Et on peut même, à bon droit, estimer que le bien public, toutes tendances confondues, les préoccupe plus que ne s'en préoccupe le commun des mortels. Il n'est pas sûr qu'il soit bon, dans un climat de passion toujours artificiellement exacerbée par les médias , de tout étaler ainsi au grand jour et d'offrir au public, plus sceptique et amusé que convaincu, ces joutes oratoires qui relèvent plus du chahut d'écoliers que de l'affrontement shakespearien. Le représentant du peuple, enivré souvent d'éloquence, en fait d'ailleurs souvent trop par peur de ne pas en faire assez.La tribunite, maladie qui sévit surtout dans les congrès, transforme ainsi, dès qu'il est à la tribune, un homme courtois, fin et cultivé, comme, par exemple, Laurent Fabius, en un monstre altéré de sang dont les fureurs et les imprécations égalent celle de Mounet-Sully dans Oreste. Les spectateurs étrangers, surtout anglo-saxons, sont quasiment médusés par ces transformations à vue qui leur rappellent les déconcertants avatars de Doctor Jekyll et de Mister Hyde. Toutes ces facéties, grimaces et outrances, démocratiquement exposées sur une scène, servent-elles la démocratie ? A chacun de répondre.Avec la diffusion des interminables séances pendant lesquelles la commission parlementaire s'est penchée sur l'affaire d'Outreau et a questionné, avec une sagesse digne de Salomon, un jeune juge tremblant comme une feuille et bardé de certitudes, la réponse est plus facile. http://www.caputimario.fr/Les députés y furent excellents, attentifs, précis, mesurés, et l'accusé, car il passait pour tel, ce qui aurait fort chagriné Montesquieu, y fut au-dessous du médiocre. Mais le poids de l'opinion publique, son insatiable curiosité, son goût de l'émotion brute pesaient trop lourd et transformaient en une série télévisée, comme seuls les Américains savent les faire, ce qui aurait dû être non pas le procès d'un homme mais celui d'un système. Au fond, le juge Burgaud, en servant de bouc émissaire, servait la magistrature. Victime expiatoire, il a permis que le peuple télévisuel, fasciné par sa prestation, ne la remette pas en question en tant qu'institution réformable, et à réformer. On était là pour voir quelle tête avait le jeune juge, et comment il allait se défendre. On était les spectateurs d'un événement. Rien qu'un public de badauds, et ce même public, tout aussi réprobateur, aurait, sans doute, sifflé ce même juge s'il avait, quelques années plus tôt, délivré un non-lieu et libéré ceux qu'on lui reproche, aujourd'hui, d'avoir fait incarcérer. Lunettes de soleil Oakley Lifestyle Peut-être la voix du peuple est-elle celle de Dieu, mais nous ne sommes pas, comme en terre d'Islam, en théocratie, et il est possible que la voix de ce Dieu, multiple et incertain, et qu'on appelle démos, ne soit pas, en l'occurrence, celle de la raison. Il manque, ici, cette distanciation, chère à Bertolt Brecht, qui est, tout bêtement, un temps de réflexion pour nous permettre de n'être dupes ni des acteurs ni de nous-mêmes. C'est une distance qu'on néglige trop souvent sur le théâtre judiciaire et politique.Il lui faut donc apparaître sur la scène du monde dans le personnage attendu, puis prononcer, tout en fignolant, comme un acteur, ce personnage, les répliques que ses électeurs veulent entendre, et que, en quelque sorte, ils lui dictent. Il ne doit ni les heurter, ni les surprendre, mais toujours les séduire. Il n'est pas entièrement maître de son texte. Et, pis encore, il lui faut suivre et défendre sans broncher, au nom d'une solidarité tyrannique, les errements et les volte-face de son parti, que, parfois, il condamne en secret. Lunettes de soleil Oakley Limited EditionCes obligations le forcent à ne pas céder aux charmes pernicieux de la liberté. D'où, même chez le plus bénin, dès qu'il est en représentation, une rigidité de pensée, une inflexibilité arbitraire, une violence outrancière qui choquent tout esprit qui n'est pas partisan.Enfin, le malheureux ne peut en aucune façon entrer dans les raisons de ses adversaires, même si, ce qui peut toujours malencontreusement arriver, ils disent, ne serait-ce qu'une fois, vrai et juste. Cela ne lui serait jamais pardonné, et, d'ailleurs, ces adversaires eux-mêmes, ainsi approuvés, se serviraient de sa bonne foi contre lui. Ces multiples servitudes expliquent ces débats, tumultueux et confus, où souvent l'invective l'emporte sur l'argument, qui sont retransmis, peut-être fâcheusement, par la télévision pour édifier et éclairer le bon peuple. Au-delà des défaillances d'un système procédural, dont certains réclament la refonte complète mais dont nul ne conteste qu'il est perfectible, l'affaire d'Outreau révèle l'état de misère de notre institution judiciaire pénale.L'adoption d'une nouvelle réforme ne fera pas de notre système répressif un lieu de sérénité car le supplice est consubstantiel à la justice pénale.
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