L'empire du signal, ou les dangers d'un contrôle social par les corps - Libér... - 0 views
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Mais réguler un tel déploiement s’annonce complexe. Car les usages de reconnaissance faciale proposés sont multiformes, à la fois commerciaux, publicitaires, sécuritaires, sanitaires ou éducatifs. Le privé et le public, le divertissement et le punitif s’entremêlent sans que l’on ne puisse y voir clair. Un thème récurrent est largement mobilisé pour justifier l’usage de ces technologies de surveillance biométrique : la sécurité. Et c’est toujours au nom du Bien qu’elle se voit matérialisée.
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De façon assez inédite, la plupart des technologies de surveillance publique, à l’instar de la reconnaissance faciale, ont d’abord été élaborées et diffusées à des fins commerciales par des géants numériques de la publicité et de la recommandation. La reconnaissance faciale, dont on ne sait plus très bien si elle est proposée à des fins commerciales ou sécuritaires, a été banalisée par la domotique, et amplement développée avec les smartphones ou les réseaux sociaux, pour un confort d’utilisation et une expérience client toujours plus forte. En procédant par pseudomorphisme, l’omniprésence de technologies d’identification qui servent à un moment donné une entreprise de quadrillage techno-sécuritaire du territoire semble aller de soi.
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L’enjeu technique ne sera bientôt plus la reconnaissance en elle-même, mais l’interprétation comportementale des surveillés. Des systèmes de vidéosurveillance bientôt augmentés d’algorithmes puissants seront capables d’analyser nos comportements et de désigner ceux qui seraient «inhabituels» ou jugés «subversifs».
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A la suite des travaux de la mathématicienne américaine Cathy O’Neil, il convient ici d’insister sur les biais qui seront encodés dans les algorithmes modélisant les critères de dangerosité qui pourront toujours accompagner, de manière fluctuante et totalement «liquide», les logiques de surveillance d’une population.
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Passé d’Etat de droit à Etat de l’ultrasécurité, inquiet pour sa propre survie et par conséquent boulimique de données de surveillance, il semble moins se préoccuper de fabriquer des libertés par la loi dans un cadre de surveillance bienveillant que d’industrialiser, de concert avec les acteurs privés compétents. Ainsi assistons-nous à une marchandisation de la souveraineté territoriale.
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Il s’agit de trouver le juste équilibre entre la nécessaire sécurisation du territoire et le respect des libertés fondamentales. Et le glissement conceptuel de la Smart City à la Safe City actuellement à l’œuvre pose la question fondamentale de nos libertés, du droit à évoluer dans l’espace public sans être identifié. Surtout, quels contre-pouvoirs, quels recours mettre en place face à des dispositifs algorithmiques intangibles ? Comment rééquilibrer ce système qui invisibilise le pouvoir des surveillants privés et publics, où la transparence est en réalité un «jeu» à géométrie très variable ?
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Nous évoluons dans des sociétés qui créent des effets de structuration sociotechnique où le passage de la sphère ludique à la sphère politique n’a sans doute jamais été aussi facilité. Le niveau d’acceptation sociale des technologies d’identification, qui nous assure toujours plus de «commodité», tend à créer les conditions d’un contrôle social total.
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De tels lieux de transmission d’éclairages techno-scientifiques rétabliraient également les principes de responsabilité sociale que certaines communautés d’ingénieurs intégraient jadis dans leur conception de l’innovation. Des lieux et des agencements doivent être incontestablement imaginés et institués dans cet horizon, en vu de faciliter l’hybridation des compétences et le renforcement du jugement critique à l’égard de technologies qui s’avèrent de plus en plus difficiles à cerner d’un point de vue éthique et qui se révèlent toujours plus ambiguës sur le plan démocratique, en rappelant que le progrès technologique doit être toujours pensé dans sa relation au progrès sociétal.
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Compte tenu de l’accélération croissante de l’innovation dans le domaine de l’identification, une proposition serait de favoriser la création de lieux où les citoyens pourraient librement être amenés à prendre connaissance des avancées technologiques, avec leurs possibles effets éthico-politiques.
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"Avec la reconnaissance faciale, une nouvelle forme de gouvernementalité se met en place, où des plateformes privées collaborent avec les dispositifs publics de sécurité. Un tel déploiement technologique dans notre quotidien, une telle capture de nos visages et de nos traits constituent un redoutable pallier vers une surveillance généralisée."