assume that things are being taken care of.
  • McNamee: If you go back to the early days of propaganda theory, Edward Bernays had a hypothesis that to implant an idea and make it universally acceptable, you needed to have the same message appearing in every medium all the time for a really long period of time. The notion was it could only be done by a government. Then Facebook came along, and it had this ability to personalize for every single user. Instead of being a broadcast model, it was now 2.2 billion individualized channels. It was the most effective product ever created to revolve around human emotions.
  • Step 7 No one from Silicon Valley was held accountable … No one in the government — or, for that matter, in the tech industry’s user base — seemed interested in bringing such a wealthy, dynamic sector to heel.
  • Step 8 … Even as social networks became dangerous and toxic. With companies scaling at unprecedented rates, user security took a backseat to growth and engagement. Resources went to selling ads, not protecting users from abuse.
  • Lanier: Every time there’s some movement like Black Lives Matter or #MeToo, you have this initial period where people feel like they’re on this magic-carpet ride. Social media is letting them reach people and organize faster than ever before. They’re thinking, Wow, Facebook and Twitter are these wonderful tools of democracy. But it turns out that the same data that creates a positive, constructive process like the Arab Spring can be used to irritate other groups. So every time you have a Black Lives Matter, social media responds by empowering neo-Nazis and racists in a way that hasn’t been seen in generations. The original good intention winds up empowering its opposite.
  • Chaslot: As an engineer at Google, I would see something weird and propose a solution to management. But just noticing the problem was hurting the business model. So they would say, “Okay, but is it really a problem?” They trust the structure. For instance, I saw this conspiracy theory that was spreading. It’s really large — I think the algorithm may have gone crazy. But I was told, “Don’t worry — we have the best people working on it. It should be fine.” Then they conclude that people are just stupid. They don’t want to believe that the problem might be due to the algorithm.
  • Parakilas: One time a developer who had access to Facebook’s data was accused of creating profiles of people without their consent, including children. But when we heard about it, we had no way of proving whether it had actually happened, because we had no visibility into the data once it left Facebook’s servers. So Facebook had policies against things like this, but it gave us no ability to see what developers were actually doing.
  • McComas: Ultimately the problem Reddit has is the same as Twitter: By focusing on growth and growth only, and ignoring the problems, they amassed a large set of cultural norms on their platforms that stem from harassment or abuse or bad behavior. They have worked themselves into a position where they’re completely defensive and they can just never catch up on the problem. I don’t see any way it’s going to improve. The best they can do is figure out how to hide the bad behavior from the average user.
  • Step 9 … And even as they invaded our privacy. The more features Facebook and other platforms added, the more data users willingly, if unwittingly, released to them and the data brokers who power digital advertising.
  • Richard Stallman: What is data privacy? That means that if a company collects data about you, it should somehow protect that data. But I don’t think that’s the issue. The problem is that these companies are collecting data about you, period. We shouldn’t let them do that. The data that is collected will be abused. That’s not an absolute certainty, but it’s a practical extreme likelihood, which is enough to make collection a problem.
  • Losse: I’m not surprised at what’s going on now with Cambridge Analytica and the scandal over the election. For long time, the accepted idea at Facebook was: Giving developers as much data as possible to make these products is good. But to think that, you also have to not think about the data implications for users. That’s just not your priority.
  • Step 10 Then came 2016. The election of Donald Trump and the triumph of Brexit, two campaigns powered in large part by social media, demonstrated to tech insiders that connecting the world — at least via an advertising-surveillance scheme — doesn’t necessarily lead to that hippie utopia.
  • Chaslot: I realized personally that things were going wrong in 2011, when I was working at Google. I was working on this YouTube recommendation algorithm, and I realized that the algorithm was always giving you the same type of content. For instance, if I give you a video of a cat and you watch it, the algorithm thinks, Oh, he must really like cats. That creates these feeder bubbles where people just see one type of information. But when I notified my managers at Google and proposed a solution that would give a user more control so he could get out of the feeder bubble, they realized that this type of algorithm would not be very beneficial for watch time. They didn’t want to push that, because the entire business model is based on watch time.
  • Step 11 Employees are starting to revolt. Tech-industry executives aren’t likely to bite the hand that feeds them. But maybe their employees — the ones who signed up for the mission as much as the money — can rise up and make a change.
  • Harris: There’s a massive demoralizing wave that is hitting Silicon Valley. It’s getting very hard for companies to attract and retain the best engineers and talent when they realize that the automated system they’ve built is causing havoc everywhere around the world. So if Facebook loses a big chunk of its workforce because people don’t want to be part of that perverse system anymore, that is a very powerful and very immediate lever to force them to change.
  • Duruk: I was at Uber when all the madness was happening there, and it did affect recruiting and hiring. I don’t think these companies are going to go down because they can’t attract the right talent. But there’s going to be a measurable impact. It has become less of a moral positive now — you go to Facebook to write some code and then you go home. They’re becoming just another company.
  • Step 12 To fix it, we’ll need a new business model … If the problem is in the way the Valley makes money, it’s going to have to make money a different way. Maybe by trying something radical and new — like charging users for goods and services.
  • Parakilas: They’re going to have to change their business model quite dramatically. They say they want to make time well spent the focus of their product, but they have no incentive to do that, nor have they created a metric by which they would measure that. But if Facebook charged a subscription instead of relying on advertising, then people would use it less and Facebook would still make money. It would be equally profitable and more beneficial to society. In fact, if you charged users a few dollars a month, you would equal the revenue Facebook gets from advertising. It’s not inconceivable that a large percentage of their user base would be willing to pay a few dollars a month.
  • Step 13 … And some tough regulation. Mark Zuckerberg testifying before Congress on April 10. Photo: Jim Watson/AFP/Getty Images While we’re at it, where has the government been in all this? 
  • Stallman: We need a law. Fuck them — there’s no reason we should let them exist if the price is knowing everything about us. Let them disappear. They’re not important — our human rights are important. No company is so important that its existence justifies setting up a police state. And a police state is what we’re heading toward.
  • Duruk: The biggest existential problem for them would be regulation. Because it’s clear that nothing else will stop these companies from using their size and their technology to just keep growing. Without regulation, we’ll basically just be complaining constantly, and not much will change.
  • McNamee: Three things. First, there needs to be a law against bots and trolls impersonating other people. I’m not saying no bots. I’m just saying bots have to be really clearly marked. Second, there have to be strict age limits to protect children. And third, there has to be genuine liability for platforms when their algorithms fail. If Google can’t block the obviously phony story that the kids in Parkland were actors, they need to be held accountable.
  • Stallman: We need a law that requires every system to be designed in a way that achieves its basic goal with the least possible collection of data. Let’s say you want to ride in a car and pay for the ride. That doesn’t fundamentally require knowing who you are. So services which do that must be required by law to give you the option of paying cash, or using some other anonymous-payment system, without being identified. They should also have ways you can call for a ride without identifying yourself, without having to use a cell phone. Companies that won’t go along with this — well, they’re welcome to go out of business. Good riddance.
  • Step 14 Maybe nothing will change. The scariest possibility is that nothing can be done — that the behemoths of the new internet are too rich, too powerful, and too addictive for anyone to fix.
  • García: Look, I mean, advertising sucks, sure. But as the ad tech guys say, “We’re the people who pay for the internet.” It’s hard to imagine a different business model other than advertising for any consumer internet app that depends on network effects.
  • Step 15 … Unless, at the very least, some new people are in charge. If Silicon Valley’s problems are a result of bad decision-making, it might be time to look for better decision-makers. One place to start would be outside the homogeneous group currently in power.
  • Pao: I’ve urged Facebook to bring in people who are not part of a homogeneous majority to their executive team, to every product team, to every strategy discussion. The people who are there now clearly don’t understand the impact of their platforms and the nature of the problem. You need people who are living the problem to clarify the extent of it and help solve it.
  • Things That Ruined the Internet
  • Cookies (1994) The original surveillance tool of the internet. Developed by programmer Lou Montulli to eliminate the need for repeated log-ins, cookies also enabled third parties like Google to track users across the web. The risk of abuse was low, Montulli thought, because only a “large, publicly visible company” would have the capacity to make use of such data. The result: digital ads that follow you wherever you go online.
  • The Farmville vulnerability (2007)   When Facebook opened up its social network to third-party developers, enabling them to build apps that users could share with their friends, it inadvertently opened the door a bit too wide. By tapping into user accounts, developers could download a wealth of personal data — which is exactly what a political-consulting firm called Cambridge Analytica did to 87 million Americans.
  • Algorithmic sorting (2006) It’s how the internet serves up what it thinks you want — automated calculations based on dozens of hidden metrics. Facebook’s News Feed uses it every time you hit refresh, and so does YouTube. It’s highly addictive — and it keeps users walled off in their own personalized loops. “When social media is designed primarily for engagement,” tweets Guillaume Chaslot, the engineer who designed YouTube’s algorithm, “it is not surprising that it hurts democracy and free speech.”
  • The “like” button (2009) Initially known as the “awesome” button, the icon was designed to unleash a wave of positivity online. But its addictive properties became so troubling that one of its creators, Leah Pearlman, has since renounced it. “Do you know that episode of Black Mirror where everyone is obsessed with likes?” she told Vice last year. “I suddenly felt terrified of becoming those people — as well as thinking I’d created that environment for everyone else.”
  • Pull-to-refresh (2009) Developed by software developer Loren Brichter for an iPhone app, the simple gesture — scrolling downward at the top of a feed to fetch more data — has become an endless, involuntary tic. “Pull-to-refresh is addictive,” Brichter told The Guardian last year. “I regret the downsides.”
  • Pop-up ads (1996) While working at an early blogging platform, Ethan Zuckerman came up with the now-ubiquitous tool for separating ads from content that advertisers might find objectionable. “I really did not mean to break the internet,” he told the podcast Reply All. “I really did not mean to bring this horrible thing into people’s lives. I really am extremely sorry about this.”
  • The Silicon Valley dream was born of the counterculture. A generation of computer programmers and designers flocked to the Bay Area’s tech scene in the 1970s and ’80s, embracing new technology as a tool to transform the world for good.
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    Internet en 15 étapes, de sa construction à aujourd'hui, regards et regrets de ceux qui l'ont construit... [...] "Things That Ruined the Internet" les cookies 1994 / la faille Farmville 2007 / le tri algorithmique 2006 / le "like" 2009 / le "pull to refresh" 2009 / les "pop-up ads" 1996 [...]
Aurialie Jublin

Pour l'interopérabilité des géants du Web : lettre commune de 56 organisation... - 0 views

  • Nous, défenseurs d’un Internet neutre, libre et ouvert, appelons le législateur à agir pour que les grandes plateformes deviennent interopérables avec les autres services Internet. L’interopérabilité garantit à tout le monde de ne pas se trouver captif d’une plateforme : de pouvoir librement la quitter, sans perdre ses liens sociaux, et de continuer à communiquer avec ses contacts. L’interopérabilité permet à quiconque de lire depuis un service A les contenus diffusés par ses contacts sur un service B, et d’y répondre comme s’il y était. L’interopérabilité est garantie lorsqu’elle repose sur des standards ouverts.
  • Des services comme Facebook, Twitter et Youtube tiennent leur pouvoir du nombre élevé d’utilisateurs et d’utilisatrices qu’ils ont rendu captives : ce grand nombre incite d’autres personnes à rejoindre leur service, et leur captivité permet de leur imposer une surveillance constante à des fins publicitaires. Aujourd’hui, nombreux sont celles et ceux qui souhaiteraient y échapper mais sont contraints d’y rester sous peine de perdre le contact avec leurs relations. Pourtant, en dehors de ces plateformes, des services interopérables réunissent déjà des millions de personnes (Mastodon, Diaspora, PeerTube…), notamment via le protocole d’interopérabilité ActivityPub publié par le W3C en 2018. Ces réseaux décentralisés, basés sur des logiciels libres, sont co-hébergés par une multitude d’acteurs distribuant largement les coûts entre eux, ce qui contribue à l’émergence de modèles économiques bien plus respectueux des libertés que celui de la publicité ciblée.
  • Migrer vers ces services permettrait aussi d’échapper à l’environnement toxique entretenu sur Facebook, Youtube ou Twitter. Ces géants favorisent la diffusion des contenus qui maintiennent au mieux notre attention, souvent les plus anxiogènes ou caricaturaux. À l’opposé de la voie prise par les récentes lois de censure, il ne faut pas espérer que ces plateformes freinent la diffusion de propos haineux, trompeurs ou dangereux, car leur modèle économique, au contraire, renforce cette diffusion. Il est urgent de permettre à toute personne d’échapper à la surveillance et à la toxicité de ces grandes plateformes en rejoignant des services libres, décentralisés et à taille humaine sans conséquences nocives sur ses liens sociaux. La loi doit imposer cette interopérabilité.
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    "La Quadrature du Net, avec 56 organisations de défense des libertés, organisations professionnelles, hébergeurs et FAI associatifs, demandent au gouvernement et au législateur d'agir pour que les grandes plateformes (Facebook, Youtube, Twitter…) deviennent interopérables avec les autres services Internet."
Aurialie Jublin

Droit d'auteur : YouTube lance une démonstration de force contre l'article 13 - 0 views

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    Dans un message envoyé à tous les youtubeurs, sous le sigle #SaveYourInternet, la plate-forme les appelle à manifester publiquement leur opposition à la directive européenne adoptée le 12 septembre.
Aurialie Jublin

La directive Copyright n'est pas une défaite pour l'Internet Libre et Ouvert ... - 0 views

  • Trop souvent, nous avons concentré nos énergies sur des combats législatifs, hypnotisés par l’idée que le décompte des voix conduirait à une sorte « d’ordalie démocratique ». Cela nous a donné plusieurs fois l’illusion d’avoir remporté quelque chose, comme au moment du rejet de l’ACTA, alors que les racines du problème restaient intactes. Mais heureusement en sens inverse, si la victoire n’est jamais acquise en cas de succès législatif, il en est de même pour la défaite. Et rien ne serait plus faux que de penser que le vote de cette semaine sur la directive Copyright constitue la fin de l’histoire, sous prétexte que nous aurions encaissé là une défaite décisive !
  • Certes les articles 11 et 13 du texte, qui instaurent une obligation de filtrage automatisé des plateformes et une taxe sur les liens hypertextes au profit des éditeurs de presse, représentent des monstruosités contre lesquelles il était nécessaire de lutter. Mais il convient à présent d’apprécier exactement la portée de ces mesures, pour réadapter très rapidement notre stratégie en conséquence à partir d’une appréhension claire de la situation. Or cette « vision stratégique d’ensemble » est à mon sens précisément ce qui a manqué tout au long de cette campagne dans le camp des défenseurs des libertés numériques et il est inquiétant de constater que ces erreurs de jugement n’ont pas disparu maintenant que l’heure est venue d’analyser les conséquences du scrutin.
  • On a pu voir par exemple cette semaine l’eurodéputée du Parti Pirate Julia Reda expliquer sur son blog que ce vote constituait un « coup dur porté à l’internet libre et ouvert » (Today’s decision is a severe blow to the free and open internet). De son côté, Cory Doctorow a écrit un article sur le site de l’EFF, où il affirme que « l’Europe a perdu Internet » (Today, Europe lost the Internet). Sur Next INpact, Marc Rees déplore dans la même veine « une mise au pilori du Web tel que nous le connaissons, un affront à la liberté d’expression. » Ces appréciations font écho au mot d’ordre qui fut celui des défenseurs des libertés en campagne contre les articles 11 et 13 de la Directive : Save Your Internet (Sauvez votre Internet).
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  • Or lorsqu’on lit attentivement ces articles, tels qu’amendés par le vote des eurodéputés, on se rend compte qu’ils ne visent pas pas « l’Internet » ou « le Web » tout entier, mais seulement une catégorie d’acteurs déterminés, à savoir les plateformes centralisées à but lucratif. Ce n’est donc pas « l’Internet libre et ouvert » qui va être frappé par cette directive, mais plutôt exactement ce qui représente son antithèse ! A savoir cette couche d’intermédiaires profondément toxiques qui ont dénaturé au fil du temps les principes sur lesquels Internet et le Web s’appuyaient à l’origine pour nous faire basculer dans la « plateformisation ».
  • Or le grand mensonge sur lesquels s’appuient les GAFAM – principaux responsables de cette centralisation -, c’est de chercher à faire croire qu’ils représentent à eux-seuls l’Internet tout entier, comme si rien ne pouvait plus exister en dehors de leur emprise. En ce sens quand j’entends Cory Doctorow dire que nous « avons perdu Internet » à cause de mesures ciblant les acteurs centralisés lucratifs, je ne peux que frémir. Avec tout le respect que je peux avoir pour ce grand monsieur, ses propos paraissent avoir incorporé la prétention des GAFAM à recouvrir le web et c’est particulièrement grave. Car c’est précisément cela qui constituerait la défaite finale des défenseurs des libertés : se résigner à cet état de fait et ne pas agir sur les marges dont nous disposons encore pour briser cette hégémonie.
  • Sur Next INpact, Marc Rees identifie avec raison le changement le plus profond que ce texte va amener : il remet en question la distinction classique entre hébergeurs et éditeurs, issue de la directive eCommerce de 2000. Jusqu’à présent, les hébergeurs bénéficiaient d’une responsabilité atténuée vis-à-vis des actes commis par leurs utilisateurs. Au lieu de cela, la directive Copyright introduit une nouvelle catégorie d’intermédiaires dits « actifs » qui devront assumer la responsabilité des contenus qu’ils diffusent, même s’ils ne sont pas directement à l’origine de leur mise en ligne.
  • On voit que le « rôle actif » se déduit de trois éléments : la taille de l’acteur, son but lucratif et la hiérarchisation automatisée de contenus. Ce sont donc bien des plateformes centralisées lucratives, type Facebook ou YouTube, qui devront assumer cette nouvelle responsabilité. Pour y échapper, elles devront conclure des accords de licence pour rémunérer les ayant droits et, à défaut, déployer un filtrage automatisé des contenus a priori. En pratique, elles seront certainement toujours obligées de mettre en place un filtrage, car il est quasiment impossible d’obtenir une licence capable de couvrir l’intégralité des œuvres pouvant être postées.
  • La directive a par ailleurs pris le soin de préciser que les « prestataires sans finalité commerciale, comme les encyclopédies en ligne de type Wikipedia » ainsi que les « plateformes de développement de logiciels Open Source » seraient exclus du champ d’application de l’article 13, ce qui donne des garanties contre d’éventuels dommages collatéraux.
  • Marc Rees nous explique que cette évolution est dangereuse, parce que l’équilibre fixé par la directive eCommerce constituerait le « socle fondamental du respect de la liberté d’expression » sur Internet. Mais cette vision me paraît relever d’une conception purement « formelle » de la liberté d’expression. Peut-on encore dire que ce qui se passe sur Facebook ou YouTube relève de l’exercice de la liberté d’expression, alors que ces acteurs soumettent leurs utilisateurs à l’emprise d’une gouvernance algorithmique de plus en plus insupportable, que cible précisément la notion de « rôle actif » ?
  • Il est peut-être temps de tirer réellement les conséquences de la célèbre maxime « Code Is Law » de Lawrence Lessig : le droit n’est qu’une sorte de voile dans l’environnement numérique, car c’est le soubassement technique sur lequel s’appuie les usages qui conditionne réellement l’exercice des libertés. Quoi que dise la directive eCommerce, il n’y a quasiment plus rien qui relève de l’exercice de la liberté d’expression sur les plateformes centralisées lucratives, sinon une grotesque parodie qui salit le nom même de la liberté et nous en fait peu à peu perdre jusqu’au sens ! En le lisant « en creux », l’article 13 dessine au contraire l’espace sur Internet où la liberté d’expression peut encore réellement s’exercer : le réseau des sites personnels, celui des hébergeurs ne jouant pas un rôle actif et – plus important encore – les nouveaux services s’appuyant sur une fédération de serveurs, comme Mastodon ou Peertube.
  • Ce qui va se passer à présent avec l’obligation de filtrage automatisée, c’est que les grandes plateformes centralisées lucratives, type YouTube ou Facebook, vont sans doute devenir des espaces où les utilisateurs éprouveront le poids d’une répression « à la chinoise » avec la nécessité de se soumettre à un contrôle algorithmique avant même de pouvoir poster leurs contenus. Le contraste n’en sera que plus fort avec les espaces restant en dehors du périmètre de l’article 13, que les créateurs et leur public seront d’autant plus incités à rejoindre. Doit-on réellement le déplorer ?
  • On retrouve ici le problème de « l’agnosticisme économique » dont j’ai déjà parlé sur ce blog à propos du fonctionnement même des licences libres. En refusant de discriminer selon les types d’usages économiques, les défenseurs du Libre se sont en réalité privés de la possibilité de développer une réelle doctrine économique. C’est ce même aveuglement aux questions économiques qui conduit à des aberrations de positionnement comme celles que l’on a vu au cours de cette campagne contre la directive Copyright. Comment mobiliser autour du mot d’ordre « Save Your Internet », alors que cet « Internet » que l’on a voulu faire passer pour « le notre » comprend en réalité les principaux représentants du capitalisme de surveillance ? C’est le sens même de nos luttes qui disparaît si nous ne nous donnons pas les moyens d’opérer des distinctions claires parmi les acteurs économiques.
  • En juin dernier, c’est-à-dire avant même le premier vote sur la directive, La Quadrature du Net a commencé à développer ce type d’analyses, en suggérant de ne pas s’opposer à l’introduction du critère du « rôle actif » des plateformes pour au contraire le retourner comme une arme dans la lutte contre la centralisation
  • L’enjeu n’est pas de chercher – sans doute vainement – à supprimer l’article 13, mais de réussir à délimiter clairement son périmètre pour s’assurer qu’il ne s’appliquera qu’à des acteurs centralisés lucratifs procédant à une hiérarchisation des contenus. Manœuvrer ainsi ferait peser sur les GAFAM une charge écrasante, tout en préservant un espace pour développer un réseau d’acteurs éthiques non-centralisés et inscrits dans une logique d’économie solidaire. Il n’y a qu’au sein d’une telle sphère que l’on puisse encore espérer œuvrer pour un « Internet Libre et Ouvert ».
  • Il faut aussi sortir de l’urgence immédiate imposée par cette série de votes pour se replacer dans le temps long. De toutes façons, quelle que soit l’issue des dernières négociations, il restera encore plusieurs années (3, 4, peut-être plus ?) avant que la directive ne soit transposée dans les pays de l’Union. C’est un délai appréciable qui nous laisse encore le temps de travailler au développement de cette sphère d’acteurs alternatifs.
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    "Bien que la directive droit d'auteur soit le symptôme d'une soumission économique de nos industries aux géants du Web, elle crée néanmoins l'opportunité de remettre en cause ces géants, au profit de l'Internet décentralisé. C'est ce que nous rappelle Calimaq, membre de La Quadrature du Net, dans cette tribune - initialement publiée sur son blog."
Aurialie Jublin

[Fake] Internet serait-il devenu complètement fake? - Digital Society Forum - 0 views

  • Sur Internet, moins de 60% du trafic serait humain, explique l’auteur. Le reste des Internautes seraient des bots, des logiciels opérant de manière autonome sur le réseau. Au point de brouiller la frontière entre Internautes humains et non-humains. En 2013, la moitié des usagers de Youtube étaient ainsi des bots se faisant passer pour des êtres humains, ce qui avait fait craindre aux employés de la multinationale l’avènement d’une ère où les systèmes de détection du trafic frauduleux jugeraient réelle l’activité des bots, et fausse celle des êtres humains.
  • Au cours des deux dernières années, Facebook aurait également publié des chiffres erronés sur le renvoi du trafic depuis Facebook vers des sites externes, la portée des publications, ou encore le nombre de “vues” des vidéos postées sur la plateforme. Ce qui interroge, là encore, sur la notion de “réel” sur Internet.
  • “Tout ce qui semblait auparavant incontestablement réel semble maintenant légèrement faux; tout ce qui semblait auparavant légèrement faux a maintenant le pouvoir et la présence du réel”, déplore l’auteur. Et de multiplier les exemples: entre les vidéos complotistes pullulant sur Youtube, les trolls russes se faisant passer pour des soutiens de Donald Trump sur Facebook et le “deepfake”, une technique de synthèse permettant de falsifier le visage ou la voix d’une personne sur une vidéo grâce à l’intelligence artificielle, l’auteur s’inquiète de l’effondrement de toute distinction claire entre le réel et l’irréel sur Internet.
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  • L’exemple de Lil Miquela , une “influenceuse” suivie par plus d’un million et demi de personnes sur Instagram, est à ce titre particulièrement révélateur. Partageant régulièrement ses états d’âme, ses séances de shopping et ses sorties entre amis sur le réseau social entre deux selfies, ce mannequin américano-brésilien est en réalité un avatar, créé grâce à l’imagerie de synthèse par une start-up californienne spécialisée en intelligence artificielle et en robotique. Un faux mannequin, donc, mais une influence bien réelle: là aussi, avertit l’auteur, la frontière entre le vrai et le faux s’émousse.
  • “Ce qui a vraiment disparu d’internet, ce n’est pas la réalité, c’est la confiance : le sentiment que les personnes et les choses que l’on y rencontre sont ce qu’elles prétendent être,” conclut l’auteur. Remédier à cet état de fait nécessite selon lui une réforme du modèle économique d’Internet qui a permis au mensonge, à la déformation et à la falsification de devenir lucratifs. Sans une telle réforme, estime-t-il, Internet risque de devenir une usine à “fakes”, et les revenus publicitaires qu’ils génèrent la seule réalité.
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    "Une chronique du New York Magazine alerte sur l'abondance de contenus faux sur Internet. Selon son auteur, les manipulations de données et de faits y auraient atteint un seuil critique, au point de compromettre notre capacité à distinguer le réel de l'irréel."
Asso Fing

Louise Drulhe cartographie le web caché | Mediapart - 0 views

  • « Lorsque nous naviguons sur Internet, nous allons de lien en lien, il y a une force qui s’exerce sur notre mouvement et qui nous fait vagabonder de page en page. Cette attraction est due à la pente du web qui nous fait glisser lentement à la façon d’une dérive numérique. Au début d’Internet, la pente était douce, elle s’apparentait à une errance numérique et facilitait la sérendipité. Aujourd’hui la pente est beaucoup plus raide et nous glissons presque systématiquement vers les mêmes services », écrit l’artiste.
  • Résultat, le web s’est creusé, comme le montre ce dessin du chapitre 4, « Un relief dirigé ». Pire encore, il s’est dédoublé. Toute une mécanique s’est installée, celle des données, et c’est alors à la représentation de ce web caché que Louise Drulhe s’est attaquée, un projet qu’elle évoquera mardi 6 novembre à la Gaîté-Lyrique, à Paris, lors de la première soirée d’un cycle de rencontres intitulé Technologies et idéologies. L’occupation idéologique des réseaux numériques, organisé en partenariat avec Mediapart et l’EHESS. 
  • « En moyenne, explique Louise Drulhe, neuf autres pages sont activées par chaque page que nous consultons, et nos données fuitent par là. Elles sont récupérées par des sites tiers bénins ou malins qui récupèrent nos données de navigation. »
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  • Pour cette cartographie, Louise Drulhe s’est appuyée sur les données de fréquentation des sites, elles-mêmes issues d’Alexa, le service de mesure d’audience d’Amazon, et sur les travaux de Timothy Libert, spécialiste des questions de données personnelles et vie privée, actuellement chargé de cours à l’université Carnegie Mellon de Pittsburgh (États-Unis). Sur l’image ci-dessus (à consulter en plus grand ici), elle a représenté les sites agrégés par compagnies (YouTube inclus dans Google qui le possède, Bing dans Microsoft…). Où l’on voit que « le poids grignote et déforme l’espace, crée des gouffres ». 
  • Au centre, Google et ses dépendances, Gmail, Blogspot, YouTube... En bas à gauche, les compagnies chinoises, proches des russes. En bas au centre, Wikipédia. Tout en haut, autour de Reddit gravitent les sites d'info, New York Times, CNN, Huffington Post... © Louise Drulhe.
  • Dans l’Internet chinois, Baidu occupe, comme Google dans le reste du monde, une place centrale : il est au milieu, et très profond. Tous sont très étroits : moins qu’ailleurs, d’autres sites y conduisent. Mais ils sont proches de l’Internet russe, beaucoup de liens menant de l’un à l’autre.
  • De l’autre côté du web se trouvent les aspirateurs à données (voir ici l’image en plus grand). « La hauteur des bosses représente la portion du web qui est tracké », et Google, qui surveille 78 % des pages du web, se retrouve encore une fois très loin devant les autres.
  • Entre la surface du web, celle que l’on connaît, où l’on navigue, et ses profondeurs, où sont aspirées nos données, Louise Drulhe a fait apparaître, ou plutôt constaté, « comme un miroir, ou une contreforme ». Il y a d’abord des monopoles dans les deux espaces, dit-elle. Ces monopoles sont bien souvent les mêmes, à deux exceptions notables : le serveur de cache Akamai, invisible pour l’internaute, n’est « que » dans le web caché, et c’est le contraire pour Wikipédia, qui ne récupère aucune donnée et n’est présent que sur le web visible. Et enfin, « Google tient la même place des deux côtés ».
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    "Collecte des données et centralisation du web seront au centre de la première rencontre organisée par Mediapart, la Gaîté-Lyrique et l'EHESS, mardi 6 novembre à Paris. Brève rencontre avec Louise Drulhe, designer graphique, qui matérialise au feutre cet étau de plus en plus serré."
Aurialie Jublin

Réguler Internet par la décentralisation - La Quadrature du Net - 0 views

  • Pour compenser cette « règle » qui rendrait la haine et le conflit rentables, le gouvernement veut renforcer les obligations imposées aux plateformes géantes qui en profitent : transparence et devoir de vigilance accrus. Pourquoi pas (cela peut être fait de façon plus ou moins pertinente, nous y reviendrons plus tard). Mais cette solution ne suffira jamais à contrer à elle seule les dérives permises par la « rentabilité du conflit ». Et il est illusoire d’imaginer, comme le fait le rapport cité ci-dessus, qu’on pourrait atténuer ce problème en mettant un juge derrière chaque diffamation ou injure prononcée sur Internet. Il y en a bien trop. Non, si on veut traiter le problème sérieusement, c’est l’ensemble de l’économie de l’attention qu’il faut remettre en question. Et cela doit passer par l’émergence d’alternatives saines qui reposent sur un autre modèle que celui des GAFAM.
  • En pratique, à La Quadrature du Net, nous avons songé à devenir un hébergeur de vidéos (en autorisant tout le monde à mettre en ligne des vidéos sur notre service de streaming Peertube). Ce serait une façon concrète de participer à la construction d’une alternative à Youtube, qui ne tirerait aucun profit des discours conflictuels ou de la surveillance de masse. Mais nous avons dû y renoncer. Nous n’avons pas du tout assez de juristes pour évaluer quelles vidéos seraient « manifestement illicites ». Nous n’avons pas les moyens de supporter des amendes en cas de plaintes. Youtube reste maître.
  • Si le gouvernement veut effectivement lutter contre la diffusion de « contenus haineux et extrêmes », il doit changer le droit pour favoriser le développement d’alternatives à l’économie de l’attention. Voici notre proposition. Premièrement, que les hébergeurs ne soient plus soumis aux mêmes obligations que les plateformes géantes, qui régulent les informations de façon active pour leurs intérêts économiques. Secondement, que les hébergeurs neutres, qui ne tirent aucun profit en mettant en avant de tel ou tel contenu, ne supportent plus la charge d’évaluer si un contenu est « manifestement illicite » et doit être censuré. Seul un juge doit pouvoir leur exiger de censurer un contenu.
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  • Dans le cadre de la loi, chaque hébergeur applique ses propres règles de modération, plus ou moins stricte, et chaque personne choisit l’espace de discussion adapté à ses besoins et à ses envies. La liberté de ce choix est renforcée par le développement des standards de « réseaux sociaux décentralisés », notamment du standard ActivityPub publié en janvier 2018 par le World Wide Web Consortium (W3C, à l’origine des standards du Web) et déjà appliqué par Mastodon (alternative à Twitter) ou Peertube. Ces standards permettront à une infinité d’hébergeurs de communiquer entre eux, selon les règles de chacun. Ils permettront aussi à chaque personne de passer librement d’un hébergeur à un autre, d’un jeu de règles à un autre (ce que les plateformes géantes font tout pour empêcher aujourd’hui).
  • Si le gouvernement veut mieux réguler le Web, il doit le faire sérieusement. En se contentant d’alourdir les obligations des géants, son action restera superficielle. Pour agir en profondeur et sur le long terme, sa démarche doit aussi être constructive, favorisant le développement de modèles vertueux.
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    "La directive droit d'auteur et les récents débats sur les « fausses informations » ont servi d'introduction au débat général sur la régulation du Web, tel qu'il s'annonce pour l'année à venir. Aujourd'hui, La Quadrature du Net présente ses propositions concrètes."
Cécile Christodoulou

PeerTube, le YouTube décentralisé, réussit son financement participatif - 0 views

Cécile Christodoulou

Minimal : le plugin qui préserve le temps de cerveau disponible - 0 views

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    "Tim Krief (@timkrief), étudiant ingénieur à l'initiative du plugin, déclare avoir voulu s'affranchir de la manipulation permise par les design trompeurs ou addictifs (dits aussi « dark patterns »). En cause, les techniques dites « captologiques » qui orientent les utilisateurs malgré eux sur un service et les amènent à l'utiliser plus que ce qui ne leur est réellement utile." "Son extension permet de modifier considérablement les interfaces des services suivants : YouTube, Facebook, Twitter, Google ou encore Amazon. Concrètement, Minimal change les couleurs du service (interfaces, boutons, etc.), le système de recommandations ou encore l'auto-play qui permet à une vidéo de se lancer toute seule sur YouTube."
Aurialie Jublin

Censure antiterroriste : Macron se soumet aux géants du Web pour instaurer un... - 0 views

  • Pour rappel, le texte, poussé par la France et l’Allemagne, utilise le prétexte de la lutte contre le terrorisme pour soumettre l’ensemble des hébergeurs (et pas seulement les grandes plateformes) à des obligations extrêmement strictes : retrait en une heure de contenus qualifiés de terroristes par une autorité nationale (en France, ce sera l’OCLCTIC, le service de la police chargé de la cybercriminalité)  la mise en place d’un « point de contact » disponible 24h/24 et 7j/7  l’instauration de « mesures proactives » pour censurer les contenus avant même leur signalement  si ces mesures sont jugées insatisfaisantes par les États, ces derniers peuvent imposer des mesures spécifiques telles que la surveillance généralisée de tous les contenus.
  • D’un point de vue humain, technique et économique, seules les grandes plateformes qui appliquent déjà ces mesures depuis qu’elles collaborent avec les polices européennes seront capables de respecter ces obligations : Google, Facebook et Twitter en tête. Les autres acteurs n’auront d’autres choix que de cesser leur activité d’hébergement ou (moins probable, mais tout aussi grave) de sous-traiter aux géants l’exécution de leurs obligations.
  • Ce texte consacre l’abandon de pouvoirs régaliens (surveillance et censure) à une poignée d’acteurs privés hégémoniques. Pourtant, la Commission et les États membres, en 146 pages d’analyse d’impact, ne parviennent même pas à expliquer en quoi ces obligations pourraient réellement être efficaces dans la lutte contre le terrorisme.
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  • Quand nous avons dit aux ministères que leur texte détruirait l’ensemble du Web décentralisé, ne laissant qu’une poignée de géants en maîtres, on nous a laissé comprendre que, oui, justement, c’était bien le but. Tranquillement, nos interlocuteurs nous ont expliqué que Google-Youtube et d’autres multinationales numériques avaient convaincu le gouvernement que la radicalisation terroriste était facilitée par les petites et moyennes plateformes, et qu’il fallait donc laisser la régulation du Web aux seuls géants prétendument capables de la gérer. Où sont les preuves de cette radicalisation plus facile en dehors de leurs plateformes ? Nulle part. Sans aucune honte, le gouvernement s’est même permis de sortir l’argument du secret défense, complètement hors sujet, pour masquer son manque de preuve et afficher son irrespect de toute idée de débat démocratique. C’est comme ça : Google l’a dit, ne discutez pas.
  • Macron se moque de détruire tout espoir d’une économie numérique européenne. Il veut simplement un texte sécuritaire qu’il pourra afficher au moment des élections européennes (ses « mid-terms » à lui), afin de draguer une partie de la population inquiète du terrorisme et qu’il s’imagine assez stupide pour tomber dans le panneau. Dans son arrogance délirante, il n’a même plus peur de renier ses électeurs pro-Europe ou pro-business, ni la population attachée aux libertés qui, pensant repousser l’extrême droite, l’aura élu.
  • Dans ce dossier, la menace terroriste est instrumentalisée pour transformer le Web en GAFAMinitel, pour acter la fusion de l’État et des géants du Net, et ainsi consacrer la surveillance généralisée et la censure automatisée de nos échanges en ligne. Tout ça pour quoi ? Pour lutter contre une auto-radicalisation fantasmée dont la preuve serait secret-défense (la bonne affaire !), et alors que les enquêtes sérieuses sur la question montrent que les terroristes ne se sont pas radicalisés sur Internet.
  • Le seul effet de ce texte sera de renforcer les multinationales du numériques et les dérives de l’économie de l’attention dont ils sont porteurs : la sur-diffusion de contenus anxiogènes, agressifs et caricaturaux capables de capter notre temps de cerveau disponible. L’urgence législative est de combattre ces dérives : de limiter l’économie de l’attention tout en favorisant le développement de modèles respectueux de nos libertés. C’est ce que nous proposons.
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    "Il y a deux mois, la Commission européenne a publié sa proposition de règlement « censure antiterroriste ». Nous le dénoncions, expliquant que ce projet aura pour effet de détruire l'ensemble du Web décentralisé. Depuis, nous avons rencontré les ministères français en charge du dossier : nos craintes se sont amplifiées. La France, avec le soutien de l'Allemagne et du Parlement européen, va tout faire pour empêcher un débat démocratique sur ce texte : le gouvernement n'en parle pas dans la presse, veut forcer son adoption urgente et invoque le secret-défense pour empêcher tout débat factuel. Pourquoi tant de secret ? Probablement parce que ce texte, écrit en collaboration avec Google et Facebook, aura pour effet de soumettre l'ensemble du Web à ces derniers, à qui l'État abandonne tout son rôle de lutte contre les contenus terroristes. La collaboration annoncée lundi par Macron entre l'État et Facebook n'en est que le prémice, aussi sournois que révélateur."
Aurialie Jublin

Le Bitcoin va-t-il détruire la planète ? Contre point - LinuxFr.org - 0 views

  • « Si le Bitcoin consomme autant d’électricité que le Maroc, c’est une catastrophe, non ? » Actuellement le Bitcoin consommerait autant d’électricité que le Maroc. En fait, si on ne peut pas parler de catastrophe écologique c’est tout simplement parce que ce mot est plutôt employé pour une pollution flagrante (genre marée noire ou autre pollution chimique). Mais le fait est que le bitcoin consomme tous les jours et tous les jours un peu plus, la facture énergétique s’allonge et s'accroît ; c’est comme fumer : ça détruit un peu tous les jours les poumons et on ne parle de catastrophe que lorsque le cancer est là. Le Bitcoin seul ne crée pas le réchauffement climatique, mais il fait partie des nombreux systèmes qui tendent à l’aggraver. Donc : Si le Bitcoin consomme autant d’électricité que le Maroc, ce n’est pas une catastrophe mais ça n’est clairement pas bon du tout. Pour simplifier je vais diviser les erreurs de raisonnement en quatre parties : La fausse simplification consommation continue et gaspillée n’équivaut pas à pollution On ne compare que ce qui est comparable Oui, l’énergie du Bitcoin est gaspillée Les 2 phases d’optimisation en ingénierie
  • « …parfois l’électricité est là et inutilisée. C’est le cas des panneaux solaires, des barrages hydro-électriques ou des centrales nucléaires qui produisent de l’électricité, quoi qu’il arrive. On ne peut pas faire ON/OFF. Et l’électricité est pour le moment difficilement transportable. » 2 divisions par 0 et un verre de vin : Une plutôt évidente : “les panneaux solaires qui produisent de l’électricité quoi qu’il arrive” … sauf quand il fait nuit, quand la météo n’est pas clémente ou quand ils sont sales. L’autre division par 0 : “l’électricité est pour le moment difficilement transportable”. Difficilement par rapport à quoi ? Car en fait c’est sûrement la source d’énergie la plus transportable qui soit. D’ailleurs les pays européens sont interconnectés entre eux et s’échangent de l’électricité (bien plus rapidement qu’une transaction Bitcoin
  • Et même s’il est possible actuellement de perdre de l’énergie verte (en 2017 la Californie a perdu 300 000 MW faute d’utilisation). Cela démontre juste l’immaturité des réseaux électriques intelligents (smart grid).
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  • “Les comparaisons que j’ai vues sont toutes plus absurdes les unes que les autres”, celle-ci en est un parfait exemple. Reprenons: qu’est ce que Bitcoin : Un système d’échange de valeurs. Ok, donc utiliser Bitcoin c’est comme payer avec sa carte bleue : le système a le même but. Donc ici, on essaye de nous faire avaler que 30 millions de personnes qui ne font que payer régulièrement avec leur carte bleue c’est pareil que 33 millions qui, en plus eux aussi, d’utiliser une carte bleue de temps en temps, se déplacent, s’éclairent, utilisent leurs ordinateurs, leurs machines, rechargent leurs téléphones, ont une climatisation, font fonctionner leurs entreprises … etc, bref 33 millions de personnes qui vivent. Non ce n’est pas du tout comparable : le fait que 30 millions d’utilisateurs de Bitcoin consomment autant que 33 millions de marocains démontre l’inefficacité énergétique extrême du Bitcoin.
  • « Surprise, le Bitcoin consomme à peine plus que la production des pièces de monnaies et des billets de banque ! Or, rappelons que les pièces et billets ne représentent que 8% de la masse monétaire totale et plus spécifiquement 6,2% pour la zone euro. » Effectivement je suis surpris ! Car je n’ai pas du tout les mêmes chiffres pour la production de monnaie. Mais j’ai l’impression que Ploum a intégré l’extraction de l’or dans le coût de production de monnaie ce qui est faux depuis de nombreuses années (j’y reviens juste après) Pour le coût de la monnaie fiduciaire je vais citer Emmanuelle Assouan, de la Banque de France :« le coût de fabrication d'un billet se situe entre 5 et 10 centimes d'euro. Une validation d'une transaction bitcoin c'est 215 kilowatts-heure… » 6.6. « Or, outre la consommation énergétique, l’extraction de l’or est extrêmement contaminante (notamment en termes de métaux lourds comme le mercure). » Donc l’excuse c’est “lui il pollue plus que moi, donc je peux polluer aussi”. C’est la défense Chewbacca !
  • 6.10. « Sans compter que nous n’en sommes qu’au début ! Bitcoin a le potentiel pour devenir une véritable plateforme décentralisée qui pourrait remplacer complètement le web tel que nous le connaissons et modifier nos interactions sociales et politiques : votes, communications, échanges sans possibilité de contrôle d’une autorité centralisée. » L’inefficience de Bitcoin a une conséquence lourde en plus de polluer : il ne scale pas (c’est à dire : très mauvaise montée en échelle). Il plafonne à 7 transactions par seconde, ce qui à l’échelle de la planète : 7 milliards d’utilisateurs potentiels, est vraiment … minable (presque sans mauvais jeux de mot). Pour comparer : VISA effectue en moyenne plus de 1600 transactions par seconde et des pics bien plus importants sont absorbés sans problème. Donc, non, sans résoudre le problème d’efficience, Bitcoin ne peut pas faire plus que ce qu’il fait aujourd’hui, c’est à dire finalement ne servir qu’à très peu d’utilisateurs.
  • Ploum ne parle que de la “Proof Of Work” comme concept de sécurisation. C’est pourtant une partie du système particulièrement inélégante qui devrait être remplacée par quelque chose de moins énergivore. Ethereum veut passer à la “Proof Of Stake” (preuve d’enjeux, moins énergivore) par exemple. Gridcoin remplace la “Proof Of Work” par des calculs utiles à l’humanité Duniter applique un handicap aux utilisateurs ayant trop de puissance de calcul ce qui évite la course à la puissance polluante. Bref, la consommation énergétique outrancière de Bitcoin n’est pas une fatalité pour les crypto monnaies.
  • Une image plus juste : le Bitcoin est actuellement comme un tracteur auquel on ajouterait des chariots, plus on lui ajoute de chariots, plus il crache de la fumée noire en faisant un boucan d'enfer et plus sa vitesse diminue … même si sa vitesse n’atteint jamais 0 km/h. A partir d’un certain nombre de chariots sa vitesse est tellement basse qu’il en devient inutilisable. Ici les chariots sont les utilisateurs et la vitesse représente les frais et la rapidité/lenteur des transactions. Ploum voudrait nous dire que ce tracteur rejette une fumée noire qui est une merveille d’écologie et que ce tracteur peut prendre l’autoroute sans rien y changer. Mais que c’est l’autoroute et notre perception de la vitesse qu’il faudrait adapter au système …
  • Je vous prie de croire que je n’ai aucune raison particulière de défendre les banques ou les états. Un système d’échange décentralisé est une bonne chose, mais pour moi laisser une planète dans le meilleur état possible à mes enfants est bien plus important.
  •  
    "Cet article est une réponse à celui de Ploum visible ici et ici. D'ordinaire j'aime bien les articles de Ploum, sa plume est plaisante et son analyse me paraît souvent juste; mais dans son article sur la consommation énergétique du Bitcoin, Ploum use de contre-vérités, de raccourcis et de métaphores inadaptées pour arriver à ses fins. Je vais m'attacher à démontrer qu'avec un minimum de connaissances des problèmes d'un réseau électrique, de la consommation d'énergie et de rendement il est impossible de considérer ce gaspillage d'énergie comme négligeable. Je reviendrai sur le pourquoi il est urgent d'être efficient dans tous les domaines. C'est-à-dire qu'il ne suffit pas "d'utiliser de l'énergie verte puis c'est tout", une telle affirmation relève d'une ignorance des problèmes liés à la transition énergétique."
Aurialie Jublin

Concrètement, comment rendre les algorithmes responsables et équitables ? | I... - 0 views

  • Et rappelle la difficulté à définir mathématiquement l’équité, comme l’a souligné l’informaticien Arvind Narayanan (@random_walker) lors de la dernière édition de la conférence FAT (la conférence annuelle sur l’équité, la responsabilité et la transparence). Outre les biais et déséquilibres statistiques, rappelle David Robinson (@drobinsonian), responsable des associations EqualFuture et Upturn (et qui a notamment publié un rapport sur la question de l’examen public des décisions automatisées (.pdf)), leur impact dépend surtout de la manière dont sont utilisés ces systèmes, avec le risque, que pointait Eubanks, que les plus discriminés soient encore plus surveillés par ces systèmes.
  • Pour remédier à ces problèmes, beaucoup d’agences américaines ont recours à des chercheurs extérieurs pour déjouer les biais de leurs systèmes. En avril, l’AI Now Institute a défini un cadre (voir le rapport (.pdf)) pour les organismes publics qui souhaitent mettre en place des outils de prise de décision algorithmique, recommandant notamment de mettre à contribution la communauté de la recherche et de permettre à ceux que le système calcul de faire appel des décisions prises à leur sujet.
  • Leurs recommandations invitent les systèmes à respecter le droit d’information du public, à recourir à des examens par des chercheurs indépendants, à améliorer l’expertise des organismes qui les conçoivent et à développer des modalités pour permettre au public de contester les décisions prises. L’initiative recommande aux agences publiques de répertorier et décrire les systèmes de décision automatisés, y compris d’évaluer leur portée et impact. Elle recommande également de mettre en place des modalités d’accès afin que des chercheurs, des experts indépendants, des associations ou des journalistes puissent accéder et évaluer ces systèmes et pour cela doivent s’assurer notamment que leurs fournisseurs privés de systèmes acceptent ces vérifications. Elle souligne également que les agences doivent monter en compétences pour être expertes des systèmes qu’elles mettent en place, notamment pour mieux informer le public, et invite les fournisseurs de solutions à privilégier l’équité, la responsabilité et la transparence dans leurs offres.
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  • Mais ce n’est pas la seule piste qui permettrait d’interroger les biais des systèmes automatisés. Microsoft travaille à un outil de détection automatique des biais, Facebook également (notamment via le projet Fairness Flow annoncé par Isabel Kloumann du département d’IA de FB research à la dernière conférence de F8 Conference parmi une longue liste d’outils pour l’IA) rapporte la Technology Review.
  • La mathématicienne Cathy O’Neil (@mathbabedotorg, blog), qui s’est fait connaître en dénonçant les dangers de ces outils, a lancé une entreprise d’audit algorithmique. Visiblement, souligne Wired, ses premiers clients sont des entreprises qui ont besoin de certifier qu’elles sont équitables : comme cela a été le cas de Rentlogic, une entreprise qui évalue les immeubles automatiquement pour leur attribuer une note, ou comme Pymetrics, une entreprise qui utilise des tests de personnalité pour aider les entreprises à embaucher qui avait besoin d’assurer que ses logiciels n’étaient pas discriminants.
  • Dans son livre, Weapons of Math Destruction, Cathy O’Neil avait émis l’idée de créer un serment d’Hippocrate pour les datascientists, sous la forme d’un code de conduite édictant quelques principes moraux. Elle soulignait dans une remarquable interview pour Wired, que ce code de conduite n’était certes pas suffisant en soi, notamment parce que les datascientists ne sont pas seuls à décider de ce qui sera implémenté dans les services développés par les entreprises. Pour autant, ces techniciens ne peuvent pas seulement suivre « les recommandations des manuels d’optimisation qu’ils utilisent, sans tenir compte des conséquences plus larges de leur travail ».
  • Cathy O’Neil a proposé une matrice éthique, basée sur les travaux du philosophe Ben Mepham qui l’a utilisé en bioéthique, qui aide à saisir ce sur quoi ce que l’on développe a un impact, et de l’autre ce dont s’inquiète les gens qui sont impactés par ce que l’on développe. Cette grille confronte quelques notions (exactitude, cohérence, partialité, transparence, équité, rapidité) à leur impact sur chacune des parties prenantes. La matrice sert à créer une conversation. Chaque case propose des questions : « qui souffre si le système se trompe ? » Le but est de révéler des problèmes. Quand la réponse pose problème, la case est colorée de rouge.
  • Elle propose également de se poser plusieurs questions, comme « les algorithmes que nous déployons vont-ils améliorer les processus humains qu’ils remplacent ? » Bien souvent, on constate qu’ils fonctionnent beaucoup plus mal que les systèmes précédents. Pour elle, il est également nécessaire de se demander : « pour qui l’algorithme échoue-t-il ? » Un système de reconnaissance facial échoue-t-il plus souvent pour les femmes que pour les hommes, pour les gens de couleurs que pour les blancs, pour les personnes âgées que pour les jeunes ?… Enfin, elle invite à se poser une troisième catégorie de questions : « est-ce que cela fonctionne pour la société (donc à très large échelle) ? Est-ce que nous enregistrons les erreurs du système ? Peut-on les réintroduire dans l’algorithme pour l’améliorer ? Est-ce que le système a des conséquences non intentionnelles ?… » Et la chercheuse de rappeler qu’aucunes de ces questions ne mettent en danger les secrets des algorithmes que les entreprises veulent protéger.
  • Le militant pour la protection de la vie privée Aral Balkan (@aral) estime qu’un code d’éthique risque surtout d’être utilisé comme caution de vertu par les entreprises pour continuer à faire comme d’habitude. Appliquer le RGPD aux États-Unis aurait plus d’impact pour prévenir les dommages algorithmiques. Sur son blog, Virginia Eubanks a réagi en proposant plutôt un « serment de non-violence numérique », qui, dans la forme au moins, est plus impliquant pour celui amené à le prononcer que de signer à quelques grands principes vagues
  • Mais l’enjeu demeure de les mettre en pratique. « Tout code d’éthique des données vous indiquera que vous ne devez pas collecter des données de sujets expérimentaux sans leur consentement éclairé. Mais ce code de conduite ne vous dira pas comment implémenter ce consentement éclairé. Or, celui-ci est facile si vous interrogez quelques personnes pour une expérience de psychologie. Mais il signifie quelque chose de bien différent en ligne ». Et ce n’est pas la même chose bien sûr de demander la permission via une fenêtre pop-up par exemple ou que via une case précochée cachée… La mise en oeuvre de principes éthiques englobe des questions qui vont des choix dans l’interface utilisateur aux choix de structuration des données ou d’interrogation des données de connexion. Et pose la question de rendre néanmoins le service utilisable sans dégrader l’expérience utilisateur…
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    "Face aux multiples biais inscrits dans la production même des données utilisées par les algorithmes et les outils d'apprentissage automatisés, le risque, rappelle la chercheuse Kate Crawford (@katecrowford), co-fondatrice de l'AI Now Institute (@AINowInstitute), est que « plutôt que de concevoir des systèmes censés résoudre les problèmes, nous les exacerbions »."
Aurialie Jublin

dWeb : vers un web (à nouveau) décentralisé ? | InternetActu.net - 0 views

  • Les partisans du web décentralisé, explique Corbyn, souhaitent promouvoir et développer un web qui ne dépendrait plus des grandes entreprises qui amassent nos données pour en tirer profit. Pour ses promoteurs (parmi lesquels on trouve Tim Berners-Lee, Brewster Kahle ou Ted Nelson…), l’enjeu est de revenir à un web originel, avant qu’il ne soit perverti par les grandes plateformes qui ont émergé avec le web 2.0. Redistribuer le web afin que les utilisateurs gardent le contrôle de leurs données, interagissent et échangent des messages directement avec les autres membres du réseau sans passer par des services centralisés : tel est l’enjeu du dWeb.
  • Dans une série de billets un peu techniques présentant des applications concrètes de ce nouveau web décentralisé, on découvre plusieurs solutions émergentes comme Scuttlebutt, un réseau social décentralisé qui repose sur un protocole chiffré qui permet de stocker ses messages en local afin de les partager avec d’autres utilisateurs en pair à pair ; WebTorrent, un lecteur de torrent qui fonctionne dans le navigateur ; ou encore IPFS, un protocole pour remplacer le protocole HTTP du web…
  • Si ce web décentralisé est encore balbutiant, ce mouvement a été largement renouvelé par le développement des protocoles blockchain. De nouvelles applications sont apparues, comme Stealthy (un système de messagerie instantanée décentralisée), OpenBazaar (une place de marché décentralisée), GraphiteDocs (une alternative à Google Doc), Textile (une alternative à Instagram), Matrix (une alternative à Slack), DTube (une alternative à YouTube)… On y trouve aussi bien sûr les alternatives décentralisées aux réseaux sociaux que sont Akasha et Diaspora… Et même un navigateur pour explorer le web en pair à pair : Beaker Browser basé sur le protocole dat (voire les explications).
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  • Cet espace ressemble plutôt à une niche de geeks, à l’image des vidéos que l’on trouve sur DTube. La contestation de la centralisation ne suffira pas à faire décoller ce nouvel attrait pour la décentralisation, pointait-il avec pertinence.
  • Dans cet essai, intitulé « Information Civics » (qu’on pourrait traduire par la citoyenneté de l’information ou par l’éducation civique des réseaux), Frazee invite à reprendre le pouvoir sur les grands réseaux sociaux. Il rappelle combien nous sommes déconnectés de la gouvernance des grandes plateformes et que cette déconnexion est ce qui motive la réponse proposée par la décentralisation.
  • Paul Frazee rappelle néanmoins que toute décentralisation n’est pas démocratique pour autant. Il égratigne notamment la gouvernance de Bitcoin qui est plus ploutocratique qu’autre chose, donnant le pouvoir à ceux qui ont le plus de capital. Etherum a provoqué la colère de nombre de ses membres lorsque l’état du registre a été modifié pour contrer un piratage. Pour Frazee, cet exemple est également la preuve que des autorités existent en dehors du code du protocole. « Ces controverses montrent que nous pourrions avoir une vision incomplète de la gouvernance et de l’autorité ».
  • Peut-on considérer la décentralisation comme étant simplement une élimination de toute autorité ? Si c’était le cas, nous n’aurions pas à discuter d’éducation civique aux réseaux, estime-t-il. Pour lui, la décentralisation ne peut pas seulement reposer sur la maximalisation de la répartition du pouvoir, au risque de donner plus de pouvoir à certains qu’à d’autres.
  • Dans les applications centralisées comme Facebook ou Google, toute autorité est confiée au serveur. Pour Frazee, ils sont par essence des services autoritaires. Les utilisateurs n’ont aucun mécanisme à leur disposition pour contraindre ou ignorer les décisions du serveur. Aucune loi ne restreint la puissance du serveur. Dire qu’ils sont autoritaires n’est pas les dénigrer, c’est décrire leur conception politique. Cet autoritarisme est particulièrement saillant lors de controverses, comme lors de mécontentement des utilisateurs dû à des changements d’interfaces, lors de colères contre les politiques de modération, la conception d’algorithmes, le placement publicitaire ou l’utilisation des données personnelles des utilisateurs… Mais au-delà de leur indignation, les utilisateurs n’ont aucun pouvoir sur ces politiques autoritaires, qui, si elles apportent du confort, apportent aussi leur lot d’anxiété quant à la manipulation, la surveillance ou la censure. Dans ce système politique, pour l’utilisateur, se révolter consiste à changer de service, bien souvent au détriment de leurs données – perdues -, ce qui ne laisse en fait pas beaucoup de place à la révolte. En passant d’un service à un autre, « les utilisateurs ne trouvent aucune libération politique ».
  • Proposer des alternatives nécessite donc de distribuer l’autorité, à l’image des services P2P, des services d’adressage chiffrés, des blockchains… Chacune de ces méthodes n’empêche pas l’utilisation de serveurs centraux ni la formation d’autorités, mais vise à les réduire. Proposer de nouvelles applications nécessite également de nouveaux protocoles qui sont plus lents à changer et à se déployer. Mais au-delà des défis techniques et sociaux liés à la mise en application, il existe des défis politiques liés à trouver des accords sur ces nouvelles normes tout comme à trouver des processus de partage de pouvoir qui ne provoquent pas de dysfonctionnements.
  • Pour y remédier, Frazee propose de s’appuyer sur des « protocoles de réseaux constitutionnels », c’est-à-dire des protocoles qui appliquent automatiquement le code, comme dans les contrats intelligents. Le code est alors une constitution parce qu’elle fournit les règles pour le fonctionnement de l’autorité et que les utilisateurs peuvent s’assurer à tout moment que la constitution est respectée. « Le constitutionnalisme de réseaux a pour effet de transférer l’autorité de l’opérateur au code » : elle assure du processus, décrit des autorités et limites leurs possibilités d’action.
  •  Je crois en l’engagement civique. Nous disposons d’outils puissants qui encodent des valeurs et des droits. Nous devons transformer les architectures de pouvoir qui sont les nôtres. »
  • Pour améliorer la structure civique du web – le rendre plus démocratique -, il faut donc rééquilibrer les droits. Peut-on permettre que les clients (c’est-à-dire les ordinateurs de chacun) aient plus de droits que les serveurs, qu’ils aient le droit de publier, le droit d’avoir une identité, le droit de déployer du code (pour décider de comment ils souhaitent que leurs applications fonctionnent) ? Seuls les réseaux pair-à-pair déploient des noeuds avec des droits égaux, rappelle-t-il. Cette question n’est pas qu’une question technique, estime Frazee, c’est une question démocratique, une question civique. Les techniciens n’ont pas à résoudre les problèmes pour les gens, mais à laisser les gens résoudre ces problèmes comme ils veulent.
  • En février, l’entrepreneur et investisseur Chris Dixon (@cdixon) était déjà revenu sur l’importance de la décentralisation. Il rappelait que le premier internet était basé sur des protocoles décentralisés, mais qu’il avait été dépassé dans les années 2000 par des services qui avaient supplanté les capacités des protocoles ouverts, comme ceux des majors du web. Pour lui aussi, la centralisation est l’une des causes des tensions sociales qui s’expriment aujourd’hui que ce soit la désinformation, la surveillance, les brèches de données… Pour autant, souligne-t-il, les réseaux décentralisés ne résoudront pas tous les problèmes.
  • Pour Primavera De Filippi (@yaoeo) – qui a publié avec Aaron Wright, Blockchain and the law ainsi qu’un Que-sais-Je ? sur ces sujets -, le web décentralisé pose également des défis juridiques et de gouvernance : qui est responsable des problèmes quand tout est décentralisé ?
  • Comme elle le souligne en conclusion de son livre, si ces systèmes promettent d’améliorer la société, ils pourraient également restreindre plus que renforcer l’autonomie et la liberté des individus. L’hypothèse qui veut que la règle du code soit supérieure à celle du droit n’est pas sans poser problème. Comme Lawrence Lessig l’a déjà dit : « Quand le gouvernement disparaît, ce n’est pas comme si le paradis allait prendre sa place. Quand les gouvernements sont partis, d’autres intérêts prendront leur place. » Pour Primavera de Filippi et Aaron Wright, le déploiement de systèmes autonomes régulés seulement par le code nous pose de nouveaux défis de responsabilité.
  • Comme le dit Yochai Benkler : «Il n’y a pas d’espace de liberté parfaite hors de toute contrainte ». Tout ce que nous pouvons faire est de choisir entre différents types de contraintes. (…) Les applications décentralisées basées sur une blockchain pourraient bien nous libérer de la tyrannie des intermédiaires centralisés et des autorités de confiance, mais cette libération pourrait se faire au prix d’une menace beaucoup plus grande encore : celle de la chute sous le joug de la tyrannie du code. »
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    "La journaliste Zoë Corbyn, pour le Guardian est revenue sur le Sommet pour un web décentralisé (vidéos), qui se tenait début août à San Francisco."
Aurialie Jublin

"I Was Devastated": Tim Berners-Lee, the Man Who Created the World Wide Web, Has Some R... - 2 views

  • Initially, Berners-Lee’s innovation was intended to help scientists share data across a then obscure platform called the Internet, a version of which the U.S. government had been using since the 1960s. But owing to his decision to release the source code for free—to make the Web an open and democratic platform for all—his brainchild quickly took on a life of its own.
  • He also envisioned that his invention could, in the wrong hands, become a destroyer of worlds, as Robert Oppenheimer once infamously observed of his own creation. His prophecy came to life, most recently, when revelations emerged that Russian hackers interfered with the 2016 presidential election, or when Facebook admitted it exposed data on more than 80 million users to a political research firm, Cambridge Analytica, which worked for Donald Trump’s campaign. This episode was the latest in an increasingly chilling narrative. In 2012, Facebook conducted secret psychological experiments on nearly 700,000 users. Both Google and Amazon have filed patent applications for devices designed to listen for mood shifts and emotions in the human voice.
  • This agony, however, has had a profound effect on Berners-Lee. He is now embarking on a third act—determined to fight back through both his celebrity status and, notably, his skill as a coder. In particular, Berners-Lee has, for some time, been working on a new platform, Solid, to reclaim the Web from corporations and return it to its democratic roots.
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  • What made the Web powerful, and ultimately dominant, however, would also one day prove to be its greatest vulnerability: Berners-Lee gave it away for free; anyone with a computer and an Internet connection could not only access it but also build off it. Berners-Lee understood that the Web needed to be unfettered by patents, fees, royalties, or any other controls in order to thrive. This way, millions of innovators could design their own products to take advantage of it.
  • “Tim and Vint made the system so that there could be many players that didn’t have an advantage over each other.” Berners-Lee, too, remembers the quixotism of the era. “The spirit there was very decentralized. The individual was incredibly empowered. It was all based on there being no central authority that you had to go to to ask permission,” he said. “That feeling of individual control, that empowerment, is something we’ve lost.”
  • The power of the Web wasn’t taken or stolen. We, collectively, by the billions, gave it away with every signed user agreement and intimate moment shared with technology. Facebook, Google, and Amazon now monopolize almost everything that happens online, from what we buy to the news we read to who we like. Along with a handful of powerful government agencies, they are able to monitor, manipulate, and spy in once unimaginable ways.
  • The idea is simple: re-decentralize the Web. Working with a small team of developers, he spends most of his time now on Solid, a platform designed to give individuals, rather than corporations, control of their own data. “There are people working in the lab trying to imagine how the Web could be different. How society on the Web could look different. What could happen if we give people privacy and we give people control of their data,” Berners-Lee told me. “We are building a whole eco-system.”
  • For now, the Solid technology is still new and not ready for the masses. But the vision, if it works, could radically change the existing power dynamics of the Web. The system aims to give users a platform by which they can control access to the data and content they generate on the Web. This way, users can choose how that data gets used rather than, say, Facebook and Google doing with it as they please. Solid’s code and technology is open to all—anyone with access to the Internet can come into its chat room and start coding.
  • It’s still the early days for Solid, but Berners-Lee is moving fast. Those who work closely with him say he has thrown himself into the project with the same vigor and determination he employed upon the Web’s inception. Popular sentiment also appears to facilitate his time frame. In India, a group of activists successfully blocked Facebook from implementing a new service that would have effectively controlled access to the Web for huge swaths of the country’s population. In Germany, one young coder built a decentralized version of Twitter called Mastodon. In France, another group created Peertube as a decentralized alternative to YouTube.
  • Berners-Lee is not the leader of this revolution—by definition, the decentralized Web shouldn’t have one—but he is a powerful weapon in the fight. And he fully recognizes that re-decentralizing the Web is going to be a lot harder than inventing it was in the first place.
  • But laws written now don’t anticipate future technologies. Nor do lawmakers—many badgered by corporate lobbyists—always choose to protect individual rights. In December, lobbyists for telecom companies pushed the Federal Communications Commission to roll back net-neutrality rules, which protect equal access to the Internet. In January, the U.S. Senate voted to advance a bill that would allow the National Security Agency to continue its mass online-surveillance program. Google’s lobbyists are now working to modify rules on how companies can gather and store biometric data, such as fingerprints, iris scans, and facial-recognition images.
  • It’s hard to believe that anyone—even Zuckerberg—wants the 1984 version. He didn’t found Facebook to manipulate elections; Jack Dorsey and the other Twitter founders didn’t intend to give Donald Trump a digital bullhorn. And this is what makes Berners-Lee believe that this battle over our digital future can be won.
  • When asked what ordinary people can do, Berners-Lee replied, “You don’t have to have any coding skills. You just have to have a heart to decide enough is enough. Get out your Magic Marker and your signboard and your broomstick. And go out on the streets.” In other words, it’s time to rise against the machines.
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    "We demonstrated that the Web had failed instead of served humanity, as it was supposed to have done, and failed in many places," he told me. The increasing centralization of the Web, he says, has "ended up producing-with no deliberate action of the people who designed the platform-a large-scale emergent phenomenon which is anti-human." "While the problems facing the web are complex and large, I think we should see them as bugs: problems with existing code and software systems that have been created by people-and can be fixed by people." Tim Berners-Lee
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    "Berners-Lee has seen his creation debased by everything from fake news to mass surveillance. But he's got a plan to fix it."
Aurialie Jublin

Pour une pratique féministe de la visualisation de données - Catherine D'Igna... - 0 views

  • Et pourtant, il existe des façons de procéder à des représentations plus responsables. Il existe des moyens pour « situer » le regard et le localiser dans des corps et des géographies concrètes. Les cartographes critiques, les artistes de la contre-cartographie, les pratiquants de cartographie participative et d’autres développent des expérimentations et des méthodes pour cela depuis des années et ont beaucoup à nous apprendre.
  • Une manière de re-situer les visualisations de données pourrait être de les déstabiliser en rendant les désaccords possibles. Comment créer des manières de répondre aux données ? De mettre en question les faits ? De présenter des points de vue et des réalités alternatives ? De contester et même de saper les bases de l’existence de ces données et des méthodes par lesquelles elles ont été acquises ? Comment procéder ? Sachant que la plupart des gens qui travaillent sur les données sont des hommes blancs, il s’agit simplement d’inclure des gens différents, avec des points de vue différents, dans la production des visualisations. Ainsi par exemple, le Detroit Geographical Expedition and Institute était né, à la fin des années 1960, d’une collaboration entre des géographes universitaires, dont les responsables étaient des hommes blancs, et des jeunes du centre ville de Detroit conduits par Gwendolyn Warren, une militante de la communauté noire de 19 ans.
  • Cette carte, intitulée « Where Commuters Run Over Black Children on the Pointes-Downtown Track », était technologiquement en avance sur son temps. Peut-être est-elle assez conventionnelle (à nos yeux) dans sa stratégie visuelle. Mais ce qui donne à cette carte son caractère dissident, c’est le titre, formulé par les jeunes Noirs qui ont produit la carte. « Où les banlieusards qui rentrent du boulot écrasent les enfants noirs ». Un titre qui n’est pas neutre. On est loin de « Localisation des accidents de la route dans le centre de Detroit », titre qui aurait probablement été donné à la carte si elle avait été élaborée par des consultants extérieurs employés par la ville. Mais du point de vue des familles noires dont les enfants avaient été tués, il ne faisait aucun doute que les enfants étaient noirs, les banlieusards blancs, et les événements décrits comme des « meurtres » plutôt que des « accidents ».
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  • ToxicSites.us, un site web géré par Brooke Singer, met en ligne un rapport sur chacun des sites « superfund » — ces lieux répertoriés par le CERCLA, l’agence américaine en charge des sites souillés par des déchets dangereux. Le site invite les contributeur·e·s à ajouter des reportages locaux, des images et des films qui documentent ces sites (et contredisent potentiellement les données), et cherche à faciliter l’organisation et le plaidoyer pour les efforts de nettoyage. Permettre de « répondre aux données » invite aussi à transformer la conversation en action.
  • Si les infographies — je ne parle pas ici des outils de recherche et d’exploration, mais des représentations publiques et populaires — excellent à présenter des mondes entièrement contenus, elles ne savent pas représenter visuellement leurs limites. Où sont les lieux où l’enquête n’est pas allée, qu’elle n’a pas pu atteindre ? Comment les indiquer ? Comment représente-t-on les données manquantes ? Andy Kirk a fait cet exposé remarquable sur le design du rien, qui recense diverses manières de représenter l’incertitude et d’intégrer le zéro, l’absent et le vide. Comment encourager plus de designers à prendre ces méthodes en considération ? Peut-on demander à nos données qu’elles montrent aussi ce qui constitue leur extérieur ?
  • Quelles sont les conditions matérielles qui ont rendu cette infographie possible ? Qui l’a financée ? Qui a collecté les informations ? Quel travail a été nécessaire en coulisses et comment la production de ce graphique s’est-elle déroulée ? Par exemple, le Public Laboratory for Open Technology and Science — un groupe de science citoyenne dont je fais partie — utilise une technique de cartographie consistant à suspendre une caméra à un cerf-volant où à un ballon pour collecter des photos aériennes. Un effet secondaire de cette méthode, adopté avec entrain par la communauté, est que la caméra capture aussi l’image des personnes qui collectent les images. On voit le corps des collecteurs des données, un objet généralement absent des représentations sous forme de produit fini.
  • Quel est le problème ? La théorie féministe du point de vue situé rappelle que toute connaissance est située socialement et que les perspectives des groupes opprimés — femmes, minorités et autres — sont exclues de manière systématique de la connaissance dite « générale ». La cartographie critique dirait que les cartes sont des sites du pouvoir et produisent des mondes qui sont intimement associés à ce pouvoir. Comme le soulignent Denis Wood et John Krygier, le choix de ce que l’on place sur la carte « fait inévitablement surgir le problème de la connaissance, tout comme les opérations de symbolisation, de généralisation et de classification ». Il faudra bien admettre l’existence de ce pouvoir d’inclure et d’exclure, apprendre à le dépister et développer un langage visuel pour le décrire. Dans l’immédiat, il importe de reconnaître que la visualisation de données est un des outils de pouvoir parmi les plus puissants et les plus biaisés.
  •  
    "La visualisation de données, ou infographie, est à la mode et chacun s'enthousiasme pour les nouveaux outils qui permettent d'en produire - nous en avons dénombré, avec mon collègue Rahul Bhargava, plus de cinq cents. Malgré cette richesse technique, on manque souvent d'outils permettant une réflexion critique sur la politique et l'éthique de la représentation. Et comme le grand public est plutôt facile à impressionner avec des graphiques, la « data visualization » acquiert un grand pouvoir rhétorique. Quand bien même nous savons rationnellement que ces images ne représentent pas « le monde entier », nous avons tendance à l'oublier, et à accepter les graphiques comme des faits car ils sont généralisés, scientifiques et semblent présenter un point de vue neutre et expert. Quel est le problème ? La théorie féministe du point de vue situé rappelle que toute connaissance est située socialement et que les perspectives des groupes opprimés - femmes, minorités et autres - sont exclues de manière systématique de la connaissance dite « générale ». La cartographie critique dirait que les cartes sont des sites du pouvoir et produisent des mondes qui sont intimement associés à ce pouvoir. Comme le soulignent Denis Wood et John Krygier, le choix de ce que l'on place sur la carte « fait inévitablement surgir le problème de la connaissance, tout comme les opérations de symbolisation, de généralisation et de classification ». Il faudra bien admettre l'existence de ce pouvoir d'inclure et d'exclure, apprendre à le dépister et développer un langage visuel pour le décrire. Dans l'immédiat, il importe de reconnaître que la visualisation de données est un des outils de pouvoir parmi les plus puissants et les plus biaisés."
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