Skip to main content

Home/ Vers un monde nouveau/ Group items tagged Le monde

Rss Feed Group items tagged

Jon Snow

« Le Moment unipolaire et l'ère Obama » : une conférence de Noam Chomsky - Ar... - 0 views

  • Quant on se penche sur les affaires internationales, il est important de garder à l’esprit plusieurs principes considérablement répandus et utilisés. Le premier est la maxime de Thucydide : les forts agissent tel qu’ils le veulent, et les faibles souffrent tel qu’ils le doivent.
  • Un second thème directeur fut exprimé par Adam Smith. Il parlait de l’Angleterre, la plus grande puissance de son époque, mais son observation peut se généraliser. Smith observait que les « architectes principaux » de la politique anglaise étaient les marchands et les fabricants, lesquels s’assuraient que leurs intérêts personnels soient bien servis par la politique, quelles qu’en soient les conséquences néfastes sur les autres (y compris sur le peuple anglais).
  • Dans cette « grande aire », les États-Unis détiendraient le « pouvoir incontesté » grâce à leur « supériorité militaire et économique » et agiraient de manière à s’assurer la « restriction de tout exercice de souveraineté » des États interférant avec leurs plans. Au début, les planificateurs pensèrent que l’Allemagne serait prédominante en Europe, mais lorsque la Russie commença à broyer la Wehrmacht, la vision devint plus large et la Grande Aire se dut d’ incorporer le plus de territoires possibles en Eurasie, avec au minimum l’Europe occidentale, cœur économique eurasien.
  • ...36 more annotations...
  • Alors que les politiques bipartisanes [2] envers Cuba s’accordent avec la maxime de Thucydide, elles rentrent en conflit avec le principe de Smith et nous donnent donc un aperçu particulier sur la formation des politiques. Depuis des dizaines d’années, le peuple américain est en faveur de la normalisation des relations avec Cuba. Si ignorer la volonté de la population n’a rien d’inhabituel, ce qui est plus intéressant dans ce cas c’est que de puissants secteurs du monde des affaires sont en faveur de la normalisation : l’agroalimentaire, les industriels de l’énergie, les sociétés pharmaceutiques et bien d’autres qui forment d’habitude le cadre politique. Leurs intérêts dans ce cas sont supplantés par un principe des affaires internationales délaissé par la littérature universitaire spécialisée. C’est ce qu’on pourrait appeler le principe de la Mafia. Le parrain ne tolère pas les exemples de « défi réussi », même de la part d’un petit épicier qui ne peut payer pour sa protection. C’est trop dangereux. Par conséquent, il faut le réprimer, et ce de manière brutale, afin que les autres comprennent que la désobéissance, le « défi réussi », n’est pas une option valable. Un défi réussi envers le maître peut être un « virus  » qui « répand la contagion », pour emprunter un terme d’Henry Kissinger lorsqu’il préparait le renversement du gouvernement Allende
  • Par exemple, lorsque Washington se préparait à renverser le gouvernement Allende, le Conseil National de Sécurité nota que, si les États-Unis ne pouvaient pas contrôler l’Amérique Latine, ils ne pouvaient prétendre « obtenir un ordre satisfaisant ailleurs dans le monde  », c’est-à-dire imposer leur domination efficacement au reste du monde. La « crédibilité  » de Washington en aurait été entamée, comme l’a avoué Henry Kissinger. D’autres pourraient se tourner vers la désobéissance, s’inspirer des « défis réussis  », si le virus chilien n’était pas détruit avant qu’il ne puisse « répandre la contagion ». Par conséquent la démocratie parlementaire au Chili devait disparaître, comme ça s’est passé à l’occasion du premier 11 Septembre, en 1973. Cet événement a disparu de l’histoire occidentale, bien qu’en termes de conséquences pour le Chili et ailleurs, cela surpasse de loin les terribles crimes du 11 septembre 2001.
  • Avec cet arrière-plan en tête, tournons-nous vers le « moment unipolaire  », sujet d’un grand nombre de discussions universitaires et populaires depuis l’effondrement de l’Union Soviétique il y a 20 ans, qui fit passer les États-Unis de principale superpuissance mondiale à seule superpuissance mondiale. Nous apprenons beaucoup sur la nature de la Guerre Froide et des évènements survenus depuis lors en regardant la façon dont Washington a réagi à la disparition de son ennemi mondial, de cette « impitoyable et monolithique conspiration » visant à s’emparer du monde pour reprendre la description de John F. Kennedy.
  • il leur fallait trouver un nouveau prétexte. Il fut vite donné : la menace des narcotrafiquants hispaniques focalisés sur la destruction des EU. La « guerre contre la drogue » fut certes lancée par Nixon, mais elle prit un rôle nouveau et plus important au cours du moment unipolaire.
  • Le besoin d’un nouveau prétexte guida aussi la réaction officielle à l’effondrement de la superpuissance ennemie. En quelques mois, l’administration de Bush père exposa le nouveau cap de Washington : en bref, tout restera comme avant, mais sous de nouveaux prétextes. Nous avons toujours besoin d’un gros système militaire, mais pour une nouvelle raison : la « sophistication technologique » des puissances du Tiers-monde. Nous devons maintenir la « base industrielle de défense  », un euphémisme pour désigner l’industrie de haute technologie soutenue par l’État. Nous devons maintenir les forces d’intervention pour les régions du Moyen-Orient riches en énergie, où les menaces importantes contre nos intérêts ne peuvent plus être rejetées sur le Kremlin, contrairement aux décennies de mensonges précédentes. Tout ceci passa discrètement et fut à peine signalé. Mais pour ceux qui cherchent à comprendre le monde, c’est très instructif.
  • Les élites intellectuelles se mirent rapidement au travail et remplirent leur mission. Elles annoncèrent une «  révolution normative » qui accordait aux États-Unis le droit d’ « intervention humanitaire », ceci pour les plus nobles des raisons bien entendu. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les victimes traditionnelles n’étaient guère convaincues. Au Sud, des conférences de haut-niveau condamnèrent amèrement « le soi-disant ’droit’ d’intervention humanitaire ».
  • Un affinage était donc nécessaire, et le concept de la « responsabilité de protection » fut échafaudé à sa place. Ceux qui prêtent attention à l’histoire ne seront pas surpris de découvrir que les puissances occidentales exercent leur «  responsabilité de protection  » de manière extrêmement sélective, en parfaite correspondance avec les trois maximes.
  • Les faits concordent de manière troublante et requièrent une agilité considérable de la part des classes intellectuelles
  • Alors que l’Union Soviétique s’écroulait, Mikhaïl Gorbatchev fit une concession sidérante : il accepta que l’Allemagne réunifiée rejoigne l’alliance militaire hostile dirigée par la superpuissance mondiale, malgré le fait que les Allemands aient à eux-seuls quasi anéanti la Russie deux fois au cours du siècle. Il y avait cependant un quid pro quo [3].
  • L’administration Bush promit à Gorbatchev que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Allemagne de l’Est, et encore moins plus loin à l’Est. Elle garantit aussi à Gorbatchev que « l’OTAN se transformera elle-même en une organisation plus politique  ». Gorbatchev proposa aussi la création d’une zone dénucléarisée de l’Arctique à la Mer Noire, afin d’établir une « zone de paix  » pour lever toute menace sur l’Europe, de l’Est ou de l’Ouest. Cette proposition fut rejetée sans examen.
  • Clinton a pris ses fonctions peu de temps après. Les engagements de Washington ont rapidement disparu. Il est inutile de faire des commentaires sur la promesse que l’OTAN deviendrait une organisation plus politique. Clinton a élargi l’OTAN à l’Est, et Bush a surenchéri. Obama a apparemment l’intention de poursuivre cette expansion.
  • Juste avant le premier voyage d’Obama en Russie, son assistant spécial pour la Sécurité Nationale et les affaires eurasiennes informa la presse que « nous n’allons pas rassurer ou donner ou échanger quoi que ce soit aux Russes en ce qui concerne l’expansion de l’OTAN ou le système de défense anti-missiles  ». Il faisait référence au programme américain de défense anti-missiles en Europe de l’Est et à l’adhésion de deux voisins de la Russie, la Géorgie et l’Ukraine, à l’OTAN.
  • Ces deux décisions sont considérées par les analystes occidentaux comme de sérieuses menaces pour la sécurité russe, propres à enflammer les tensions internationales.
  • L’objectif des systèmes d’interception états-uniens, s’ils fonctionnent un jour, est d’empêcher toutes représailles en cas d’attaques américaine ou israélienne sur l’Iran, c’est-à-dire éliminer toute dissuasion iranienne. Les systèmes anti-missiles sont une arme de première frappe [4], et chaque côté l’a compris. Mais cela semble être un de ces faits qu’il vaut mieux laisser dans l’ombre.
  • Lors d’une conférence de l’OTAN, le secrétaire général, Jaap de Hoop Scheffer, indiquait que « les troupes de l’OTAN doivent surveiller les oléoducs de gaz et de pétrole à destination de l’Occident » et, plus globalement, protéger les routes maritimes empruntées par les tankers et les autres « infrastructures cruciales » du système énergétique. Cette décision explique plus clairement les politiques post-guerre froide visant à réformer l’OTAN en une force d’intervention mondiale dirigée par les États-Unis, particulièrement préoccupée par le contrôle de l’énergie.
  • Dès la fin de la seconde guerre mondiale, il était clair que l’Europe occidentale pouvait choisir de mener une politique indépendante, peut-être en conformité avec la vision gaulliste d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural. Dans ce cas le problème n’était plus qu’un « virus  » puisse « répandre la contagion », mais qu’une pandémie abatte le système tout entier de contrôle global. L’OTAN était considéré comme un remède à cette menace.
  • Dans un cours d’économie, on apprend que les marchés sont basés sur des consommateurs éclairés qui prennent leurs décisions de manière rationnelle. Mais quiconque regarde une publicité télé sait que les entreprises consacrent de grosses ressources à créer des consommateurs standardisés prenant des décisions irrationnelles. Les méthodes utilisées pour ébranler les marchés sont adaptées afin de saper la démocratie, créant un électorat profane qui prendra des décisions irrationnelles sur un faible éventail d’alternatives compatibles avec les intérêts des deux partis, lesquels devraient être considérés comme des factions concurrentes du parti unique des affaires. Dans le monde des affaires et celui de la politique, les architectes politiques ont régulièrement été hostiles aux marchés et à la démocratie, sauf en cas d’avantages temporaires. La rhétorique est différente bien sûr, mais les faits sont là.
  • Des plans précis et rationnels d’organisation globale ont été développés, une “fonction” étant assignée à chaque région. Le Sud en général devait avoir un rôle de service : fournir des ressources, une main d’œuvre bon marché, des opportunités d’investissement et de marchés, ainsi que d’autres services comme l’importation des déchets et de la pollution. A cette époque les États-Unis n’étaient pas tellement intéressés par l’Afrique, elle fut donc confiée à l’Europe afin qu’elle l’ « exploite  » pour sa reconstruction après-guerre. On aurait pu imaginer des relations différentes entre l’Europe et l’Afrique vu leur passé historique, mais cela n’a pas été envisagé. Par contraste, les réserves de pétroles du Moyen-Orient étaient considérées comme étant « une prodigieuse source de pouvoir stratégique » et l’ « un des plus formidables trésors matériels de l’histoire mondiale  », la plus « importante aire stratégique dans le monde  », selon les mots d’Eisenhower. Les planificateurs influents admettaient que le contrôle du pétrole moyen-oriental fournirait aux États-Unis un « contrôle important sur le monde  ».
  • En ce qui concerne l’Amérique Latine, les planificateurs post-Seconde Guerre mondiale concluaient que la menace principale sur les intérêts des États-Unis était le fait de « régimes nationalistes radicaux [qui] séduisent les masses » et cherchent à satisfaire la « demande populaire d’amélioration immédiate des conditions de vie médiocres des masses  » ainsi que le développement selon les besoins domestiques. Ces tendances rentrent en conflit avec l’exigence d’ « un climat politique et économique favorable à l’investissement privé », avec un rapatriement satisfaisant des profits et avec la « protection de nos matières premières ». Une part conséquente de l’histoire ultérieure provient de ces conceptions non-contestées.
  • Si on prend le cas particulier de Mexico, un atelier du Pentagone sur la stratégie de développement pour l’Amérique Latine constatait en 1990 que les relations mexico-américaines étaient « extraordinairement positives », indifférent aux élections volées, à la violence étatique, à la torture, au traitement scandaleux des travailleurs et paysans et à d’autres menus détails. Les participants à l’atelier avaient cependant un souci en perspective : la menace d’une « ouverture démocratique  » au Mexique,
  • Le moment choisi pour l’opération Gatekeeper n’était certainement pas accidentel. Les analystes sensés avaient anticipé qu’ouvrir le Mexique à un flot d’exportations agroalimentaires fortement subventionnées ébranlerait tôt ou tard l’agriculture mexicaine, et que les entreprises mexicaines ne seraient pas capable de soutenir la compétition avec d’énormes sociétés aidées par l’État, lesquelles devaient être autorisées à opérer librement au Mexique selon le traité. Une conséquence probable était une hausse de l’émigration vers les États-Unis, à additionner à celle fuyant des pays d’Amérique Centrale, ravagés par la terreur reagannienne. La militarisation de la frontière fut une solution naturelle.
  • L’attitude populaire envers ceux qui fuient leurs pays (appelés “étrangers illégaux”) est complexe. Ils exécutent des services de grande valeur en tant que main d’œuvre très peu coûteuse et facilement exploitable. Aux États-Unis, l’agroalimentaire, le bâtiment et d’autres industries reposent massivement sur eux, et ils contribuent à la richesse des communautés où ils résident. D’un autre côté, ils réveillent le traditionnel sentiment anti-immigration.
  • Quelles que soient les réalités historiques et économiques, les immigrants ont été perçus par les pauvres et les travailleurs comme une menace pour leurs boulots, quartiers et modes de vie. Il est important de garder à l’esprit que les gens qui protestent aujourd’hui ont de réels doléances. Ils sont victimes de la financiarisation de l’économie et des programmes néolibéraux de mondialisation conçus pour transférer la production à l’étranger et les mettre en compétition avec les travailleurs du monde entier, et donc baisser leurs salaires et avantages. Pendant ce temps, les professionnels diplômés sont protégés des forces du marché et les propriétaires et dirigeants s’enrichissent. À nouveau la maxime de Smith.
  • Les répercussions sont sévères depuis les années Reagan et se manifestent de façon extrêmement déplaisante, comme on peut le voir actuellement en unes des journaux. Les deux partis politiques se battent pour savoir lequel des deux pourra proclamer avec le plus de ferveur son attachement à la doctrine sadique selon laquelle les soins médicaux doivent être refusés aux « étrangers illégaux ». Leur position est cohérente avec le principe juridique, établi par la Cour Suprême, selon lequel ces créatures ne sont pas des « personnes  » selon la loi, et qu’ils ne disposent donc pas des droits accordés aux personnes.
  • Au même moment, la Cour examine si les grandes sociétés ne devraient pas avoir la permission d’acheter les élections librement au lieu de le faire de manière détournée C’est un problème constitutionnel majeur, puisque les tribunaux ont établis que, contrairement aux sans-papiers, les entreprises sont des personnes réelles selon la loi, et ont en fait des droits bien supérieurs à celles faites de chair et de sang, tels ceux accordés par le mal nommé « accord de libre-échange ». Ces coïncidences parlantes ne suscitent aucun commentaire. La loi est bel et bien une solennelle et majestueuse affaire.
  • Une différence fondamentale entre Bush et Obama fut très bien formulée par l’un des hauts conseillers de l’administration Kennedy, à l’époque de la crise des missiles à Cuba. Les planificateurs de Kennedy prenaient des décisions qui menaçaient littéralement l’Angleterre d’extinction, mais n’en informaient pas les Britanniques. A ce moment là, le conseiller définissait ainsi la « relation spéciale » avec la Grande Bretagne : elle est , disait-il, « notre lieutenant – le terme en vogue étant ’partenaire’  ». Naturellement, l’Angleterre préfère le terme en vogue.
  • Bush et ses sbires traitent le monde comme « nos lieutenants ». Ainsi, en annonçant l’invasion de l’Irak, ils informèrent l’ONU qu’elle pouvait suivre les ordres américains ou « ne plus avoir de raison d’être ». Une telle arrogance a bien évidemment suscité de l’hostilité. Obama a choisi une autre méthode : il reçoit les dirigeants et les peuples du monde poliment, en tant que « partenaires  », et c’est seulement en privé qu’il continue à les traiter comme des « lieutenants  ». Les dirigeants étrangers préfèrent cette approche et le public est aussi parfois hypnotisé par cette attitude. Mais il est sage de s’en tenir aux faits et non au comportement rhétorique et plaisant. Les faits racontent une histoire différente d’habitude, et ce cas là ne fait pas exception.
  • Le système mondiale actuel reste unipolaire dans un domaine, celui de la force. Les États-Unis dépensent quasiment autant pour la force militaire que le reste du monde réuni, et sont bien plus avancés en ce qui concerne la technologie de destruction. C’est aussi le seul pays à avoir des centaines de bases militaires tout autour du monde et à occuper deux pays dans les régions cruciales pour la production d’énergie. Il y établit des méga-ambassades gigantesques, de l’ordre d’une ville à l’intérieur de la ville, ce qui est une claire indication de ses intentions futures. A Bagdad, les coûts prévisionnels de la méga-ambassade sont de 1.5 milliard de dollars cette année et de 1.8 dans les prochaines années. Le coût de leurs équivalents au Pakistan et en Afghanistan est inconnu, tout comme le futur des énormes bases militaires établies en Irak.
  • Dissoute en 1950, la quatrième Flotte US a été réactivée en 2008, peu de temps après l’invasion colombienne de l’Équateur. Son champ d’action couvre les Caraïbes, l’Amérique Centrale et du Sud ainsi que les eaux environnantes. La marine définit ses « diverses opérations » comme la lutte contre les trafics illégaux, la coopération régionale en matière de sécurité, l’interaction entre les forces armées et les formations militaires bilatérales ou multinationales. La réactivation de la flotte a naturellement provoqué un tollé et l’inquiétude des gouvernements brésilien, vénézuélien et autres.
  • Ces plans font partie d’une politique plus générale de militarisation de l’Amérique latine. L’entraînement des officiers latino-américains a fortement augmenté dans la dernière décennie, bien au dessus des niveaux de la Guerre Froide. La police se forme aux tactiques d’infanterie légère. Leur mission est de combattre les « gangs de jeunes  » et le «  populisme radical  », ce dernier terme n’étant que trop bien compris en Amérique latine.
  • Le prétexte est celui de la « guerre contre la drogue ». Mais, même si nous acceptons la singulière affirmation selon laquelle les EU ont le droit de mener cette « guerre  » dans des pays étrangers, il est difficile de le prendre au sérieux. Les raisons sont connues, elles ont été redites en février par la commission sur les drogues et la démocratie, dirigée par les anciens présidents sud américains Cardoso, Zedillo et Gaviria. Leur rapport conclut que la guerre contre la drogue a été un échec complet et appelle à changer radicalement de politique, en se détournant des mesures brutales vers d’autres plus efficaces et beaucoup moins coûteuses.
  • Quelque-uns accusaient même Washington de crimes, et non pas simplement d’erreurs commises par excès de naïveté et bienveillance comme le déclaraient les commentateurs libéraux, obéissant en cela à la logique bien établie de Thucydide. Un problème apparenté était l’activisme, particulièrement parmi les jeunes, qui provoquait un « excès de démocratie » selon les avertissements d’intellectuels libéraux. Ils demandaient la restauration de l’obéissance et de la passivité ainsi que l’application par Nixon de mesures beaucoup plus brutales.
  • Les fondations étaient posées pour une campagne nationale « Loi et Ordre » visant à discipliner ceux qui s’égaraient au-delà des limites de subordination à la doctrine et au pouvoir. Le succès fut conséquent. Sans susciter aucune critique ou commentaire, le président Carter pouvait expliquer que nous n’avions aucune dette envers les vietnamiens, car la « destruction était mutuelle ». Pour Reagan la guerre était une « noble cause » et le président Bush Sr. put continuer à informer les vietnamiens, sans aucune objection publique, que nous ne pourrions jamais pardonner leurs crimes envers nous, mais que par compassion nous serions d’accord pour les laisser rejoindre le monde que nous dirigions. Pour cela, il fallait qu’ils démontrent leur bonne volonté en s’occupant du seul problème moral subsistant : cette « noble cause  » qui consistait à se dévouer afin de retrouver les ossements des pilotes américains abattus alors qu’ils bombardaient le Vietnam.
  • Bien que le monde soit unipolaire sur le plan militaire, cela n’est plus le cas depuis quelque temps sur le plan économique. Au début des années 1970 le monde devenait économiquement « tripolaire  », avec des centres comparables en Amérique du Nord, Europe et dans le nord-est de l’Asie. De nos jours l’économie mondiale est devenue encore plus diverse, particulièrement avec la rapide croissance d’économies asiatiques défiant les règles néolibérales du « consensus de Washington ». L’Amérique latine aussi se défait de ce joug. Les efforts états-uniens pour la militariser sont une réponse à ces développements (particulièrement en Amérique du Sud), qui, pour la première fois depuis les conquêtes européennes, commencent à s’adresser aux problèmes fondamentaux qui ont empoisonné et continuent d’empoisonner le continent.
  • Les questions d’intégration interne sont encore plus significatives. Il y a enfin des efforts sérieux pour s’adresser à la pathologie latino-américaine de gouvernance par d’étroits secteurs nageant dans l’opulence au beau milieu d’un océan de misère, les riches étant exempts de responsabilité si ce n’est de celle de s’enrichir, contrairement à l’Asie de l’est. Une de ces mesures concerne la fuite des capitaux. En Amérique Latine elle atteint presque le montant de l’étouffante dette. Dans les pays d’Asie de l’est elle a été fermement contrôlée. En Corée du Sud par exemple, pendant la période de forte croissance, l’exportation de capital était passible de peine de mort.
  • Ces développements en Amérique latine, parfois menés par d’impressionnants mouvements populaires de masse, sont d’une grande importance. Ils suscitent bien évidemment des réactions amères de la part des élites traditionnelles, supportées par la superpuissance voisine. Les obstacles sont immenses mais s’ils sont surmontés, cela pourrait changer de façon significative le destin de l’Amérique latine et entraîner de véritables conséquences ailleurs.
  •  
    Superbe conférence de Noam Chomsky sur l'histoire de la politique etrangère guerrière US.
Jon Snow

GRAIN | Seedling | 2009 | Côtes dévastées et mers stéril - 0 views

  • Les accords de partenariat de pêche (APP) permettent à l’UE de maintenir une industrie très lucrative et d’exporter ses problèmes de surpêche dans d’autres parties du monde - l’Afrique, les Caraïbes, le Pacifique - provoquant souvent pour les pêcheurs artisanaux locaux des conséquences désastreuses. L’UE a maintenant décidé de tester les eaux asiatiques. Dans cet article, GRAIN enquête pour savoir ce que signifie pour les pêcheurs artisanaux le projet d’accord de libre-échange (ALE) EU-ASEAN.
  • Mais dans cette petite communauté au large de Mauban, dans la province de Quezon aux Philippines, cette quiétude disparaît dès que les habitants commencent à parler de leurs luttes journalières. Les prises ont chuté au cours des dernières décennies, forçant beaucoup de pêcheurs à abandonner ou, dans certains cas plus désespérés, à continuer à récolter les espèces restantes en utilisant dynamite et cyanure. La plupart des pêcheurs affirment que les effets conjugués de cette pratique illégale mais couramment employée, et de la nouvelle centrale thermique de Mauban, ont quasiment fait disparaître tous les poissons des eaux municipales.
  • L’ignorance de la loi est également un facteur important. De temps à autre, on aperçoit des bateaux de pêche taiwanais, mais ni les garde-côtes ni les autorités de pêche ne réagissent. Les pêcheurs y voient le résultat de la politique du pays qui fait suite au mouvement de libéralisation des pêcheries depuis une dizaine d’années et ouvre quasiment accès à ses eaux. Pire encore, des habitants, victimes de harcèlement policier, militaire et légal, sont expulsés de chez eux, car il est prévu de transformer l’île en station touristique.
  • ...30 more annotations...
  • De fait, la vague de libéralisation qui a déferlé depuis quelques dizaines d’années sur les pays asiatiques a transformé les eaux territoriales des Philippines, de la Thaïlande ou de l’Indonésie, en un territoire de pêche industrielle gratuit pour les nations riches et puissantes, aux dépens des petits pêcheurs locaux. Et ce n’est pas terminé : en signant des accords bilatéraux, les pays continuent à brader leurs mers et leurs pêcheurs.
  • Tout comme son concurrent, les États-Unis, l’UE veut une plus grande libéralisation et l’ouverture des économies des pays en développement à ses transnationales. Depuis l’effondrement de l’OMC à Cancún en 2003, tout le système commercial multilatéral semble s’être également écroulé; les questions d’accès aux marchés et les investissements se règlent désormais à coup de négociations bilatérales.
  • En mai 2007, l’ASEAN et l’UE ont tous deux accepté de lancer des négociations visant à conclure un ALE avant trois ans.
  • Ce projet a pour but de libéraliser de façon substantielle toutes les marchandises et les services, en supprimant pratiquement toutes les formes de protection et les obstacles au commerce, de façon à ce que rien ne puisse entraver les investissements étrangers.
  • Quoique l’UE préfère un marché intégré, elle admet aussi la nécessité de forcer l’ouverture des marchés individuels, car cela crée une dynamique politique intéressante dans la région. L’ALE UE-ASEAN serait à présent suspendu; l’UE semble en effet avoir d’autres priorités pour l’instant. La lenteur des négociations est-elle responsable du blocage ? Ou bien l’UE a-t-elle obtenu tant de concessions des pays individuels de l’ASEAN qu’elle peut se permettre de laisser tomber l’ASEAN en tant que bloc ?
  • En d’autres termes, les PPA ne font qu’exporter le problème de la surpêche sous d’autre cieux.
  • Dans le même temps, cependant, les propres ressources halieutiques de l’UE connaissent un déclin rapide, ce qui force ses 27 membres à appliquer des quotas sur certaines espèces et à réduire le nombre de flottes de pêche. L’UE est à présent l’un des plus grands marchés de produits bioaquatiques du monde et dépend de l’importation pour couvrir les deux-tiers de sa consommation de poisson.
  • La consommation annuelle par habitant s’élève à environ 21 kilos.
  • M.Lamy s’est évidemment bien gardé de dire à son audience de Jakarta que l’effort pour augmenter les exportations vers l’Europe se solderait par de grosses pertes pour les petits pêcheurs artisanaux. En 1997, le Bangladesh a perdu au moins 14,7 millions de dollars US à court terme, quand l’UE a décidé d’imposer une interdiction de cinq ans sur les importations de crevettes, parce que les exportateurs bangladais n’avaient pas réussi à respecter les standards européens.
  • Dans cet ALE entre l’UE et l’ASEAN, les véritables vainqueurs ne sont pas bien sûr les gouvernements, mais les compagnies transnationales (TNC), qui se félicitent en regardant les gouvernements obtenir pour elles l’accès aux eaux côtières et à des marchés lucratifs, et leur offrir des conditions d’investissement idéales.
  • On estime qu’environ 80 % de toutes les espèces des eaux territoriales européennes sont victimes de surpêche. L’Espagne et le Royaume-Uni ont le plus grand nombre de flottes étrangères hors Europe. Certaines estimations suggèrent qu’environ 60 % du poisson débarqué en Europe a été pêché en-dehors des eaux territoriales de l’UE.
  • De fait, les subventions gouvernementales – estimées entre 15 et 20 milliards de dollars US par an – constituent presque 20 % des revenus de l’industrie mondiale de la pêche, ce qui contribue à une capacité excessive et encourage la surpêche. [10] Grâce aux accords de partenariat de pêche (APP), les flottes de l’UE peuvent payer l’accès aux eaux territoriales d’autres pays et exploiter pratiquement sans limites les ressources marines de ces derniers.
  • Au cours des cinq dernières années, l’augmentation de la demande de poisson et de produits de la pêche a provoqué une croissance brutale de la production mondiale, pour atteindre un record de 144 millions de tonnes en 2006
  • Aux Philippines, les groupements de pêcheurs se méfient de tout ce qui touche à l’ALE avec l’UE. Le Kilusang Mangingisda (une association de pêcheurs) pense que cet ALE permettrait aux pays européens d’avoir accès et d’exploiter les ressources marines des Philippines et de tout le Sud-Est asiatique.
  • Selon ces pêcheurs, les espèces hautement migratoires comme le thon, le maquereau et la sardine, qu’on trouve fréquemment dans les eaux des pays de l’ASEAN, souffriront de surexploitation. Le thon et le maquereau sont en effet parmi les espèces les plus pêchées au monde.
  • Pour cette autre association, PAMALAKAYA (la Fédération nationale des pêcheurs artisanaux aux Philippines), un accord avec l’UE est une proposition encore pire que l’Accord de partenariat économique si controversé prévu avec le Japon (JPEPA). Le JPEPA ouvrirait complètement les ressources marines des Philippines au entreprises japonaises, provoquant encore plus de surpêche, ce qui aurait de lourdes conséquences pour les petits pêcheurs. « Si le JPEPA est un cauchemar, affirme le groupe, le pacte de partenariat et de coopération entre les Philippines et l’UE est une tragédie nationale, qui ne tardera pas à frapper cette nation de pauvres et d’affamés. En orchestrant la plus grande trahison du siècle, l’UE révèle son objectif véritable : faire porter tout le fardeau de la crise économique aux populations misérables de pays comme les Philippines. »
  • Toutefois, si l’aquaculture est censée soulager la pression sur les océans du monde, il faut noter qu’elle contribue aussi de plus en plus à leur destruction. L’expansion rapide de l’élevage de crevettes, de saumon et autres espèces carnivores à haute valeur ajoutée comme la morue, le bar et le thon détournent les prises pour en faire des aliments industriels plutôt que d’en nourrir les gens. Il faut entre 2 et 5 kilos de poisson sauvage, transformé en farine et en huile de poisson, pour produire un kilo seulement de poisson d’élevage.
  • En 2006, le secteur de l’aquaculture a, estime-t-on, consommé 23,8 millions de tonnes de petit poisson de mer sous la forme d’intrants alimentaires, soit 26 % des prises mondiales venant des pêcheries de capture. Sur ces quantités, 3,72 millions de tonnes ont été utilisées pour fabriquer de la farine de poisson, 0,83 millions de tonnes pour faire l’huile de poisson servant aux aliments aquacoles composés et 7,2 millions de tonnes supplémentaires de poisson sans valeur commerciale ou de “faux-poisson ” ont servi d’alimentation directe ou à la fabrication d’aliments aquacoles artisanaux.
  • Une grande partie des élevages de poisson écossais appartient aujourd’hui à la gigantesque multinationale Marine Harvest, la plus grande entreprise d’aquaculture au monde et le plus gros producteur d’aliments pour animaux. Marine Harvest fait partie de la multinationale hollando-norvégienne Nutreco. Dans le même temps, une fusion de plusieurs groupes de pêche norvégiens – Cermaq va avoir entre les mains 60 % de la nouvelle compagnie, Fjord Seafoood récupère les 40 % restants et la participation de Domstein au capital de Fjord est de 26 % – a l’intention de créer la deuxième opération d’élevage de saumon au monde (après celle de Nutreco). L’entreprise a prévu d’accaparer 12 % du marché mondial de l’élevage de saumon et 40 % du marché de l’aliment pour saumon.
  • L’Espagnol Pescanova a racheté l’entreprise de chalutage Pesquera Vasco Gallega pour son quota de colin, avec les deux bateaux qui pêchent le colin au large de l’Argentine. Cette acquisition fait partie de la stratégie d’expansion de Pescanova, qui a avait commencé avec la reprise de Pescafina, une entreprise qui allait mal financièrement mais qui avait accès aux pêcheries cubaines.
  • Les grandes entreprises engrangent les énormes bénéfices de leur exploitation de la mer, mais pour les petits pêcheurs, il ne reste que côtes dévastées et mers stériles.
  • La Thaïlande est certes le plus grand exportateur du monde de crevettes d’élevage, mais l’aquaculture a provoqué la conversion massive de terres agricoles fertiles (auparavant consacrées au riz) et est devenue la source principale de la pollution littorale. [24] Elle est aussi le prix à payer pour la perte de la biodiversité et de la sécurité alimentaire. En Thaïlande méridionale, du côté de la baie de Phang Nga, les habitants ont remarqué que, depuis l’introduction de la crevette à pattes blanches du Pacifique, les crevettes locales servant à faire la pâte de crevette, qui est une des bases de leur culture alimentaire, ont disparu. Cette espèce est celle que promeut Charoen Pokphand, le géant de l’agrobusiness pour l’élevage de crevettes.
  • les élevages de crevettes sur la période 2006-2013 et financé par la Banque asiatique de développement à hauteur de 30 millions de dollars US, a causé des ravages dans les communautés des zones humides et du littoral. Des inondations dans 12 000 villages sont clairement liées à la perte des zones humides et des forêts de mangroves provoquée par les activités d’élevage aquacole. [28] L’expansion des fermes à crevettes dans la province de Lampung a réduit les stocks de poisson sur la côte et forcé les pêcheurs locaux à aller pêcher en pleine mer, ce qui signifiait pour eux une dépense accrue de carburant. Parvenant à peine à couvrir leurs frais, ils ont fini tout simplement par abandonner la pêche,.
  • Des milliers de pêcheurs malais ont vu leurs prises chuter en raison des installations de bassins à crevettes le long des côtes. Telles sont les réalités qui constituent l’envers du décor de l’ALE que l’ASEAN veut négocier avec l’Europe et il y a peu de chance qu’elles s’améliorent dans un futur proche. L’interruption récente des négociations tombe peut-être à point, donnant le temps non seulement aux deux parties de prendre un peu de recul, mais surtout aux gouvernements de l’ASEAN de se poser des questions sur les avantages de cet ALE.
  • C’est la croissance du commerce mondial de poisson qui a été le principal élément déclencheur du déclin global des stocks. Il serait donc parfaitement déplacé de continuer à libéraliser les pêcheries pour augmenter encore le commerce, car cela risquerait tout simplement de provoquer la surpêche et éventuellement, la destruction complète des pêcheries mondiales.
  • Il faut renverser la tendance. Il est encore temps d’agir ensemble – pêcheurs, paysans, tout citoyen vigilant – et mettre fin à l’ALE UE-ASEAN. L’interruption des négociations fournit l’opportunité de l’achever. Les communautés de pêcheurs disposent d’une multitude d’alternatives pour gérer les ressources et encourager le commerce. Toutefois, si elles ne sont pas protégées contre les attaques des grandes entreprises, elles n’ont aucune chance de survie.
  • Les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) : Parce que le marché européen impose des exigences, toujours plus complexes, relatives à l’assurance de sécurité sanitaire et de traçabilité, l’ASEAN sera obligé de se conformer en ce domaine à des normes strictes, avant de pouvoir introduire ses poissons et produits dérivés sur le marché européen. Cela équivaudrait à interdire éventuellement les produits habituellement proposés par les pêcheurs artisanaux, mais aussi à donner à l’UE plus de liberté pour refuser tout produit qui ne serait pas conforme à ses standards.
  • Bref, cet ALE crée une compétition injuste, du fait que les règles penchent de façon déséquilibrée en faveur des conditions de pêche et de marché prévalant dans l’UE.
  • Depuis 1979, les gouvernements africains ont signé nombre d’accords de pêche avec l’UE
  • C’est ainsi que le homard de Mauritanie a disparu il y a déjà quelques années. La pieuvre du Sénégal est au bord de l’effondrement. Beaucoup, sinon la majorité des pêcheurs locaux du Sénégal et de Mauritanie sont sans travail et émigrent clandestinement vers l’Europe. C’est sur cette toile de fond qu’en 2002, l’UE a signé avec le Sénégal un nouvel accord de pêche de 64 millions de dollars US pour quatre ans, afin de pouvoir pêcher poissons de fond et thon. En 2006, l’UE a aussi conclu un accord avec la Mauritanie et obtenu, en l’échange de 146 millions de dollars US par an, l’accès à ses eaux pour 43 vaisseaux européens.1 Comment un gouvernement pauvre pourrait-il se permettre de refuser de genre d’accord ?
  •  
    Les Accords de Libre-Echange entre L'UE et l'asie (ASEAN) accentuent la surpêche mondiale. Les poissons disparaissent des eaux asiatiques au détriment des petits pêcheurs locaux et de l'écosystème.
Jon Snow

Témoignage de Norio HIRAI, chaudronnier du nucléaire (1) : « Les centrales nu... - 0 views

  • « En plus, il ne faut pas confondre la sûreté et la sécurité. S’il y a des centrales nucléaires, il n’y a plus rien de sûr. »   Quand Norio a appris qu’il avait un cancer, il a décidé de mettre à jour tout ce qu’il connaissait des centrales nucléaires. Il nous explique entre autres que : - On n’explique pas les dangers dus à la radioactivité aux ouvriers. - Quand il y a un accident nucléaire, peu de personnes sont compétentes pour comprendre ce qu’il se passe. - La surveillance des travaux n’est pas faite par des gens qualifiés. - Les contrôleurs sont souvent des personnes qui ne connaissent rien à l’énergie nucléaire. - Le service de l’inspection nucléaire est assuré par des retraités du ministère du commerce et de l’industrie.
  • En général, nous imaginons que les constructions des centrales nucléaires, du Shinkansen ou des autoroutes sont soumises à des contrôles rigoureux de l’administration. Mais à Kobé, nous avons découvert des coffrages laissés dans les poteaux en béton du Shinkansen. Les armatures de l’autoroute avaient été mal soudées: (elles avaient été collées par le métal de la soudure mais les bords de l’armature eux-mêmes n’avaient pas été fusionnés). Elles ont toutes été disloquées avec le séisme. Pourquoi une telle chose s’est-elle produite ? Parce qu’on a accordé trop d’importance au plan, au bureau, mais on a négligé la surveillance sur le chantier. Si ce ne fut pas la cause directe, on peut dire que cette négligence a provoqué l’ampleur de la catastrophe.
    • Jon Snow
       
      Ce sont des hommes qui construisent sur les chantiers pas des robots, avec tout ce que ça comporte comme conséquences possibles: défauts, malfaçons, oublis, vols, qualité des matériaux douteuse etc.
  • Malheureusement cette maison ce sont les centrales nucléaires japonaises.
    • Jon Snow
       
      Voilà. Pas de bol hein.
  • ...15 more annotations...
  • Ce plan chimérique part de l’idée que ce sont des ouvriers experts qui le réalisent, mais nous ne nous sommes jamais posé des questions sur la qualité des ouvriers et leurs conditions de travail. Pour les centrales nucléaires comme pour les autres chantiers, la main d’œuvre et même les inspecteurs sont constitués par des gens sans qualification suffisante. C’est compréhensible qu’un grave accident se produise dans les centrales nucléaires, les Shinkansen ou sur les autoroutes.
  • Depuis environ 10 ans, il n’y a plus de manœuvres compétents. On ne demande aucune expérience au moment du recrutement. Les ouvriers sans compétence ne savent pas le danger de l’accident. Ils ne savent même pas quels sont les travaux non réglementaires et mal faits. C’est la réalité des centrales nucléaires japonaises.
    • Jon Snow
       
      ça coute moins cher et ça se trouve partout un type pas qualifié, ça accepte tout et ça ne se préoccupe que de peu, surtout s'il ne comprend pas la situation.
  • Par exemple à la centrale de Fukushima de TEPCO, nous avons démarré la centrale en laissant un bout de fil de fer et on a échappé de peu à un grave accident qui aurait pu avoir une répercussion sur le monde entier. L’ouvrier savait qu’il avait fait tomber ce fil de fer mais il ne savait pas à quel point la conséquence de son acte était dangereuse. Dans ce sens, une centrale nucléaire toute neuve construite par ces gens incompétents est aussi bien dangereuse qu’une vieille centrale.
  • Dans la centrale nucléaire, il y a aussi le problème de l’irradiation qui empêche de former les successeurs. Quand on travaille dans la centrale nucléaire, il fait très sombre et chaud et avec la protection c’est impossible de parler. Alors les ouvriers se communiquent par gestes. Comment peuvent ils dans ces conditions transmettre leurs savoir faire? En plus, on envoie d’abord les gens compétents travailler et ils s’exposent très vite à la quantité de radioactivité annuelle autorisée et ne peuvent plus travailler, ça accentue encore l’incompétence des ouvriers. Par exemple pour les soudeurs, ils fatiguent leurs yeux en travaillant. Après 30 ans, ils ne peuvent plus faire de travaux précis et ils ne trouvent plus d’embauche dans la pétrochimie. Et c’est comme ça qu’ils arrivent aux centrales nucléaires.
    • Jon Snow
       
      CQFD.
  • le gouvernement a décidé d’envoyer des conseillers de sécurité spécialisés dans chaque centrale nucléaire pour donner l’autorisation du démarrage après la construction ou du redémarrage après les contrôles réguliers. Je savais que ces conseillers ne connaissaient pas grande chose du nucléaire mais je n’imaginais pas à quel point. Quand j’ai fait une conférence à Mito, il y a un homme du Ministère de la science et la technologie qui s’est présenté en public en disant: « Je me sens tellement mal à l’aise d’avouer ce fait, mais je ne connais rien du nucléaire », et il a continué: « De la peur d’être irradiés, les inspecteurs n’ont pas voulu travailler dans les centrales en marche. Comme on vient de supprimer des places dans le ministère de l’agriculture avec le remaniement gouvernemental, ils ont envoyé des fonctionnaires qui donnaient des conseils aux éleveurs du ver à soie ou de la sériole (poisson), sans aucune formation. Voilà pourquoi les conseillers qui n’y connaissent rien du tout, donnent l’autorisation du démarrage dans toutes les centrales. Le conseiller de la centrale de Mihama, contrôlait la qualité du riz jusqu’à il y a 3 mois».
  • Au-dessous de ces fonctionnaires irresponsables du ministère, dans la hiérarchie nucléaire, il y a le service de l’inspection nucléaire. Ce sont des gens du Ministère du Commerce et de l’Industrie qui ont pris leur retraite et sont embauchés dans ce service. Ils occupent des postes importants et enrichissent le service en demandant des contrats à des anciens subordonnés. Ils n’ont jamais travaillé dans ce domaine. Ils possèdent tous les pouvoirs sur l’inspection de la centrale nucléaire et on ne peut rien faire sans leur autorisation bien qu’ils n’y connaissent rien. Ils viennent au contrôle mais, bien sûr, ils ne font que regarder. Malheureusement, ils ont quand même un pouvoir colossal. Encore au-dessous de la hiérarchie, il y a les compagnies d’électricité et les trois fabricants de réacteurs nucléaires qui suivent: Hitachi, Toshiba et Mitsubishi. Moi, j’ai travaillé chez Hitachi. Après les fabricants, il y a encore des sous-traitants de la construction dont j’ai parlé tout à l’heure. Ca veut dire qu’au dessus des fabricants, ils ne sont pas compétents et au dessous des fabricants non plus, il n’y a pas beaucoup de gens compétents. C’est aussi pour cela que les compagnies d’électricité ne peuvent pas expliquer les détails au moment des accidents.
  • Après le grand séisme de Kobé, on a très vite vérifié le plan antisismique de toutes les centrales nucléaires du Japon. Le résultat absurde publié en septembre 1995 disait que toutes les centrales résisteront aux tremblements de terre de n’importe quel niveau.
    • Jon Snow
       
      Comme sarko l'a dit, le nucléaire c'est la FOI qui le fait tenir debout !!! D'où la religieuse propagande entoure le "phénomène".
  • Je disais toujours, avant et après ma retraite, qu’il faut que ce soient des organismes compétents et indépendants qui s’occupent de l’inspection mais non pas des entreprises nationalisées ou des services où les anciens fonctionnaires du ministère travaillent. Et indépendants de l’influence du Ministère du Commerce et de l’Industrie qui préconise l’installation des centrales nucléaires.
  • Le démarrage du réacteur émet plein de radioactivité et de radiations. Les gens qui y travaillent subissent des radiations. Avant de se rendre auprès du réacteur, ils se déshabillent et se mettent en combinaison de protection. Peut-être vous imaginez que cette combinaison protège le corps de la radioactivité mais en réalité, ce n’est pas le cas. La preuve, on place le radiamètre, sous la combinaison, sur le gilet. La combinaison de protection est un simple vêtement de travail qui sert à ne pas emporter la radioactivité à l’extérieur mais il ne protège pas les manœuvres de l’irradiation. Donc après le travail, ils doivent se mettre en slip pour vérifier s’ils ne sont pas contaminés. Si la radioactivité reste uniquement sur la peau, c’est ce qu’on appelle la contamination externe, on peut l’enlever presque entièrement avec la douche. Ils se lavent minutieusement jusqu’à ce qu’ils ne soient plus radioactifs avant de sortir dehors.      Les manœuvres mettent aussi des chaussures qui ont été préparées par l’entreprise mais on n’est pas sûr de trouver la bonne taille. Alors, leurs pas sont mal assurés. En plus ils doivent mettre un masque qui couvre la tête. Ils travaillent avec ces combinaisons et l’angoisse de la radioactivité. Pratiquement, personne ne peut faire de bon travail avec cet équipement. C’est complètement différent d’un chantier normal. En plus, plus que 95% des personnes qui s’occupent de ce travail n’ont aucune expérience. Ce sont des agriculteurs et des pêcheurs désœuvrés en dehors de la saison. Ces gens qui n’ont pas d’expérience, travaillent sans savoir le danger que ça représente. Par exemple, pour serrer une cheville avec un écrou, on dit au manœuvre «serrez la en diagonale, sinon ça fuit». L’opération se déroule dans une zone de radiations contrôlée, un endroit très dangereux plein de rayonnements. Les manœuvres amènent le radiamètre. Mais comme la quantité de radiations varie d’une pièce à l’autre, la durée du temps acceptable en minutes change chaque fois.
  • Avant de rentrer au chantier, on explique aux ouvriers le travail d’aujourd’hui et la durée de ce travail décidée en fonction de la quantité autorisée journalière d’irradiation. S’ils vont travailler au chantier où on peut rester 20 minutes, on leur donne une minuterie qui sonne au bout de 20 minutes en disant «Vous devez sortir quand ça sonne». Mais ils ne sont pas munis d’une montre car elle serait polluée par la radioactivité. Ils doivent donc deviner le temps restant. C’est comme ça qu’on les envoie au travail.    Là-bas, ils n’arrivent pas à se concentrer pour serrer la cheville car ils se demandent toujours combien de temps est déjà passé. Est ce que c’est 10 minutes? Ou peut-être déjà 15 minutes? Ils ont très peur de l’alarme de la minuterie, cela les fait plus que sursauter. Le bruit de l’alarme est assez fort pour rendre tout pâle quelqu’un qui ne l’a pas jamais entendue. Quand ça sonne, ils ont déjà reçu une irradiation équivalente à des dizaines de radiographies. C’est bien normal qu’ils ne puissent pas fournir des prestations assez correctes comme tout simplement serrer des chevilles en diagonale. Pouvez-vous imaginer les conséquences?
  • Le contrôle régulier se fait souvent en hiver. Mais à la fin du contrôle, on verse dans la mer des tonnes d’eau contaminée par la radioactivité. Honnêtement, il n’y a pas beaucoup de poissons pêchés en bordure des îles nipponnes que l’on peut manger sans craindre le risque de la contamination radioactive. La mer du Japon est déjà contaminée par la radioactivité. Ce n’est pas uniquement au moment du contrôle régulier que l’on effectue le rejet d’eau irradiée dans la mer. Pour baisser la température que la centrale dégage, au Japon, on utilise l’eau de la mer. Elle devient de l’eau chaude qui contient de la radioactivité. Ainsi on rejette des tonnes d’eau par minute à la mer. 
  • l y a quelques années, à l’exposé du procès qui demandait l’arrêt de la centrale de Shiga dans la préfecture d’Ishikawa, une vieille colporteuse de 80 années toute déconcertée, a raconté cette histoire. « Je ne connaissais rien de la centrale nucléaire jusqu’à maintenant. Mais aujourd’hui, une jeune dame qui était toujours fidèle a refusé mes algues. Elle m’a dit « Je suis désolée mais je ne peux plus acheter vos algues ». La centrale de Shiga a démarré aujourd’hui. Je ne connaissais rien au nucléaire, mais maintenant je sais ce que c’est. Qu’est ce que je vais devenir alors? » Même aujourd’hui, on continue de polluer la mer du Japon sans que vous le sachiez.
  • Vous devez le savoir, si vous avez déjà visité une centrale nucléaire, c’est très bien nettoyé où il y a des accès au public. Peut-être le guide vous a même vanté « regardez, comme c’est propre ». Mais c’est bien normal. Ça serait dangereux s’il y avait de la poussière radioactive dans l’air. Moi, j’ai développé un cancer à cause de la contamination interne que j’ai reçu plus que cent fois. Quand le docteur m’a diagnostiqué un cancer, j’avais très peur. Mais je me suis rappelé ce que ma mère disait toujours « rien est plus grand que la mort ». Ca m’a donné envie de faire quelque chose. Alors, j’ai décidé de mettre au jour tout ce que je connais des centrales nucléaires.
  • 9. Rien à voir avec le chantier normal La radioactivité s’accumule. Même si ce sont des petites quantités, si vous travaillez 10 ans dans une centrale, vous accumulez la radioactivité de 10 ans et c’est très dangereux. Le règlement pris par le gouvernement exige de ne pas dépasser la limite de 50 millisiverts (mSv) par an. Cela veut dire que l’on peut tout faire si on respecte cette limitation. Par exemple, les travaux au moment du contrôle régulier demandent environ 3 mois. Donc on divise la limite de 50 mSv par cette durée des travaux pour avoir la limite autorisée journalière. Mais, dans un endroit où il y a beaucoup de radiations, on ne peut travailler que 5 à 7 minutes par jour. On ne peut pas faire grand chose avec si peu de temps. Alors on rassemble les temps de travail sur 3 jours ou une semaine afin de travailler 10 ou 20 minutes de suite, bien que ce soit une méthode inadmissible. Au moins, si les ouvriers savaient qu’il y a un grand risque de leucémie ou du cancer… Mais les compagnies d’électricité n’avertissent d’aucun de ces risques. Une fois, une grande vis qui se trouvait sur le réacteur s’est desserrée quand la centrale nucléaire était en plein fonctionnement. Comme la centrale émet une colossale quantité de radioactivité en état de marche, on a préparé 30 personnes pour serrer une seule vis. Ils ont fait la queue devant la porte. Ils devaient courir jusqu’à la vis qui se situait à environ 7 mètres de là. Après 3 secondes, l’alarme sonnait. Il y eu même des ouvriers qui ont passé tout leur temps ouvrable en cherchant la clé. Finalement, ça a coûté 4 millions de yens, l’équivalent de salaire de 160 personnes, pour faire uniquement quelques tours de vis.  Vous vous demandez peut-être pourquoi on n’a pas arrêté la centrale pour serrer la vis. Mais la compagnie d’électricité veut l’éviter autant que possible car l’arrêt d’une journée de la centrale lui cause des milliards de perte. La radioactivité est quelque chose de très dangereux, mais pour l’entreprise, l’intérêt financier passe avant la sécurité humaine.
    • Jon Snow
       
      On est plus à une absurdité près, mais là c'est grandiose!
  • Le but de ces cours est tout d’abord d’atténuer leur angoisse. On ne leur dit jamais qu’il y a des dangers. L’Etat surveille la quantité de la radioactivité et donc il n’y a pas de danger, « les anti-nucléaires parlent du risque de cancer et de la leucémie à cause de la radioactivité mais ce sont que des gros mensonges, si on respecte bien les normes imposées par le gouvernement il n’y a aucun problème ». Un tel lavage de cerveau dure 5 heures. Les compagnies d’électricité procèdent à ce lavage de cerveau également avec les gens qui habitent à côté des centrales. Elles font venir les personnes connues pour faire des conférences, elles donnent des cours de cuisine, ou insèrent des encarts publicitaires imprimés en couleur dans les journaux. Peut-être les accidents dans les centrales angoissent les habitants, mais grâce à toutes ces propagandes de l’Agence de sécurité nucléaire, ils ne peuvent pas penser autrement que «nous ne pouvons pas nous passer du nucléaire pour avoir suffisamment d’électricité». Moi-même, pendant presque 20 ans en tant que responsable de terrain, j’ai procédé au lavage des cerveaux, une plus grande manipulation mentale que celles d’Asahara et d’Oume, vis à vis des ouvriers. Je ne sais pas combien de personnes j’ai tué. Il y a des gens qui me demandent si les ouvriers ne sont pas inquiets. Mais comme ils ne sont pas avertis des dangers de la radioactivité ou de la contamination, la plupart ne sont pas inquiets. Ils ne pensent même pas que c’est à cause de leur travail dans les centrales, quand ils tombent malades. Tous les ouvriers sont irradiés quotidiennement. Le travail des responsables consiste de cacher cette réalité à ceux-ci et à l’extérieur de la centrale. Si les ouvriers ou même n’importe qui s’inquiète du problème de l’irradiation, vous n’êtes pas digne d’être responsable sur place. Ainsi, sont les conditions de travail dans les centrales nucléaires. J’ai exercé un tel travail longtemps. Il m’arrivait souvent que je ne pouvais plus le supporter sans aide de l’alcool et j’en buvais de plus en plus. Ainsi, je me posais souvent des questions. Pourquoi, et pour qui, il faut vivre des jours plein de mensonges? Au bout de 20 ans, je me suis aperçu que mon corps lui même était déjà gravement détruit par les radiations.
  •  
    1996. C'est un chaudronnier du nucléaire qui parle. C'est franchement bouleversant. Ce qu'il a craint toute sa vie s'est réalisé.
Jon Snow

La gauche dans son labyrinthe, par Anne-Cécile Robert (Le Monde diplomatique) - 0 views

  • Comme de nombreux représentants de la gauche de gouvernement, M. François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste français, considère ainsi que l’impératif de construire « l’Europe » implique de passer outre (temporairement ?) les revendications sociales de son électorat traditionnel. C’est pourquoi, dans le droit-fil des positions adoptées par son parti depuis vingt ans, il appelle ses militants à prononcer un « oui socialiste » au traité constitutionnel européen. Cependant, ce traité provoque – davantage que le traité de Maastricht en 1992 – une division manifeste tant à la base qu’au sommet du parti refondé par François Mitterrand : 42 % des militants s’y sont opposés lors du référendum du 1er décembre 2004 ainsi que certaines figures du parti tels l’ancien premier ministre Laurent Fabius ou la très fédéraliste Pervenche Béres.
  • Cette fragilité apparaît comme le produit d’une double évolution : d’une part, sa conversion progressive au libéralisme économique au cours des années 1980 et, d’autre part, une profonde perte de repères politiques qui fait de l’Europe – indépendamment de son contenu – l’idéal de substitution d’une gauche en mal de projet. Ce « grand bond en arrière (3) » – dont l’Union européenne constitue la synthèse ultime – a des causes multiples, notamment l’origine sociologique des représentants officiels du camp dit « progressiste » et la colonisation des lieux de pensée et d’influence par les libéraux (4).
  • L’Europe constitue pour elle un idéal prioritaire qui justifie des concessions, même si ces dernières frisent le tête-à-queue idéologique. Car il y a du renoncement dans cette attitude.
  • ...11 more annotations...
  • Toute alternative au capitalisme ou au libéralisme semble condamnée par l’histoire. Dans ce champ de cadavres, l’Europe apparaît comme un idéal de rechange. Les partisans de gauche du « oui » (à Maastricht ou au traité constitutionnel) invoquent d’ailleurs davantage ce que l’Europe pourrait être que ce qu’elle est.
  • Pourtant, la construction européenne est une réalité sociale, économique, qui a des effets sociaux, économiques, politiques réellement ressentis (5), et une culture politique s’est progressivement décomposée, facilitant son acceptation telle quelle. On confond l’intégration continentale avec l’internationalisme ouvrier d’antan (6), alors même que l’Union européenne ressemble davantage à une société anonyme qu’à une expression de la solidarité transfrontière des dominés (7). On invoque Victor Hugo et son appel à créer des « Etats-Unis d’Europe » sans préciser que, pour le poète, il s’agissait d’une Europe « républicaine dont le siège serait en France »...
  • La confusion est d’autant plus grande que les représentants officiels de la gauche s’acharnent à éviter tout débat sur le contenu du projet européen. De la même manière que les choix économiques gouvernementaux ont progressivement été exclus de la confrontation idéologique, l’Europe est « dépolitisée ». Elle ne serait ni de droite ni de gauche. Toute critique devient donc une discussion sur l’Europe elle-même. Cette attitude dénie tout espace à l’argumentation et au raisonnement politiques. Elle empêche d’envisager une autre conception de l’intégration continentale. « Je ne respecte pas les défenseurs du “non” au traité constitutionnel qui se prétendent pro-européens », ne craint pas de dire M. Michel Rocard, ancien premier ministre socialiste (8).
  • la définition d’une Europe progressiste a toujours suscité la division. De prime abord, la pertinence même de l’échelon européen ne sautait pas aux yeux d’une gauche avant tout internationaliste. Malgré les conflits meurtriers qui ravageaient régulièrement le Vieux Continent, l’Europe n’émergea dans son imaginaire que lentement et par les élites.
  • Dès l’origine, les projets sont largement économiques et suscitent la méfiance à gauche. Entre les deux guerres mondiales, du Français Louis Loucheur – industriel devenu ministre de l’industrie de Georges Clemenceau – à Emile Mayrisch – patron de la sidérurgie luxembourgeoise –, on propose des cartels et des ententes dans l’acier ou le charbon (12). Dans un discours à la Société des nations (SDN), le 5 septembre 1929, le ministre français des affaires étrangères, Aristide Briand, proposa, sous le nom d’Union européenne, une association qui « agira surtout dans le domaine économique ». Il s’agissait notamment d’un désarmement douanier accompagné d’une « sorte de lien fédéral (13) ». Soutenu par les radicaux, il rencontre le scepticisme de Léon Blum – européen convaincu – et de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), hostiles aux abandons de souveraineté et inquiets du court-circuitage éventuel de la SDN.
  • Après 1945, l’idée d’Europe est à nouveau associée à la préservation de la paix et de nombreuses personnalités de gauche, marquées par la guerre et la résistance, participent au Congrès fédéraliste de La Haye en mai 1948 (14). Cependant, cette idée continue d’être diversement appréciée, d’autant plus qu’elle renaît dans le cadre de la guerre froide et sous le parapluie américain.
  • Dans le contexte idéologique ouvert dans les années 1980, la construction européenne est de plus en plus associée au libéralisme économique. L’incapacité à définir une Europe progressiste est masquée par une sorte de dogmatisme étayé par de bons sentiments. Comme on ne fait plus de politique, on donne des leçons de morale. A l’instar du premier ministre britannique Anthony Blair, qui a troqué la justice sociale contre des prêches dénonçant la pauvreté, une certaine gauche ralliée à l’« Europe » manifeste davantage de bons sentiments que de bonnes idées.
  • Ce moralisme habille le fatalisme revendiqué d’une gauche qui a perdu sa culture des rapports de forces et la mémoire de ses luttes. L’obligation de négocier entre vingt-cinq pays impliquerait notamment des concessions qui (malheureusement) vont toujours dans le même sens. L’ancien ministre socialiste des affaires européennes Pierre Moscovici qualifie ainsi le traité constitutionnel de « compromis indispensable et imparfait (16) ». Mais les négociations sont faussées, et on voit bien que ceux pour qui le « compromis » est « indispensable » ne sont pas ceux qui seront victimes de son imperfection. Car les représentants de la gauche ont oublié que, pour obtenir ce qu’ils ont, les peuples ont dû se battre et parfois payer le prix du sang. Aujourd’hui, les porte-parole du camp « progressiste » partent battus d’avance. Les négociations n’ont même pas été entamées qu’ils ont déjà renoncé à tout. L’idée de prononcer un « non », même « à l’anglaise », ne les effleure pas. Celle de mettre en place un rapport de forces entre gouvernements, avec les citoyens ou les syndicats, leur semble inimaginable.
  • En outre, le fonctionnement des instances internationales – et l’Union européenne n’échappe pas au phénomène – se révèle quelque peu anesthésiant. Isolé du reste du monde, affairé dans des bureaux où on parle plusieurs langues, on peut sincèrement éprouver le sentiment de participer à une grande aventure fraternelle. On peut se sentir grisé dans ce petit monde qui se conforte, se coopte et se congratule, loin des destinataires des décisions que l’on adopte. Naïveté pour le politologue socialiste Jacques Généreux (19), trahison pour le chercheur Raoul Marc Jennar (20), cette attitude, qui concerne aussi les députés européens et les fonctionnaires de la Commission, accroît le décalage avec les préoccupations populaires (délocalisations, chômage, etc.).
  • Le tropisme « européen » de la gauche peut aussi traduire une vision technocratique du pouvoir (21). Estimer, comme un député européen Vert, que la possibilité accordée aux citoyens de rédiger des pétitions sans aucune conséquence juridique (article I-47 du projet de traité constitutionnel) constitue « une avancée considérable de la démocratie » montre la dégradation de l’idéal démocratique d’une partie du camp progressiste 
  • Entre faillite idéologique, connivence sociale et inculture historique, l’Europe est devenue le triangle des Bermudes de la gauche. Corps et âmes, ses forces et ses représentants y disparaissent les uns après les autres. Sans doute l’animosité qui monte chez les partisans du « oui » révèle-t-elle la crainte, diffuse, qu’une éventuelle victoire du « non » ne déchire les brumes bermudiennes et ouvre une redistribution des cartes politiques.
G Hald

CADTM - Islande : NON et encore NON ! - 0 views

  • Le 9 avril 2011, les Islandais ont refusé, à près de 60%, de payer pour assumer les erreurs de ceux qui ont conduit leur pays dans l’abîme. Ils ont une nouvelle fois refusé par référendum l’accord Icesave, qui prévoit que l’État indemnise les centaines de milliers d’épargnants britanniques et néerlandais ayant perdu de l’argent lors de la faillite de cette banque en ligne en 2008. Ils ont donc confirmé le premier « non » prononcé en mars 2010,
  • Le jour même du déclenchement de la crise, le FMI envoie une mission sur l’île. Le 24 octobre 2008, il fait son retour en Europe de l’Ouest avec un accord de prêt de 2,1 milliards de dollars (ratifié le 19 novembre), faisant de l’Islande le premier pays occidental à recourir à une telle aide depuis un quart de siècle. Le financement s’étalera sur deux ans, avec un versement immédiat de 830 millions de dollars. Huit autres tranches de 160 millions de dollars suivront. Le prêt sera remboursé par les Islandais entre 2012 et 2015. Le chef de la mission du FMI précise que l’Islande devra trouver quatre milliards supplémentaires : « Pour la période de deux ans, le paquet d’aides est d’environ six milliards de dollars dont quatre milliards provenant d’autres pays ». Les pays du Nord de l’Europe (la Finlande, la Suède, la Norvège et le Danemark avec 2,5 milliards de dollars) et la Pologne complètent cette somme.
  • Comme toujours avec le FMI, en contrepartie, l’Islande s’engage à appliquer un « programme de redressement » de son économie, par des mesures immédiates, à court et moyen terme. Ce programme très contraignant implique des efforts significatifs de réduction des dépenses, autrement dit une cure d’austérité. Le geste le plus humiliant pour les Islandais est, dès le début de la crise, le gel des avoirs des banques islandaises par le Royaume-Uni dans le cadre juridique d’une « loi anti-terroriste », mettant l’Islande dans la liste des pays « terroristes » pour Londres. Le pays sera retiré de cette liste le 15 juin 2009.
  • ...8 more annotations...
  • en septembre 2008, le gouvernement islandais se trouve obligé de reprendre 75% de la banque Glitnir. Le mois suivant, il renationalise Kaupthing et Landsbanki. En février 2009, Glitnir est totalement renationalisée sous son ancien nom « Islandsbanki ». Le processus est très clair : avant 2003, comme ces banques faisaient des profits colossaux, il fallait qu’elles soient privatisées, mais dès qu’elles ont plongé dans le rouge, l’État a été sommé de les récupérer, d’assumer leur charge, d’emprunter lourdement pour faire face aux échéances, puis de les reprivatiser au plus vite sans oublier de réformer son économie dans un sens néolibéral pour faire payer la facture par la population islandaise.
  • Tous les samedis, durant plusieurs mois, la population a manifesté contre les mesures d’austérité qui impliquent notamment des attaques très dures contre le système de protection sociale et contre les retraites, entraînant par exemple la fermeture d’hôpitaux. Sous cette pression, le Premier ministre annonce en janvier 2009 la tenue d’élections anticipées pour le 9 mai. Les Islandais ne se satisfont pas de cette proposition. Le samedi 24 janvier, rassemblés comme chaque week-end depuis seize semaines, ils réclament le départ du gouvernement. Deux jours plus tard, le Premier ministre, issu du parti de l’Indépendance, formation de centre-droit qui partageait le pouvoir avec le parti social-démocrate depuis mai 2007, annonce la démission immédiate de son gouvernement.
  • Le 30 décembre 2009, l’Althingi (Parlement islandais) vote de justesse la loi dite « Icesave », en accord avec les exigences des pays demandeurs, qui entérine le remboursement de 3,9 milliards d’euros à la Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Cela revient à payer environ 100 euros par habitant et par mois pendant huit ans pour la faillite d’une banque aux investissements très hasardeux. La population manifeste son désaccord en exigeant, par une pétition et plusieurs jours de « casserolades » devant le parlement, que le président Olaf Ragnar Grimsson ne promulgue pas la loi.
  • Devant la pression de la rue, démontrant que les peuples en mouvement peuvent se faire entendre, le président refuse de signer, appelant, dans le cadre de l’article 26 de la Constitution islandaise, à un référendum contraignant pour le gouvernement. Le 6 mars 2010, avec une forte mobilisation, 93% des Islandais rejettent l’accord, ce qui oblige les ministères des Finances des trois pays concernés (Islande, Royaume-Uni et Pays-Bas) à reprendre les négociations.
  • Les négociations avec Londres et La Haye aboutissent, le 8 décembre 2010, à un nouvel accord, supposé plus acceptable par la population. Le taux d’intérêt est ramené à 3,3% pour la part britannique et 3% pour la part hollandaise, au lieu de 5,5%, et la durée de remboursement allongée de huit à trente ans (entre 2016 à 2046, au lieu de 2024). La liquidation des actifs de Landsbanki est mieux prise en compte.
  • Mais, le 20 février, le président de la République décide l’organisation d’un nouveau référendum populaire, faisant suite à une nouvelle pétition de plus de 40 000 signatures. La Première ministre islandaise, Johanna Sigurdardottir, se permet alors de déclarer : « C’est décevant. Nous avions anticipé que le président allait signer l’accord sur Icesave […] L’accord a été approuvé à la majorité au Parlement et ce n’est pas commun qu’un président s’oppose à un accord adopté à une telle majorité », ajoutant que, selon elle, il y a « peu de chance que la Grande-Bretagne et les Pays-Bas soient prêts à renégocier cet accord ». Pourtant, et heureusement, le peuple se prononce donc une deuxième fois pour le non.
  • Le Parlement décide alors, en accord avec le programme électoral, la création d’une Assemblée constituante en vue de mener ce projet à terme. Le 27 novembre 2010, vingt-cinq membres sont élus par vote populaire parmi plus de cinq cents candidats.
  • Les banquiers et les hommes d’affaires islandais, sous investigation criminelle en Islande, sont encore actifs dans le monde bancaire, certains sont même devenus conseillers financiers à Londres, au Luxembourg ou au Canada. Les Islandais n’acceptent pas qu’un banquier puisse amasser une fortune considérable en faisant prendre des risques démesurés à la société entière puis en fasse payer le prix à l’État et aux citoyens. Comme le disait William K. Black : “La meilleure façon de voler une banque est d’en posséder une”. |2| Ils sont convaincus que l’on peut trouver suffisamment d’argent dans les avoirs des banques pour payer les dégâts occasionnés. Ils ne comprennent pas pourquoi les responsables de la crise n’ont pas été mis hors d’état de nuire : la plupart des dirigeants des grandes puissances et des grandes banques ayant mené l’économie dans cette impasse n’ont pas été inquiétés, même s’ils sont parfaitement identifiés.
Jon Snow

La science-fiction en prise avec le monde réel, par Valerio Evangelisti (Le M... - 0 views

  • La mondialisation de l’économie, le rôle hégémonique de l’informatique, le pouvoir d’une économie dématérialisée, les nouvelles formes d’autoritarisme liées au contrôle de la communication, tous ces thèmes paraissent laisser indifférents les écrivains de la « grande littérature », du moins en Europe. Dans la plupart de leurs romans, le monde semble immuable. Dominent les histoires intimistes, qui auraient pu se passer il y a cinquante ans - ou qui pourraient se produire dans cinquante ans... Amours, passions et trahisons perpétuent leur consommation sous une lumière tamisée, dans un monde aux couleurs pâles et aux fragrances de poussière et de talc. Certes, il y a quelques exceptions ; mais, la plupart du temps, le cadre général est immodérément « minimaliste ».
  • Certes, la littérature « blanche » traîne derrière elle son antithèse, le roman noir. Ici la rue, le conflit, l’urbain, le social jouent un rôle important. N’ont en revanche aucun rôle, sauf dans de rares cas, les structures planétaires du système, les évolutions historiques, les mutations psychologiques et comportementales qu’engendre le développement technologique. Les événements se réduisent au conflit entre quelques individus animés par d’éternelles passions : haine, vengeance, amour, soif de justice. Le « maximalisme » du cadre se dissout dans le « minimalisme » du traitement : policier corrompu ou douteux ou honnête contre criminel honnête ou douteux ou corrompu. Pas toujours mais assez souvent. Cependant, le système dans son ensemble est mis en cause. En fait, il s’agit d’un « minimalisme » plus large, ou d’un « maximalisme » réduit. Deux pas en avant pour un en arrière.
  • Tandis que la « grande littérature » se complaît à ignorer tout cela, la littérature des « étages inférieurs » a fait de l’époque son objet de prédilection. Je fais là allusion à la science-fiction. Pas à toute la science-fiction, bien entendu, car la pacotille abonde en ce domaine. Mais, par nature, le genre est « maximaliste » et incline à traiter de vastes sujets : peinture des mutations à large échelle, dévoilement de systèmes occultes de domination, dénonciation des effets tragiques ou bizarres de la technologie, invention de sociétés alternatives. De même qu’il pouvait arriver au plus balourd des spaghetti-westerns d’inclure des moments de cinéma de qualité, le moins lisible des romans de science-fiction peut contenir de grandes intuitions. Même s’il s’égare dans des aventures sans autre but qu’elles-mêmes, dans des portraits psychologiques bâclés, dans des simplifications d’historiette infantile. Mais le « minimalisme » lui reste à jamais intolérable. Il est étranger à son code génétique. Seule la science-fiction présente des descriptions réalistes (oui, réalistes !) du monde où nous vivons. Ainsi, quel autre genre littéraire a-t-il jamais consacré un roman aux mécanismes des crises économiques ? Aucun.
  • ...3 more annotations...
  • Toujours dans le registre des hallucinations : un auteur italien de science-fiction, Vittorio Curtoni, a écrit il y a une vingtaine d’années une série de récits sur le thème d’une guerre du futur. Les protagonistes avaient recours à des armes psychédéliques, ce qui générait une humanité impuissante à distinguer le vrai du faux, incapable de se considérer comme appartenant à un tout solidaire... Ceux qui se souviennent encore du raz-de-marée de désinformation dispensé par les sources les plus fiables, lors de la guerre du Golfe et de la guerre du Kosovo, ont compris de quoi il s’agit : les nouveau-nés arrachés à leur couveuse par les hommes de Saddam Hussein, les 700 enfants kosovars enlevés pour donner leur sang aux soldats de Milosevic... Autant de fausses informations, qui nous conduisent à penser que la guerre des hallucinations a déjà commencé.
  • Le courant cyberpunk, encore actif il y a une dizaine d’années, en est l’exemple principal. Pour la première fois dans l’histoire, et bien avant les développements actuels d’Internet, de nombreux écrivains prenaient comme thème de leurs romans cette forme de relation entre l’homme et la machine qu’est l’informatique. S’agissait-il de romans « fantastiques », éloignés du réalisme considéré comme la forme littéraire privilégiée ? Permettez-moi d’en douter. Quand Internet s’est imposé, les œuvres de William Gibson, Bruce Sterling, Rudy Rucker et d’autres ont fourni à la nouvelle réalité les termes adaptés pour la décrire, et une carte de ses avenirs potentiels. Mieux encore, ils ont montré aux opposants la voie de la résistance, culturelle et pratique, face aux menaces contenues dans l’émergence d’un réseau de communication omniprésent et capable de reproduire les rapports de domination sur le terrain trompeur de l’immatériel. De leur propre aveu, des membres de l’extrême gauche européenne ont créé sous l’influence des récits cyberpunk le réseau European Counter Network (ECN) ; ils furent les premiers à utiliser la vitesse du nouveau système d’information pour coordonner leurs actions. Les centres sociaux des jeunes révoltés se sont remplis de modems et d’ordinateurs, régulièrement détruits pendant les descentes de police. Les pirates informatiques ont mené de titanesques batailles individuelles contre les grands groupes économiques, ralentissant l’accès à la Toile et son assujettissement.
  • Toutefois, il ne faut pas s’attendre que la « grande littérature », le mainstream (si indifférent à la société qui l’entoure qu’il a fait du désengagement et du repli sur soi un critère de qualité), guide la résistance contre la colonisation de l’imaginaire. Il faut pour cela une narration « maximaliste », consciente d’elle-même, qui inquiète et ne console pas. La science-fiction l’était. Elle peut l’être à nouveau
  •  
    Quelle littérature sait interroger la réalité présente ? Se confronter au pouvoir moderne, à son anonymat, à la multiplicité de ses réseaux ? Prendre la mesure du rayonnement doctrinaire, de la machine du contrôle social, de l'envergure planétaire des ambitions ? En jouant avec les systèmes-mondes, en manipulant les hypothèses, la science-fiction constitue un de ces laboratoires où se lisent l'intime composition chimique du monde actuel... et les forces qui le feront entrer en explosion.
Jon Snow

Noam Chomsky : un Monde en soulèvement ou un Nouvel Âge des ténèbres ? - La R... - 0 views

  • Il y avait le syndicat du travail militant qui continuait à organiser, particulièrement le CIO (Congress of Industrial Organizations) [3]. On en venait au point des grèves sur le tas, qui effrayaient le monde des affaires — vous pouviez le voir dans la Presse d’affaires de l’époque, — parce qu’une grève sur le tas est juste l’étape qui précède la reprise de l’usine pour la faire tourner par vous-même. Par ailleurs, l’idée de prise de contrôle par les travailleurs est tout à fait quelque chose à l’ordre du jour aujourd’hui, et nous devrions le garder à l’esprit. En outre, la législation du New Deal commença à intervenir en tant que résultat de la pression populaire. Malgré les moments difficiles, il y avait un sentiment qu’en quelque sorte : « nous allons en sortir ».
  • Avec cela est venu un changement important de l’économie de l’entreprise productive — qui produit les choses dont les gens ont besoin ou qu’ils pourraient utiliser — à la manipulation financière. La financiérisation de l’économie a vraiment décollé à ce moment-là.
  • Avant les années 1970 les banques étaient des banques. Elles faisaient ce que des banques étaient supposées faire dans une économie capitaliste d’État : par exemple, elles prenaient les fonds inutilisés de votre compte bancaire pour les transférer à des objets potentiellement utiles, comme aider une famille à acheter une maison ou envoyer un enfant au collège. Cela changea dramatiquement dans les années 1970. Jusque-là, depuis la Grande Dépression, il n’y avait eu aucune crise financière. Les années 1950 et les années 1960 avaient été une période d’énorme croissance, les plus hautes dans l’histoire américaine, et peut-être dans l’histoire économique. Et c’était égalitaire. Le un cinquième du plus bas faisait aussi bien que le un cinquième du plus haut. Des tas des gens évoluaient dans des styles de vie raisonnables — appelés ici « la classe moyenne » et dans d’autres pays « la classe ouvrière », — et c’était une réalité ; et les années 1960 l’accélérèrent. L’activisme de ces années, après une décennie assez morne, civilisa vraiment le pays dans toutes sortes de voies inaliénables.
  • ...7 more annotations...
  • Les développements qui eurent lieu pendant les années 1970 firent ressortir un cercle vicieux. Celui-ci mena à concentrer de plus en plus de richesse entre les mains du secteur financier. Ce qui ne profite pas à l’économie — lui nuit probablement ainsi qu’à la société — pour autant mena vraiment à une concentration énorme de la valeur.
  • Le projet de loi, essentiellement bipartite, entraîne de nouvelles politiques fiscales et des modifications des taxes, ainsi que des règles de gouvernance d’entreprise et la déréglementation. A côté de cela une forte hausse dans les coûts des élections a commencé, qui pousse et même plus profondément les partis politiques dans les poches du secteur d’entreprise.
  • Il a toujours existé un fossé entre la politique publique et la volonté publique, simplement il a grandi en proportion astronomique. En fait, on peut le voir dès maintenant. Jetez un regard au grand sujet sur lequel tout le monde se concentre à Washington : le déficit. Pour le grand public, à juste titre, le déficit n’est pas considéré comme un gros problème. Et ce n’est pas vraiment un gros problème. La question est celle du chômage. Il y a une commission du déficit, mais aucune commission du chômage. Autant que le déficit le concerne, le public a des opinions. Jetez un coup d’oeil aux sondages. Le public appuie massivement des impôts plus élevés sur les riches, impôts qui ont fortement diminué dans cette période de stagnation et de déclin, et la préservation des prestations sociales qui furent limitées. Le résultat de la commission du déficit va probablement être à l’opposé. Les mouvements Occupy pourraient fournir une base de masse pour essayer d’éviter ce qui équivaudrait à un poignard planté dans le cœur du pays.
  • Prenez, par exemple, Citigroup. Pendant des décennies, Citigroup a été l’une des sociétés bancaires d’investissement les plus corrompues, plusieurs fois renflouée par le contribuable dès le début des années Reagan et cela continue. Je ne vais pas pourfendre la corruption, mais c’est assez étonnant. En 2005, Citigroup s’est fait connaître grâce à une brochure pour investisseurs intitulée « Ploutonomie : Achat de luxe, explications des déséquilibres mondiaux ». Les investisseurs étaient exhortés à mettre de l’argent dans un « Indice de ploutonomie ». La brochure affirmant que « Le Monde est scindé en deux blocs — la Ploutonomie et le reste ».
  • Ainsi, par exemple, Alan Greenspan, le président de la Fed, au moment où il était encore « Saint Alan » — et qu’il était salué par la profession comme l’un des plus grands économistes de tous les temps (c’était avant le krach dont il était en grande partie responsable) — témoignant au Congrès durant les années Clinton, y expliqua les merveilles de la grande économie qu’il supervisait. Il affirmait que la majeure part de ces succès tenait surtout à ce qu’il appelle « l’insécurité croissante des travailleurs ». Si les travailleurs sont vulnérables, s’ils font partie du précariat et mènent des existences précaires, ils ne vont pas revendiquer, ils ne vont pas réclamer de meilleurs salaires et n’auront pas de meilleures prestations. On peut les virer si on n’en a pas besoin. Et c’est ce qu’on appelle une économie « saine » du point de vue technique. Et c’est ce dont on lui sut grandement gré, ce pourquoi il suscita l’admiration.
  • J’ai déjà dit que, dans les années 1930, un des modes d’action les plus efficaces était la grève sit-down. La raison en est simple : il s’agit de l’ultime étape avant de prendre le contrôle d’une industrie.
  • Nous traînons la première depuis 1945. C’est une sorte de miracle que nous y ayons échappé. Il s’agit de la menace des armes nucléaires et de la guerre nucléaire. Bien qu’on en parle peu, cette menace s’accroît du fait de la politique menée par cette administration et ses alliés. Et il faut faire quelque chose pour ça, sinon nous sommes dans un sacré pétrin. L’autre, bien sûr, est la catastrophe écologique. Il n’est pratiquement pas un pays qui n’essaie au moins de prendre des mesures pour essayer de l’enrayer. Les États-Unis aussi prennent des mesures, surtout pour accélérer la menace. Non seulement c’est le seul grand pays qui ne fait pas la moindre chose pour protéger l’environnement, mais il n’est même pas monté dans le train. A certains égards, il le tire vers l’arrière.
  •  
    Les grèves ça sert !
Fabien Cadet

Obama parle d'Israel et de Palestine par Noam CHOMSKY - 0 views

  • La proposition de la Ligue Arabe appelle évidemment à la normalisation des relations avec Israël, mais dans le contexte - répétons le, dans le contexte d’un règlement à deux états selon les termes d’un consensus international ancien, que les Etats-Unis et Israël ont bloqué et continuent de bloquer depuis plus de 30 ans dans un isolement international complet.
  • Son appel aux états Arabes de se concentrer sur un corollaire de leur proposition, alors que les Etats-Unis ignorent jusqu’à l’existence du contenu principal qui est une condition à ce corollaire, est d’une mauvaise foi totale.
  • “Pour être un véritable partenaire pour la paix“, a déclaré Obama, “le quartet [Etats-Unis, Union Européenne, Russie, Nations Unies] a fait clairement savoir que le Hamas devait remplir trois conditions sans ambiguïté : reconnaître le droit d’exister à Israël, renoncer à la violence et respecter les accords passés“. Sans mentionner, comme d’habitude, l’inconvénient majeur que les Etats-Unis et Israël rejettent fermement ces trois conditions.
  • ...14 more annotations...
  • Ignorée aussi l’utilisation par Israël d’armes étasuniennes à Gaza, en violation non seulement des lois internationales mais aussi étasuniennes. Oublié l’envoi par Washington à l’apogée de l’attaque israélo-étasunienne de nouvelles armes à Israël, ce que les conseillers d’Obama sur le Moyen-Orient n’ignoraient certainement pas.
  • Obama a cependant été ferme. La contrebande d’armes vers Gaza doit cesser.
  • Le jour suivant, un officiel Egyptien a décrit cet accord comme digne d’une fiction“. Les objections de l’Egypte ont été ignorées.
    • Fabien Cadet
       
      Ça va loin quand même hein.
  • Obama persiste à restreindre son appui au parti vaincu aux élections de 2006, les seules élections libres dans le monde Arabe, auxquelles les USA et Israël ont immédiatement et ouvertement réagi en punissant sévèrement les Palestiniens pour n’avoir pas respecté la volonté des Maîtres. Un détail technique mineur est que le mandat d’Abbas s‘est terminé le 9 janvier et que Fayyad fut nommé sans la confirmation du Parlement Palestinien (dont beaucoup de membres ont été enlevés et sont détenus dans les prisons israéliennes).
  • C’est le grand mérite du livre de Jimmy Carter “Palestine : la Paix, pas l’Apartheid“, d’avoir porté ces faits à l’attention publique pour la première, et en même temps la seule fois
  • Le premier message du Président Afghan Karzai à Obama après son élection en novembre était pour demander la fin des bombardements de civils Afghans, demande réitérée quelques heures après qu’Obama ait prêté serment. La même attention a été apportée à cette demande de Karzai qu’à celle qu’il avait faite pour un calendrier de retrait des forces armées des Etats-Unis et d’autres nations étrangères. Les riches et les puissants ont leurs “responsabilités“. Parmi celles-ci, rapporte le New York Times, il y a celle d’ “assurer la sécurité“ dans le sud de l’Afghanistan où “l’insurrection est endémique et soutenue de l’intérieur“. Très familier ; la Pravda dans les années 1980 par exemple.
  • Quasi universelles aussi sont les références habituelles au Hamas comme organisation terroriste dont le but est d’éradiquer Israël (ou peut-être tous les Juifs). On oublie ainsi l’inconvénient que les Etats-Unis et Israël ont non seulement pour but de détruire tout état Palestinien viable, mais qu’ils mettent en œuvre perpétuellement des politiques en ce sens.
  • Obama a commencé ses remarques en disant : “Je veux être clair : l’Amérique est s’engagée pour la sécurité d’Israël. Et nous soutiendrons toujours le droit d’Israël à se défendre contre des menaces légitimes“. Rien sur le droit des Palestiniens à se défendre contre des menaces beaucoup plus sérieuses,
  • Une alternative simple serait qu’Israël respecte un cessez-le-feu, par exemple celui qui a été proposé par le chef politique du Hamas Khaled Mishal peu de jours avant qu’Israël ne lance son attaque le 27 décembre. Mishal avait appelé à reprendre l’accord de 2005. Cet accord réclamait la fin des violences et une ouverture continue des frontières, avec la garantie d’Israël que les biens et les personnes pourraient circuler librement entre les deux parties de la Palestine occupée, la Cisjordanie et la bande de Gaza.
  • Il faut se souvenir que durant les 30 dernières années, les Etats-Unis et Israël se sont écartés une fois de leur rejectionisme : pendant les négociations de Taba en janvier 2001, qui promettaient une solution pacifique avant qu’Israël ne s’en retire.
  • C’est vrai que la Jordanie a aidé les USA à armer et entraîner les forces de sécurité Palestiniennes pour qu’elles puissent réprimer violement toute manifestation de soutien aux malheureuses victimes de l’attaque israélo-étasunienne à Gaza, et arrêter des partisans du Hamas et le journaliste très connu, Khaled Amayreh. Pendant ce temps, elles organisaient leurs propres manifestations en faveur d’Abbas et du Fatah dans lesquelles la plupart des participants “étaient des fonctionnaires et des écoliers auxquels l’autorité Palestinienne avait demandé de manifester“, selon le Jérusalem Post. C’est la démocratie que nous aimons
  • La capture de Shalit est une question sérieuse à l’Ouest, une autre preuve de la criminalité du Hamas. Quoi que l’on pense à ce sujet, il est indiscutable que la capture d’un soldat d’une armée d’agression est un bien moindre crime que l’enlèvement de civils, exactement ce qu’ont fait les forces israéliennes la veille de la capture de Shalit en pénétrant dans la ville de Gaza pour enlever deux frères et les entraîner au-delà de la frontière où ils disparurent dans les prisons d’Israël. A l’opposé du cas de Shalit, ce crime fut virtuellement tu et a été oublié, tout comme les pratiques régulières d’Israël, sur plusieurs décennies, d’enlever des civils au Liban et en haute mer, de les répartir dans ses prisons et de les retenir en otages pendant plusieurs années. Mais la capture de Shalit empêche le cessez-le-feu.
  • Obama ne dit pas un mot sur l’extension du peuplement et des constructions en Cisjordanie, ni sur les mesures alambiquées pour contrôler la vie des Palestiniens, dans le dessein de détruire les perspectives d’une solution pacifique à deux états. Son silence est la sinistre réfutation de ses fioritures oratoires sur la façon dont “je ferais tous les efforts pour obtenir deux états vivant côte à côte dans la paix et la sécurité“.
  • Mais les Etats-Unis et Israël (et quelques îles du Pacifique) ont voté contre une résolution en faveur du “droit du peuple Palestinien à l’autodétermination“ (adoptée à 173 voix contre 5, avec l’opposition des USA et d’Israël sous des prétextes ambigus).
    • Fabien Cadet
       
      Belle connerie que ces droits de veto >:- et combien il est clair qu'un petit groupe d'états s'est approprié le pouvoir de décision aux nations unies.
  •  
    « En bref, la rengaine constante d'Obama sur le droit d'Israël à se défendre est un autre exercice de mise en scène cynique qui, on doit l'admettre, ne lui est pas propre mais quasiment universel. »
Jon Snow

Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête su... - 0 views

  • Dès lors, une investigation apparaît nécessaire pour vérifier la fiabilité du système d'évaluation des médicaments, et singulièrement la capacité des autorités sanitaires à exercer un contrôle réel, efficace et véritablement indépendant. Ces investigations devraient être menées dans quatre directions essentielles : 1. La qualité et la transparence des pratiques d'évaluation Les essais cliniques, qui servent de référence à l'évaluation du médicament par la commission de l'AMM, sont réalisés à l'initiative exclusive des laboratoires et pour 70% d'entre eux aux Etats-Unis. Aucun organisme public indépendant n'est sollicité pour effectuer éventuellement une nouvelle expérimentation de contrôle ou une comparaison du nouveau médicament avec un traitement de référence. Une telle procédure ne serait pourtant pas superflue car « beaucoup d'essais mal conçus, biaisés, voire falsifiés » (Pr. Debré, Le Monde du 21 décembre 2004). On estime que 90% d'entre eux ne sont jamais publiés. Les prescripteurs dont l'industrie pharmaceutique finance la formation médicale continue et la presse professionnelle sont conditionnés par une information à sens unique. L'absence des agences sur ce terrain, combinée à l'inertie des autorités sanitaires rendent compte du fait que de nombreux médicaments, notamment les antidépresseurs (Observatoire National des Prescriptions, 1998) sont prescrits en dehors des indications préconisées par la commission de l'AMM. Lorsque celles-ci n'ont pas été respectées, l'AMM n'est pratiquement jamais remise en cause lors de son renouvellement obligatoire tous les cinq ans. De 1994 à 1997, sur 622 demandes formulées, 14 avis négatifs seulement ont été rendus Une tentative de remise en ordre a bien été échafaudée avec la publication en juin 2001 d'une liste de 835 médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant mais elle a échoué. Ces médicaments, comme par exemple les vasodilatateurs et les veinotoniques, sont toujours sur le marché et remboursés par l'assurance maladie, en violation du décret du 27 octobre 1997.
  • 2. L'indépendance des agences L'autonomie de gestion dont bénéficient les agences depuis leur création à la fin des années 90 avait pour but d'assurer leur indépendance à l'égard des laboratoires et du pouvoir politique afin de leur permettre d'accomplir leur mission de service public en dehors de toute pression susceptible de les en écarter. Mais la tendance qu'on observe actuellement à un financement industriel croissant et à une diminution concomitante du financement public est en train de ruiner cette ambition. En 2003, les ressources de l'AFSSAPS provenaient pour 83% de l'industrie pharmaceutique et pour seulement 6,4% de l'Etat. Circonstance aggravante, l'agence européenne (EMEA) qui connaît la même dépendance financière est placée sous la Direction générale « entreprise » de la Commission européenne. Comment dans ces conditions ne pas redouter que les agences ne soient devenues au fil des années les instruments dociles de ceux qui fournissent la majorité de leurs subsides alors qu'elles n'ont pas pour seule vocation de rendre un service aux industriels ? La création de la Haute Autorité de Santé n'y changera rien, ne serait-ce que parce que les modalités de financement restent les mêmes. La situation est d'autant plus préoccupante que la mondialisation a considérablement modifié la donne. Confrontés à la financiarisation de l'économie et à un essoufflement de la recherche, les groupes pharmaceutiques de plus en plus concentrés doivent se livrer à une concurrence acharnée pour préserver des marges bénéficiaires extrêmement élevées. Cette logique industrielle impitoyable accule les laboratoires au mensonge et au bluff sur le coût de la recherche, le degré de nouveauté et le prix de revient des médicaments pour accélérer les procédures de mise sur le marché afin de réduire les délais de retour sur investissement. Pour contrecarrer cette stratégie industrielle agressive, les agences disposent de moyens dérisoires, sans commune mesure avec ceux des laboratoires : en 2003, le budget de l'AFSSAPS s'élevait à 91,97 millions d'euros soit 0,3% seulement des 30 milliards qu'a représenté en France pendant la même période le produit de la vente des médicaments que cette agence a pour mission de contrôler. N'étant plus soutenue financièrement par l'Etat (4,9 millions d'euros de subvention en 2003), l'AFSSAPS n'ose plus prendre de décisions contrariant un tant soit peu les intérêts immédiats des firmes. Des médicaments considérés à tort comme majeurs sont mis ou maintenus sur le marché sans avoir fait la preuve de leur efficacité ou de leur innocuité : en 2002, sur 185 avis rendus par la commission d'AMM, 112 soit 71% du total concernaient des médicaments considérés comme importants alors qu'il s'agissait en fait de simples copies de produits innovants, déjà sur le marché. La préservation de la santé de l'industrie pharmaceutique semble ainsi passer avant celle des patients, comme si l'on ne savait plus très bien faire la distinction entre un plan industriel de santé et un plan de santé publique.
  • 3. La qualité de l'expertise et l'indépendance des experts Même la Food and Drug Administration (FDA), pourtant régulièrement citée comme modèle, n'échappe pas à ce type d'interrogations : 18% de ses experts déclaraient en 2002 avoir « subi des pressions pour approuver ou recommander l'approbation » d'un médicament « en dépit de réserves concernant la sécurité, l'efficacité et la qualité du médicament ». Les experts de l'AFSSAPS exercent bénévolement leur activité d'évaluation ; ils sont rémunérés de fait par les laboratoires pour lesquels ils effectuent des prestations. Il n'est pas rare, comme dans l'affaire Bayer que des spécialistes « sollicités » par une firme comme consultant pour un médicament donné soit ensuite utilisés comme experts auprès de l'AFSSAPS pour évaluer ce même médicament (rapport d'expertise, préc.). Quel crédit accorder à des experts parvenus à un tel degré de confusion des rôles ? Quelles garanties peut offrir l'obligation qui leur est faite de publier leurs conflits d'intérêts mineurs ou majeurs ? Comment ne pas être inquiet lorsqu'on constate comme dans le cas des traitements hormonaux substitutifs (THS) ou du vaccin contre l'hépatite B, que les autorités sanitaires incapables de fournir des réponses claires et adaptées se réfugient dans une indécision motivée qui se veut rassurante mais qui produit les effets inverses. Enfin, comment interpréter le désaveu cinglant infligé en décembre dernier aux experts de l'AFSSAPS par le ministre de la santé à propos de l'interdiction de prescrire des antidépresseurs aux mineurs de 18 ans ? 4. La réalité du contrôle des médicaments après leur mise sur le marché Il est étrange que devant ce qu'il convient bien d'appeler par son nom : une véritable épidémie d'effets secondaires dus aux médicaments, qui fait chaque année en France environ 18 000 morts et provoque 3% du nombre total des hospitalisations, rien de sérieux n'ait jamais été entrepris. La France est le pays au monde où la consommation de médicaments est la plus élevée mais nous ne possédons pas le moindre élément de leur impact réel sur la santé publique et nous avons seulement une idée très vague de la manière dont ils sont réellement consommés. Notre système national de pharmacovigilance est défaillant, l'épidémiologie d'évaluation est pratiquement inexistante puisque seule une équipe de niveau international fait de ce sujet en France son principal objet d'étude (laboratoire du Pr. Bégaud à Bordeaux). Aucune étude sérieuse ne permet aujourd'hui de vérifier que les médicaments les plus prescrits, comme par exemple les molécules anticholestérol, expérimentés sur un nombre restreint de sujets sélectionnés, pas toujours représentatifs des futurs usagers, tiennent bien leurs promesses alors que la collectivité consacre à leur remboursement des sommes vertigineuses (les anticholestérols de la famille des statines coûtent chaque année à l'assurance maladie un milliard d'euros). Pourquoi avons-nous pris tant de retard ? Actuellement une seule étude de ce type est en cours : décidée en 2002 par les autorités françaises, à la suite de la délivrance par l'agence européenne de l'AMM de Vioxx, elle n'est toujours pas achevée, quatre mois après le retrait du médicament, alors que même l'AFSSAPS continue de défendre sa mise sur le marché. On a bien essayé, à juste titre, d'intéresser le syndicat des laboratoires pharmaceutiques (LEEM) à cette démarche, avec la signature de l'accord-cadre de juin 2003, mais ceux-ci ne semblent pas encore prêts à financer des études dont le risque potentiel est de remettre en cause l'AMM pour l'obtention de laquelle ils ont mobilisé d'importants moyens financiers et humains. * * * De telles carences et de tels dysfonctionnements, graves et répétés rendent nécessaire l'intervention de la représentation nationale dans sa fonction de contrôle pour clarifier les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations de mise sur le marché des médicaments et la façon dont est assuré leur suivi. Les impératifs de santé publique nous imposent d'apporter une réponse claire à la question que tout le monde se pose : peut-on encore faire confiance aux agences qui ont pour mission d'évaluer la sécurité d'emploi, l'efficacité et la qualité des produits de santé ? Telles sont les motivations qui conduisent les auteurs de la proposition de résolution à vous proposer la création d'une commission d'enquête.
Jon Snow

L'Europe menace d'interdire les suppléments nutritionnels - 0 views

  • Une législation qui devrait sévèrement limiter le droit d’un consommateur de choisir et d’utiliser des suppléments nutritionnels est actuellement à l’étude en Europe. Cette réglementation restrictive est une première étape importante vers l’adoption de normes mondiales pour la réglementation des suppléments nutritionnels. De même, la Commission du Codex Alimentarius des Nations Unies travaille dans ce sens.
  •  Les Etats-Unis, étant membres de l’Organisation Mondiale du Commerce (World Trade Organisation), pourraient être contraints d’harmoniser leur législation sur les vitamines avec ces nouvelles normes internationales hautement restrictives.
  • Les 13 principales vitamines sont autorisées, mais la Directive exclut la plupart des formes biodisponibles de complexes de vitamine. Ainsi, elle bannit tout minéral chélaté ou composant minéral organique comme la sélénométhionine. De plus, elle n’autorisera que les alpha-tocophérols de la vitamine E mais exclura l’éventail complet des tocophérols tels qu’on les trouve dans la nature (y compris le gamma-tocophérol) et qui sont des antioxydants beaucoup plus efficaces que le seul alpha-tocophérol. La recherche a prouvé que de nombreux minéraux et vitamines ont une bien meilleure biodisponibilité lorsqu’ils sont dans les formes que l’on trouve dans la nature. Tant que la Directive actuelle n’aura pas été annulée, beaucoup de produits seront bannis, et les fabricants de suppléments seront contraints de cesser la vente de certains produits spécifiques ou d’en reformuler certains pourtant scientifiquement équilibrés.
  • ...5 more annotations...
  • Les remplacer signifierait que les vitamines auraient une moins bonne biodisponibilité, qu’elles seraient potentiellement plus toxiques et mieux adaptées à la fabrication de suppléments nutritionnels par des sociétés affiliées à l’industrie pharmaceutique. Dans d’autres cas, des minéraux comme le bore, le soufre, ou le vanadium devront être éliminés parce qu’ils ne seront pas autorisés par cette Directive européenne. Si elle n’est pas annulée, elle sera applicable dans chaque pays membre de l’Union Européenne, y compris le Royaume Uni, l’Irlande, les Pays-bas et la Suède qui, actuellement, ont des lois libérales similaires à celles des Etats-Unis. En plus de la Directive des Suppléments Alimentaires, il existe une autre menace venant de la Directive sur les produits traditionnels de phytothérapie qui devrait imposer une loi sur les produits de phytothérapie et autres suppléments qualifiés de limites. Ces deux Directives devraient sérieusement limiter nos chances de prendre en charge notre santé comme nous le souhaiterions.
  • J’ai eu la grande chance d’être rejoint, pour défendre nos droits à la santé et les suppléments nutritionnels, par Clinton Ray Miller, un vétéran du lobbying pour la liberté de la santé en Angleterre. A 81 ans, Clinton n’aurait pas quitté le confort de sa maison de Statesville en Caroline du Nord s’il n’avait pas pensé que nous étions face à ces enjeux cruciaux. A la conférence que j’ai donnée récemment lors du salon Vitality vitamin en Angleterre, j’ai annoncé que la Food and Drug Administration (FDA), sous couvert de “mettre complètement en application le DSHEA”, avait signé un contrat avec l’Académie Nationale des Sciences pour qu’elle prépare un rapport et un avant-projet de monographie sur la sécurité des suppléments nutritionnels les plus efficaces et les plus vendus: le palmier scie, le chaparral, le picolinate de chrome, la mélatonine, la DHEA et le cartilage de requin. Cette monographie sera finalement appliquée à tous les nutriments des suppléments alimentaires dans le cadre d’un processus en trois étapes. Dans la dernière, le processus est très similaire à celui, très rigoureux, d’évaluation des médicaments considérée comme une évaluation critique de la sécurité. La FDA veut qu’avec le temps, tous les ingrédients des compléments nutritionnels passent par cette troisième voie très onéreuse tout comme l’ensemble des nouveaux ingrédients, sans considération pour leur étroite similitude avec d’autres ingrédients très connus et sans danger
  • Ce dernier mouvement, venant de la FDA, a immédiatement attiré l’attention du DrRobert Verkerk et de David Hinde, avocat, de l’Alliance pour la Médecine Naturelle. Ils ont tout de suite compris que l’impact du projet de la FDA pouvait avoir un impact plus ou moins identique à celui des législations proposées par l’Union Européenne. Vues de l’extérieur, les législations américaines et européennes peuvent paraître différentes, mais elles auraient la même incidence sur notre liberté de gérer nous-mêmes notre santé. Les deux systèmes sont mis en place pour tuer l’innovation dans le secteur de l’industrie des suppléments nutritionnels non pharmaceutiquement alignés, pour ne laisser la porte ouverte qu’aux seules sociétés de l’industrie pharmaceutique. Le programme de la FDA est clairement une initiative visant à pousser les Etats-Unis à harmoniser leurs lois sur les suppléments nutritionnels avec une norme internationale émergeante scandaleusement restrictive. L’avocate Suzanne Harris du Law Loft dans le Missouri a souligné que la Conférence Internationale des Nations Unies sur les Autorités de Régulation des Médicaments a coordonné les actions générées par des idées en vogue venues du monde entier. Un grand nombre de documents officiels sur le web sont remplis d’éléments qui le prouvent.
  •  Un fait encore plus perturbant est la mise en place par l’industrie pharmaceutique, à travers le monde entier, de groupes d’opposition contrôlés. Ces groupes énigmatiques semblent entrer seulement dans des mouvements de défense et, trop souvent, les consommateurs et les fabricants de vitamines sont manipulés pour les rejoindre sans comprendre leur véritable programme.
  • L’International Alliance of Dietary Supplement Associations (IADSA) est un exemple de groupe d’opposition contrôlé. (www.iadsa.org) L’IADSA a un statut d’organisme non gouvernemental des Nations Unies pour représenter l’industrie des suppléments nutritionnels aux réunions du Codex en Allemagne. Son président, Randy Dennin, employé par Pfizer, une des plus grandes sociétés pharmaceutiques mondiales. Le programme de l’IADSA a été dévoilé lors d’une interaction avec un membre de la NNFA de Nouvelle Zélande (National Foods Association of New Zealand). Une correspondance entre la NNFA de Nouvelle Zélande et l’IADSA montre que cette dernière ne voulait pas aider la Nouvelle Zélande à défendre sa loi, très libérale, sur les suppléments alimentaires contre une harmonisation avec les réglementations pharmaceutiques australiennes. Ces dernières, bien plus rigoureuses, empêchent le consommateur d’avoir accès aux produits. Lorsque la NNFA de Nouvelle Zélande a soulevé la question d’un conflit d’intérêt et a interrogé l’IADSA sur ses véritables intentions pour défendre la liberté de la santé, celle-ci l’a jetée hors de l’association.
Jon Snow

« On n'a plus le temps... », par Serge Halimi (Le Monde diplomatique) - 0 views

  • En particulier sur la Toile. Aujourd’hui, aux 35 millions de Français qui lisent un périodique s’ajoutent ou se superposent 25 millions d’internautes qui, chaque mois, consultent au moins un site de presse. Mais ces derniers ont été habitués à croire que le règne de la société sans argent était advenu — sauf lorsqu’ils se précipitent pour acheter, cette fois au prix fort, leur ordinateur, leur Smartphone ou leur tablette, souvent pour pouvoir consulter une presse qui leur est offerte... L’audience en ligne ne rapporte donc pas grand-chose à ceux qui recherchent, éditent, corrigent, vérifient l’information. Ainsi une structure économique parasitaire s’édifie peu à peu qui concède aux uns tous les profits du commerce. Et qui facture aux autres tous les coûts de la « gratuité » (2). Un quotidien comme The Guardian, par exemple, est devenu grâce à son site Internet numéro un de l’audience au Royaume-Uni et troisième dans le monde, sans que cela l’empêche — et, devrait-on dire, au contraire — de perdre l’année dernière 57 millions d’euros et de licencier plus de soixante-dix journalistes. Car bien qu’elle requière toujours davantage d’investissements, la croissance du trafic numérique des journaux coïncide en général avec la réduction de leurs ventes en kiosques. Assurément, près de 6 millions de Britanniques lisent au moins un article du Guardian par semaine, mais seuls 211 000 l’achètent quotidiennement. C’est cette petite population, déclinante, qui finance la lecture gratuite de la plupart des internautes. Un jour, forcément, ce voyage s’arrêtera pour tous faute de carburant.
  • vec l’information en ligne, le fiasco du même calcul est devenu patent. Les sites de presse ont beau aligner les succès d’audience, la ressource publicitaire ne leur parvient qu’au compte-gouttes. Car son produit profite avant tout aux moteurs de recherche, devenus selon M. Marc Feuillée, président du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN), « des mégarégies publicitaires, absorbant comme des Moloch la quasi-totalité des revenus de nos annonceurs ». M. Feuillée précise : « Entre 2000 et 2010, le chiffre d’affaires publicitaire des moteurs est passé de 0 à 1,4 milliard d’euros, celui de la presse [en ligne] de 0 à 250 millions d’euros (3). » Informé en détail des goûts et des lectures de chacun d’entre nous, capable (comme Facebook) de vendre aussitôt cette avalanche de données personnelles aux publicitaires, qui s’en serviront pour mieux « cibler » leur gibier, Google est également passé maître dans l’art de faire de l’« optimisation fiscale » en Irlande et aux Bermudes. Très opulente, cette multinationale ne paie donc presque pas d’impôts.
  • Quant au nombre revendiqué d’abonnés, il s’écroulerait sans les techniques dignes du hard discount que colporte par exemple le jovial directeur du Nouvel Observateur chaque fois qu’il propose 13 numéros de son magazine pour 15 euros, avec en prime une « montre de collection Lip Classic ». Mais le patron de L’Express aux écharpes colorées surenchérit aussitôt : avec lui, c’est 45 numéros pour 45 euros, et en bonus un « réveil à ambiance lumineuse et sonore ».
  • ...4 more annotations...
  • Soyons donc singuliers également dans notre franchise : depuis janvier de cette année, la diffusion du Monde diplomatique a baissé de 7,2 %. Le temps qui fait défaut, l’argent aussi, un certain découragement face à une crise qui se déploie ainsi que nous l’avons anticipé, bien avant les autres, mais à laquelle nous ne pouvons pas seuls apporter remède, une contestation de l’ordre économique et social qui peine à trouver des débouchés politiques : tout cela a contribué à notre recul.
  • Au fond, peu importe : notre réseau social, c’est vous. C’est donc à vous qu’il revient d’abord de faire connaître ce mensuel, ses valeurs, d’encourager son aventure intellectuelle, ses engagements. De convaincre autour de vous qu’il n’est ni urgent ni nécessaire de réagir à toutes les « polémiques », de tout embrasser pour ne rien étreindre, de tout parcourir pour ne rien retenir. Et qu’il est bon — par exemple une fois par mois ? — de quitter la pièce où les gens vocifèrent, de décider qu’on s’arrête et qu’on réfléchit.
  • A quoi peut servir un journal ? A apprendre et à comprendre. A donner un peu de cohérence au fracas du monde là où d’autres empilent des informations. A penser posément ses combats, à identifier et faire connaître ceux qui les portent. A ne jamais rester solidaire d’un pouvoir au nom des références qu’il affiche sitôt que ses actions les démentent. A refuser le verrouillage identitaire d’un « choc des civilisations » oubliant que l’héritage de l’« Occident », c’est le sac du Palais d’été, la destruction de l’environnement, mais aussi le syndicalisme, l’écologie, le féminisme — la guerre d’Algérie et les « porteurs de valises ». Et que le « Sud », les pays émergents qui défont l’ordre colonial, englobe des forces religieuses moyenâgeuses, des oligarchies prédatrices, et des mouvements qui les combattent — le géant taïwanais Foxconn et les ouvriers de Shenzhen.
  • A quoi peut servir un journal ? En des temps de reculs et de résignations, à défricher les sentiers de nouveaux rapports sociaux, économiques, écologiques (4). A combattre les politiques austéritaires, à aiguillonner ou à tancer des social-démocraties sans souffle et sans sève.
  •  
    A quoi peut servir un journal ? En des temps de reculs et de résignations, à défricher les sentiers de nouveaux rapports sociaux, économiques, écologiques (4). A combattre les politiques austéritaires.
Jon Snow

Volte-face d'une ministre américaine, par Diane Ravitch (Le Monde diplomatique) - 0 views

  • La loi NCLB exige que chaque Etat évalue les capacités de lecture et de calcul de tous les élèves, de l’équivalent du CE2 à celui de la quatrième. Les résultats de chaque établissement sont ensuite ventilés en fonction de l’origine ethnique, du niveau de maîtrise de l’anglais, de l’existence éventuelle de handicaps et du revenu parental. Dans chacun des groupes ainsi constitués, un résultat de 100 % de réussite aux tests doit être atteint avant 2014. Si, dans une école, un seul de ces groupes n’affiche pas de progrès constants vers cet objectif, l’établissement est soumis à des sanctions dont la sévérité va croissant. La première année, l’école reçoit un avertissement. Puis tous les élèves (même ceux qui ont de bons résultats) se voient offrir la possibilité de changer d’établissement. La troisième année, les élèves les plus pauvres peuvent bénéficier de cours supplémentaires gratuits. Si l’école ne parvient pas à atteindre ses objectifs dans une période de cinq ans, elle s’expose à une privatisation, à une conversion en charter school (voir plus loin), à une restructuration complète ou, tout simplement, à une fermeture. Les employés peuvent alors être licenciés. Actuellement, environ un tiers des écoles publiques du pays (soit plus de trente mille) ont été cataloguées comme n’accomplissant pas de « progrès annuels satisfaisant s ».
  • Des milliards de dollars ont donc été dépensés pour mettre au point — puis faire passer — les batteries de tests nécessaires à ces différents systèmes d’évaluation. Dans nombre d’écoles, les enseignements ordinaires s’interrompent plusieurs mois avant la tenue des examens pour céder la place à la préparation intensive qui leur est consacrée. De nombreux spécialistes ont établi que tout ce travail ne bénéficie pas aux enfants, lesquels apprennent davantage à maîtriser les tests que les matières concernées.
  • Cependant, le problème principal, ce ne sont pas les résultats eux-mêmes ni la manière dont les Etats et les villes manipulent les tests. La véritable victime de cet acharnement, c’est la qualité de l’enseignement. La lecture et le calcul étant devenus prioritaires, les enseignants, conscients que ces deux matières décideront de l’avenir de leur école et… de leur emploi, négligent les autres. L’histoire, la littérature, la géographie, les sciences, l’art, les langues étrangères et l’éducation civique sont relégués au rang de matières secondaires.
  • ...3 more annotations...
  • Depuis une quinzaine d’années, une autre proposition a piqué l’imagination de puissantes fondations et d’opulents représentants du secteur patronal : le « libre choix », qui s’incarne notamment dans les charter schools dont l’idée a germé à la fin des années 1980. Ces établissements ont depuis formé un vaste mouvement, qui regroupe un million et demi d’élèves et plus de cinq mille écoles. Financées par de l’argent public mais gérées comme des institutions privées, elles peuvent se soustraire à la plupart des réglementations en vigueur dans le système public. Ainsi, plus de 95 % d’entre elles refusent d’engager des enseignants syndiqués. Et, lorsque l’administration de l’Etat de New York a voulu auditer les charter schools qu’il avait autorisées, celles-ci sont allées en justice pour l’en empêcher : l’Etat devait leur faire confiance et les laisser procéder elles-mêmes à cet audit. Le niveau de ces écoles est très inégal. Certaines sont excellentes, d’autres, catastrophiques. La plupart se situent entre les deux. Une seule évaluation en a été faite à l’échelle nationale, celle de Margaret Raymond, économiste à l’université de Stanford (1). Pourtant financée par la Walton Family Foundation, farouche partisane des charter schools, elle révèle que seuls 17 % de ces établissements affichent un niveau supérieur à celui d’une école publique comparable. Les 83 % restants obtiennent des résultats similaires ou inférieurs.
  • Certaines charter schools sont dirigées par des intérêts privés, d’autres par des associations à but non lucratif. Leur modèle de fonctionnement repose sur un fort taux de renouvellement du personnel, car les enseignants doivent travailler énormément (parfois soixante ou soixante-dix heures par semaine) et laisser leur téléphone portable allumé afin que les élèves puissent les joindre à tout moment. L’absence de syndicats facilite de telles conditions de travail.
  • En janvier 2009, lorsque l’administration de M. Barack Obama parvint au pouvoir, j’étais persuadée qu’elle annulerait la loi NCLB et repartirait sur des bases saines. C’est le contraire qui s’est produit : elle a épousé les idées et les choix les plus dangereux de l’ère George W. Bush. Baptisé « Race to the Top » (Course vers le sommet), son programme fait miroiter des subventions de 4,3 milliards de dollars à des Etats pris à la gorge par la crise économique. Pour bénéficier de cette manne, ces derniers doivent supprimer toute limite légale à l’implantation des charter schools. Ainsi, leur expansion vient réaliser le vieux rêve des businessmen de l’éducation et des partisans du tout-marché, qui aspirent à démanteler le système public.
  •  
    Excellent article du Diplo sur les charter schools américaines. La course aux résultats, le chantage au financement etc. Article à relier à la conférence "No child left thinking" posté ici-même, pour une compréhension plus large des enjeux. Voir la série The Wire (excellente!) pour une explication en images. : )
Fabien Cadet

L'imaginaire révolutionnaire - Le Monolecte - 0 views

  • Ça va péter, ça va péter !
  • Tu sais ce que m'a le plus marqué dans le pays où je viens d'être détaché ? C'est Gabriel qui m'a appelé pour me souhaiter un joyeux anniversaire, le premier janvier dernier. Gabriel que je connais depuis le berceau, mon vieux cousin, mon vieux pote, pas encore assez près de la quille pour échapper à son ultime délocalisation dans un pays où la vie est décidément bien moins chère. Non, mais je sens que tu vas me le dire. Pour aller à l'aéroport international, ma voiture blindée et mon escorte armée doivent traverser des quartiers d'une pauvreté que tu n'imagines même pas. Hé bien les gens te saluent au passage. En fait, tous les habitants de ce pays sont terriblement gentils. Pour bien te résumer le truc, ce pays a le cul sur d'immenses richesses pétrolières et 90 % de la population vit avec moins d'un euro par jour. 90 % d'une population où il y a plus de 50 % de jeunes, 90 % de la population d'un pays plus de deux fois plus peuplé que la France. Et tu sais ce qui se passe ? Non. Ben rien. Il ne se passe rien. 90 % de la population est dans la misère et il ne se passe rien, si on excepte le fait que l'enlèvement d'expat' est la deuxième industrie du pays...
  • J'adore mon cousin, mais pour le coup, il vient de bien me ruiner le moral pour l'amorce de la nouvelle année. Les mauvaises nouvelles se sont empilées toute l'année dernière et le puits sans fond de la saloperie antisociale ordinaire n'a pas l'air d'être prêt de se tarir cette année, les gens que je croise ont le budget encore plus tendu que l'élastique d'un slip de sumo à la fin du réveillon,
  • ...9 more annotations...
  • la vraie crise est devant nous, l'exaspération monte et il ne se passe rien.
  • Ne serait-ce que parce que tout le monde n'attend que ça. Que ça pète. Que ça dégaze un bon coup. Que toutes les tensions, les frustrations accumulées au fil des ans, des déceptions, des reculs, des reniements, que toutes ces petites lâchetés sociales soient subitement effacées, compteur remis à zéro par un gigantesque et imprévisible raptus social. Et plus tout le monde attend quelque chose que l'on serait bien en peine de définir de quelque manière que ce soit et plus il ne se passe rien. Logique.
  • L'homme blanc modérément instruit par une bonne quinzaine d'années de présence dans l'école républicaine, l'humain occidental autosatisfait, crispé dans ses petites miettes de confort et ses habitudes de self-pensée, la créature civilisationnelle ethnocentrée que nous sommes tous, engluée dans son univers pavlovien rassurant et surassuré n'a absolument pas la moindre idée de ce que le bordel insurrectionnel signifie réellement.
  • Plus sûrement que toutes les polices de la pensée du monde, c'est la pauvreté de notre imaginaire révolutionnaire qui rogne les ailes de nos désirs et nous empêche de prendre notre essor.
  • Sauf que le peuple n'est pas une bouteille de cola dans laquelle on jette, un beau matin, une pastille de Mentos. Son inertie n'a d'égal que le produit de toutes les lâchetés cumulées de tous ces membres. Et c'est pratiquement sans fond, sans limites. Comme l'illustre le triste exemple rapporté par mon cousin.
  • Et nos gouvernants le savent bien : au jeu du bouchon, on peut aller très loin, tout n'est qu'une question de progressivité, de doigté. On peut tout nous prendre, on peut nous foutre à poil sur le trottoir, ce qui compte, c'est de le faire tout en douceur, presque avec tendresse.
  • Il ne se passe rien, parce que nous ne faisons rien.
  • La Révolution avec un grand R, c'est exactement comme la Main Invisible des autres : ça ne surexiste pas à nos volontés et à nos actes. Ça se fait. Ça se lance. Ça se catalyse sur le microévénement à la marge que personne n'a vu venir.
  • Ça explose parce que le terrain a été préparé pendant des mois, des années, par des personnes organisées et déterminées.
  •  
    Il ne se passe rien, parce que nous ne faisons rien. La Révolution avec un grand R, c'est exactement comme la Main Invisible des autres : ça ne surexiste pas à nos volontés et à nos actes. Ça se fait. Ça se lance. Ça se catalyse sur le microévénement à la marge que personne n'a vu venir. Ça explose parce que le terrain a été préparé pendant des mois, des années, par des personnes organisées et déterminées.
  •  
    -_- merde faut se bouger le cul alors ? Je pensais attendre la lame de fond, et surfer sur la vague le moment venu, monter sur les barricades un sein à l'air, le poing levé tandis que j'urlerai « RooooaaaaaAAAAAAAhhh @#!$+*#$* !!! ».
Jon Snow

Ces puissantes officines qui notent les Etats, par Ibrahim Warde (Le Monde diplomatique) - 0 views

  • « Le monde de l’après-guerre froide compte deux superpuissances, les Etats-Unis et l’agence Moody’s. » Thomas Friedman, éditorialiste de politique étrangère du New York Times, explicite ainsi sa formule : si les Etats-Unis peuvent anéantir un ennemi en faisant usage de leur arsenal militaire, l’agence de notation financière Moody’s possède les moyens d’étrangler financièrement un pays en lui décernant une « mauvaise note ».
  • Une bonne note permet d’emprunter au moindre coût. Plus la note baisse, plus le taux d’intérêt augmente, car les investisseurs exigeront une prime de risque. Les obligations mal notées (ou pas notées du tout) sont considérées comme des obligations « pourries » (junk bonds), même si leurs vendeurs préfèrent l’appellation d’« obligations à haut rendement » (high yield bonds).
    • Jon Snow
       
      Tous les acheteurs sont au courant, mais c'est à qui se retirera le premier du merdier en regardant les autres sombrer...
  • Deuxième critique : les agences de notation commettent de graves erreurs. En 1975, à la veille de sa mise en cessation de paiements, la ville de New York était encore bien notée. Plus récemment, à la suite de la faillite du comté d’Orange, Standard and Poor’s a été prise en défaut de vigilance et fait l’objet de nombreuses poursuites judiciaires. Là encore, l’agence assurait les investisseurs que le comté d’Orange était en bonne santé et bien géré, alors même que 2 milliards de dollars partaient en fumée, à la suite de spéculations sur les produits dérivés (4). En octobre 1994, le bulletin de la Réserve fédérale américaine cautionna les investisseurs.
  • ...5 more annotations...
  • Moody’s est l’objet d’une enquête du ministère de la justice, pour concurrence déloyale, et d’un procès intenté par le district scolaire de Jefferson County dans l’Etat du Colorado. En 1993, cette collectivité, refusant de solliciter Moody’s, demanda à la petite agence Fitch Investors Services de noter son émission d’obligations. En réplique à l’affront, Moody’s décerna une note « non sollicitée » (ou « note sauvage »), et bien entendu mauvaise, ce qui rendit l’émission impossible. Pour l’agence de notation, il ne s’agissait pas là d’un chantage, mais d’un service rendu au public et couvert par le premier amendement de la Constitution, qui garantit le droit à la libre expression (2).
  • L’autre note dont l’annonce déclencha un long suspense fut celle de l’Egypte. En septembre 1996, après que l’agence Moody’s eut annoncé qu’elle s’apprêtait à émettre une note non sollicitée, le gouvernement décida de demander à être noté (tout en affirmant qu’il n’avait pas l’intention d’émettre des obligations). S’entourant des banques d’investissement Goldman Sachs et EFG Hermes, les dirigeants égyptiens se livrèrent à un bachotage forcené et s’empressèrent d’accéder aux exigences du Fonds monétaire international en matière d’ajustement structurel.
    • Jon Snow
       
      Pan! Rien que ça!
  • Mieux vaut coopérer, c’est-à-dire fournir tous les documents demandés et recevoir la visite d’« examinateurs », que se voir décerner une note non sollicitée. Le système renforce les inégalités et regorge d’effets pervers. Le plus spectaculaire étant celui que les Anglo-Saxons appellent « self-fulfilling prophecy » : le simple fait de prévoir, même à tort, une déconfiture amène la déconfiture.
  • C’est cependant le pouvoir de noter des Etats qui vaut aux agences l’image de superpuissance politique. En effet, depuis 1990 - la crise de la dette, l’asséchement de l’aide extérieure et des prêts bancaires, et les recettes néo-libérales des organisations internationales étant passés par là - l’essentiel du financement extérieur des Etats se fait sur les marchés obligataires. Depuis que la « loi Wriston » n’a plus cours (6), les investisseurs veulent s’assurer de la solvabilité des Etats emprunteurs... que seules les agences de notation se disent capables d’apprécier.
  • Très sourcilleuses en matière de transparence lorsqu’il s’agit des notés, les agences de notation restent elles-mêmes bien mystérieuses. Leur pouvoir exorbitant et leurs abus appellent à un contrôle plus strict de leurs pratiques ou du moins à l’adoption d’un code de déontologie. De telles initiatives sont à l’étude, mais on peut douter de leurs succès. Les agences ne peuvent en effet être contrôlées que par ces mêmes gouvernements qu’elles tiennent sous haute surveillance.
  •  
    Février 97.
anonymous

Faut-il jeter le Diplo avec l'eau du complot ? - 0 views

  •  
    Mouaip un peu mono maniaque sur le theme du fascisme l'auteur.
  • ...3 more comments...
  •  
    c'est un blog antifasciste ;)
  •  
    de là à classer le monde diplomatique dans le camp des fascistes.. si ces gars sont fachos tout le monde l'est. l'article d'alain gresh soit disant complaisant avec un antisémite est dans le ton d'un journaliste qui critique un bouquin sans plus : /
  •  
    perso je ne les considère pas comme fascistes mais ils font le jeu des fascistes, ce sont juste des idiots utiles du capitalisme. "La forme matérielle du pouvoir (Etat, banques, industries, médias, etc.) n'est pas remise en cause. Ce qui pose problème pour les conspirationnistes, c'est qu'a la tête de tout cela on trouve une minorité de parasites qui a perverti l'ensemble de la société. Par exemple « la banque » serait une chose nécessaire, le problème c'est le « bankster ». Dans le complotisme, le problème n'est pas la structure injuste du système économique et social mais le fait qu'un groupe occulte est au poste de contrôle remettant en cause un ordre « juste/naturel/divin ». A défaut de critiquer la société, la théorie du complot va désigner une minorité (réelle ou inventée) et lui attribuer la responsabilité de tous les maux. Le complot peut être identifié par les caractéristiques supposées (physiques, culturelles) du groupe accusé de prospérer sur la misère du monde. De ce fait les « théories du complot » peuvent êtres perméable à des idées xénophobes affirmant qu'il est possible d'identifier l'appartenance à un groupe de domination occulte grâce a des traits morphologiques ou culturels." http://paris.indymedia.org/spip.php?article8802 "La théorie du complot n'est pas un cadre d'analyse ou une pensée qui permet aux opprimés de construire ou de mener un mouvement de résistance une lutte d'émancipation. Si une personne veut savoir qui se cache derrière le complot, elle se perd dans une quête de connaissances qui va l'emmener loin de ses préoccupations concrètes. La théorie du complot agit de ce point de vue comme un leurre." https://paris.indymedia.org/spip.php?article8802 "Le fascisme est la structure politique qui correspond à la forme la plus brutale du capitalisme, le conspirationnisme est le mécanisme par lequel une partie du prolétariat va être amené à soutenir ce
  •  
    oui j'avais compris le fond de l'article et je suis d'accord avec ta definition du conspirationnisme. Cependant je dirais qu'il y a deux types de comportement (indissociables) à adopter pour lutter contre ce système. Il y a l'action directe qui consiste à battre le pavé, à s'organiser dans son entreprise etc, et l'analyse des methodes de soumission au capital que sont la hiérarchisation des statuts, les compressions salariales, la flexibilisation du travail etc. Il me semble que pour créer une société plus juste il faut avoir démont(r)er tous ces rouages pour agir le mieux possible. Le gros problème c'est que ça prends un max temps. Il est beaucoup plus facile de foncer sur les bouc-emissaires du conspirationnisme qui sont à "l'origine de tout le Mal sur terre". C'est le piège qui conduit à faire pire que ceux contre qui on pensait lutter (justement parce que l'on a raté l'étape de la démonstration). Mais je pense qu'on se rejoint la dessus. Joindre la pensée créatrice à l'action c'est le mieux qu'on puisse faire. Le meilleur exemple de ça ce sont les anarcho-communistes espagnols en 36. On a un tas de choses à apprendre de ces vieux.
  •  
    je suis d'accord avec les 2 types de comportement à adopter par contre les compressions salariales et la flexibilisation du travail ne me paraissent pas être de vrais problèmes, on peut avoir de meilleurs salaires et travailler toujours au même endroit et faire le même boulot tout en restant dans le système capitaliste. augmenter les salaires est aussi un bon moyen pour acheter la paix sociale. oui il y'a des choses à apprendre des anarcho-communistes espagnols, notamment de leurs erreurs: http://infokiosques.net/lire.php?id_article=805
Jon Snow

Manifestation inédite à Tokyo - Les blogs du Diplo - 0 views

  • Ainsi M. Christopher Busby, responsable scientifique au Comité européen des risques sur les radiations, a déclaré qu’à cent kilomètres de la centrale de Fukushima et même jusqu’à l’agglomération de Tokyo, les niveaux de radioactivité sont bien plus élevés que ne le disent les autorités japonaises en charge du dossier Fukushima. On aurait détecté dans la capitale même, en quelques endroits précis, des niveaux de radioactivité supérieurs à ceux de la zone d’exclusion de Tchernobyl ! Tokyo Electric Power Company (Tepco) a reconnu le 15 août que 200 millions de becquerels s’échappaient chaque heure des réacteurs 1, 2 et 3 de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi. Entre mars et fin juillet, les rejets totalisaient 1 milliard de becquerels par heure, toujours d’après Tepco.
  • Les sols sont également atteints dans cette région, le Tôhôku, surnommé « le grenier du Japon », où l’agriculture compte pour 80 % du PIB. Les légumes et le bœuf – contaminé par le fourrage – ont été vendus et consommés à Tokyo. Même le riz, aliment indispensable, à forte valeur nationale et même religieuse – comme le pain dans le monde chrétien –, présente une légère contamination. S’il devenait impropre à la consommation, les conséquences économiques, mais aussi psychologiques, seraient considérables. On comprend donc la méfiance de la population de Tokyo qui ne sait plus à qui se fier et scrute avec acharnement les étiquettes minuscules qui indiquent la provenance des aliments. Les produits venant du sud de l’archipel se taillent évidemment la part du lion dans les échoppes et les supermarchés.
  • Organisés à la base en comités, les Tokyoïtes tiennent désormais des manifestations importantes contre le nucléaire comme je n’en avais jamais vu jusque-là. 60 000 personnes, parmi lesquelles Kenzaburo Oe (prix Nobel de littérature), ont convergé lundi 19 septembre – jour férié – vers les parc Meiji, attaquant dans leurs slogans un gouvernement qui pour eux ne cesse de mentir, et n’aurait nullement l’intention de changer de cap en matière énergétique. En plus de ces manifestations qui se multiplient, il faut compter les réseaux sociaux, les sites Internet qui taillent des croupières aux médias traditionnels – lesquels ne sont plus les seuls dépositaires des idées politiques, sociales et culturelles. La révolte contre le nucléaire vient d’en bas, et elle pointe les lacunes d’une classe politique qui, tous partis confondus, forme avec les grandes entreprises privées et la haute administration, le triangle de fer, une forteresse quasi imprenable, favorable à la poursuite de la politique nucléaire. La morgue de certains hommes politiques laisse pantois. Ainsi dans le nouveau gouvernement de Noda Yoshihiko, le ministre de l’industrie Hachiro Yoshio, nommé officiellement le 2 septembre, a dû démissionner quelques jours plus tard pour avoir qualifié les alentours de la centrale de Fukushima de « zone fantôme », et avoir fait mine de frotter son costume à celui d’un journaliste en lui disant qu’il allait ainsi le contaminer… Les habitants de la région n’ont guère apprécié, eux qui comptent encore leurs morts et savent que pour nombre d’entre eux, il ne sera jamais plus question de revenir dans leurs villages, leurs maisons, ni de trouver là du travail... Soupçonnés d’être contaminés, certains habitants pourraient devenir des parias au même titre que les irradiés – Hibakusha – d’Hiroshima et de Nagasaki, qui ne purent se marier ni trouver du travail. Quelques enfants d’écoles primaires, déplacés des régions du Tôhôku, en subissent d’ailleurs les conséquences : ils ne trouvent aucun camarade pour s’asseoir à côté d’eux en classe.
Jon Snow

La désobéissance civile (1) - La Revue des Ressources - 0 views

  • Le commerce et les affaires s’ils n’avaient pas de ressort propre, n’arriveraient jamais à rebondir par-dessus les embûches que les législateurs leur suscitent perpétuellement et, s’il fallait juger ces derniers en bloc sur les conséquences de leurs actes, et non sur leurs intentions, ils mériteraient d’être classés et punis au rang des malfaiteurs qui sèment des obstacles sur les voies ferrées.
    • Jon Snow
       
      Les conservateurs doivent le kiffer et le hair en meme temps :)
  • Mais pour parler en homme pratique et en citoyen, au contraire de ceux qui se disent anarchistes, je ne demande pas d’emblée "point de gouvernement", mais d’emblée un meilleur gouvernement. Que chacun fasse connaître le genre de gouvernement qui commande son respect et ce sera le premier pas pour l’obtenir.
  • Je crois que nous devrions être hommes d’abord et sujets ensuite. Il n’est pas souhaitable de cultiver le même respect pour la loi et pour le bien. La seule obligation qui m’incombe est de faire bien. On a dit assez justement qu’un groupement d’hommes n’a pas de conscience, mais un groupement d’hommes consciencieux devient un groupement doué de conscience. La loi n’a jamais rendu les hommes un brin plus justes, et par l’effet du respect qu’ils lui témoignent les gens les mieux intentionnés se font chaque jour les commis de l’injustice. Le résultat courant et naturel d’un respect induit pour la loi, c’est qu’on peut voir une file de militaires, colonel, capitaine, caporal et simples soldats, enfants de troupe et toute la clique, marchant au combat par monts et par vaux dans un ordre admirable contre leur gré, que dis-je ? contre leur bon sens et contre leur conscience, ce qui rend cette marche fort âpre en vérité et éprouvante pour le cœur. Ils n’en doutent pas le moins du monde : c’est une vilaine affaire que celle où ils sont engagés. Ils ont tous des dispositions pacifiques. Or, que sont-ils ? Des hommes vraiment ?, ou bien des petits fortins, des magasins ambulants au service d’un personnage sans scrupule qui détient le pouvoir ? Visitez l’arsenal de la flotte et arrêtez-vous devant un fusilier marin, un de ces hommes comme peut en fabriquer le gouvernement américain ou ce qu’il peut faire d’un homme avec sa magie noire ; ombre réminiscente de l’humanité, un homme debout vivant dans son suaire et déjà, si l’on peut dire, enseveli sous les armes, avec les accessoires funéraires, bien que peut être...
    • Jon Snow
       
      Superbe. Et que dire de l'excuse du devoir patriotique, de l'hÔnneur de la nation que l'on agite sous le nez de la population? Carotte bien tentante meme si on voit qu'elle est pourrie! Choix ou asservissement volontaire?
  • ...9 more annotations...
  • La plupart du temps sans exercer du tout leur libre jugement ou leur sens moral ; au contraire, il se ravalent au niveau du bois, de la terre et des pierres et on doit pouvoir fabriquer de ces automates qui rendront le même service. Ceux-là ne commandent pas plus le respect qu’un bonhomme de paille ou une motte de terre. Ils ont la même valeur marchande que des chevaux et des chiens. Et pourtant on les tient généralement pour de bons citoyens.
    • Jon Snow
       
      Et pan! :)
  • D’autres, comme la plupart des législateurs, des politiciens, des juristes, des ministres et des fonctionnaires, servent surtout l’État avec leur intellect et, comme ils font rarement de distinctions morales, il arrive que sans le vouloir, ils servent le Démon aussi bien que Dieu.
    • Jon Snow
       
      Ahah excellent!
  • Quelle attitude doit adopter aujourd’hui un homme face au gouvernement américain ? Je répondrai qu’il ne peut sans déchoir s’y associer. Pas un instant, je ne saurais reconnaître pour mon gouvernement cette organisation politique qui est aussi le gouvernement de l’esclave.
    • Jon Snow
       
      A garder en mémoire pour une pancarte future !!
  • En d’autres termes, lorsqu’un sixième de la population d’une nation qui se prétend le havre de la liberté est composé d’esclaves, et que tout un pays est injustement envahi et conquis par une armée étrangère et soumis à la loi martiale, je pense qu’il n’est pas trop tôt pour les honnêtes gens de se soulever et de passer à la révolte. Ce devoir est d’autant plus impérieux que ce n’est pas notre pays qui est envahi, mais que c’est nous l’envahisseur.
  • En langage clair, ce n’est pas la kyrielle de politiciens du Sud qui s’oppose à une réforme au Massachusetts, mais la kyrielle de marchands et de fermiers qui s’intéressent davantage au commerce et à l’agriculture qu’à l’humanité et qui ne sont nullement prêts à rendre justice à l’esclave et au Mexique, à tout prix.
    • Jon Snow
       
      Parfois on peut se demander de quels moyens d'information il disposait pour etre capable de séparer vérité étatique de la Vérité tout court?! Meme aujourd'hui c'est pas simple du tout alors à l'époque!
  • Je ne cherche pas querelle à des ennemis lointains mais à ceux qui, tout près de moi, collaborent avec ces ennemis lointains et leur sont soumis : privés d’aide ces gens-là seraient inoffensifs
    • Jon Snow
       
      Merde je vais finir par tout annoter.. La formule est subtile: "ces ennemis lointains qui leur sont soumis" et implacable " privés d'aide ces gens-là seraient inoffensifs"!
  • Quel est le cours d’un honnête homme et d’un patriote aujourd’hui ? On tergiverse, on déplore et quelquefois on pétitionne, mais on n’entreprend rien de sérieux ni d’effectif. On attend, avec bienveillance, que d’autres remédient au mal, afin de n’avoir plus à le déplorer. Tout au plus, offre-t-on un vote bon marché, un maigre encouragement, un "Dieu vous assiste" à la justice quand elle passe. Il y a 999 défenseurs de la vertu pour un seul homme vertueux. Mais il est plus facile de traiter avec le légitime possesseur d’une chose qu’avec son gardien provisoire.
    • Jon Snow
       
      ~soupir~ :)
  • Un sage n’abandonne pas la justice aux caprices du hasard 
    • Jon Snow
       
      Pffff je suis béat d'admiration !!!
  • Ils adoptent sans tarder un des candidats ainsi choisis comme le seul disponible, prouvant ainsi leur propre disponibilité aux desseins du démagogue.
    • Jon Snow
       
      Eh oui c'était déjà comme ça à l'époque.... pas eu d'améliorations depuis.
Fabien Cadet

ContreInfo :: L'Amérique sous la coupe de son armée, par William Pfaff - 0 views

  • La création d’une armée de métier aux Etats-Unis pourrait bien avoir été la décision la plus dangereuse jamais prise par le Congrès. La nation fait face aujourd’hui à une crise politique dont l’enjeu non déclaré est celui d’une confrontation entre le pouvoir du Pentagone et celui du président nouvellement élu.
  • La guerre du Vietnam a été contestée par l’opinion dans les années 1970, alors que le gouvernement lui-même savait que la victoire était peu probable, selon les documents du Pentagone. Aujourd’hui, l’opinion doute de la victoire dans la guerre en Afghanistan. Cependant, désormais la plupart des Américains - qui n’étaient pas là à l’époque ! - lisent une version de l’histoire de la guerre du Vietnam qui prétend que ce n’était pas une défaite.
  • Après le Vietnam, le Congrès a mis fin à la conscription, qui durant cette guerre était profondément injuste : les pauvres et les classes laborieuses ont été appelés sous les drapeaux, alors que nombre de privilégiés provenant de familles influentes trouvaient des médecins complaisants ou des doyens de collèges prêts à fournir des dérogations injustifiées à ceux — tel le futur Vice Président Richard Cheney - qui avaient d’« autres priorités » que le patriotisme et le service national.
  • ...8 more annotations...
  • Cette nouvelle armée a également des ambitions politiques. Elle domine aujourd’hui la politique étrangère américaine, disposant d’un millier de bases à travers le monde, avec des commandants régionaux qui sont autant de proconsuls impériaux. Le général Mc Chrystal et son supérieur, le général David H. Petraeus, ont été mentionnés comme de possibles futurs candidats à la présidence. Le dernier général à être devenu président était Dwight Eisenhower. C’est l’homme qui a mis en garde les Américains contre « le complexe militaro-industriel. »
  • Les armées professionnelles ont souvent été considérées comme une menace pour leurs propres sociétés. L’un des officiers de Frédéric le Grand décrivait la Prusse, comme « une armée dotée d’un Etat, dans lequel elle était temporairement casernée, pour ainsi dire. » Mirabeau, l’homme d’Etat de la révolution française, avait affirmé que « la guerre est l’industrie nationale de la Prusse. » Considérant la partie du budget national des États-Unis qui est maintenant consommée par le Pentagone, le même raisonnement vaudrait pratiquement pour les USA.
  • Ainsi, l’armée américaine depuis le début de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin du Vietnam était en fait une armée démocratique, avec des conscrits civils, et une majorité de sous-officiers et officiers qui étaient des civils en temps de paix, solidement enracinés dans la société civile, ayant souvent une famille à la maison, et qui accomplissaient leur devoir patriotique de façon temporaire (ou « pour la durée de la guerre »).
  • Un ordre de retrait de l’Afghanistan, de l’Irak (ou au Pakistan) donné par l’administration Obama, subirait de nombreuses attaques en provenance du Congrès, des médias, et provoquerait des manifestations d’insubordination implicites de l’appareil militaire, dirigées contre la « reddition » d’un gouvernement Obama accusé de manquer de patriotisme et d’être inapte à gouverner.
    • Fabien Cadet
       
      WTF !! Sont cons ou quoi ? du patriotisme ? wtf ? Et puis merde...
  • et dans les prochains mois, peut-être en Somalie, au Yémen, ou, éventuellement, en Palestine ou dans l’Afrique subsaharienne,
    • Fabien Cadet
       
      Mais bordel qu'est-ce que c'est que ces conneries ?!! Pourquoi ils voudraient attaquer le Yemen ?? La * somalie * ?!!! Et l'Iran, un pays qui n'a jamais ennoncé le moindre début de menace vis-à-vis de l'occident.
  • Le Congrès a créé une nouvelle armée composée uniquement d’engagés volontaires. La sociologie de cette nouvelle armée est très différente de l’ancienne armée de citoyens.
  • Mais depuis le 11 septembre, et l’invasion de l’Irak, cette armée nouvelle fait de plus en en plus appel aux immigrants ou aux jeunes étrangers qui peuvent obtenir un permis de séjour permanent aux États-Unis en s’enrôlant dans l’armée américaine.
  • Les États-Unis utilisent également de plus en plus de mercenaires étrangers recrutés par des entreprises privées.
  •  
    "Le dernier général à être devenu président était Dwight Eisenhower. C'est l'homme qui a mis en garde les Américains contre « le complexe militaro-industriel."
  •  
    "Le dernier général à être devenu président était Dwight Eisenhower. C'est l'homme qui a mis en garde les Américains contre « le complexe militaro-industriel."
Jon Snow

Comment les pays créanciers décident en République démocratique du Congo [Vol... - 0 views

  • S’appuyant sur le mécanisme de la dette odieuse, les Occidentaux poursuivent leur politique néo-coloniale malgré la globalisation. Ils interdisent aux Africains de choisir leurs partenaires commerciaux et aux Chinois de s’approvisionner en Afrique. Ils exigent l’exclusivité du commerce avec l’Afrique et avec la Chine.
  • Les 19 pays créanciers composant le Club de Paris [1] se sont réunis le 18 novembre pour examiner le cas de la République démocratique du Congo (RDC), après deux reports liés à la révision du très controversé contrat chinois. Ce contrat, qui hypothèque de gigantesques quantités de minerais au profit de la Chine en échange de la construction d’infrastructures en RDC, a finalement pu être révisé dans le sens souhaité par les bailleurs de fonds occidentaux représentés par le FMI 
  • Le Club de Paris prouve une fois encore qu’il est une instance gouvernée par le Nord dans laquelle les pays du Sud ne jouent qu’un rôle de figurant. Aucun membre du gouvernement congolais n’a été invité aux discussions menées à Bercy, au ministère français des Finances, où siège le Club de Paris. Ce Club se définit lui-même comme une « non-institution » n’ayant pas de personnalité juridique. L’avantage est clair : le Club de Paris n’encourt aucune responsabilité quant à ses actes et ne peut donc être poursuivi en justice puisqu’officiellement, il n’existe pas !
  • ...5 more annotations...
  • Pourtant, ses décisions sont lourdes de conséquences pour les populations du tiers-monde car c’est en son sein qu’est décidé, de concert avec le FMI et la Banque mondiale, si un pays endetté du Sud « mérite » un rééchelonnement ou un allégement de dette. Lorsqu’il donne son feu vert, le pays concerné, toujours isolé face à ce front uni de créanciers, doit appliquer les mesures néolibérales dictées par ces bailleurs de fonds, dont les intérêts se confondent avec le secteur privé.
  • Officiellement, c’est le risque d’augmentation de la dette congolaise, lié à la garantie d’Etat initialement prévue dans le contrat chinois, qui avait justifié l’ingérence du FMI dans les affaires internes congolaises. Mais en réalité, la RDC, à l’instar d’autres pays africains regorgeant de ressources naturelles, est le théâtre d’une compétition acharnée entre les pays occidentaux et la Chine, dont l’appétit ne cesse de grandir au point d’être aujourd’hui le troisième partenaire commercial
  • C’est le trio infernal Club de Paris – FMI – Banque mondiale qui a organisé à partir de 2002 le blanchiment de la dette odieuse de la RDC en restructurant les arriérés laissés par le dictateur Mobutu. Il s’agissait à l’époque de prêter de l’argent au gouvernement pour apurer les vieilles dettes du dictateur, permettre au gouvernement de transition de s’endetter à nouveau tout en lui imposant des politiques antisociales, notamment un nouveau Code minier très favorable aux transnationales.
  • Malgré les effets d’annonce des créanciers qui promettaient une annulation de la dette congolaise, celle-ci s’élève aujourd’hui à 12,3 milliards de dollars, soit l’équivalent de la somme réclamée à la RDC au moment de la mort de Laurent Désiré Kabila en 2001… Or, cette dette est l’archétype d’une dette odieuse, nulle en droit international car elle a été contractée par une dictature, sans bénéfice pour la population et avec la complicité des créanciers. Le gouvernement congolais pourrait donc la répudier, ce qui lui permettrait de surcroît de ne plus accepter les diktats du Club de Paris.
  • La crise économique nécessite des actes forts et immédiats contre la dette, et au profit des peuples. Pour ce faire, les pays du Sud auraient tout intérêt à constituer un front uni pour le non-paiement de la dette.
Jon Snow

Lu, vu, entendu n° 5 : « Avis de recherche d'un contre-pouvoir indépendant » ... - 0 views

  • on se prend à penser qu’Etienne Mougeotte, choisi par l’actionnaire, fera son « métier » d’intermédiaire et de « pacificateur », sans qu’il soit utile que l’actionnaire se charge directement et quotidiennement de la « ligne éditoriale du journal » .
  • S’il dit les choses de manière plus élégante, Philippe Labro, conseiller du prince Vincent Bolloré, est tout à fait d’accord avec l’ami Serge : « Les médias, c’est profondément contemporain et synonyme d’influence », confie-t-il à Télérama (Emmanuelle Anizon, « Le raz de marée Bolloré », Télérama, n°3016, 31 octobre 2007). Le prince en question, propriétaire entre autres de la chaîne Direct 8 et du journal Direct Soir, est encore plus... direct. C’est que les beaux discours sur l’indépendance des médias, c’est bon quand on est journaliste, voire même directeur. Mais quand on est LE Boss, on peut se lâcher. Toujours dans Télérama, on peut lire cet aveu : « Je ne suis pas un investisseur financier, je suis un investisseur industriel. Je dois donc avoir le contrôle de l’éditorial ». Le client, ajoute-t-il, « ce n’est plus seulement le lecteur, mais l’annonceur ».
  • Exactement l’inverse de ce que prétendait Mougeotte sur Europe 1. Quelles sont les qualités requises pour travailler au service de Bolloré ? L’une de ses anciennes salariées l’a confié à Télérama  : « Ce n’était pas désagréable de travailler avec lui, dit une ancienne salariée à Télérama. Il est très intelligent, charmant, élégant. Simplement, il faut oublier d’être journaliste ». On ose croire que cet oubli puisse gagner des salariés du Figaro et d’Europe 1…
  • ...2 more annotations...
  • Contre les pouvoirs ou tout contre ? Au cours de l’émission "J’ai mes sources" (France Inter, lundi 22 octobre 2007, Albert Du Roy, auteur de La mort de l’information (Stock), nous en dit plus sur ce lien entre pouvoir et journalistes. Albert Du Roy est ancien directeur général adjoint de France 2 en charge de l’information, ancien rédacteur en chef du Nouvel Observateur, ex-journaliste à L’Express, Europe 1 et France Inter. On pourrait donc s’attendre de sa part à une certaine mansuétude. Et pourtant : « D’une manière générale, explique-t-il, c’est vrai qu’en France, à l’égard des pouvoirs en général, du pouvoir présidentiel en particulier et du pouvoir de ce président-ci encore plus en particulier, il y a une prudence. Le mot prudence étant un euphémisme. C’est de la déférence ou c’est de la précaution ou c’est du calcul ou c’est de la connivence (...) C’est vrai que, dans le domaine politique, il y a une endogamie entre les journalistes qui couvrent la politique et les élus qu’ils devraient traiter d’une manière distanciée, que (...) c’est grave. Moi, j’en ai fait partie de ce système et donc je peux – avec la lucidité, peut-être, que donne le retrait – je peux dire à quel point c’est quelque chose qui peut aboutir, en matière d’information, à des conséquences graves. (...) Mais c’est vrai aussi dans tous les autres secteurs de l’information. Les connexions entre industriels et journalistes, entre fabricants de produits touristiques et les journalistes, entre restaurants et les journalistes gastronomiques, les connexions sont très nombreuses ». « C’est ce système de connivence qu’il faut dénoncer, renchérit Pierre Haski, co-fondateur du site Rue89.com, invité lui aussi ce jour-là. Ce système de connivence, il est bien antérieur à l’apparition de l’internet. Il est à l’intérieur du système de l’information en France. Il y a plein d’autres exemples, dans son livre [celui d’Albert Du Roy], que tout le monde connaît. Pour essayer une voiture, on ne vous emmène pas, comme vous le racontez, dans le terrain d’essai du constructeur, on vous emmène aux Caraïbes ou au Mexique ou en Thaïlande, tous frais payés. Bon, l’objectivité du papier à l’arrivée est évidemment délicate. Et, tout ça, c’est un système qui touche l’ensemble de la chaîne de l’information. »
  • C’est ce que découvre Edwy Plenel, frappé par un éclair de lucidité. Dans un document vidéo diffusé sur le site de « Médiapart », le futur média qu’il impulse sur Internet, Plenel diagnostique : « L’actuelle révolution industrielle – celle que symbolise le Net et qui est marquée par l’avènement du média personnel –, elle fait descendre le journaliste de son piédestal. Au fond, nous nous étions appropriés un pouvoir indu. Comme si l’opinion, le jugement, l’analyse, le point de vue c’était notre privilège. Eh bien non ! Les citoyens, là, maintenant, peuvent nous rappeler que la liberté d’expression, ça appartient à tout le monde. Alors, du coup, nous sommes devant un défi : nous sommes sommés de reconquérir un continent que nous avons un peu laissé en friche : l’information ». C’est en effet assez fâcheux, pour des journalistes, d’avoir « un peu » laissé l’information en friche….
1 - 20 of 107 Next › Last »
Showing 20 items per page