Certes, les jeux de cartes, la broderie et les mots croisés meublent les temps morts. Mais on ne tue pas le temps sans s'assassiner un peu soi-même. Et puis, on laisse à penser que le crédit d'existence dont on dispose désormais est devenu trop important pour l'usage qu'on en fait.Parfois j'ai honte que mon portable ne me serve qu'à téléphoner. Les contemporains qui s'avisent de cette fonction unique prennent un air surpris, gêné et réprobateur. Je cherche l'adresse d'un fabricant de module sèche-cheveux-télé-grille-pain.Je n'ai pas attendu mon voisinage avec l'immobilier pour être fasciné par ces offres variées de petits paradis terrestres de plus en plus souvent assorties de la mention «Prix : nous consulter». Longchamp LM Jacquerd On salive mais en restant sur sa faim. Que traduit cette absence délibérée de chiffres : la peur de gâcher un bien sublime avec des précisions sordides ? La pudeur de ne pas claironner des montants qui ne sont pas à la portée de toutes les bourses ? J'exclus l'hypothèse la plus agréable : le souhait de ménager une bonne surprise en ne révélant pas tout de suite des conditions très douces...Parce que je ne l'ai découvert que fort tard et parce que je ne parviens jamais à me souvenir de son sens, le mot prolégomènes m'obsède. Je rêve de le glisser dans un article. Comme symbole de la cuistrerie à portée des autodidactes. LM Jacquerd pas cher D'habitude, nos magazines de septembre nous égrènent au fil des pages les sempiternelles bonnes intentions de la rentrée : «Faites du sport !», «En vélo au boulot !», «Achetez une machine à pain pour faire vos croissants du dimanche !»... Mais cette année, marche arrière toute, on nous exhorte à faire le contraire : «Balancez vos machines à pain et autres ustensiles inutiles !», «Faites-en moins !», «Désencombrez votre maison et votre tête !» Cela s'appelle la «simplicité volontaire» et c'est la dernière tendance de la zen attitude, très en vogue depuis quelques années.Les Editions Marabout publient L'Art de la simplicité, de Dominique Loreau, qui a vécu vingt-trois ans au Japon et veut nous persuader que nous trouverons la joie si nous dormons dans une maison vide, sur un futon avec deux bâtons d'encens en guise de décor. Quel ennui, quel déni ! Notre joie à nous, c'est d'amasser des souvenirs, colifichets, doudous et autres marques de soi chez soi. Nous préférons l'espace au vide et les imprimés à fleurs aux tentures déprimées. http://www.dyspraxiquemaispasque.fr/ Faut-il que nos contemporains soient déboussolés pour passer d'un extrême à un autre, toujours prêts à embrasser des styles de vie artificiels et à jeter leur confort à la poubelle !Cela fera d'ailleurs le bonheur des freegans, cette nouvelle race d'Anglo-Saxons qui poussent encore plus loin le rejet de la consommation et ne se nourrissent qu'avec les aliments jetés par les commerçants ou sur les marchés. L'art extrême du recyclage. Car pour la plupart d'entre eux, la motivation n'est pas financière mais éthique et écologique. C'est le refus du gaspillage de nos sociétés qui les pousse à finir les restes !Mais loin de ces attitudes névrotiques, cette frénésie de simplicité apporte heureusement son lot de jolies initiatives,un site écolo et généreux créé par Deron Beal, sorte d'ermite vivant dans le désert d'Arizona : il était tellement exaspéré de voir s'empiler les appareils ménagers dans les décharges qu'il a fini par constituer, il y a deux ans, un réseau de troc et de recyclage sur internet. Son site réunit aujourd'hui un million et demi de freecyclers dans le monde, réellement motivés à l'idée de partager en donnant à des inconnus ce dont ils n'ont plus besoin, et par la même occasion d'éviter un gaspillage inutile en contribuant à protéger la planète. Et n'allez pas croire que l'on n'y trouve que des jeans à faire pitié et des casseroles de femmes de CroMagnon ! On vous y offre des tables à repasser, des micro-ondes, des voitures ou des appareils numériques ! Même Viv Groskop, le très sceptique journaliste du Sunday Telegraph, raconte être allé sur le site avec la ferme intention de rafler la mise. Mais il a été si ému par tant d'altruisme qu'il a fini par offrir son ouvrage chéri (Chants traditionnels des ramasseurs de coques et de bigorneaux) et son détecteur de furets, lesquels semblent avoir déclenché une passion chez les freecyclers.
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