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peir ric

Penser la rumeur : un concept récent et controversé | InaGlobal - 0 views

  • Le terme de rumeur recouvre en effet une grande quantité de phénomènes
  • théorisation de la rumeur que très tardivement, à l’orée du XXe
  • l’univers lexical de la nature : la rumeur du fleuve, la rumeur de la forêt (on dirait aujourd’hui « brouhaha »).
  • ...34 more annotations...
  • s’approche de la réputation et de la renommée, au point de s’y confondre
  • en 1902, quand un psychologue allemand, Louis William Stern, publie la première étude sur la rumeur comme objet scientifique.
  • il réifie la rumeur (en ce sens qu’il l’extrait du réel social et médiatique), il la mesure (il la décompose en « détails »), et il lui confère une mécanique propre (sur la base du « jeu du téléphone »).
  • En 1902, la rumeur de Stern est originale en ce sens qu’elle a acquis des caractéristiques nouvelles (décomposable, péjorative, dangereuse) et que sa caractérisation se fonde sur l’expérimentation,
  • Rosa Oppenheim (1909), qui expose scientifiquement son étonnement à voir que les démentis sont moins diffusés par les journaux et intéressent moins les lecteurs que les nouvelles sensationnelles qu’ils tentent de combattre
  • Carl Gustav Jung qui, dans un rapport rédigé sur commande, se sert de la notion de rumeur pour disculper un professeur accusé de conduite amorale à l’égard de ses élèves féminines
  • proposant de voir la rumeur comme une parole-symptôme.
  • toute rumeur est désormais liée au faux (au moins en partie),
  • toute rumeur doit être combattue (par les médias, de préférence)
  • toute rumeur porte un message caché (à déchiffrer par un spécialiste)
  • oui, ce récit a circulé. Mais cela n’en garantit ni la véracité ni l’obsolescence.
  • On a cru aussi diagnostiquer un « style rumoral » (Gryspeerdt et Klein, 1995) fait de conditionnel (« la Présidente aurait un amant »), d’insinuations (« si seulement les murs pouvaient parler ») ou de précautions verbales (« dans l’entourage du Président, on murmure que…»). Las, ce style rumoral est constitutif de tout discours spéculatif et n’aide guère à faire la part des choses.
  • pour caractériser la rumeur, on a cru pouvoir s’appuyer la « recherche d’attestations antérieures ». Les rumeurs étant souvent racontées au présent, le fait de trouver la trace du passage du récit (où, par qui, quand ?) est une indication fragile mais précieuse pour caractériser le phénomène.
  • véritables bases de données de « rumeurs attestées » : plus de 120 000 pages indexées pour l’américain snopes.com, plus de 30 000 pages pour le français hoaxbuster.com… pour ne parler que des sites les plus populaires
  • On a parfois espéré que l’expression « il paraît » suffise à trier ce qui est de la rumeur de ce qui n’en est pas ; sans succès, car cet “embrayeur linguistique” vaut pour tout discours rapporté
  • Et, sa mutation à peine constatée, toutes les forces du discours s’attachent aussitôt à montrer sa « nature » a‑médiatique…
  • la présence d’un récit au sein d’un de ces ouvrages ou sur l’un de ces sites « de référence » ne garantit pas sa véracité, mais en plus elle ne permet pas d’en apprécier l’actualité
  • une légende peut servir un scénario criminel réel, qu’une rumeur peut « performer », devenir vraie.
  • la caractérisation de la rumeur participe même de sa diffusion : en l’absence de marqueurs linguistiques formels, dans l’impossibilité de décréter le faux comme trait distinctif de la rumeur, il ne reste plus que l’attestation de circulation pour en venir à bout : est rumeur ce qui a déjà circulé comme rumeur
  • le seul fait qu’il y ait une rumeur fait événement ; et s’il y a événement, alors la publication est possible.
  • Le buzz et la rumeur prennent leur véritable envol quand ils font eux-mêmes l’objet d’un traitement médiatique.
  • le principe de « l’attestation de circulation » (j’atteste qu’une rumeur circule, je n’atteste pas sa véracité).
  • le récit fantasmatique et saugrenu a attiré les « attestations de circulation », les démentis et quelques plaintes, qui ont été eux-mêmes largement diffusés par la presse locale (dont on a toujours tort de minimiser l’importance), et qui ont participé du phénomène.
  • La question de savoir pourquoi cette rumeur se répand si bien et si vite trouve sa réponse là, dans le fait médiatique : mieux que par le bouche-à-oreille, la rumeur circule par le truchement d’organes de presse puissants, les grands quotidiens régionaux français.
  • On en trouve une preuve définitive dans la géographie : les villes les plus « touchées » par la rumeur sont majoritairement dans les zones de diffusion de L’Union (Saint-Quentin, Soissons, Reims, Châlons-en-Champagne, Vitry-le-François) ou de La Nouvelle République (Niort, Poitiers, Le Mans, Vichy, Nevers, Limoges, Guéret, La Souterraine, Montluçon, Tulle).
  • le phénomène de la rumeur n’est pas magique et qu’il est tributaire d’une médiatisation constante.
  • Bien que sous-estimée, la médiatisation de la rumeur joue en effet avant, pendant et après le surgissement de la rumeur : avant, en mettant à disposition du public des récits stéréotypés prêts-à-l’emploi ; pendant, en attestant la circulation de la rumeur et en garantissant ses qualités mythifiantes (informelle, populaire, orale, etc.) ; après, en réécrivant l’histoire et en lui assignant un nom (un désignant événementiel, dirait Laura Calabrese).
  • La seule présence d’une population étrangère semble tout à coup suffire à faire le malheur d’une nation (auparavant, on craignait l’invasion militaire ou la razzia, car elle s’achevait par la mort ou l’esclavage ; jamais les Anciens n’ont cru être souillés par une population étrangère ou asservie, par leur seule présence dans la cité).
  • le fantasme de l’invasion migratoire, s’il n’était pas déjà présent dans la culture française, trouve sa source autant dans les succès de librairie tout au long du XXe siècle que dans les mouvements politiques.
  • la rumeur ne saisissent toujours pas le sens profond de la mutation des cent cinquante dernières années, depuis qu’on est entré dans le monde des médias industriels. Or ils lui sont consubstantiels.
  • quand la rumeur est détectée, c’est déjà trop tard, c’est qu’elle a été transformée en son avatar médiatique.
  • La véracité est chose complexe, en effet : elle change en fonction de l’avancement des investigations et des connaissances et elle connaît des nuances qui ne se résument pas à « oui, c’est vrai » et « non, c’est faux ».
  • Le mouvement est toujours double, on va de la caractérisation à l’occultation, en passant par toutes les étapes d’un reniement nécessaire (une désignation liée davantage à la circulation qu’à la véracité, une occultation liée davantage à la croyance qu’à la mesure).
  • . Pour le dire sous une forme triviale : « Quand la rumeur paraît, qu’y a-t-il de vrai ? Dans tous les cas, qu’une rumeur est apparue ! » La rumeur médiatique est toujours gagnante : démentie ou diffusée, elle demeure au centre du cirque médiatique – telle est sa victoire.
peir ric

Lutter contre les rumeurs : mission impossible ? | InaGlobal - 0 views

  • vieux comme le monde social, le phénomène n’en emprunte pas moins sa dynamique aux représentations, aux émotions et aux technologies du temps présent, posant ainsi sans cesse de nouvelles questions aux sociétés.
  • Plus qu’une croyance collective irrationnelle, la rumeur doit être définie comme un dispositif communicationnel singulier au sein de l’économie générale de l’information.
  • un système de régulation de l’information
  • ...60 more annotations...
  • logiques structurantes de ce système est que les détenteurs de l’autorité publique, les professionnels agréés de l’information et les producteurs légitimes du savoir y revendiquent conjointement le monopole de certification des informations (Veyne, 1983)
  • se maintiennent toujours des dispositifs alternatifs  de communication, dont la rumeur est un instrument privilégié.
  • surveillée (Bigo et al., 2009) et parfois disqualifiée par les tenants du système légitime de production de l’information
  • quand il devient l’outil stratégique de groupes organisés et dissidents
  • la sémantique de la rumeur est marquée par la clandestinité
  • ’être une contre-version à la version officielle
  • Toléré en tant que pratique anodine et spontanée
  • Pour produire leur effet de dévoilement, les récits de rumeurs empruntent et combinent principalement quatre thèmes narratifs : la faute, la trahison, le complot et le mal dissimulé (Aldrin, 2005)
  • Ces « théories » renoncent, de fait, à considérer sérieusement ce que des individus font – mais aussi comment et pourquoi ils le font – quand ils échangent une nouvelle non vérifiée ou incertaine.
  • Que savons-nous des logiques sociales de ce processus de diffusion d’une nouvelle non vérifiée ?
  • nouvelle dit lien avec l’actualité et la réalité
  • non vérifiée dit circuit de diffusion qui contourne ou ignore les dispositifs institutionnels qui assurent de façon habituelle la certification et la promotion publique des informations
  • Si elle circule et se répand, c’est par une série d’échanges verbaux entre des individus
  • La rumeur est une révélation, étonnante, subversive voire scandaleuse.
  • « course aux armements communicationnels »
  • Norbert Elias a d’ailleurs relevé la « sociodynamique de la stigmatisation » à l’œuvre dans les rumeurs et le commérage (Elias, 1965)
  • La rumeur a donc à voir avec l’entre-soi, le sentiment d’appartenance et les identités collectives.
  • La mécanique de diffusion de la rumeur épouse précisément les ramifications des liens sociaux établis : entre-soi constitués par les univers d’existence (famille, travail, quartier), réseaux de relations ou communautés de valeurs
  • la rumeur est un phénomène banal, normal des sociétés humaines
  • tenter – collectivement – d’interpréter une situation inhabituelle
  • quand la demande sociale d’informations sur la situation inhabituelle ou l’événement inexpliqué est urgente et excessive, alors l’excitation collective renforce le crédit accordés à des récits moins vraisemblables et des comportements collectifs irrationnels
  • Pour autant, les individus qui entrent et participent au processus de transmission d’une rumeur n’y croient pas nécessairement.
  • il subsiste toujours un régime pluriel du croire
  • ces petits jeux mentaux d’arrangement avec le réel
  • Par contre, plusieurs éléments indiquent que le système de production de l’information s’est recomposé et, avec lui, les logiques et les pratiques du recours au processus communicationnel de la rumeur.
  • l’égalisation tendancielle des prises de parole publiques
  • la pluralisation des acteurs et des moyens de la communication médiatique
  • la mondialisation du marché des opinions, des émotions et des causes
  • généralisation de l’équipement et de l’usage en moyens de la communication stratégique.
  • des visées persuasives
  • sept points de connaissance sont aujourd’hui attestés quant aux formes sociales du phénomène
  • Chaque société historique possède un système sociotechnique de production et de régulation de l’information.
  • En contrepartie de la garantie d’exercice des libertés fondamentales (opinions, réunion, croyance) et de la liberté consubstantielle de la presse, des cadres juridiques et conventionnels assuraient ainsi leur bon usage.
  • Une part de ces cadres étaient des dispositifs de contention des fausses informations et des rumeurs.
  • En France, la première charte des journalistes (1918, remaniée en 1938) désignait « la calomnie, les accusations sans preuves, l’altération des documents, la déformation des faits, le mensonge pour les plus graves fautes professionnelles »
  • cadre d’autocontrôle des journalistes à l’égard des rumeurs
  • dans toutes les démocraties modernes, des dispositions juridiques sanctionnent les différentes atteintes à l’honneur ou la réputation des personnes perpétrées par des révélations fausses
  • à un « marché noir » de l’information
  • dès la fin du XIXe siècle un processus de domestication de la violence dans la compétition politique et électorale (Garrigou, 2002) et dans les manifestations collectives publiques (Fillieule, 1997).
  • En quelques petites années, les professionnels agréés de l’information ont perdu leur monopole de gatekeepers de l’espace public et des mass media.
  • Face à cette égalisation tendancielle de l’accès à l’espace public, les sites des institutions publiques et de grandes marques commerciales se sont aussi adaptés, dressant plus rapidement des contre-feux aux rumeurs (communiqués, clarifications officielles…)
  • Le « fact checking » est devenu une pratique spécifique des journalistes de métier
  • Cet appareil de déminage des rumeurs, des « hoax » et des « fakes » s’opère désormais en direct on-line. I
  • La chaîne improvisée d’information est désormais une cohue d’annonces, d’interprétations, où les journalistes professionnels tiennent guichet à côté d’autres courtiers en nouvelles plus ou moins honnêtes et de propagandistes.
  • des répliques dans l’exercice de la représentation politique
  • Or, cette situation d’escalade communicationnelle génère principalement des effets de boucle (loops) informationnelle propices au phénomène de « bulles » électroniques autour de certains événements (cf. les rumeurs récentes, en France, autour des ABCD de l’égalité).
  • La rumeur apparaît en effet comme l’une des principales armes stratégiques des ennemis de la démocratie.
  • , ce combat pourrait bien se limiter à une concurrence stérile des vérités.
  • l’un des principaux indicateurs de la crise du système informationnel actuel réside justement dans la prolifération ad nauseam des sources concurrentes d’information, des analyses d’information-désinformation, des stratégies antagoniques d’influence.
  • prise de conscience de la nécessité de proposer une réponse adaptée à l’attitude d’élèves
  • « clinique des rumeurs » (démentis officiels radiodiffusés et publiés dans la presse, affiches disposées dans des lieux publics dénonçant l’irresponsabilité des colporteurs de rumeurs). Ces campagnes de contre-désinformation avaient principalement produit les effets attendus sur la part de la population qui attribuait encore crédibilité et légitimité aux autorités gouvernementales (Allport, Postman, 1947). On peut voir là une certaine parenté avec des initiatives récentes.
  • L’éducation critique aux médias se révèle indispensable, comme l’est l’éthique des journalistes de métier à l’égard des réseaux numériques.
  • le système informationnel ne peut être régulé par les seuls médiateurs du savoir et des faits que sont l’école et les journalistes professionnels. Car le système informationnel est désormais agencé autour de l’espace public numérique.
  • L’une des causes principales est à chercher du côté des « communautés » qui organisent l’économie des liens sur Internet, communautés présentant une structure sociologique très singulière.
  • Tissées en apparence autour d’« amis », d’« abonnés » ou de « followers », ces communautés sont dématérialisées, indénombrables et extraverties, à l’opposé donc des communautés physiques fondées sur des liens suivis, localisés et plus sélectifs d’interconnaissance.
  • Le sociologue Erving Goffman a abondamment montré que les mondes sociaux étaient régulés par toute une codification culturelle des interactions de co-présence en public, interactions analogues selon lui à la scène d’un théâtre (chacun y joue son rôle en respectant la partition de l’autre, les comportements en coulisse et sur scène sont différents, etc.)
  • La réussite de toute interaction, dit Goffman, est indexée sur la disposition des « partenaires de l’interaction » à respecter la face sociale des autres, à maîtriser leurs expressions et impressions, à éviter les gaffes et les offenses.
  • Rien ou presque n’y réfrène la « sociodynamique de la stigmatisation » à l’œuvre dans le commérage et le colportage de rumeurs
  • il faut noter que les rapports dans l’espace public numérique sont marqués par l’égalité, la publicité et la promiscuité, abolissant ainsi les frontières entre l’officiel et l’officieux, l’autorisé et le clandestin (entre les coulisses et la scène, dirait Goffman), le factuel et le conjecturel
  • Cette fluidité immédiate entre les divers secteurs du monde numérique rend, en outre, possible la mise en résonance soudaine entre le militantisme déterminé d’organisations engagées dans la fabrication propagandiste d’une Histoire révisionniste du monde et le goût à la mode pour les versions alternatives des événements et les récits survivantistes
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    ce qui change avec internet ": l'égalisation tendancielle des prises de parole publiques ; la pluralisation des acteurs et des moyens de la communication médiatique ; la mondialisation du marché des opinions, des émotions et des causes."
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