Kaputt, de Curzio Malaparte, traduit par Juliette Bertrand, Denoël, 571 p., 25 euros. En revanche de Gaulle avait lu Malaparte. C'est-à-dire qu'il avait lu Technique du coup d'Etat. On était en 1931. Il devait le relire à sa réédition en 1948. On était après la guerre, Malaparte se fendait d'une préface où il ne s'avançait pas seul : «J'ai été un témoin, un spectateur, non un protagoniste, des événements dont j'ai consigné le récit dans ce livre. sac longchamp pas cher a vendre Seul mon âge, peut-être, me défendait de jouer dans ces drames le rôle de l'acteur. J'avais vingt ans quand j'ai assisté, à Varsovie, aux journées d'août 1920. A côté de moi, sur le même trottoir de Kraskowie Przedmiescie, à la même fenêtre de l'hôtel Bristol, il y avait un autre spectateur : un commandant français, qui s'appelait Charles de Gaulle. Simple spectateur, lui aussi.» Si Malaparte embarquait de Gaulle, un de Gaulle qui n'était plus l'inconnu de Varsovie mais une célébrité mondiale, c'était pour donner de la véracité à son récit : on l'accusait de mentir, de ne pas avoir été celui qu'il prétendait être, d'avoir enjolivé les horreurs de la guerre. De ce qu'il avait vu sur les différents fronts de l'Est puis pendant la campagne d'Italie, il avait publié Kaputt en 1943 et La Peau en 1944 : «Désormais j'étais arrivé au bout de mon long et cruel voyage de quatre ans à travers l'Europe, à travers la guerre, le sang, la faim, les villages incendiés, les villes détruites.» Il y a beaucoup de grand guignol chez Malaparte, de chromos, de scènes fantastiques («des scènes vivantes, mais déjà un peu voilées, légèrement pas au point et fripées aux marges comme une vieille gravure en couleur», il l'écrit lui-même), entrecoupées de discussions sur l'histoire et de vues de Capri. sac longchamp pas cher amazon Il est aussi l'inventeur du nazi idéal, cultivé, mélomane, philosophe, homosexuel bien sûr dont la caricature fera ensuite tant pour le cinéma, notamment le cinéma comique jusque vers 1980, avant de revenir aujourd'hui sur un ton plus mélodramatique. Sa documentation est vivante, ses paysages efficaces : «De grandes bandes de juifs fuyaient par les rues poursuivis par des soldats et des civils forcenés, armés de couteaux et de barres de fer.» Il fait parler les dictateurs et les généraux, les princesses et les enfants, même les ânes. Cet horrible mélange, cette Jézabel littéraire dont il s'est voulu, pour reprendre un de ses mots, le commensal, l'invité, le narrateur objectif et lyrique posa immédiatement la question du vrai et du faux. Le chant de Malaparte visait à frapper, à saisir, à envoûter le lecteur, et il y a réussi. Ensuite, il a brodé ; il s'est mis en scène, puis il a rappelé ses démêlés avec Mussolini, avant de donner à ses livres une dimension intellectuelle. Tout auteur d'un livre à grand succès (et Malaparte connut un grand succès) a toujours la tentation de justifier ce succès et de vouloir lui donner une dimension qui le dépasse. sac longchamp pas cher france Les meilleurs écrivains s'en gardent bien (Tolstoï ne commente pas le succès de Guerre et Paix). Malaparte était dans une situation un peu différente puisqu'on faisait courir de mauvais bruits sur son compte et qu'on l'accusait d'avoir menti. Il y a dans La Peau une page où il fait front et répond à ceux qui l'accusent d'avoir inventé le plus gros de Kaputt ; Malaparte s'en tire en inventant une autre histoire encore plus imaginaire que celle de Kaputt, et ajoute que tout le monde la prend au sérieux. C'est un réflexe d'écrivain, le seul possible et la preuve qu'il en était un bon ; il n'y a pas les personnages qui ont existé et ceux qu'on invente, il n'y a de personnages que ceux qu'on a créés.Malaparte a été oublié et la guerre allemande a cessé d'être un sujet. Cependant si nous ouvrons Kaputt nous voyons que le livre n'a rien perdu de sa puissance évocatrice ; simplement les images si fortes de Malaparte se sont figées dans divers stéréotypes, celui des horreurs de la guerre, celui de la barbarie bien élevée des descendants de Beethoven et de Goethe, celui des bordels homosexuels des chefs nazis, celui de la mécanique administrative des camps, etc. Ces stéréotypes qui ont succédé aux «scènes vivantes mais un peu voilées» que Malaparte avait habilement décalées en écrivant Kaputt et La Peau sont toujours disponibles pour qui veut écrire un nouveau roman sur la guerre, le mal, les victimes et les bourreaux.
Seul mon âge, peut-être, me défendait de jouer dans ces drames le rôle de l'acteur. J'avais vingt ans quand j'ai assisté, à Varsovie, aux journées d'août 1920. A côté de moi, sur le même trottoir de Kraskowie Przedmiescie, à la même fenêtre de l'hôtel Bristol, il y avait un autre spectateur : un commandant français, qui s'appelait Charles de Gaulle. Simple spectateur, lui aussi.» Si Malaparte embarquait de Gaulle, un de Gaulle qui n'était plus l'inconnu de Varsovie mais une célébrité mondiale, c'était pour donner de la véracité à son récit : on l'accusait de mentir, de ne pas avoir été celui qu'il prétendait être, d'avoir enjolivé les horreurs de la guerre. De ce qu'il avait vu sur les différents fronts de l'Est puis pendant la campagne d'Italie, il avait publié Kaputt en 1943 et La Peau en 1944 : «Désormais j'étais arrivé au bout de mon long et cruel voyage de quatre ans à travers l'Europe, à travers la guerre, le sang, la faim, les villages incendiés, les villes détruites.» Il y a beaucoup de grand guignol chez Malaparte, de chromos, de scènes fantastiques («des scènes vivantes, mais déjà un peu voilées, légèrement pas au point et fripées aux marges comme une vieille gravure en couleur», il l'écrit lui-même), entrecoupées de discussions sur l'histoire et de vues de Capri. sac longchamp pas cher amazon Il est aussi l'inventeur du nazi idéal, cultivé, mélomane, philosophe, homosexuel bien sûr dont la caricature fera ensuite tant pour le cinéma, notamment le cinéma comique jusque vers 1980, avant de revenir aujourd'hui sur un ton plus mélodramatique. Sa documentation est vivante, ses paysages efficaces : «De grandes bandes de juifs fuyaient par les rues poursuivis par des soldats et des civils forcenés, armés de couteaux et de barres de fer.» Il fait parler les dictateurs et les généraux, les princesses et les enfants, même les ânes. Cet horrible mélange, cette Jézabel littéraire dont il s'est voulu, pour reprendre un de ses mots, le commensal, l'invité, le narrateur objectif et lyrique posa immédiatement la question du vrai et du faux. Le chant de Malaparte visait à frapper, à saisir, à envoûter le lecteur, et il y a réussi. Ensuite, il a brodé ; il s'est mis en scène, puis il a rappelé ses démêlés avec Mussolini, avant de donner à ses livres une dimension intellectuelle. Tout auteur d'un livre à grand succès (et Malaparte connut un grand succès) a toujours la tentation de justifier ce succès et de vouloir lui donner une dimension qui le dépasse. sac longchamp pas cher france
Les meilleurs écrivains s'en gardent bien (Tolstoï ne commente pas le succès de Guerre et Paix). Malaparte était dans une situation un peu différente puisqu'on faisait courir de mauvais bruits sur son compte et qu'on l'accusait d'avoir menti. Il y a dans La Peau une page où il fait front et répond à ceux qui l'accusent d'avoir inventé le plus gros de Kaputt ; Malaparte s'en tire en inventant une autre histoire encore plus imaginaire que celle de Kaputt, et ajoute que tout le monde la prend au sérieux. C'est un réflexe d'écrivain, le seul possible et la preuve qu'il en était un bon ; il n'y a pas les personnages qui ont existé et ceux qu'on invente, il n'y a de personnages que ceux qu'on a créés.Malaparte a été oublié et la guerre allemande a cessé d'être un sujet. Cependant si nous ouvrons Kaputt nous voyons que le livre n'a rien perdu de sa puissance évocatrice ; simplement les images si fortes de Malaparte se sont figées dans divers stéréotypes, celui des horreurs de la guerre, celui de la barbarie bien élevée des descendants de Beethoven et de Goethe, celui des bordels homosexuels des chefs nazis, celui de la mécanique administrative des camps, etc. Ces stéréotypes qui ont succédé aux «scènes vivantes mais un peu voilées» que Malaparte avait habilement décalées en écrivant Kaputt et La Peau sont toujours disponibles pour qui veut écrire un nouveau roman sur la guerre, le mal, les victimes et les bourreaux.
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