En complément des réflexions d'Albert Ollivier sur la durabilité de notre système économique
A 53 ans, Jeffrey Sachs est directeur de l'Institut de la terre (université
Columbia, New York), un organisme unique en son genre mêlant recherche en
sciences économiques et sociales et travail de terrain. Le but : mettre la
planète sur la voie du développement durable.
Dans son dernier ouvrage, paru aux Etats-Unis en mars, Common Wealth,
Economics for a Crowded Planet ("Richesse pour tous, économie pour une
planète surpeuplée", Penguin Press), il explique que la Terre est proche du
point de rupture, menacée par la croissance, la surpopulation et les désastres
écologiques. Proposant un " plan Marshall " à l'échelle mondiale
La crise alimentaire est selon vous un signe avant-coureur du diagnostic
développé dans votre dernier livre. N'êtes-vous pas trop alarmiste ?
Souvenez-vous de cette devinette : si sur un point d'eau donné le nombre de
nénuphars double chaque jour et qu'ils recouvriront toute la surface au bout de
trente jours, quand le nombre de nénuphars recouvriront-ils la moitié du point
d'eau ? Réponse : le 29e jour. Je pense que nous sommes au 29e jour. Nous avons
laissé les choses évoluer en se disant qu'on avait le temps. Et aujourd'hui,
nous sommes 6,7 milliards d'habitants, le PNB mondial atteint les 70 trillions
de dollars, nous infligeons des dommages sans précédent à notre environnement et
nous voulons avoir une croissance de 5 % par an comme si de rien n'était. Cela
signifie un doublement de la taille de l'économie mondiale tous les quatorze
ans.
l'euro s'est fortement apprécié vis-à-vis du dollar en 2006 et au premier
semestre 2007 alors que les taux d'intérêt à court terme sur le dollar étaient
beaucoup plus élevés que les taux d'intérêt sur l'euro (au début de 2006, 4,5 %
aux Etats-Unis contre 2,25 % dans la zone euro), ce qui montre que les niveaux
relatifs de taux d'intérêt ne sont pas les déterminants essentiels de la parité
de l'euro.
Lorsqu'un pays (une région) peut facilement financer un déficit extérieur en
s'endettant (c'est-à-dire en vendant des actifs) auprès du reste du monde à un
taux d'intérêt faible, puisque les actifs de ce pays sont recherchés, font
l'objet d'une forte demande, on dit usuellement qu'il bénéficie "du privilège
exorbitant de la monnaie de réserve",
L'Europe pourrait éviter ce piège en utilisant sa capacité nouvelle à se
financer à des conditions favorables auprès du reste du monde pour réaliser des
dépenses d'infrastructures publiques, de recherche et d'éducation supérieure,
d'investissements dans le capital de PME innovantes
Concrètement, ce projet pourrait prendre la forme d'un programme spécial
d'émissions d'obligations en euros de la Banque européenne d'investissements
destinées aux non-résidents, calibré en fonction de l'excès de demande d'euros
300 à 500 milliards d'euros par an en ce moment
projets stimulant la croissance à long terme et sélectionnés au niveau européen,
afin d'éviter la dérive vers le financement de transferts publics, de dépenses
courantes