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Jon Snow

« On n'a plus le temps... », par Serge Halimi (Le Monde diplomatique) - 0 views

  • En particulier sur la Toile. Aujourd’hui, aux 35 millions de Français qui lisent un périodique s’ajoutent ou se superposent 25 millions d’internautes qui, chaque mois, consultent au moins un site de presse. Mais ces derniers ont été habitués à croire que le règne de la société sans argent était advenu — sauf lorsqu’ils se précipitent pour acheter, cette fois au prix fort, leur ordinateur, leur Smartphone ou leur tablette, souvent pour pouvoir consulter une presse qui leur est offerte... L’audience en ligne ne rapporte donc pas grand-chose à ceux qui recherchent, éditent, corrigent, vérifient l’information. Ainsi une structure économique parasitaire s’édifie peu à peu qui concède aux uns tous les profits du commerce. Et qui facture aux autres tous les coûts de la « gratuité » (2). Un quotidien comme The Guardian, par exemple, est devenu grâce à son site Internet numéro un de l’audience au Royaume-Uni et troisième dans le monde, sans que cela l’empêche — et, devrait-on dire, au contraire — de perdre l’année dernière 57 millions d’euros et de licencier plus de soixante-dix journalistes. Car bien qu’elle requière toujours davantage d’investissements, la croissance du trafic numérique des journaux coïncide en général avec la réduction de leurs ventes en kiosques. Assurément, près de 6 millions de Britanniques lisent au moins un article du Guardian par semaine, mais seuls 211 000 l’achètent quotidiennement. C’est cette petite population, déclinante, qui finance la lecture gratuite de la plupart des internautes. Un jour, forcément, ce voyage s’arrêtera pour tous faute de carburant.
  • vec l’information en ligne, le fiasco du même calcul est devenu patent. Les sites de presse ont beau aligner les succès d’audience, la ressource publicitaire ne leur parvient qu’au compte-gouttes. Car son produit profite avant tout aux moteurs de recherche, devenus selon M. Marc Feuillée, président du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN), « des mégarégies publicitaires, absorbant comme des Moloch la quasi-totalité des revenus de nos annonceurs ». M. Feuillée précise : « Entre 2000 et 2010, le chiffre d’affaires publicitaire des moteurs est passé de 0 à 1,4 milliard d’euros, celui de la presse [en ligne] de 0 à 250 millions d’euros (3). » Informé en détail des goûts et des lectures de chacun d’entre nous, capable (comme Facebook) de vendre aussitôt cette avalanche de données personnelles aux publicitaires, qui s’en serviront pour mieux « cibler » leur gibier, Google est également passé maître dans l’art de faire de l’« optimisation fiscale » en Irlande et aux Bermudes. Très opulente, cette multinationale ne paie donc presque pas d’impôts.
  • Quant au nombre revendiqué d’abonnés, il s’écroulerait sans les techniques dignes du hard discount que colporte par exemple le jovial directeur du Nouvel Observateur chaque fois qu’il propose 13 numéros de son magazine pour 15 euros, avec en prime une « montre de collection Lip Classic ». Mais le patron de L’Express aux écharpes colorées surenchérit aussitôt : avec lui, c’est 45 numéros pour 45 euros, et en bonus un « réveil à ambiance lumineuse et sonore ».
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  • Soyons donc singuliers également dans notre franchise : depuis janvier de cette année, la diffusion du Monde diplomatique a baissé de 7,2 %. Le temps qui fait défaut, l’argent aussi, un certain découragement face à une crise qui se déploie ainsi que nous l’avons anticipé, bien avant les autres, mais à laquelle nous ne pouvons pas seuls apporter remède, une contestation de l’ordre économique et social qui peine à trouver des débouchés politiques : tout cela a contribué à notre recul.
  • Au fond, peu importe : notre réseau social, c’est vous. C’est donc à vous qu’il revient d’abord de faire connaître ce mensuel, ses valeurs, d’encourager son aventure intellectuelle, ses engagements. De convaincre autour de vous qu’il n’est ni urgent ni nécessaire de réagir à toutes les « polémiques », de tout embrasser pour ne rien étreindre, de tout parcourir pour ne rien retenir. Et qu’il est bon — par exemple une fois par mois ? — de quitter la pièce où les gens vocifèrent, de décider qu’on s’arrête et qu’on réfléchit.
  • A quoi peut servir un journal ? A apprendre et à comprendre. A donner un peu de cohérence au fracas du monde là où d’autres empilent des informations. A penser posément ses combats, à identifier et faire connaître ceux qui les portent. A ne jamais rester solidaire d’un pouvoir au nom des références qu’il affiche sitôt que ses actions les démentent. A refuser le verrouillage identitaire d’un « choc des civilisations » oubliant que l’héritage de l’« Occident », c’est le sac du Palais d’été, la destruction de l’environnement, mais aussi le syndicalisme, l’écologie, le féminisme — la guerre d’Algérie et les « porteurs de valises ». Et que le « Sud », les pays émergents qui défont l’ordre colonial, englobe des forces religieuses moyenâgeuses, des oligarchies prédatrices, et des mouvements qui les combattent — le géant taïwanais Foxconn et les ouvriers de Shenzhen.
  • A quoi peut servir un journal ? En des temps de reculs et de résignations, à défricher les sentiers de nouveaux rapports sociaux, économiques, écologiques (4). A combattre les politiques austéritaires, à aiguillonner ou à tancer des social-démocraties sans souffle et sans sève.
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    A quoi peut servir un journal ? En des temps de reculs et de résignations, à défricher les sentiers de nouveaux rapports sociaux, économiques, écologiques (4). A combattre les politiques austéritaires.
Jon Snow

La science-fiction en prise avec le monde réel, par Valerio Evangelisti (Le M... - 0 views

  • La mondialisation de l’économie, le rôle hégémonique de l’informatique, le pouvoir d’une économie dématérialisée, les nouvelles formes d’autoritarisme liées au contrôle de la communication, tous ces thèmes paraissent laisser indifférents les écrivains de la « grande littérature », du moins en Europe. Dans la plupart de leurs romans, le monde semble immuable. Dominent les histoires intimistes, qui auraient pu se passer il y a cinquante ans - ou qui pourraient se produire dans cinquante ans... Amours, passions et trahisons perpétuent leur consommation sous une lumière tamisée, dans un monde aux couleurs pâles et aux fragrances de poussière et de talc. Certes, il y a quelques exceptions ; mais, la plupart du temps, le cadre général est immodérément « minimaliste ».
  • Certes, la littérature « blanche » traîne derrière elle son antithèse, le roman noir. Ici la rue, le conflit, l’urbain, le social jouent un rôle important. N’ont en revanche aucun rôle, sauf dans de rares cas, les structures planétaires du système, les évolutions historiques, les mutations psychologiques et comportementales qu’engendre le développement technologique. Les événements se réduisent au conflit entre quelques individus animés par d’éternelles passions : haine, vengeance, amour, soif de justice. Le « maximalisme » du cadre se dissout dans le « minimalisme » du traitement : policier corrompu ou douteux ou honnête contre criminel honnête ou douteux ou corrompu. Pas toujours mais assez souvent. Cependant, le système dans son ensemble est mis en cause. En fait, il s’agit d’un « minimalisme » plus large, ou d’un « maximalisme » réduit. Deux pas en avant pour un en arrière.
  • Tandis que la « grande littérature » se complaît à ignorer tout cela, la littérature des « étages inférieurs » a fait de l’époque son objet de prédilection. Je fais là allusion à la science-fiction. Pas à toute la science-fiction, bien entendu, car la pacotille abonde en ce domaine. Mais, par nature, le genre est « maximaliste » et incline à traiter de vastes sujets : peinture des mutations à large échelle, dévoilement de systèmes occultes de domination, dénonciation des effets tragiques ou bizarres de la technologie, invention de sociétés alternatives. De même qu’il pouvait arriver au plus balourd des spaghetti-westerns d’inclure des moments de cinéma de qualité, le moins lisible des romans de science-fiction peut contenir de grandes intuitions. Même s’il s’égare dans des aventures sans autre but qu’elles-mêmes, dans des portraits psychologiques bâclés, dans des simplifications d’historiette infantile. Mais le « minimalisme » lui reste à jamais intolérable. Il est étranger à son code génétique. Seule la science-fiction présente des descriptions réalistes (oui, réalistes !) du monde où nous vivons. Ainsi, quel autre genre littéraire a-t-il jamais consacré un roman aux mécanismes des crises économiques ? Aucun.
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  • Toujours dans le registre des hallucinations : un auteur italien de science-fiction, Vittorio Curtoni, a écrit il y a une vingtaine d’années une série de récits sur le thème d’une guerre du futur. Les protagonistes avaient recours à des armes psychédéliques, ce qui générait une humanité impuissante à distinguer le vrai du faux, incapable de se considérer comme appartenant à un tout solidaire... Ceux qui se souviennent encore du raz-de-marée de désinformation dispensé par les sources les plus fiables, lors de la guerre du Golfe et de la guerre du Kosovo, ont compris de quoi il s’agit : les nouveau-nés arrachés à leur couveuse par les hommes de Saddam Hussein, les 700 enfants kosovars enlevés pour donner leur sang aux soldats de Milosevic... Autant de fausses informations, qui nous conduisent à penser que la guerre des hallucinations a déjà commencé.
  • Le courant cyberpunk, encore actif il y a une dizaine d’années, en est l’exemple principal. Pour la première fois dans l’histoire, et bien avant les développements actuels d’Internet, de nombreux écrivains prenaient comme thème de leurs romans cette forme de relation entre l’homme et la machine qu’est l’informatique. S’agissait-il de romans « fantastiques », éloignés du réalisme considéré comme la forme littéraire privilégiée ? Permettez-moi d’en douter. Quand Internet s’est imposé, les œuvres de William Gibson, Bruce Sterling, Rudy Rucker et d’autres ont fourni à la nouvelle réalité les termes adaptés pour la décrire, et une carte de ses avenirs potentiels. Mieux encore, ils ont montré aux opposants la voie de la résistance, culturelle et pratique, face aux menaces contenues dans l’émergence d’un réseau de communication omniprésent et capable de reproduire les rapports de domination sur le terrain trompeur de l’immatériel. De leur propre aveu, des membres de l’extrême gauche européenne ont créé sous l’influence des récits cyberpunk le réseau European Counter Network (ECN) ; ils furent les premiers à utiliser la vitesse du nouveau système d’information pour coordonner leurs actions. Les centres sociaux des jeunes révoltés se sont remplis de modems et d’ordinateurs, régulièrement détruits pendant les descentes de police. Les pirates informatiques ont mené de titanesques batailles individuelles contre les grands groupes économiques, ralentissant l’accès à la Toile et son assujettissement.
  • Toutefois, il ne faut pas s’attendre que la « grande littérature », le mainstream (si indifférent à la société qui l’entoure qu’il a fait du désengagement et du repli sur soi un critère de qualité), guide la résistance contre la colonisation de l’imaginaire. Il faut pour cela une narration « maximaliste », consciente d’elle-même, qui inquiète et ne console pas. La science-fiction l’était. Elle peut l’être à nouveau
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    Quelle littérature sait interroger la réalité présente ? Se confronter au pouvoir moderne, à son anonymat, à la multiplicité de ses réseaux ? Prendre la mesure du rayonnement doctrinaire, de la machine du contrôle social, de l'envergure planétaire des ambitions ? En jouant avec les systèmes-mondes, en manipulant les hypothèses, la science-fiction constitue un de ces laboratoires où se lisent l'intime composition chimique du monde actuel... et les forces qui le feront entrer en explosion.
Jon Snow

La gauche dans son labyrinthe, par Anne-Cécile Robert (Le Monde diplomatique) - 0 views

  • Comme de nombreux représentants de la gauche de gouvernement, M. François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste français, considère ainsi que l’impératif de construire « l’Europe » implique de passer outre (temporairement ?) les revendications sociales de son électorat traditionnel. C’est pourquoi, dans le droit-fil des positions adoptées par son parti depuis vingt ans, il appelle ses militants à prononcer un « oui socialiste » au traité constitutionnel européen. Cependant, ce traité provoque – davantage que le traité de Maastricht en 1992 – une division manifeste tant à la base qu’au sommet du parti refondé par François Mitterrand : 42 % des militants s’y sont opposés lors du référendum du 1er décembre 2004 ainsi que certaines figures du parti tels l’ancien premier ministre Laurent Fabius ou la très fédéraliste Pervenche Béres.
  • Cette fragilité apparaît comme le produit d’une double évolution : d’une part, sa conversion progressive au libéralisme économique au cours des années 1980 et, d’autre part, une profonde perte de repères politiques qui fait de l’Europe – indépendamment de son contenu – l’idéal de substitution d’une gauche en mal de projet. Ce « grand bond en arrière (3) » – dont l’Union européenne constitue la synthèse ultime – a des causes multiples, notamment l’origine sociologique des représentants officiels du camp dit « progressiste » et la colonisation des lieux de pensée et d’influence par les libéraux (4).
  • L’Europe constitue pour elle un idéal prioritaire qui justifie des concessions, même si ces dernières frisent le tête-à-queue idéologique. Car il y a du renoncement dans cette attitude.
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  • Toute alternative au capitalisme ou au libéralisme semble condamnée par l’histoire. Dans ce champ de cadavres, l’Europe apparaît comme un idéal de rechange. Les partisans de gauche du « oui » (à Maastricht ou au traité constitutionnel) invoquent d’ailleurs davantage ce que l’Europe pourrait être que ce qu’elle est.
  • Pourtant, la construction européenne est une réalité sociale, économique, qui a des effets sociaux, économiques, politiques réellement ressentis (5), et une culture politique s’est progressivement décomposée, facilitant son acceptation telle quelle. On confond l’intégration continentale avec l’internationalisme ouvrier d’antan (6), alors même que l’Union européenne ressemble davantage à une société anonyme qu’à une expression de la solidarité transfrontière des dominés (7). On invoque Victor Hugo et son appel à créer des « Etats-Unis d’Europe » sans préciser que, pour le poète, il s’agissait d’une Europe « républicaine dont le siège serait en France »...
  • La confusion est d’autant plus grande que les représentants officiels de la gauche s’acharnent à éviter tout débat sur le contenu du projet européen. De la même manière que les choix économiques gouvernementaux ont progressivement été exclus de la confrontation idéologique, l’Europe est « dépolitisée ». Elle ne serait ni de droite ni de gauche. Toute critique devient donc une discussion sur l’Europe elle-même. Cette attitude dénie tout espace à l’argumentation et au raisonnement politiques. Elle empêche d’envisager une autre conception de l’intégration continentale. « Je ne respecte pas les défenseurs du “non” au traité constitutionnel qui se prétendent pro-européens », ne craint pas de dire M. Michel Rocard, ancien premier ministre socialiste (8).
  • la définition d’une Europe progressiste a toujours suscité la division. De prime abord, la pertinence même de l’échelon européen ne sautait pas aux yeux d’une gauche avant tout internationaliste. Malgré les conflits meurtriers qui ravageaient régulièrement le Vieux Continent, l’Europe n’émergea dans son imaginaire que lentement et par les élites.
  • Dès l’origine, les projets sont largement économiques et suscitent la méfiance à gauche. Entre les deux guerres mondiales, du Français Louis Loucheur – industriel devenu ministre de l’industrie de Georges Clemenceau – à Emile Mayrisch – patron de la sidérurgie luxembourgeoise –, on propose des cartels et des ententes dans l’acier ou le charbon (12). Dans un discours à la Société des nations (SDN), le 5 septembre 1929, le ministre français des affaires étrangères, Aristide Briand, proposa, sous le nom d’Union européenne, une association qui « agira surtout dans le domaine économique ». Il s’agissait notamment d’un désarmement douanier accompagné d’une « sorte de lien fédéral (13) ». Soutenu par les radicaux, il rencontre le scepticisme de Léon Blum – européen convaincu – et de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), hostiles aux abandons de souveraineté et inquiets du court-circuitage éventuel de la SDN.
  • Après 1945, l’idée d’Europe est à nouveau associée à la préservation de la paix et de nombreuses personnalités de gauche, marquées par la guerre et la résistance, participent au Congrès fédéraliste de La Haye en mai 1948 (14). Cependant, cette idée continue d’être diversement appréciée, d’autant plus qu’elle renaît dans le cadre de la guerre froide et sous le parapluie américain.
  • Dans le contexte idéologique ouvert dans les années 1980, la construction européenne est de plus en plus associée au libéralisme économique. L’incapacité à définir une Europe progressiste est masquée par une sorte de dogmatisme étayé par de bons sentiments. Comme on ne fait plus de politique, on donne des leçons de morale. A l’instar du premier ministre britannique Anthony Blair, qui a troqué la justice sociale contre des prêches dénonçant la pauvreté, une certaine gauche ralliée à l’« Europe » manifeste davantage de bons sentiments que de bonnes idées.
  • Ce moralisme habille le fatalisme revendiqué d’une gauche qui a perdu sa culture des rapports de forces et la mémoire de ses luttes. L’obligation de négocier entre vingt-cinq pays impliquerait notamment des concessions qui (malheureusement) vont toujours dans le même sens. L’ancien ministre socialiste des affaires européennes Pierre Moscovici qualifie ainsi le traité constitutionnel de « compromis indispensable et imparfait (16) ». Mais les négociations sont faussées, et on voit bien que ceux pour qui le « compromis » est « indispensable » ne sont pas ceux qui seront victimes de son imperfection. Car les représentants de la gauche ont oublié que, pour obtenir ce qu’ils ont, les peuples ont dû se battre et parfois payer le prix du sang. Aujourd’hui, les porte-parole du camp « progressiste » partent battus d’avance. Les négociations n’ont même pas été entamées qu’ils ont déjà renoncé à tout. L’idée de prononcer un « non », même « à l’anglaise », ne les effleure pas. Celle de mettre en place un rapport de forces entre gouvernements, avec les citoyens ou les syndicats, leur semble inimaginable.
  • En outre, le fonctionnement des instances internationales – et l’Union européenne n’échappe pas au phénomène – se révèle quelque peu anesthésiant. Isolé du reste du monde, affairé dans des bureaux où on parle plusieurs langues, on peut sincèrement éprouver le sentiment de participer à une grande aventure fraternelle. On peut se sentir grisé dans ce petit monde qui se conforte, se coopte et se congratule, loin des destinataires des décisions que l’on adopte. Naïveté pour le politologue socialiste Jacques Généreux (19), trahison pour le chercheur Raoul Marc Jennar (20), cette attitude, qui concerne aussi les députés européens et les fonctionnaires de la Commission, accroît le décalage avec les préoccupations populaires (délocalisations, chômage, etc.).
  • Le tropisme « européen » de la gauche peut aussi traduire une vision technocratique du pouvoir (21). Estimer, comme un député européen Vert, que la possibilité accordée aux citoyens de rédiger des pétitions sans aucune conséquence juridique (article I-47 du projet de traité constitutionnel) constitue « une avancée considérable de la démocratie » montre la dégradation de l’idéal démocratique d’une partie du camp progressiste 
  • Entre faillite idéologique, connivence sociale et inculture historique, l’Europe est devenue le triangle des Bermudes de la gauche. Corps et âmes, ses forces et ses représentants y disparaissent les uns après les autres. Sans doute l’animosité qui monte chez les partisans du « oui » révèle-t-elle la crainte, diffuse, qu’une éventuelle victoire du « non » ne déchire les brumes bermudiennes et ouvre une redistribution des cartes politiques.
Jon Snow

Haro sur Bernard Arnault ? (Le Monde diplomatique) - 0 views

  • Le fait que des responsables de la droite française — et au premier rang l’ancien premier ministre François Fillon — se soient aussitôt portés au secours de M. Arnault signale assez que le problème dépasse très largement le comportement incivique d’un milliardaire ordinaire. Il n’est d’ailleurs pas invraisemblable que M. Arnault compte prochainement d’autres avocats.
  • M. Arnault, qui n’est pas très modeste, indiqua également à cette occasion aux journalistes qu’il avait été reçu par le président Barack Obama à la Maison Blanche et qu’il avait parlé avec lui de la situation économique mondiale (2). Evoquèrent-ils déjà le niveau de la fiscalité pour les revenus les plus démesurés ? Il semble bien en effet que c’est là qu’il faut chercher, et pas très longtemps…, le motif principal de la passion subite du « grand citoyen du monde » pour le « modèle belge » en matière de paradis fiscaux. Car depuis que, paraît-il, à la suite de la parution d’un article du Monde diplomatique (3), M. François Hollande a annoncé, le 27 février 2012, son intention de taxer à 75% les revenus supérieurs à 1 million d’euros par an, c’est le tollé — et le tocsin — dans le petit monde des grandes fortunes.
Jon Snow

Quand Freud et Einstein imaginaient l'ONU (Le Monde diplomatique) - 0 views

  • « Tout ce qui travaille au développement de la culture travaille aussi contre la guerre. »
  • La culture, remède ultime ? Une remarque qui en rappelle une autre, émise en 1889 par l’une des plus ardentes militantes pacifistes de l’histoire moderne, Bertha von Suttner : si « la guerre est la négation de la culture », cette dernière est aussi un moyen de mettre un terme à la guerre
  • « L’avenir appartient à la gentillesse. »
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  • Bertha von Suttner, qui convainquit Alfred Nobel de créer son fameux Prix de la paix, fut la première femme, neuf ans après le décès de celui-ci, à se le voir décerner, en 1905
  • Au cours des siècles furent ainsi initiées diverses formes d’alliances, internationales ou régionales, tel le traité de Westphalie, adopté en 1648 lors du premier congrès diplomatique moderne, qui mit fin à la guerre de Trente Ans (laquelle avait impliqué plusieurs territoires de ce que l’on appelle aujourd’hui l’Europe), tout en entérinant en quelque sorte pour la première fois la naissance d’Etats territoriaux en tant qu’entités politiques à part entière.
  • Mais c’est véritablement le congrès de Vienne, motivé par le souhait des pays vainqueurs de Napoléon (3) de se protéger de toute autre tentative d’invasion par la France, et de rendre aux pays leurs frontières d’avant la Révolution française de 1789, qui marqua la première étape importante dans l’édification d’une organisation interétatique et du concept de coopération internationale.
  • Dès le lendemain de ce congrès entra en fonctions la première organisation internationale jamais créée, la Commission centrale pour la navigation du Rhin, établie officiellement en 1816 après avoir pris racine dès 1804 par un accord passé entre l’Allemagne et la France. Une institution aux objectifs très limités, certes, visant à réglementer de manière pacifique tout aspect de la circulation sur le fleuve et dans les environs, mais toujours en activité aujourd’hui, et basée à Strasbourg.
  • Quant aux efforts de paix directement consécutifs au congrès de Vienne, ils se remarquèrent surtout lors de la conférence internationale de la paix, rassemblant vingt-six nations, tenue à La Haye en 1899 à la convocation du tsar Nicolas II de Russie et de la reine Wilhelmine des Pays-Bas. La conférence, à laquelle assistèrent Bertha von Suttner et d’autres pacifistes, aboutit à la création de la Cour d’arbitrage international de La Haye, mécanisme visant à faciliter le règlement pacifique des différends internationaux, toujours en vigueur.
Jon Snow

Ces puissantes officines qui notent les Etats, par Ibrahim Warde (Le Monde diplomatique) - 0 views

  • « Le monde de l’après-guerre froide compte deux superpuissances, les Etats-Unis et l’agence Moody’s. » Thomas Friedman, éditorialiste de politique étrangère du New York Times, explicite ainsi sa formule : si les Etats-Unis peuvent anéantir un ennemi en faisant usage de leur arsenal militaire, l’agence de notation financière Moody’s possède les moyens d’étrangler financièrement un pays en lui décernant une « mauvaise note ».
  • Une bonne note permet d’emprunter au moindre coût. Plus la note baisse, plus le taux d’intérêt augmente, car les investisseurs exigeront une prime de risque. Les obligations mal notées (ou pas notées du tout) sont considérées comme des obligations « pourries » (junk bonds), même si leurs vendeurs préfèrent l’appellation d’« obligations à haut rendement » (high yield bonds).
    • Jon Snow
       
      Tous les acheteurs sont au courant, mais c'est à qui se retirera le premier du merdier en regardant les autres sombrer...
  • Deuxième critique : les agences de notation commettent de graves erreurs. En 1975, à la veille de sa mise en cessation de paiements, la ville de New York était encore bien notée. Plus récemment, à la suite de la faillite du comté d’Orange, Standard and Poor’s a été prise en défaut de vigilance et fait l’objet de nombreuses poursuites judiciaires. Là encore, l’agence assurait les investisseurs que le comté d’Orange était en bonne santé et bien géré, alors même que 2 milliards de dollars partaient en fumée, à la suite de spéculations sur les produits dérivés (4). En octobre 1994, le bulletin de la Réserve fédérale américaine cautionna les investisseurs.
  • ...5 more annotations...
  • Moody’s est l’objet d’une enquête du ministère de la justice, pour concurrence déloyale, et d’un procès intenté par le district scolaire de Jefferson County dans l’Etat du Colorado. En 1993, cette collectivité, refusant de solliciter Moody’s, demanda à la petite agence Fitch Investors Services de noter son émission d’obligations. En réplique à l’affront, Moody’s décerna une note « non sollicitée » (ou « note sauvage »), et bien entendu mauvaise, ce qui rendit l’émission impossible. Pour l’agence de notation, il ne s’agissait pas là d’un chantage, mais d’un service rendu au public et couvert par le premier amendement de la Constitution, qui garantit le droit à la libre expression (2).
  • L’autre note dont l’annonce déclencha un long suspense fut celle de l’Egypte. En septembre 1996, après que l’agence Moody’s eut annoncé qu’elle s’apprêtait à émettre une note non sollicitée, le gouvernement décida de demander à être noté (tout en affirmant qu’il n’avait pas l’intention d’émettre des obligations). S’entourant des banques d’investissement Goldman Sachs et EFG Hermes, les dirigeants égyptiens se livrèrent à un bachotage forcené et s’empressèrent d’accéder aux exigences du Fonds monétaire international en matière d’ajustement structurel.
    • Jon Snow
       
      Pan! Rien que ça!
  • Mieux vaut coopérer, c’est-à-dire fournir tous les documents demandés et recevoir la visite d’« examinateurs », que se voir décerner une note non sollicitée. Le système renforce les inégalités et regorge d’effets pervers. Le plus spectaculaire étant celui que les Anglo-Saxons appellent « self-fulfilling prophecy » : le simple fait de prévoir, même à tort, une déconfiture amène la déconfiture.
  • C’est cependant le pouvoir de noter des Etats qui vaut aux agences l’image de superpuissance politique. En effet, depuis 1990 - la crise de la dette, l’asséchement de l’aide extérieure et des prêts bancaires, et les recettes néo-libérales des organisations internationales étant passés par là - l’essentiel du financement extérieur des Etats se fait sur les marchés obligataires. Depuis que la « loi Wriston » n’a plus cours (6), les investisseurs veulent s’assurer de la solvabilité des Etats emprunteurs... que seules les agences de notation se disent capables d’apprécier.
  • Très sourcilleuses en matière de transparence lorsqu’il s’agit des notés, les agences de notation restent elles-mêmes bien mystérieuses. Leur pouvoir exorbitant et leurs abus appellent à un contrôle plus strict de leurs pratiques ou du moins à l’adoption d’un code de déontologie. De telles initiatives sont à l’étude, mais on peut douter de leurs succès. Les agences ne peuvent en effet être contrôlées que par ces mêmes gouvernements qu’elles tiennent sous haute surveillance.
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    Février 97.
Jon Snow

Argent et politique : la mécanique clientéliste , par Laurent Bonelli (Le Mon... - 0 views

  • Cette définition assez classique du clientélisme ne reflète toutefois qu’une seule face du pouvoir de ces médiateurs. Ceux-ci offrent également un cadre d’interprétation du monde social, une idéologie. Matilde, Cholo et leurs homologues réinventent au quotidien la tradition péroniste et sa geste, notamment l’attention portée à la classe ouvrière. Les gouvernements Perón (1946-1952 et 1952-1955) avaient notablement amélioré la condition de cette dernière, et les syndicats ont toujours été une composante centrale du mouvement justicialiste. Mais, dans le contexte contemporain de précarité et de vulnérabilité des travailleurs, ce n’est plus tant leur fierté qui est en jeu que leur dignité. Une dignité que leur assure le PJ en leur distribuant des biens de première nécessité. Le passage de la revendication politique à la charité est d’autant plus imperceptible qu’il est toujours placé sous le signe de la « justice sociale » et qu’il semble s’inscrire dans la continuité : « Chiche » Duhalde, la femme de l’ancien gouverneur, ne revendique-t-elle pas de marcher sur les traces d’Evita Perón, l’ancienne première dame ?
  • La stabilité du système repose ainsi sur la force des liens personnels entre les punteros et certains habitants du quartier. Cela explique le soutien populaire au président Menem, pourtant instigateur de politiques de libéralisation forcenée de l’économie du pays. Affectant en premier lieu les plus démunis, celles-ci ont affaibli leurs réseaux d’entraide et de solidarité, sauf si, comme Matilde ou Cholo, ils avaient accès aux circuits officiels de distribution de biens et de services. D’où un apparent paradoxe : avec un encadrement adéquat, les politiques les plus défavorables aux classes populaires renforcent parfois le soutien dont bénéficient en leur sein ceux qui les ont promues...
  • En France, la situation est-elle meilleure ? Le vote est certes largement individualisé, mais les taux d’abstention ou de non-inscription sur les listes électorales atteignent des sommets dans les classes populaires, lesquelles ont même pratiquement disparu de l’univers de référence des principaux partis. Or, dans ces milieux, l’intérêt pour la politique est intimement lié à la traduction de l’expérience quotidienne en projet politique qu’opèrent les militants. Dont la légitimité sur ce terrain repose toutefois sur leur capacité à résoudre les problèmes pratiques des groupes auxquels ils s’adressent. Une capacité largement dépendante des ressources qu’ils peuvent mobiliser, et donc de leur accès plus ou moins privilégié aux différentes institutions redistributives...
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    La frontière est fine entre loyauté et corruption. un bon documentaire qui parle de l'exemple paradoxal argentin: memoria del saqueo. Ou comment avec les "memes" methodes politiques on a fait de l'ultralibéralisme et aujourd'hui du social... ça laisse songeur.
Jon Snow

Le théorème de Guetta, par Pierre Rimbert (Le Monde diplomatique) - 1 views

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    En ces heures de marche forcée vers le fédéralisme il est bon de rappeler ce bon vieux théorème de guetta.
Fabien Cadet

Conférence avec Noam Chomsky à Paris du 28 au 31 Mai 2010 | LesMutins.org - 0 views

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    Organisée par Le Monde Diplomatique
Jon Snow

Anne Cécile Robert: Remise à plat du projet européen: quels scénarios? - 0 views

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    Très bonne interview d'Anne Cécile Robert, rédactrice en chef-adjointe du monde diplomatique, sur l'Europe et la représentation politique.
Jon Snow

Crise financière, les six étapes d'un désastre - 0 views

  • A Lisbonne comme à Athènes, à Dublin comme à Madrid, résonne un mot d’ordre unique : « rassurer les marchés » – un an auparavant, les dirigeants du G20 promettaient de les dompter. Au fond, la dynamique réfracte involontairement la logique réelle de l’Union européenne, promise à tous comme un espace de solidarité et finalement livrée au dumping social, salarial, fiscal et maintenant spéculatif… D’autres solutions s’offraient pourtant au choix des gouvernants.
  • Comme la mer qui se retire, la crise découvre la fragilité d’une construction qui, depuis son origine, repose sur un pari : l’union douanière et monétaire entraînera l’union politique et populaire. C’est peu dire qu’il est perdu.
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