D'une
manière générale, comment la Commission contrôle-t-elle les comptes qui lui
sont présentés?
Il
faut distinguer notre travail, sur les comptes des partis, de celui sur les
comptes de campagne, d'une nature très différente.
Pour
les partis, je préfère parler d'une mission de surveillance. Sur les dépenses,
nous n'avons aucun contrôle à exercer: les partis restent des organismes
privés, libres de disposer de leurs fonds... Avant de nous être transmis, chaque
année, leurs comptes sont certifiés par des commissaires aux comptes, qui vérifient
leur régularité formelle: ils s'assurent que les dépenses sont correctement
indiquées, selon leur nature; que les dépenses imputées dans le compte donnent
lieu à un mouvement financier correspondant... Ils ont à leur disposition les bulletins
de paie, les factures, devis, etc. Mais leurs investigations s'arrêtent là.
Nous, à la Commission, ne recevons pas ces justificatifs de dépenses.
Du
côté des recettes, par contre, nous procédons avec les commissaires aux comptes
à une surveillance particulière. Il faut d'abord s'assurer qu'il n'y a pas de
recettes illicites affichées, tels des dons d'entreprise ou de collectivité
publique – ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de financement occulte, sous
la table, c'est une autre question...
Et puis, il faut vérifier les dons de
personnes physiques: les partis nous envoient les souches des «reçus-dons»
qu'ils ont distribués dans l'année (c'est-à-dire les «talons» des reçus
adressés aux donateurs, avec le montant et l'identité du bienfaiteur); nous
vérifions que les plafonds n'ont pas été dépassés, qu'il s'agit bien de dons de
personnes physiques...
Là, il y a une petite zone d'ombre, parce que les
versements peuvent désormais être faits par carte bancaire; or beaucoup d'entreprises ont
pour habitude de délivrer des cartes bancaires à leurs cadres (pour des
dépenses de représentation professionnelle), où ne figure pas le nom de
l'entreprise mais seulement de la personne... Nous sommes donc obligés de nous
contenter d'une déclaration sur l'honneur, qu'il s'agit bien d'un compte
personnel. Là, il y a une petite
zone grise...
Etes-vous sûr, au final, de la véracité des comptes des partis?
Les
commissaires aux comptes sont assermentés, soumis à une déontologie très
stricte. Nous, ici, ne sommes pas des irresponsables non plus... Ensuite, on a
une certitude... à vue humaine! Il peut y avoir quelque part un montage, que
personne n'aurait détecté... C'est possible, mais jusqu'à
preuve du contraire, les comptes des partis tels qu'ils nous sont présentés
sont en ordre.
Les
commissaires aux comptes, d'ailleurs, peuvent faire état de réserves, tout en
acceptant de certifier les comptes. Lorsqu'une réserve disparaît l'année suivante, ça va...
Là où nous sommes un peu inquiets, c'est quand les commissaires répètent leur
réserve d'une année sur l'autre...
Nous avons eu un cas récent: on s'étonnait que d'année en année 15% du
compte ne soient pas justifiés; la troisième année, après avoir attiré
l'attention du parti, la Commission a dit que ce dernier n'avait pas respecté
ses obligations et a rejeté son compte (entraînant l'interruption des éventuelles aides publiques).
Or le Conseil d'Etat, dans un arrêt de mai 2010, nous a dit qu'en
l'état de la législation, nous devions accepter le compte... Pour nous, ça
a été une déception...
De quel parti s'agissait-il?
De «Cap
sur l'avenir 13», un petit parti du Midi (basé
à Marseille).