A.
Finkielkraut. - J'ai gardé de très beaux souvenirs de Mai-68 : les rues libérées des voitures, la présence électrisante des femmes dans les manifestations, la décrispation de la sexualité. Mais cette émancipation s'est accompagnée d'une attaque généralisée - dont nous payons encore le prix aujourd'hui - contre la bienséance. Pour preuve cette phrase récente de Daniel Cohn-Bendit : «Ségolène Royal est une soixante-huitarde.
Elle dit : «Quand je me fais chier, je m'en vais.»» En ce sens-là, je ne suis plus soixante-huitard. Moi, je ne «me fais jamais chier», je m'ennuie parfois, c'est déjà assez éprouvant. Et quand je m'ennuie, par courtoisie, par égard, j'essaie de prendre mon mal en patience... 68 a voulu supprimer la honte. Eh bien, la honte, c'est la prise de conscience d'autrui. Et son absence, c'est le triomphe de la muflerie.