3 Malgré l'importance de la problématique générale de cet ouvrage, il reste quelques éléments à regretter. Tout d'abord, une forme de sens commun plane sur plusieurs articles, visible notamment dans une série de références communes et un ensemble de présupposés partagés. Peu nombreux sont les articles qui sortent du réseau de références admis pour apporter des exactitudes historiques ou sociologiques qui ne se répètent pas dans d'autres articles. Outre le sens commun et la répétition, notons que le discours moralisateur l'emporte parfois sur l'argumentation analytique. Quelques auteurs se contentent de prêcher aux convertis - un rite social où l'inefficacité persuasive s'accro?t avec la satisfaction personnelle - au lieu de fournir des arguments concrets susceptibles de convaincre ceux qui ne sont pas déjà dans leurs rangs. Une telle approche risque de reproduire ce contre quoi elle prétend lutter?: une opposition étanche entre des communautaristes hardis. Enfin, une équation sociologique se discerne au fond de l'orientation générale de l'ouvrage?: une meilleure connaissance de l'histoire coloniale améliorerait les relations sociales du présent. burberry femme pas cher On passe d'un régime de faits (la véritable histoire de la colonisation) ou d'un régime de connaissance (l'apprentissage de l'histoire coloniale) à un régime de valeurs (la discrimination à l'égard d'une partie de la société fran?aise) comme si les premiers remédieraient nécessairement au second. Alors que cela peut arriver dans certains cas, il serait erroné de croire que l'apprentissage des véritables faits de l'histoire conduit nécessairement à un changement de valeurs, ou que l'intégration historique du passé égale l'intégration sociale au présent. Les dynamiques du monde social sont nettement plus compliquées, et il faut les cerner de plus près pour pouvoir développer des stratégies de lutte efficaces. Par ailleurs, la prétendue vérité historique n'est que le résultat d'un consensus plus ou moins consistant au sein de communautés sociales. Alors qu'il faut absolument contester l'histoire consensuelle qui s'est imposée en France, il serait faux de prétendre que la Vérité historique peut s'ériger en principe régulateur objectif de toute la société.4 Quoi qu'il en soit, on ne peut que louer l'ambition principale de cet ouvrage, qui est de rompre avec le discours républicaniste amnésique et d'ouvrir un débat on ne peut plus urgent concernant les effets de l'image du passé sur les pratiques présentes. Une telle ambition, si elle n'est pas sans précédent, reste toutefois relativement nouvelle en France, notamment comparée à l'épanouissement des postcolonial studies dans le monde anglophone. burberry pas cher Nous ne pouvons qu'espérer que La fracture coloniale entame un débat large et approfondi sur le rapport entre la société fran?aise et les images qu'elle produit de son passé.5 De fait, depuis le printemps 2006 on assiste à la parution d'un nombre grandissant d'ouvrages se situant plus ou moins dans le sillage de La fracture coloniale. Mais plus qu'un écho de cet ouvrage, il s'agit d'autant de clés de lecture des événements de l'automne 2005. Faut-il y voir une prise de conscience collective d'une situation déplorable?? Je crois qu'il s'agit plut?t des effets prévisibles du calendrier médiatique?: les mensuels succédant aux hebdomadaires, succédant eux-mêmes aux journaux, on est enfin arrivé à l'heure du livre. Mais comme pour la une des journaux, des hebdomadaires et des mensuels, l'heure du livre risque d'être courte, inscrite dans la temporalité des nouveautés, qui n'ont d'intérêt que dans la mesure où elles disparaissent pour céder la place à leurs fossoyeurs suicidaires. Le phénomène est finalement comparable aux ma?tres-mots du moment?: ?la crise des banlieues?. On limite dans le temps - crise - et dans l'espace - des banlieues - des phénomènes voués à dispara?tre, ou au moins à se retirer de la vue du public, comme l'implique l'expression ?sortie de crise?. burberry homme pas cher L'irruption médiatique a - et aide à imposer - le même emploi du temps. Mais il arrive parfois qu'on se synchronise avec la chronologie fuyante des actualités tout en ouvrant un espace de réflexion qui ne se plie pas à toutes ses exigences. C'est en partie l'intérêt d'un des ouvrages qui figurait parmi les nouveautés au printemps 2006?: La république mise à nu par son immigration. 6 Dans l'ensemble, ce collectif présente une position plus critique que celle de La fracture coloniale. J'entends par là que les auteurs accordent une attention particulière aux cadres conceptuels et discursifs qui gèrent les débats sociaux contemporains, et qu'ils prennent souvent de la distance par rapport au sens commun des journalistes, des sociologues, des politologues et des hommes et des femmes politiques. Le livre invite le lecteur à repenser l'appareillage conceptuel à l'origine des controverses actuelles sur l'immigration, les banlieues, la la?cité, la discrimination, le racisme et l'antisémitisme. En ceci, il est nettement plus riche sur le plan philosophique que La fracture coloniale.
started by xcandy002 on 02 Dec 14
On passe d'un régime de faits (la véritable histoire de la colonisation) ou d'un régime de connaissance (l'apprentissage de l'histoire coloniale) à un régime de valeurs (la discrimination à l'égard d'une partie de la société fran?aise) comme si les premiers remédieraient nécessairement au second. Alors que cela peut arriver dans certains cas, il serait erroné de croire que l'apprentissage des véritables faits de l'histoire conduit nécessairement à un changement de valeurs, ou que l'intégration historique du passé égale l'intégration sociale au présent. Les dynamiques du monde social sont nettement plus compliquées, et il faut les cerner de plus près pour pouvoir développer des stratégies de lutte efficaces. Par ailleurs, la prétendue vérité historique n'est que le résultat d'un consensus plus ou moins consistant au sein de communautés sociales. Alors qu'il faut absolument contester l'histoire consensuelle qui s'est imposée en France, il serait faux de prétendre que la Vérité historique peut s'ériger en principe régulateur objectif de toute la société.4 Quoi qu'il en soit, on ne peut que louer l'ambition principale de cet ouvrage, qui est de rompre avec le discours républicaniste amnésique et d'ouvrir un débat on ne peut plus urgent concernant les effets de l'image du passé sur les pratiques présentes. Une telle ambition, si elle n'est pas sans précédent, reste toutefois relativement nouvelle en France, notamment comparée à l'épanouissement des postcolonial studies dans le monde anglophone. burberry pas cher Nous ne pouvons qu'espérer que La fracture coloniale entame un débat large et approfondi sur le rapport entre la société fran?aise et les images qu'elle produit de son passé.5 De fait, depuis le printemps 2006 on assiste à la parution d'un nombre grandissant d'ouvrages se situant plus ou moins dans le sillage de La fracture coloniale. Mais plus qu'un écho de cet ouvrage, il s'agit d'autant de clés de lecture des événements de l'automne 2005. Faut-il y voir une prise de conscience collective d'une situation déplorable?? Je crois qu'il s'agit plut?t des effets prévisibles du calendrier médiatique?: les mensuels succédant aux hebdomadaires, succédant eux-mêmes aux journaux, on est enfin arrivé à l'heure du livre. Mais comme pour la une des journaux, des hebdomadaires et des mensuels, l'heure du livre risque d'être courte, inscrite dans la temporalité des nouveautés, qui n'ont d'intérêt que dans la mesure où elles disparaissent pour céder la place à leurs fossoyeurs suicidaires. Le phénomène est finalement comparable aux ma?tres-mots du moment?: ?la crise des banlieues?. On limite dans le temps - crise - et dans l'espace - des banlieues - des phénomènes voués à dispara?tre, ou au moins à se retirer de la vue du public, comme l'implique l'expression ?sortie de crise?. burberry homme pas cher
L'irruption médiatique a - et aide à imposer - le même emploi du temps. Mais il arrive parfois qu'on se synchronise avec la chronologie fuyante des actualités tout en ouvrant un espace de réflexion qui ne se plie pas à toutes ses exigences. C'est en partie l'intérêt d'un des ouvrages qui figurait parmi les nouveautés au printemps 2006?: La république mise à nu par son immigration. 6 Dans l'ensemble, ce collectif présente une position plus critique que celle de La fracture coloniale. J'entends par là que les auteurs accordent une attention particulière aux cadres conceptuels et discursifs qui gèrent les débats sociaux contemporains, et qu'ils prennent souvent de la distance par rapport au sens commun des journalistes, des sociologues, des politologues et des hommes et des femmes politiques. Le livre invite le lecteur à repenser l'appareillage conceptuel à l'origine des controverses actuelles sur l'immigration, les banlieues, la la?cité, la discrimination, le racisme et l'antisémitisme. En ceci, il est nettement plus riche sur le plan philosophique que La fracture coloniale.