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Contents contributed and discussions participated by Michel Roland-Guill

Michel Roland-Guill

Éditorial - Le rendez-vous des Lettres - 0 views

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    "Les métamorphoses du texte et de l'image à l'heure du numérique"
Michel Roland-Guill

Oeuvre d'art à l'époque de sa reproducton mécanisée - 0 views

  • Les dadaïstes s'appuyèrent beaucoup moins sur l'utilité mercantile de leurs oeuvres que sur l'impropriété de celles-ci au recueillement contemplatif. Pour atteindre a cette impropriété, la dégradation préméditée de leur matériel ne fut pas leur moindre moyen. Leurs poèmes sont, comme disent les psychiatres allemands, des salades de mots, faites de tournures obscènes et de tous les déchets imaginables du langage. II en est de même de leurs tableaux, sur lesquels ils ajustaient des boutons et des tickets. Ce qu'ils obtinrent par de pareils moyens, fut une impitoyable destruction de l'aura même de leurs créations, auxquelles ils appliquaient, avec les moyens de la production, la marque infamante de la reproduction. Il est impossible, devant un tableau d'Arp ou un poème d'August Stramm, de prendre le temps de se recueillir et d'apprécier comme en face d'une toile de Derain ou d'un poème de Rilke. Au recueillement qui, dans la déchéance de la bourgeoisie, devint un exercice de comportement asocial [12], s'oppose la distraction en tant qu'initiation à de nouveaux modes d'attitude sociale. Aussi, les manifestations dadaïstes assurèrent-elles une distraction fort véhémente en faisant de l'oeuvre d'art le centre d'un scandale. Il s'agissait avant tout de satisfaire à cette exigence : provoquer un outrage public.
  • Que l'on compare la toile sur laquelle se déroule le film à la toile du tableau ; l'image sur la première se transforme, mais non l'image sur la seconde. Cette dernière invite le spectateur à la contemplation. Devant elle, il peut s'abandonner à ses associations. I1 ne le peut devant une prise de vue. À peine son oeil l'a-t-elle saisi que déjà elle s'est métamorphosée. Elle ne saurait être fixée. Duhamel, qui déteste le film, mais non sans avoir saisi quelques éléments de sa structure, commente ainsi cette circonstance : Je ne peux déjà plus penser ce que je veux. Les images mouvantes se substituent à mes propres pensées. [13] En fait, le processus d'association de celui qui contemple ces images est aussitôt interrompu par leurs transformations. C'est ce qui constitue le choc traumatisant du film qui, comme tout traumatisme, demande à être amorti par une attention soutenue. [14] Par son mécanisme même, le film a rendu leur caractère physique aux traumatismes moraux pratiqués par le dadaïsme.
  • Duhamel voit dans le film un divertissement d'îlotes, un passe-temps d'illettrés, de créatures misérables, ahuris par leur besogne et leurs soucis..., un spectacle qui ne demande aucun effort, qui ne suppose aucune suite dans les idées..., n'éveille au fond des coeurs aucune lumière, n'excite aucune espérance, sinon celle, ridicule d'être un jour "star" à Los-Angeles. [15] On le voit, c'est au fond toujours la vieille plainte que les masses ne cherchent qu'à se distraire, alors que l'art exige le recueillement. C'est là un lieu commun. Reste à savoir s'il est apte à résoudre le problème. Celui qui se recueille devant l'oeuvre d'art s'y plonge : il y pénètre comme ce peintre chinois qui disparut dans le pavillon peint sur le fond de son paysage. Par contre, la masse, de par sa distraction même, recueille l'oeuvre d'art dans son sein, elle lui transmet son rythme de vie, elle l'embrasse de ses flots. L'architecture en est un exemple des plus saisissants. De tout temps elle offrit le prototype d'un art dont la réception réservée à la collectivité s'effectuait dans la distraction. Les lois de cette réception sont des plus révélatrices.
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  • [12] L'archétype théologique de ce recueillement est la conscience d'être seul à seul avec son Dieu. Par cette conscience, à l'époque de splendeur de la bourgeoisie, s'est fortifiée la liberté de secouer la tutelle cléricale. À l'époque de sa déchéance, ce comportement pouvait favoriser la tendance latente à soustraire aux affaires de la communauté les forces puissantes que l'individu isolé mobilise dans sa fréquentation de Dieu.
  • S'habituer, le distrait le peut aussi. Bien plus : ce n'est que lorsque nous surmontons certaines tâches dans la distraction que nous sommes sûrs de les résoudre par l'habitude. Au moyen de la distraction qu'il est à même de nous offrir, l'art établit à notre insu jusqu'à quel point de nouvelles taches de la perception sont devenues solubles. Et comme, pour l'individu isolé, la tentation subsiste toujours de se soustraire à de pareilles tâches, l'art saura s'attaquer aux plus difficiles et aux plus importantes toutes les fois qu'il pourra mobiliser des masses. Il le fait actuellement par le film. La réception dans la distraction, qui s'affirme avec une croissante intensité dans tous les domaines de l'art et représente le symptôme de profondes transformations de la perception, a trouvé dans le film son propre champ d'expérience. Le film s'avère ainsi l'objet actuellement le plus important de cette science de la perception que les Grecs avaient nommée l'esthétique.
  • Les constructions architecturales sont l'objet d'un double mode de réception : l'usage et la perception, ou mieux encore : le toucher et la vue. On ne saurait juger exactement la réception de l'architecture en songeant au recueillement des voyageurs devant les édifices célèbres. Car il n'existe rien dans la perception tactile qui corresponde à ce qu'est la contemplation dans la perception optique. La réception tactile s'effectue moins par la voie de l'attention que par celle de l'habitude. En ce qui concerne l'architecture, l'habitude détermine dans une large mesure même la réception optique. Elle aussi, de par son essence, se produit bien moins dans une attention soutenue que dans une impression fortuite.
  • la reproduction mécanisée assure à l'original l'ubiquité dont il est naturellement privé. Avant tout, elle lui permet de venir s'offrir à la perception soit sous forme de photographie, soit sous forme de disque. La cathédrale quitte son emplacement pour entrer dans le studio d'un amateur ; le choeur exécuté en plein air ou dans une salle d'audition, retentit dans une chambre.
  • ce qui, dans l'oeuvre d'art, à l'époque de la reproduction mécanisée, dépérit, c'est son aura. Processus symptomatique dont la signification dépasse de beaucoup le domaine de l'art.
  • La technique de reproduction - telle pourrait être la formule générale - détache la chose reproduite du domaine de la tradition.
  • la liquidation de ia valeur traditionnelle de l'héritage culturel
  • Et si Abel Gance, en 1927, s'écrie avec enthousiasme : Shakespeare, Rembrandt, Beethoven feront du cinéma... Toutes les légendes, toute la mythologie et tous les mythes, tous les fondateurs de religions et toutes les religions elles-mêmes... attendent leur résurrection lumineuse, et les héros se bousculent a nos portes pour entrer [1], il convie sans s'en douter à une vaste liquidation.
  • le mode de perception des sociétés humaines
  • pas seulement déterminée par la nature humaine, mais par les circonstances historiques
  • L'homme qui, un après-midi d'été, s'abandonne à suivre du regard le profil d'un horizon de montagnes ou la ligne d'une branche qui jette sur lui son ombre - cet homme respire l'aura de ces montagnes, de cette branche.
  • la masse revendique que le monde lui soit rendu plus accessible avec autant de passion qu'elle prétend à déprécier l'unicité de tout phénomène en accueillant sa reproduction multiple.
  • standardiser l'unique
  • statistique
  • L'unicité de l'oeuvre d'art ne fait qu'un avec son intégration dans la tradition. Par ailleurs, cette tradition elle-même est sans doute quelque chose de fort vivant, d'extraordinairement changeant en soi.
  • La forme originelle d'intégration de l'oeuvre d'art dans la tradition se réalisait dans le culte.
  • le mode d'existence de l'oeuvre d'art déterminé par l'aura ne se sépare jamais absolument de sa fonction rituelle
  • la doctrine de l'art pour l'art, qui n'est qu'une théologie de l'art
  • Mallarmé
  • la reproduction mécanisée, pour la première fois dans l'histoire universelle, émancipe l'oeuvre d'art de son existence parasitaire dans le rituel
  • À son fond rituel doit se substituer un fond constitué par une pratique autre : la politique.
  • la fonction pour nous la plus familière, la fonction artistique, se distingue en ce qu'elle sera sans doute reconnue plus tard accessoire
  • Le film sert à exercer l'homme à la perception et à la réaction déterminées par la pratique d'un équipement technique dont le rôle dans sa vie ne cesse de croître en importance. Ce rôle lui enseignera que son asservissement momentané à cet outillage ne fera place à l'affranchissement par ce même outillage que lorsque la structure économique de l'humanité se sera adaptée aux nouvelles forces productives mises en mouvement par la seconde technique
  • Ce n'est point par hasard que le portrait se trouve être l'objet principal de la première photographie. Le culte du souvenir des êtres aimés, absents ou défunts, offre au sens rituel de l'oeuvre d'art un dernier refuge. Dans l'expression fugitive d'un visage humain, sur d'anciennes photographies, l'aura semble jeter un dernier éclat. C'est ce qui fait leur incomparable beauté, toute chargée de mélancolie
  • Atget
  • Les Grecs se voyaient contraints, de par la situation même de leur technique, de créer un art de valeurs éternelles.
  • Par le film est devenue décisive une qualité que les Grecs n'eussent sans doute admise qu'en dernier lieu ou comme la plus négligeable de l'art : la perfectibilité de l'oeuvre d'art.
  • cette perfectibilité procède directement de son renoncement radical à toute valeur d'éternité.
  • Le film n'a pas encore saisi son vrai sens, ses véritables possibilités... Celles-ci consistent dans sa faculté spécifique d'exprimer par des moyens naturels et avec une incomparable force de persuasion tout ce qui est féerique, merveilleux et surnaturel. [7]
  • Car interprète de l'écran ne joue pas devant un public, mais devant un appareil enregistreur. Le directeur de prise de vue, pourrait-on dire, occupe exactement la même place que le contrôleur du test lors de l'examen d'aptitude professionnelle. Jouer sous les feux des sunlights tout en satisfaisant aux exigences du microphone, c'est là une performance de premier ordre. S'en acquitter, c'est pour l'acteur garder toute son humanité devant les appareils enregistreurs. Pareille performance présente un immense intérêt. Car c'est sous le contrôle d'appareils que le plus grand nombre des habitants des villes, dans les comptoirs comme dans les fabriques, doivent durant la journée de travail abdiquer leur humanité. Le soir venu, ces mêmes masses remplissent les salles de cinéma pour assister à la revanche que prend pour elles l'interprète de l'écran, non seulement en affirmant son humanité (ou ce qui en tient lieu) face à l'appareil, mais en mettant ce dernier au service de son propre triomphe.
  • Il appartient à la technique du film comme à celle du sport que tout homme assiste plus ou moins en connaisseur à leurs exhibitions.
  • Chaque homme aujourd'hui a le droit d'être filmé.
  • de nos jours, il n'y a guère de travailleur européen qui ne se trouve à même de publier quelque part ses observations personnelles sur le travail sous forme de reportage ou n'importe quoi de cet ordre. La différence entre auteur et public tend ainsi à perdre son caractère fondamental.
  • Le lecteur est à tout moment prêt à passer écrivain.
Michel Roland-Guill

Why Finish Books? by Tim Parks | NYRblog | The New York Review of Books - 0 views

  • “Sir—” remarked Samuel Johnson with droll incredulity to someone too eager to know whether he had finished a certain book—“Sir, do you read books through?”
  • Schopenhauer, who thought and wrote a great deal about reading, is on Johnson’s side. Life is “too short for bad books” and “a few pages” should be quite enough, he claims, for “a provisional estimate of an author’s productions.”
  • It’s only the young, still attached to that sense of achievement inculcated by anxious parents, who hang on doggedly when there is no enjoyment.
  • ...12 more annotations...
  • Is a good book by definition one that we did finish?
  • this is happening to me more and more often
  • Kafka remarked that beyond a certain point a writer might decide to finish his or her novel at any moment, with any sentence; it really was an arbitrary question, like where to cut a piece of string, and in fact both The Castle and America are left unfinished, while The Trial is tidied away with the indecent haste of someone who has decided enough is enough. The Italian novelist Carlo Emilio Gadda was the same; both his major works, That Awful Mess on Via Merulana and Acquainted with Grief, are unfinished and both are considered classics despite the fact that they have complex plots that would seem to require endings which are not there.
  • a catharsis of exhaustion
  • Beckett’s prose fiction gets shorter and shorter, denser and denser as he brings the point of exhaustion further and further forward.
  • Doesn’t a novel that is plotted require that we reach the end, because then the solution to the tale will throw meaning back across the entire work.
  • But this is not really my experience as I read. There are some novels, and not just genre novels, where plot is indeed up front and very much the reason why one keeps turning the pages. We have to know what happens. These are rarely the most important books for me.
  • all the novel’s intelligence is in the story and the writing the merest vehicle.
  • the end rarely gratifies
  • The Italians have a nice word here. They call plot trama, a word whose primary meaning is weft, woof or weave. It is the pattern of the weave that we most savor in a plot—Hamlet’s dilemma, perhaps, or the awesome unsustainability of Dorothea’s marriage to Casaubon—but not its solution.
  • In The Marriage of Cadmus and Harmony Roberto Calasso shows that one of the defining characteristics of a living mythology was that its many stories, always so excitingly tangled together, always had at least two endings, often “opposites”
  • I also wonder if, in showing a willingness not to pursue even an excellent book to the death, a reader isn’t actually doing the writer a favor, exonerating him or her, from the near impossible task of getting out of the plot gracefully.
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