3. La qualité de l'expertise et
l'indépendance des experts
Même la Food and Drug Administration (FDA), pourtant
régulièrement citée comme modèle, n'échappe
pas à ce type d'interrogations : 18% de ses experts
déclaraient en 2002 avoir « subi des pressions pour
approuver ou recommander l'approbation » d'un médicament
« en dépit de réserves concernant la
sécurité, l'efficacité et la qualité du
médicament ».
Les experts de l'AFSSAPS exercent
bénévolement leur activité d'évaluation ; ils
sont rémunérés de fait par les laboratoires pour lesquels
ils effectuent des prestations. Il n'est pas rare, comme dans
l'affaire Bayer que des spécialistes
« sollicités » par une firme comme consultant pour
un médicament donné soit ensuite utilisés comme experts
auprès de l'AFSSAPS pour évaluer ce même médicament
(rapport d'expertise, préc.).
Quel crédit accorder à des experts parvenus
à un tel degré de confusion des rôles ? Quelles
garanties peut offrir l'obligation qui leur est faite de publier leurs conflits
d'intérêts mineurs ou majeurs ? Comment ne pas être
inquiet lorsqu'on constate comme dans le cas des traitements hormonaux
substitutifs (THS) ou du vaccin contre l'hépatite B, que les
autorités sanitaires incapables de fournir des réponses claires
et adaptées se réfugient dans une indécision
motivée qui se veut rassurante mais qui produit les effets
inverses.
Enfin, comment interpréter le désaveu cinglant
infligé en décembre dernier aux experts de l'AFSSAPS par le
ministre de la santé à propos de l'interdiction de prescrire des
antidépresseurs aux mineurs de 18 ans ?
4. La réalité du contrôle des
médicaments après leur mise sur le marché
Il est étrange que devant ce qu'il convient bien
d'appeler par son nom : une véritable
épidémie d'effets secondaires dus aux
médicaments, qui fait chaque année en France environ 18
000 morts et provoque 3% du nombre total des hospitalisations, rien de
sérieux n'ait jamais été entrepris.
La France est le pays au monde où la
consommation de médicaments est la plus élevée mais nous
ne possédons pas le moindre élément de leur impact
réel sur la santé publique et nous avons seulement une
idée très vague de la manière dont ils sont
réellement consommés. Notre système national de
pharmacovigilance est défaillant, l'épidémiologie
d'évaluation est pratiquement inexistante puisque seule une
équipe de niveau international fait de ce sujet en France son principal
objet d'étude (laboratoire du Pr. Bégaud à Bordeaux).
Aucune étude sérieuse ne permet aujourd'hui de
vérifier que les médicaments les plus prescrits, comme par
exemple les molécules anticholestérol, expérimentés
sur un nombre restreint de sujets sélectionnés, pas toujours
représentatifs des futurs usagers, tiennent bien leurs promesses alors
que la collectivité consacre à leur remboursement des sommes
vertigineuses (les anticholestérols de la famille des statines
coûtent chaque année à l'assurance maladie un milliard
d'euros). Pourquoi avons-nous pris tant de retard ? Actuellement une seule
étude de ce type est en cours : décidée en 2002 par
les autorités françaises, à la suite de la
délivrance par l'agence européenne de l'AMM de Vioxx,
elle n'est toujours pas achevée, quatre mois après le retrait du
médicament, alors que même l'AFSSAPS continue de défendre
sa mise sur le marché.
On a bien essayé, à juste titre,
d'intéresser le syndicat des laboratoires pharmaceutiques (LEEM)
à cette démarche, avec la signature de l'accord-cadre de juin
2003, mais ceux-ci ne semblent pas encore prêts à financer des
études dont le risque potentiel est de remettre en cause l'AMM pour
l'obtention de laquelle ils ont mobilisé d'importants moyens financiers
et humains.
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De telles carences et de tels dysfonctionnements, graves et
répétés rendent nécessaire l'intervention de la
représentation nationale dans sa fonction de contrôle pour
clarifier les conditions dans lesquelles sont délivrées
les autorisations de mise sur le marché des médicaments et la
façon dont est assuré leur suivi.
Les impératifs de santé publique nous
imposent d'apporter une réponse claire à la question que tout le
monde se pose : peut-on encore faire confiance aux agences qui ont pour
mission d'évaluer la sécurité d'emploi,
l'efficacité et la qualité des produits de
santé ?
Telles sont les motivations qui conduisent les auteurs de la
proposition de résolution à vous proposer la création
d'une commission d'enquête.