Aussi l'historien a-t-il quelque chose à nous enseigner sur cette interaction entre temps et histoire. Y a-t-il eu d'autres périodes aussi menaçantes ? Comment les hommes ont-ils su s'adapter ou gérer ces bouleversements ? Depuis près d'un demi-siècle, Emmanuel Le Roy Ladurie s'est fait une spécialité de cette histoire savante du climat. Son premier livre, publié en 1967, avait porté sur une passionnante étude des évolutions du climat depuis l'an mil, en s'appuyant notamment sur les dates des vendanges (un degré en moins c'est quinze jours de retard) qui sont connues depuis à peu près 1370. Crise climatique aidant, l'historien avait poursuivi ses travaux en publiant en 2004 le premier tome d'une histoire humaine et comparée du climat. Il étudiait alors la période consacrée aux XIII-XVIIIe siècles. Il poursuit son étude dans ce second volume en examinant une période charnière dans l'évolution climatique, celle qui va du démarrage industriel, en 1750, jusqu'à son épanouissement en 1850. On sait aujourd'hui que c'est à partir de ces années que l'activité humaine a commencé à avoir une incidence sur l'évolution du climat. Survetement Armani EA7 Les choses se sont surtout accélérées depuis la fin du XIXe siècle, avec la découverte du pétrole. L'homme va consommer en moins de deux cents ans les réserves d'énergie que la nature avait mis plusieurs millénaires à façonner. Ces réflexions devraient faire l'objet d'un troisième tome de L'Histoire du climat. Dans ce second volume, Emmanuel Le Roy Ladurie s'attache avant tout à examiner le lien étroit entre les circonstances climatiques et les révolutions dans ce qu'il serait convenu d'appeler l'Europe tempérée (France du Nord, Angleterre, Allemagne, etc.). Les années 1750 marquent un renversement par rapport au refroidissement climatique antérieur. Ancien élève de Braudel, Le Roy Ladurie avait surtout mis en lumière ce qu'on appelle le « petit âge glaciaire » qui s'est abattu sur l'Europe à partir du XVIe siècle, comme en témoignent notamment certains récits fameux de Saint-Simon. Survetement Lacoste Dans le cycle 1750-1850, tout se transforme jusqu'au retournement final. Depuis 1860, le recul des glaciers alpins est continu, la terre se réchauffe. Aussi les hommes sont-ils moins fatalistes et aussi plus critiques face aux aléas climatiques. Turgot, visionnaire mais peu réalisteAinsi, sans qu'il faille nécessairement y voir un mécanisme implacable, une relative corrélation peut s'effectuer entre crise politique et crise climatique. La mauvaise récolte de 1788 prépare le mécontentement de 1789 ; les Trois Glorieuses de 1830 s'inscrivent dans une période critique de disette (1827-1832) et les révolutions de 1848, en Europe, éclatent après les désordres climatiques de 1845-1846. Avec une érudite précision, un ensemble considérable de statistiques et de chiffres, Le Roy Ladurie dissèque tous ces phénomènes. C'est à la fois très instructif, très précis, une histoire clinique du climat. http://www.groupecipa.fr/ Parmi les nombreuses clés de lecture de ce livre, on en retiendra un exemple: le rôle du climat dans l'échec des réformes de libéralisation du marché du blé, tentées en 1764, puis en 1774, par Louis XV et Louis XVI, sur le modèle anglais et influencés par les physiocrates. L'échec de Turgot est à cet égard édifiant, et Le Roy Ladurie évoque l'étonnant entêtement, pour ne pas dire le « dogmatisme », de ce grand administrateur, honnête, visionnaire, mais peu réaliste. Il décide de libérer le commerce des grains en septembre 1774, « au moment même où les autorités deviennent pourtant conscientes de l'occurrence toute récente d'une médiocre récolte ». Il en résultera la fameuse « guerre des farines » où l'on accusera le gouvernement de Louis XVI de favoriser les « spéculateurs ». Ainsi, en n'ayant pas saisi ce facteur climatique, le grand Turgot a commis une erreur de taille. Et Le Roy Ladurie de souligner le « dogmatisme d'un économiste hyperdistingué ». Après cet échec, il faudra la Révolution française (dans sa première phase) pour que le libéralisme économique puise s'imposer.
started by moncle rpas on 09 Aug 14
Les choses se sont surtout accélérées depuis la fin du XIXe siècle, avec la découverte du pétrole. L'homme va consommer en moins de deux cents ans les réserves d'énergie que la nature avait mis plusieurs millénaires à façonner. Ces réflexions devraient faire l'objet d'un troisième tome de L'Histoire du climat. Dans ce second volume, Emmanuel Le Roy Ladurie s'attache avant tout à examiner le lien étroit entre les circonstances climatiques et les révolutions dans ce qu'il serait convenu d'appeler l'Europe tempérée (France du Nord, Angleterre, Allemagne, etc.). Les années 1750 marquent un renversement par rapport au refroidissement climatique antérieur. Ancien élève de Braudel, Le Roy Ladurie avait surtout mis en lumière ce qu'on appelle le « petit âge glaciaire » qui s'est abattu sur l'Europe à partir du XVIe siècle, comme en témoignent notamment certains récits fameux de Saint-Simon. Survetement Lacoste Dans le cycle 1750-1850, tout se transforme jusqu'au retournement final. Depuis 1860, le recul des glaciers alpins est continu, la terre se réchauffe. Aussi les hommes sont-ils moins fatalistes et aussi plus critiques face aux aléas climatiques. Turgot, visionnaire mais peu réalisteAinsi, sans qu'il faille nécessairement y voir un mécanisme implacable, une relative corrélation peut s'effectuer entre crise politique et crise climatique. La mauvaise récolte de 1788 prépare le mécontentement de 1789 ; les Trois Glorieuses de 1830 s'inscrivent dans une période critique de disette (1827-1832) et les révolutions de 1848, en Europe, éclatent après les désordres climatiques de 1845-1846. Avec une érudite précision, un ensemble considérable de statistiques et de chiffres, Le Roy Ladurie dissèque tous ces phénomènes. C'est à la fois très instructif, très précis, une histoire clinique du climat. http://www.groupecipa.fr/
Parmi les nombreuses clés de lecture de ce livre, on en retiendra un exemple: le rôle du climat dans l'échec des réformes de libéralisation du marché du blé, tentées en 1764, puis en 1774, par Louis XV et Louis XVI, sur le modèle anglais et influencés par les physiocrates. L'échec de Turgot est à cet égard édifiant, et Le Roy Ladurie évoque l'étonnant entêtement, pour ne pas dire le « dogmatisme », de ce grand administrateur, honnête, visionnaire, mais peu réaliste. Il décide de libérer le commerce des grains en septembre 1774, « au moment même où les autorités deviennent pourtant conscientes de l'occurrence toute récente d'une médiocre récolte ». Il en résultera la fameuse « guerre des farines » où l'on accusera le gouvernement de Louis XVI de favoriser les « spéculateurs ». Ainsi, en n'ayant pas saisi ce facteur climatique, le grand Turgot a commis une erreur de taille. Et Le Roy Ladurie de souligner le « dogmatisme d'un économiste hyperdistingué ». Après cet échec, il faudra la Révolution française (dans sa première phase) pour que le libéralisme économique puise s'imposer.