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Aurialie Jublin

Pour une protection sociale des données personnelles - - S.I.Lex - - 0 views

  • Une première contestation est venue du Think Tank Génération libre par le biais d’un rapport défendant la thèse de la « patrimonalisation » des données personnelles. L’idée consiste à créer un droit de propriété privée sur les données personnelles de manière à ce que les individus puissent négocier leur utilisation sur une base contractuelle avec les plateformes, en se faisant éventuellement rémunérer en contrepartie. Ce point de vue sous-entend que c’est le marché qui doit réguler l’utilisation des données et que la vie privée sera plus efficacement protégée par ce biais qu’en la défendant comme un droit fondamental de la personne. A l’opposé de cette vision ultra-libérale, Antonio Casilli et Paola Tubaro ont publié une tribune dans les colonnes du Monde, formulant une critique d’ordre « social » du système actuel. Intitulé Notre vie privée : un concept négociable, ce texte invite lui aussi à un renversement profond de perspective résumé par la phrase suivante : « la défense de nos informations personnelles ne doit pas exclure celle des droits des travailleurs de la donnée ».
  • Le défi qui attend la CNIL est de devenir non pas un gardien de la propriété sur les données, mais un défenseur des droits des travailleurs de la donnée.
  • S’il y a un rapport de production assimilable à du travail, alors il faut s’assurer de l’extension des régimes de protection du travail, y compris à ceux qui, de prime abord, seraient présentés comme de simples usagers ou consommateurs.
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  • Il paraît en effet douteux que la CNIL puisse à elle seule assurer une défense des droits des travailleurs de la donnée, même si son champ d’action était élargi. Non pas que cette autorité soit dépassée, comme certains le laissent entendre, mais parce que la protection des travailleurs passe traditionnellement par des mécanismes juridiques et institutionnels d’une nature bien différente de la régulation assurée aujourd’hui par la CNIL. Historiquement, c’est un système de droits et la protection sociale qui se sont progressivement mis en place pour protéger les individus dans le cadre des relations asymétriques de travail. Il convient de ne pas participer à leur affaiblissement en morcelant les espaces de régulation, mais bien de faire valoir les droits sociaux existants.
  • Nous soutenons donc que si les données sont produites dans le cadre d’activités assimilables à de nouvelles formes de travail, alors ce sont des mécanismes de protection sociale enracinés dans le droit social qu’il convient de déployer pour garantir les droits des personnes.
  • Si la défense du droit à la vie privée dépend aujourd’hui avant tout d’une négociation collective, alors il convient de nous doter collectivement des moyens les plus efficaces possibles pour engager, conduire et peser dans ces négociations, dont les termes restent aujourd’hui dictés par le cadre profondément déséquilibré imposé par les plateformes. Un simple appel à la CNIL sera là encore sans doute insuffisant pour changer en profondeur cette situation. C’est en réinventant la protection des données sous l’angle de la protection sociale qu’il nous paraît possible de faire émerger de nouveaux moyens d’action collective qui sortiraient l’individu de l’isolement dans lequel il reste trop souvent enfermé lorsqu’il s’agit de vie privée, que ce soit face aux plateformes ou à l’État.
  • Car la protection sociale renvoie plus fondamentalement à la question des solidarités et celles-ci ne peuvent être uniquement une affaire d’État. Si négociation collective autour de la vie privée il y a, celle-ci doit être le fait d’une société civile collectivement organisée, sans quoi les individus ne pourront échapper aux rapports structurellement inégalitaires auxquels les soumettent les plateformes, et la négociation en cours ne pourra conduire qu’à la soumission collective.
  • Du point de vue d’une protection sociale entendue comme participant à la construction d’un « régime de travail réellement humain », on peut se demander si la seule option souhaitable ne consiste pas pour le législateur à interdire purement et simplement que l’on rémunère ce type de tâches à la pièce. Aucune « protection sociale » ne pourra jamais venir compenser après coup les dégâts causés par la réduction d’humains au rang de « tâcherons du clic » et l’accepter reviendrait à porter un coup mortel à l’idée que le travail puisse constituer une activité « réellement humaine ».
  • Il s’agit non seulement de s’intéresser aux architectures techniques des plates-formes qui permettent l’extraction et la circulation des données personnelles, mais aussi de créer les conditions pour que le travail de production et d’enrichissement des données (autant de la part des services de microtravail que des usagers de plates-formes généralistes comme Instagram ou Google) reste respectueux des droits des personnes et du droit du travail
  • Se référer à ce riche héritage juridique, institutionnel et social permettrait selon nous de dépasser certaines des insuffisances auxquelles la défense des données personnelles et de la vie privée se heurte encore trop souvent aujourd’hui. C’est notamment en suivant une telle piste qu’il nous paraît possible de réconcilier les dimensions individuelle et collective en matière de protection des données. Le système juridique actuel reste en effet imprégné d’un individualisme méthodologique qui n’envisage la personne que de manière isolée et indépendamment des rapports sociaux dans laquelle la vie privée est toujours étroitement enchâssée.
  • C’est ce fil que nous souhaitons suivre dans cet article qui vise à explorer les différentes dimensions d’une protection des données repensée comme une protection sociale. Comme le souligne la démonstration d’Antonio Casilli et Paola Tubaro, il convient de partir de l’idée qu’il existe un continuum de pratiques entre usagers et travailleurs des plateformes, depuis les utilisateurs de Google ou Facebook jusqu’aux chauffeurs d’Uber. Cette continuité justifie la construction de nouveaux droits et un nouveau volet de la protection sociale, pensé dans une solidarité entre usagers et travailleurs.
  • expliciter en préambule ce que nous percevons des liens qui se sont tissés entre données personnelles, vie privée, usages et travail numériques. Ces liens sont remarquables et inédits à plusieurs égards : leur volume, la précision des informations que produisent nos usages, et leurs méthodes de production
  • Le second phénomène inédit, intrinsèquement lié au premier, c’est le degré d’opacité des mécanismes techniques et humains de production des données qui forgent cette identité. Ce qui nous échappe, c’est donc autant la perception (y compris physique) de nos traces et signaux numériques, que les processus de production (partant de l’exploitation de ces signaux et traces) qui forgent une donnée, et enfin leur exploitation ou utilisation sous la forme d’une expression explicite de nos identités et de nos activités.
  • Cette triple perte de contrôle justifie à notre sens que notre relation avec les plateformes soit considérée sous l’angle d’une présomption de subordination d’usage. Elle permettrait d’acter en droit les déséquilibres de fait qui caractérisent les forces en présence, entre la société civile, les collectifs d’usagers et les travailleurs numériques d’une part, et les plateformes lucratives d’autre part. Notion distincte de la subordination des rapports de production dans l’espace du travail, elle viendrait s’articuler à elle, établissant en droit un continuum de négociation.
  • La subordination juridique et économique est ainsi reconnue et traditionnellement associée au statut d’employé. Mais elle déborde aujourd’hui ce cadre pour s’exercer sur les consommateurs et les usagers, également saisis par une subordination d’usage. Celle-ci intègre une logique lucrative, en ce qu’elle transforme en valeur financière – et donc « financiarise » à proprement parler – des rapports humains jusqu’alors vécus hors des sphères de production de marché orientées vers le profit.
  • Pour faire émerger ce concept de « subordination d’usage », il paraît possible de s’appuyer notamment sur les travaux d’Alain Supiot, qui propose depuis la fin des années 90 des moyens conceptuels pour identifier des formes de travail « au-delà de l’emploi ». Il propose en particulier de saisir les « nouveaux visages de la subordination » à partir du critère de la « dépendance économique » qui viendrait compléter celui de la subordination stricto sensu caractérisant aujourd’hui le contrat de travail. Dans cette vision, le rapport de production est bien conçu comme incluant d’emblée un rapport de subordination face à la figure de l’entreprise capitaliste, intégrant la notion de déséquilibre exorbitant dans les rapports sociaux, que le droit et la négociation doivent participer à « civiliser »
  • La présomption de subordination permettrait donc de faire correspondre au continuum des pratiques d’usage et de travail, une continuité de droits, puisant pour partie leur légitimité dans le caractère exorbitant et disproportionné des rapports induits à la fois par la nature propriétaire et par l’objectif d’exploitation des plateformes lucratives de marché. Pour faire émerger ce concept de « subordination d’usage », il paraît possible de s’appuyer notamment sur les travaux d’Alain Supiot, qui propose depuis la fin des années 90 des moyens conceptuels pour identifier des formes de travail « au-delà de l’emploi ». Il propose en particulier de saisir les « nouveaux visages de la subordination » à partir du critère de la « dépendance économique » qui viendrait compléter celui de la subordination stricto sensu caractérisant aujourd’hui le contrat de travail.
  • Cette continuité entre ces deux régimes d’action est liée au rapport de production (des données) que nous entretenons avec les plateformes, rapport qui vient se fondre dans la problématique de la régulation du travail. Un des enjeux est de faire émerger une identification claire du travail numérique, dans un moment historique d’exploitation des travailleurs les plus fragiles et des pratiques prédatrices de délocalisation de la main d’œuvre.
  • Il y a donc un double enjeu à mieux saisir ces rapports sociaux de production : il s’agit d’identifier ou de faire émerger plus distinctement les régimes de travail présent dans les espaces de production numérique pour mieux les encadrer d’une part, et d’autre part d’envisager les limites que nous voulons leur fixer pour protéger la vie privée et son exploitation.
  • La pénétration du travail numérique dans notre vie privée, au sens où il est saisi par les plateformes pour le transformer en valeur économique, interroge à la fois nos conceptions et nos imaginaires contemporains relatifs à la vie privée et au travail, en particulier le travail domestique.
  • Le second phénomène inédit, intrinsèquement lié au premier, c’est le degré d’opacité des mécanismes techniques et humains de production des données qui forgent cette identité. Ce qui nous échappe, c’est donc autant la perception (y compris physique) de nos traces et signaux numériques, que les processus de production (partant de l’exploitation de ces signaux et traces) qui forgent une donnée, et enfin leur exploitation ou utilisation sous la forme d’une expression explicite de nos identités et de nos activités.
  • Une patrimonialisation des données personnelles, telle qu’elle est proposée par Génération libre, ne constituerait pas un moyen d’ouvrir cette discussion collective, mais conduirait au contraire à y renoncer définitivement. En effet, la réparation de cette violence par la réaffirmation ou la revendication d’une propriété privée négociable sur un marché réduit la question politique du vivre ensemble à l’abandon total de toute volonté collective de débat démocratique – ici remplacé par la négociation sur le marché.
  • Accepter des micro-rémunérations corrélées aux données personnelles, c’est graver dans le marbre que les discussions collectives deviennent des petites négociations individuelles […] Ce micro-revenu est d’ailleurs en parfaite cohérence avec la promotion d’un revenu universel tel le que propose Génération Libre (attention, il y a plein de revenus universels différents) façon néo-libérale : on vous donne le minimum pour ne pas trop vous ennuyer dans ce nouveau monde plein de machines (dont personne n’a discuté au préalable, faute au déterminisme technologique, mais c’est encore un autre sujet). Ce qui nous laisse avec l’amère sensation d’avoir gagné quelque chose, alors que c’est justement le projet des libertariens. L’argumentaire de Génération Libre est subtil puisqu’il explicite un certain nombre de ces problèmes (surveillance de masse, ciblage publicitaire abusif, croisements de données non choisis) tout en prétendant qu’à partir du moment où l’on se ferait payer pour ses données, on deviendrait conscient – et consentant – quant à l’usage qui pourra en être fait…).[…]
  • La défense de la dignité et des libertés des personnes est centrale dans le fait de distinguer espace privé et espace de production. De fait, une part de nos gestes privés et intimes, exprimés dans des espaces numériques qui revêtent l’apparence de la sphère privée, sont accaparés dans un objectif de profit. De plus, les industries travaillent activement à influencer l’environnement et nos comportements numériques pour mieux capter la valeur issue des entrelacements de nos liens sociaux qui forment le « graphe social », reflet numérique de notre vie collective.
  • Il est urgent de revendiquer collectivement une régulation efficace contre ces phénomènes d’exploitation, mais aussi le soutien et l’encouragement au développement d’outils numériques émancipateurs. Car comme le souligne Irénée Régnauld, cette exploitation et cette violence ne sont pas des fatalités technologiques
  • Que reste-t-il de ces aspirations et du sens investi collectivement dans le travail lorsque l’on exerce des « métiers » de tâcherons développés par les industries numériques ? Au-delà des déséquilibres économiques, c’est la dignité des personnes qui est à protéger face au retour des modèles d’exploitation proprement féodaux. De même, il apparaît combien notre conception du travail sous-tend nos conceptions de la société dans son ensemble, et les perspectives de progrès social et de progrès humain partagé qu’il nous revient de discuter collectivement.
  • Compléter l’action de protection de la vie privée en l’articulant avec les enjeux de respect du droit du travail et la protection des travailleurs pourrait permettre d’enrichir le débat en réintroduisant les notions de consentement et d’intentionnalité, mais aussi d’intimité, associés à la notion de vie privée moderne, à réencastrer dans nos comportements au sein des plateformes. Relier l’exploitation des données et de la dimension potentiellement intime qu’elle recouvre, avec la question centrale d’un régime de travail décent des travailleurs professionnels, pourrait permettre de poser plus distinctement l’enjeu de rapports éthiques numériques, entre usagers, consommateurs et travailleurs, tels qu’ils sont discutés au sein des autres espaces de production
  • Or les données personnelles sont bien toujours également des « données sociales », parce que la vie privée elle-même est toujours enchâssée dans un tissu de relations sociales (amicales, familiales, professionnelles, territoriales, citoyennes, etc.). L’interconnexion des données, via les outils numériques, constitue par ailleurs un préalable indispensable à leur valorisation, y compris financière
  • Il y a donc d’emblée une double dimension collective caractéristique de nos données « personnelles », qui s’exprime au sens d’un usage du monde « en lien » dans nos pratiques numériques, de la connexion et de la mise en relation – autant que du point de vue des rapports de production qui sont nécessaires à l’existence et l’exploitation des données. Ces deux répertoires d’actions numériques sont difficiles à distinguer précisément car l’approche centrée sur « l’émission » de données est marquée par une grande continuité des effets, sinon des pratiques individuelles et collectives
  • Le droit des données personnelles reste aujourd’hui largement « aveugle » à cette double dimension collective et pour la chercheuse Antoinette Rouvroy, cette construction individualiste du statut des données est précisément ce qui entraîne aujourd’hui une « inadéquation des régimes de protection »
  • Le défi qui serait le nôtre aujourd’hui, relativement à la protection des données, pourrait donc s’énoncer ainsi: comment tenir compte, de la nature relationnelle, et donc aussi collective, à la fois de la donnée (une donnée n’est jamais que la transcription numérique d’une relation entre un individu son milieu, laquelle n’acquiert d’utilité, dans le contexte d’analyses de type big data, que mise en rapport avec des données « émises » par les comportements d’autres individus), et de ce qui mérite d’être protégé, y compris à travers la protection des données ?
  • Avec les données d’intérêt général, on songeait à donner à l’État une forme de pouvoir de « réquisition » de données détenues par des acteurs privés dans une série de secteurs stratégiques (santé, énergie, environnement, logement, etc.) ou pour faire face à des situations de crise. Ce concept a fait l’objet de nombreuses critiques et s’il a été maintenu dans la version finale du texte, ce n’est qu’au prix d’une profonde transformation, puisqu’il se réduit désormais à une simple obligation d’ouverture des données imposée aux personnes privées délégataires de service public.
  • Des négociations collectives avec des représentants des utilisateurs, formalisées et encadrées par la loi, pourraient intervenir ensuite pour obtenir des conditions plus favorables de la part des plateformes. Ces discussions pourraient se dérouler secteur par secteur, de la même manière que les négociations collectives en droit du travail se font au niveau des branches, permettant aux utilisateurs de s’organiser sur une base concrète. Il y aurait aussi intérêt à ce que ces négociations puissent s’ouvrir au niveau local, par exemple celui des métropoles, car on sait que c’est à cette échelle que des conflits peuvent naître à propos de l’utilisation des données avec des plateformes comme AirBnB, Uber ou Waze et qu’il existe des enjeux importants en termes de récupération des données pour la conduite de politiques publiques infrastructurelles (dans les transports, le logement, l’urbanisme, etc.).
  • Les choses sont différentes avec les plateformes comme Facebook ou Google qui s’appuient sur le « travail gratuit » de simples utilisateurs ne pouvant agir pour bloquer l’outil de production. Ils pourraient certes cesser de recourir à ces services, mais jusqu’à présent, même les plus grands scandales n’ont pas entraîné des exodes significatifs d’internautes hors de l’écosystème des GAFAM…
  • Mais imaginons à présent un « droit à la portabilité collective » qui puisse être actionné par des groupements d’individus agissant au sein d’associations ou de syndicats tels qu’évoqués plus haut, et plus seulement par des individus isolés revendiquant leur droit à la vie privée. Un tel droit collectif pourrait être opposé aux plateformes lorsque ces acteurs parviendraient à apporter la preuve que la récupération des données est nécessaire pour l’exercice de droits et libertés fondamentaux. On changerait alors l’échelle, mais aussi le sens même de la portabilité, car ce serait bien alors des portions entières du graphe qui pourraient être récupérées collectivement de cette manière, en conservant leur valeur « sociale » sans que celle-ci ne soit dissoute par l’atomisation que provoque fatalement la portabilité individuelle.
  • Si l’objectif est de réinventer la protection des données sous la forme d’une « protection sociale » à même de préserver la dignité et les droits fondamentaux des individus, n’importe-t-il pas de nous poser en amont la question de savoir si nous devons nous résigner à ce que toutes ces activités basculent dans des rapports de production, y compris lorsque nous ne l’avons pas choisi, individuellement et collectivement ? Si l’idée d’une « protection sociale des données » a un sens, ne devrait-elle pas précisément résider dans une faculté de déterminer quelle part de nos vies nous voulons voir saisies dans un rapport de production et quelle part nous voulons au contraire en préserver ?
  • Admettre d’emblée que toutes nos activités numériques sont assimilables à du Digital Labor ne revient-il pas à entériner que ce basculement dans des rapports de production est inéluctable et que plus rien de nous permettra d’échapper à cette « financiarisation » forcée de nos vies, y compris dans ce qu’elles ont de plus intime ? Si tel était le cas, la « protection sociale des données » pourrait recevoir la même critique que celle qu’on adresse parfois à la protection sociale tout court : que ces mécanismes, installés dans leur forme actuelle pendant la période fordiste, visent simplement à « compenser » les rapports de domination imposés aux individus dans la sphère du travail et non à remettre en cause le principe même de la soumission qu’ils impliquent. Pour conjurer ce risque, il importe selon nous d’être au contraire capable d’opérer des distinctions claires au sein même du continuum de pratiques décrites comme du Digital Labor, en les repositionnant soigneusement par rapport à l’idée de protection sociale.
  • Si l’idée d’une « protection sociale des données » a un sens, ne devrait-elle pas précisément résider dans une faculté de déterminer quelle part de nos vies nous voulons voir saisies dans un rapport de production et quelle part nous voulons au contraire en préserver ?
  • Face à ces situations de fragilisation brutale des individus, il importe de réactiver les principes de base de la protection sociale, en appelant à ce que les juges ou le législateur fassent preuve de volontarisme en requalifiant ces activités en emplois salariés. C’est de cette manière que le législateur a procédé par exemple avec les intermittents du spectacle dans les années 1990 en instaurant une présomption de salariat, alors même que ces activités s’exercent dans un cadre où la subordination traditionnellement associée à la situation d’emploi n’est pas nécessairement caractérisée. Même s’il y aurait beaucoup à dire sur les lacunes de la protection sociale des intermittents, il n’en reste pas moins que ce rattachement à l’emploi salarié participe à la sécurisation du parcours des individus œuvrant dans ce secteur.
  • En imposant aux individus d’inscrire leur intimité dans un rapport de production, les plateformes provoquent en réalité un effondrement de la distinction entre la sphère publique et la sphère privée, phénomène lourd de conséquences qu’Hannah Arendt a identifié comme un des mécanismes par lesquels le totalitarisme s’empare des sociétés. Le cadre analytique du Digital Labor traduit donc une certaine vérité, car à l’époque moderne c’est bien le fait de faire apparaître une activité dans l’espace public qui la transforme presque mécaniquement en « travail ».
  • Cela implique donc, lorsque nous utilisons des services numériques, de toujours être en mesure de savoir clairement si nous sommes engagés dans un rapport de production et de pouvoir en sortir, si nous le voulons. Sachant que cette possibilité de « sortir » reste en réalité profondément illusoire si n’existent pas des alternatives tangibles dans lesquelles nos activités sociales pourraient s’inscrire sans qu’on les soumette à des dominations à visée économique. C’est la raison pour laquelle une protection sociale des données personnelles passe nécessairement aussi par la construction de Communs numériques, basés sur des logiciels libres.
  • Compte tenu de ce contexte, il s’agit bien de construire une protection sociale des données en même temps que de revendiquer des conditions de travail dignes et réellement humaines pour les personnes impliquées professionnellement dans leur production. Cette double dimension collective dans la production et la gestion des données ouvre sur un vaste enjeu de solidarité, en action, dans la coordination de nos usages « amateurs »/non-professionnels avec ceux des travailleurs des plateformes. Discuter collectivement le fondement d’une éthique dans l’agencement de nos relations numériques nous amène nécessairement à regarder en face les grands équilibres économiques, l’exploitation et les mécanismes de prédation des grandes firmes sur les travailleurs les plus précaires, et souligne tout autant l’urgence de la construction de responsabilités collectives pour y répondre.
  • Il ne faut pourtant pas nous priver de penser des environnements et des pratiques numériques beaucoup plus émancipatrices, en s’appuyant sur ce que le monde du logiciel libre, le mouvement des communs et de l’économie solidaire, proposent conjointement : participer à la construction du progrès social et des capabilités numériques individuelles et collectives, permettant de prendre une part active dans l’organisation de nos pratiques. A cet égard, les activités d’éducation populaire développées par l’association Framasoft sont tout à fait remarquables, en ce qu’elles articulent des solutions logicielles alternatives avec un travail de fond d’éducation populaire – au sens d’une éducation qui prend en compte la dimension profondément politique de la construction et de la circulation des savoirs et des savoir-faire.
  • Dans cette même perspective, qualifier les données d’intérêt général, c’est aussi ne pas laisser s’échapper le caractère profondément politique de leur usage : c’est réaffirmer la dimension sociétale de nos usages individuels et collectifs.
  • Pour contrer cela, nous devons construire une nouvelle infrastructure pour permettre aux personnes de regagner cette souveraineté individuelle. Ces aspects de l’infrastructure qui concernent le monde qui nous entoure doivent appartenir aux biens communs et les aspects qui concernent les gens – qui constituent les organes de notre être cybernétique – doivent être détenus et contrôlés par les individus eux-mêmes.
Aurialie Jublin

Le sens du travail à l'ère numérique | Pierre-Yves Gomez - 0 views

  • Le travail professionnel, lui, est organisé dans les entreprises ou les administrations si on est salarié, ou défini par un contrat commercial si on est indépendant. Il se distingue, d’une part, par la subordination du travailleur au donneur d’ordre, d’autre part, par la rémunération monétaire de l’effort réalisé. Il représente toutefois moins de la moitié de l’ensemble des activités de travail que nous réalisons au quotidien. Le travail professionnel est donc à tort considéré comme « le » travail par excellence, au terme d’une confusion courante entre les notions de travail et d’emplo
  • La question du sens du travail n’est donc pas (seulement) de l’ordre d’une contemplation du résultat. Elle fait aussi écho au contrôle des outils utilisés. Si le travailleur doit se plier à leur rythme, leur cadence ou leurs exigences, le sens du travail est décidé, au final, par ceux qui contrôlent ces outils et les imposent dans les processus de production. Pour éviter une approche idéaliste, il est donc nécessaire de s’interroger sur le degré de maîtrise des techniques par ceux qui les utilisent, qu’il s’agisse des innombrables robots, ordinateurs, téléphones, réseaux techniques ou des machines nécessaires aussi bien pour accomplir un travail domestique, collaboratif que professionnel.
  • L’histoire du travail humain est celle d’une tension constitutive entre l’emploi des outils et leur propriété, entre ceux qui les manipulent et ceux qui en définissent les conditions d’usage, imposant la finalité du travail et réduisant les travailleurs au seul accomplissement des efforts pour produire. La tension s’est accrue au fur et à mesure que la société industrielle s’est enracinée dans un système technique complexe.
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  • Au tournant du XXe siècle, quand l’organisation du travail se veut « scientifique », le travailleur est soumis au rythme et à l’intensité des machines avec lesquelles il est mis en concurrence : « La machine n’agit pas seulement comme un concurrent dont la force supérieure est toujours sur le point de rendre le salarié superflu. […] Elle devient l’arme de guerre la plus irrésistible pour réprimer les grèves, ces révoltes périodiques du travail contre l’autocratie du capital[4]. » Le travailleur subordonné perd la capacité de définir le sens d’une activité inscrite dans les processus complexes de la production mécanisée qui sert à la fois d’étalon de productivité et de menace d’exclusion. Ceux qui contrôlent l’investissement et l’usage des machines peuvent jouer de cette menace.
  • En réaction à l’hyper-rationalisation des organisations, notamment avec la période de financiarisation, mais aussi à l’insécurité croissante de stratégies globalisées et souvent incompréhensibles, ils ont réinvesti les formes du travail « privé » pour reprendre la main sur leurs activités et y trouver une nouvelle opportunité de donner du sens à leurs efforts. Il s’en est suivi un désengagement des entreprises sous forme de « bore out » (prise de conscience que le travail professionnel est ennuyeux), de « brown out » (prise de conscience que ce travail est inutile), voire de « burn out » (travail insoutenable).
  • À l’opposé du scénario précédent, la numérisation autoriserait une décentralisation économique inédite, permettant à la fois de travailler à distance et aussi de produire et de consommer localement – voire d’auto-consommer – la plus grande partie de la production[8]. Ce scénario suppose une reconfiguration de la consommation : échapper à l’industrialisation planétaire des objets, c’est en consommer moins et choisir un mode de vie plus simple, qui pourrait compenser la perte de revenus due au déclin du travail professionnel classique, sans paupérisation des ménages. Au total, le monopole des organisations marchandes sur la définition de la finalité du travail professionnel serait fortement entamé.
  • On voit que le jeu est ouvert entre ces deux scénarios, dont l’un prétend émanciper par une hyperconsommation numérique, l’autre par une réappropriation locale du sens du travail. L’issue dépendra, notamment, de ce que nous ferons des nouvelles technologies.
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    "Hors de l'emploi, le travail est largement invisible. Il est pourtant vecteur de sens, un sens fixé par l'employeur dans le salariat. Mais dans un monde numérisé, qui maîtrisera la finalité du travail ? "
abrugiere

Livres : quand le patronat parle du travail - France Conditions de travail, a... - 1 views

  • En premier lieu, ils accordent tous une place prééminente aux technologies de l'information et à l'internet dans le façonnage du futur monde du travail : « ...le travail " réagit " au choc d'internet -comme l'on parlerait d'une réaction chimique » constatent Enlart et Charbonnier (A quoi ressemblera le travail demain ? p.35). Ce point est connu et amplement commenté, nous ne nous y attarderons pas. En revanche, la prise à bras le corps par tous ces auteurs des effets du processus d'individualisation sur les relations de travail nous paraît plus féconde pour la réflexion. C'est notre deuxième point.
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    Retour sur 8 livres qui ont parlé du travail en 2013 "Une impression frappe d'emblée le lecteur habitué aux publications des années précédentes : l'inversion de la tonalité. Si les années 2009-2012 avaient été riches d'ouvrages cherchant à donner du sens à l'irruption des risques psychosociaux et à la souffrance au travail**, la production 2013 en revient à de meilleurs sentiments. Le travail a fait son retour comme objet de réflexion mais il est acquis que celui-ci a largement muté. Il ne s'agit donc plus de s'étonner ou de déplorer. La tâche est plutôt de comprendre en quoi le salariat est encore une forme adaptée au travail d'aujourd'hui et si ce dernier garde toute sa place dans le projet d'émancipation des individus tel que nous l'évoquions plus haut. La tonalité est donc celle d'une projection dans l'avenir autant que d'une introspection sur le sens même du travail."
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    la différence qu'il existe entre l'individualisme, qui serait une posture psychologique permanente relativement banale, et l'individualisation. Celle-ci relève plus d'un choix et, partant, d'une tendance « au sein de laquelle chaque individu souhaite affirmer son autonomie, sa capacité d'orienter son action sans être contraint et contrôlé » sauvegarder la possibilité de construire encore des collectifs de travail. S'il s'agit bien de « travailler pour soi » -que l'on peut entendre aussi « travailler sur soi » ou « travailler à l'épanouissement de soi »- à aucun moment, en revanche, ces auteurs n'imaginent que l'on puissent travailler seuls. Ces collectifs sont toutefois d'un genre nouveau : épanouissants certes mais transitoires, mouvants, sans cesse recomposés et surtout limités dans le temps. Evidemment, cela heurte notre contrat de travail à durée indéterminée : « Et si la généralisation du CDI n'était qu'une exception, voire une anomalie de l'histoire économique et sociale ? L'apanage d'une société industrielle (...) dans un monde peu concurrentiel ? » interroge Denis Pennel
abrugiere

« Souvent, les salariés estiment passer de 20% à 30% de leur temps à quantifi... - 0 views

  • C’est un mouvement social qui affecte tous les métiers, y compris immatériels et relationnels. Le service public, depuis le passage à la LOLF (loi organique relative aux lois de finances, en 2006) expérimente ce passage au « tout quantitatif ». Chaque mission doit être déclinée en actions suivies avec des indicateurs quantifiés. Dans les hôpitaux, la « tarification à l’acte » imprime, par exemple, une logique comptable et marchande à tous les actes médicaux et de soin. Dans le travail social, arrive une logique de comptage du nombre d’entretiens réalisés, du nombre de problématiques abordées, de cases « cochées »…
  • Pourquoi, dans leur grande majorité, les salariés semblent coopérer à ce management par les chiffres ? Existe-t-il des résistances ? Dans un premier temps la quantification peut être comprise comme une promesse de reconnaissance : « Ils vont enfin se rendre compte du boulot qu’on abat ! », « Il faut savoir tout ce que l’on fait ! », entend-on. C’est une première raison de coopérer. Ensuite, la mise en concurrence sur des moyens crée une forme d’obligations à jouer le jeu, si on ne veut pas tout perdre, tout de suite. Lorsque le classement des individus, des équipes, des services ou même des pays se fait à partir de mesures, et qu’elle alimente une comparaison automatique, chacun a intérêt à produire les meilleurs chiffres possibles, même à contrecœur et à contresens. Pour contester ce management, il faudrait que tous ceux qui sont mis en compétition par ces chiffres arrêtent simultanément de les fournir.
  • Ces chiffres sont centralisés, et servent à fabriquer des tableaux de bord généraux, permettant de comparer des individus, les équipes, les organisations sur des critères quantitatifs
  • ...12 more annotations...
  • Les travailleurs perçoivent très bien l’enjeu de faire remonter les « bons chiffres »
  • chacun va donc consacrer du temps à la fabrication de ces chiffres, à leur arrangement, de sorte qu’ils soient « bons »
  • « pour mesurer la performance, il faut commencer par la dégrader ». Car pour fabriquer un bon « reporting », il faut tordre le réel.
  • incommensurable : la compétence collective, la confiance, les routines discrètes, la qualité de l’écoute, la justesse d’un sourire
  • . Ils sont pourtant décisifs pour la performance, la santé des travailleurs et le sens du travail.
  • La quantification prétend ainsi rendre compte de situations complexes, mouvantes et plurivoques au moyen de chiffres simples, stables et univoques : ils donnent une image partielle du réel. Étonnamment, cette réduction de la réalité, et finalement son amputation, sont réputées « objectiver » la connaissance qu’il est possible d’en avoir
  • Les pratiques dites « d’évaluation » dans le management ne cherchent généralement pas à créer les cadres d’une délibération permettant de savoir « ce que vaut » ce que l’on est en train de produire et comment.
  • Pourtant, travailler, c’est aussi évaluer
  • Elles réalisent plutôt une mesure du travail
  • Or cette évaluation de la valeur du travail fourni, qui demande du temps et de la délibération, est régulièrement découragée par le management
  • ’évaluation qualitative, délibérative et contradictoire perd du terrain face à une quantification bureaucratique réputée indiscutable
  • Nous assistons à un conflit social sourd, entre ceux qui expérimentent des situations professionnelles concrètes et ceux qui la saisissent et pensent la connaître au moyen de chiffres. Les premiers disent être du côté du « réel », tandis que les seconds disent agir au nom du « réalisme économique ».
  •  
    "Des chaînes de production aux salles de classes, des plateformes téléphoniques aux hôpitaux, le management par les chiffres, les « entretiens d'évaluation » et le reporting, ont envahi le monde du travail. Une tendance qui s'appuie sur la quête d'une traduction financière rapide et qui frappe le secteur public comme le secteur privé. Cette évaluation du travail uniquement quantitative demeure « partiale et partielle », explique la chercheuse Marie-Anne Dujarier. Et nuit à l'activité, quand elle ne dégrade pas la santé des salariés. Entretien."
  •  
    la mesure quantitative a progressivement gagné du terrain dans les pratiques managériales, au point de devenir omniprésentes et banalisées. le salariat saisit l'activité humaine comme produit, échangé sur le marché du travail La sélection des travailleurs sur des critères physiques, sociaux et maintenant psychologiques a été progressivement étendue et rationalisée avec la mise en place de tests et d'épreuves visant à mesurer les qualités des hommes au regard des compétences attendues pour les postes.  mesurée, tracée, commentée lors « d'entretiens d'évaluation » et finalement comparée Ces quatre formes de quantification ont ouvert la voie à la comparaison, et finalement à la compétition, qu'il s'agisse des produits, du salaire, de l'accès à l'emploi, ou enfin, de la légitimité des équipes et organisations. « pour mesurer la performance, il faut commencer par la dégrader ». Car pour fabriquer un bon « reporting », il faut tordre le réel Ce qui pose problème, c'est la réduction qu'opère la quantification.  L' incommensurable : la compétence collective, la confiance, les routines discrètes, la qualité de l'écoute, la justesse d'un sourire…. Ils sont pourtant décisifs pour la performance, la santé des travailleurs et le sens du travail.
Christophe Gauthier

Peut-on encore ne pas travailler ? | Anthony Masure - 0 views

  • Le consommateur de la société hyperindustrielle est un consommateur qui se déqualifie à toute vitesse — et qui du même coup se désindividue, comme l’avait montré [Gilbert] Simondon pour le producteur. Il ne sait plus « faire à manger », il ne sait plus compter. Bientôt il ne saura plus conduire, sa voiture conduira toute seule. Les consommateurs sont préformatés dans leurs comportements de consommation, téléguidés, conditionnés, et, comme dit [Gilles] Deleuze, « contrôlés »
  • Ainsi, quand je like, que je commente ou que je publie un message publié sur média social, je renforce sa valeur financière en générant du temps d’activité (qui apparaîtra dans son bilan d’activité), en créant du contenu (qui pourra générer d’autres interactions), et en lui fournissant des informations personnelles (métadonnées : heure et lieu de connexion, etc.).
  • Selon Hannah Arendt, le « domaine public » se caractérise par le fait que chacun peut voir et entendre la place de l’autre, différente de la sienne
  • ...12 more annotations...
  • Sans cette distinction, il ne saurait exister de lieu de rencontre, et donc de débat politique. Aussi, ces activités quotidiennes économisées en jeu (« gamifiées ») pour ne pas paraître laborieuses posent directement un problème politique, tant que les revenus dégagés (soustraits en grande partie à l’impôt) et que les modes de gouvernance (qui prennent la forme de « conditions d’utilisation » formulées pour ne pas être lues) échappent à la délibération collective — et se placent dès lors hors du domaine public qui caractérisait encore les « marchés d’échange » du capitalisme naissant. Evgeny Morozov parle ainsi de « réglementation algorithmique
  • » pour pointer le fait que chacune de nos actions est susceptible d’être enregistrée, quantifiée et corrigée, y compris par des États.
  • Aussi, plutôt que de chercher à sauver l’emploi, qui comme nous l’avons vu, a largement perdu de sa consistance, il faut plutôt œuvrer à redonner du sens au travail — compris non pas comme une souffrance (labeur) ou comme une activité récurrente s’épuisant dans la consommation, mais plutôt, au sens moderne du terme, comme l’idée d’« effectuer un exercice », de « fonctionner » (en parlant d’une machine) ou encore de « pouvoir être façonné » (« se travailler »)
  • Un tel design, inemployable, c’est-à-dire qui ne participe pas d’une instrumentalisation des relations humaines, n’est pourtant pas sans valeur. Les projets réalisés par l’architecte et designer Ettore Sottsass dans les années 1970 sont à ce titre révélateurs d’une démarche interrogeant les fondements de la culture industrielle, et plus globalement « des lois, des habitudes et du vocabulaire de la culture rationaliste
  • Alimentant et tirant profit de la disparition des métiers, voire des professions, des sociétés « de service » fournissent clé en main nourriture, amour, vacances, connaissances, langues, éducation, loisirs
  • peut-on encore ne pas travailler ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord examiner la mutation de la notion de métier en profession à l’époque des Lumières, puis le développement du capitalisme
  • Cette première séparation conceptuelle entre les capacités techniques d’un individu et leur asservissement (voire leur aliénation) au sein de tâches d’exécution recouvre déjà des problématiques contemporaines :
  • est-il certain que toutes les compétences qu’un individu est en capacité d’exercer et de développer s’épuisent dans leurs applications économiques ?
  • C’est précisément cet écart qui sépare le travail de l’emploi
  • mince est la limite entre des emplois salariés, pour lesquels il faut en faire toujours plus, et une myriade de micro-tâches non rémunérées, qui donnent l’impression de travailler jour et nuit
  • Au capitalisme industriel (concentration des moyens de production) se sont ainsi ajoutés le capitalisme financier (ère de la spéculation et domination des institutions financières) puis le capitalisme cognitif
  • le design peut permettre de répondre à la question de départ, à savoir qu’il s’agit moins de chercher à ne pas travailler
  •  
    "Tandis que le travail, en crise, est de plus en plus recherché, mince est la limite entre des emplois salariés, pour lesquels il faut en faire toujours plus, et une myriade de micro-tâches non rémunérées, qui donnent l'impression de travailler jour et nuit. Autrement dit : peut-on encore ne pas travailler ? Afin de traiter ce paradoxe, nous examinerons tout d'abord le passage du métier à des professions employées à faire croître le capital. Ensuite, après avoir vu en quoi l'époque contemporaine pourrait signer une possible « mort de l'emploi », nous analyserons en quoi le développement du « labeur numérique » (digital labor) et des objets supposément « intelligents » (smart) brouille la distinction entre le temps libre et le temps travaillé. Afin de sortir de ces impasses, nous nous demanderons si le design, en tant que travail de « qualités » inutiles, pourrait permettre d'envisager de nouveaux rapports au temps."
Aurialie Jublin

Travail et automatisation, pourquoi faut-il être néguentropique? - 0 views

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     " l'anthropocène (la période pendant laquelle l'influence de l'homme sur le système terrestre est devenue prédominante) est largement sous-tendu par le consumérisme et nous dirige vers un état d'entropie dans lequel les ressources tendent à se faire rare. (...) S'il faudra un jour en payer l'addition, il faut surtout voir de l'avant et inventer des activités néguentropiques c'est-à-dire allant dans un sens soutenable pour la planète, contrant l'entropie. Pour Bernard Stiegler, le critère de la valeur de demain est la néguentropie. Quand il s'agit d'être concret, il expliquera que les individus ont besoin de renouer avec le sens et le savoir. C'est àAmartya Sen, prix Nobel d'économie, qu'il emprunte le concept de « capacitation » qui définit la capacité qu'à un individu à envisager sa liberté en fonction de son contexte social. La capacitation des individus est la meilleure solution pour aller vers une adhésion non contrainte à des objectifs partagés."
Aurialie Jublin

Ces « entreprises partagées » où s'invente une nouvelle forme de travail - Ba... - 2 views

  • « Les CAE ne devraient pourtant pas créer des salariés très pauvres », convient Henri Cachau. Certes, en milieu rural en particulier, il n’est pas rare que les entrepreneurs aient plusieurs activités, y compris à l’extérieur de la CAE. Mais c’est surtout en jouant sur le collectif que les CAE répondent à la précarité de leurs salariés. A travers le partage d’expérience et du savoir-faire de chacun – ateliers de démarchages, de référencement internet ou de marketing sont régulièrement organisés dans toutes les CAE – mais aussi la constitution de groupes de travail autour de projets communs.
  • Comme Fatima Lamyne, beaucoup de cadres en recherche d’autonomie s’adressent chaque année à une CAE. « C’est un profil plutôt courant : des personnes de 40 à 50 ans qui veulent redonner du sens à leur travail et se lancent comme consultants », confirme Anne-Laure Desgris, co-directrice de l’antenne bretonne d’Oxalis, une CAE de 180 entrepreneurs. La plupart des nouveaux entrants dans une CAE – 70% disent les statistiques [1] – pointent à Pôle emploi, après avoir connu une rupture dans leur parcours professionnel. Pour les autres, surtout ces dernières années, il s’agit en partie de jeunes diplômés très compétents qui choisissent l’indépendance parce qu’ils ne peuvent exercer leur métier en tant que salarié.
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    "Nombreux sont ceux qui rêvent de lancer leur propre activité économique et de redonner du sens à leur travail. Beaucoup moins sont prêts à devenir entrepreneurs. En France, 5 000 salariés ont choisi la solution de la Coopérative d'activité et d'emploi (CAE), une « entreprise partagée » où se côtoient télé-secrétaires, menuisiers, designers, et même boulangers. Elle appartient à ses entrepreneurs-salariés, et mutualise services administratifs ou formations. Une alternative à l'auto-entrepreneuriat et ses possibles dérives ? Reportage au sein de ces structures peu connues, laboratoires d'un nouveau rapport au travail, que la future loi du gouvernement sur l'Économie sociale et solidaire prévoit de développer."
Aurialie Jublin

Travail : peut-on résister aux injonctions paradoxales sans péter un boulon ?... - 0 views

  • Option numéro un : développer des mécanismes de défense pour ne pas virer dingue. Enfermer ses doutes dans les profondeurs de son inconscient, ne plus penser par soi-même, rationaliser, se noyer dans le travail, refouler son moi et faire « comme si »…
  • Option numéro deux : résister activement. Pour ne pas se laisser piéger, il faut pouvoir mettre à distance la violence institutionnelle par l'humour ou la dénonciation. Rire entre collègues de sa « médaille en chocolat », de « chiffres hystériques » ou d'« évaluation au doigt mouillé ». Désinvestir psychiquement le travail ou réinvestir des métiers qui font sens. Vénérer la lenteur plutôt que la vitesse, préférer la tranquillité au mouvement, renoncer à vouloir se dépasser…
  • « Créer des lieux d'échange véritable ne peut avoir de sens que si l'initiative part des individus eux-mêmes, estime Danièle Linhart. Ces derniers pourraient déployer leurs compétences et leur expérience pour contribuer à inventer de nouvelles organisations du travail qui ne les rendent pas malades. » En attendant, certains prennent les devants, comme ce postier qui, après avoir assisté aux séminaires de Vincent de Gaulejac, a décidé de monter un groupe informel d'histoires de vie professionnelle à l'heure du déjeuner.
Aurialie Jublin

A quoi ressemblera le travail dans 60 ans? - L'EXPRESS - 0 views

  • Autre formule: le portage salarial, qui concilie l'indépendance du statut de consultant avec la sécurité du salariat. Les groupements d'employeurs ont le vent en poupe: ils permettent de créer des emplois à temps plein à partir de besoins à temps partiel de plusieurs entreprises. "Mais, attention, il s'agit pour l'heure de très petits volumes"
  • les groupements de coopération sanitaire (GCS), via lesquels des établissements de santé privés et publics se regroupent et se prêtent du personnel. 
  • C'est le cas aussi dans l'industrie pharmaceutique, où la recherche et développement implique de lourds investissements. Des partenariats "open" sont accessibles à des communautés de chercheurs. L'entreprise ouvre ainsi le plus largement possible le champ de ses ressources. Et des individus ou des équipes talentueux peuvent se faire remarquer, voire décrocher un contrat si la coopération aboutit. 
  • ...4 more annotations...
  • Pour Philippe Durance, le succès des coopératives auprès des cadres quinquas s'explique par la recherche de sens et d'engagement. "Les gens veulent être indépendants et autonomes, mais pas tout seuls."
  • Demain, les actifs vont vendre, non plus leur diplôme, mais leur réseau. Plus les réseaux seront larges, nombreux et bien entretenus, et plus les gens seront efficaces. "De nombreuses formes de travail vont coexister, estime Sandra Enlart. Micro-entreprises, temps partiels de toutes sortes, contrats sur objectifs, contrats multi-employeurs, contrats multisalariat (plein-temps occupés par plusieurs personnes qui s'entendent entre elles en amont). Et la fluidité entre les différents statuts deviendra incontournable." 
  • Les entreprises auront un noyau dur de compétences et entretiendront des rapports marchands, plus souples, avec d'autres profils de travailleurs. "Chacun va devoir créer son propre emploi", explique, quant à lui, Philippe Achalme, qui plaide pour la pluriactivité, "gage de sécurité". Quant au télétravail, il sera devenu banal à un horizon relativement proche.
  • dans une dizaine d'années, le DRH n'aura plus du tout le même rôle. "Il devra gérer des communautés dans des systèmes ouverts. Dans ce contexte, l'idée du DRH qui contrôle tout avec des systèmes internes sera totalement révolue. D'autre part, il devra être capable non pas d'organiser la rétention des salariés, mais leur employabilité." 
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    "Des formes d'emploi plus souples se multiplient, davantage en phase avec les demandes des entreprises et avec la quête de sens et d'autonomie de chacun."
Aurialie Jublin

Critique de Linchpin (Seth Godin) : un livre indispensable ? - ikon.fr - 1 views

  • Linchpin commence par un chapitre écrit sur un ton quasi-apocalyptique, qui dresse un constat du monde du travail assez radical. Godin fait le procès de la société actuelle qui, héritant de la révolution industrielle, valorise le conformisme, l’obéissance à l’extrême et l’oubli de soi. Autrement dit, la promesse d’un bon salaire et d’une sécurité de l’emploi en l’échange de notre consentement à devenir des rouages bien huilés dans la machine du travail. Le propos de Linchpin est d’encourager le lecteur à devenir le pivot, et non le rouage, car à l’inverse du pivot qui est indispensable au bon fonctionnement de la machine toute entière, le rouage est facilement remplaçable s’il est défaillant.
  • Un “linchpin” (une personne indispensable), nous dit Godin, est une personne capable de créer, de trouver des solutions nouvelles, d’établir des connexions fructueuses entre les individus. Plus que tout, c’est une personne qui fait son travail comme un artiste travaillerait à son oeuvre : elle y met de sa personne toute entière et sait qu’elle n’a pas le droit d’avoir peur de se mouiller.
  • un linchpin est un artiste, en ce sens qu’il fait ce qui le passionne par générosité, parce qu’il est conduit par la volonté de changer l’immobilisme ambiant. Adam Smith disait dans La Richesse des Nations que chaque individu, en cherchant son intérêt personnel, concourrait sans le savoir à servir l’intérêt général (théorie de la main invisible). Pour Godin, c’est l’inverse : le linchpin cherche d’avantage à servir l’intérêt général (celui de ses clients, de son entreprise ou même du monde entier), ce qui indirectement finit par servir son intérêt personnel (par de belles promotions).
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    Linchpin, littéralement "pivot" en français, est un livre qui diffère des précédents travaux de Godin par le fait qu'il s'adresse directement aux individus et pas aux entreprises. Le sous-titre du livre, que je traduirais grossièrement par "Etes-vous indispensable ? Comment donner à sa carrière un avenir remarquable ?" donne tout de suite le ton : Linchpin a des allures de livres de coaching. Pourtant, autant le dire tout de suite, Linchpin est un faux livre de coaching. Au contraire, dans ce livre plus personnel que les autres, Godin cherche surtout à ouvrir les yeux du lecteur sur l'opportunité (l'obligation ?) de changer son rapport au travail, et à mieux appréhender les peurs qui paralysent tout processus de changement personnel. 
Aurialie Jublin

Il ne faudrait jamais travailler gratuitement. Et Joker serait d'accord | Slate.fr - 1 views

  • Finalement, il n'y aurait qu'une seule raison militant pour le travail gratuit: lutter contre la corruption. Cela peut «pousser à la corruption si on est dans un état d’esprit où on ne travaille que pour l’argent», avance Tyler Cowen, professeur d’économie à la George Mason University. Charlie Hoehn va dans le même sens. A force de toujours attendre une contrepartie financière, on risque «d’abaisser ses standards et d’accepter de piètres boulots».
  •  
    "En acceptant de travailler gratuitement «on met en péril non seulement le futur de ses aînés, mais surtout son propre avenir à long-terme», argumente Barney Hoskyns, critique de musique et cofondateur de Rock's Backpages. Selon lui, il sera impossible de faire payer quoi que ce soit si on a déjà démontré que ça n'avait aucune valeur."
Aurialie Jublin

Note de lecture de "Travail au singulier" de Patricia Vandramin- Cairn.info - 2 views

  • En sorte que le nomadisme coopératif ainsi enrichi va désigner « cette volonté et ce besoin constants de s’associer aux autres, à la fois pour réaliser l’activité professionnelle, mais aussi pour porter un projet personnel » (p. 11). Pour montrer qu’une telle façon d’envisager son rapport aux autres et au travail devient un trait majeur des sociétés occidentales contemporaines, l’auteur va chercher à identifier les formes de solidarité dominantes dans le secteur des TIC, secteur qu’elle considère comme précurseur des entreprises de demain.
  • Enfin, l’auteur précise que toute cette réflexion autour d’un nouveau type de lien social au travail (et plus généralement dans la société) se veut une aide au service des organisations syndicales, apparemment incapables de prendre l’exacte mesure des transformations à l’œuvre chez les salariés et notamment, les appartenances multiples, vécues comme librement consenties et permettant de préserver son quant-à-soi. En ce sens, le nomadisme coopératif, en rappelant que les individus ont dorénavant un sens du collectif et de l’engagement différent, constitue une aide précieuse pour réorienter l’activité syndicale : les « nouveaux salariés » aspirent autant qu’autrefois à la solidarité, mais ils l’envisagent sur le modèle du projet (partager des objectifs limités à court terme), dans lequel ils sont prêts à s’engager en sujets – sans délégation –, avec des groupes provisoires composés de salariés appartenant à des métiers et des entreprises divers (réseaux).
  • De façon complémentaire, on pourrait chercher à apprécier les proximités avec l’émergence du compagnonnage, au début du XIXe siècle en France.
  • ...1 more annotation...
  • Comme le rappellent G. Noiriel et A. Dewerpe[3] [3] NOIRIEL, 1986 ; DEWERPE, 1989. ...suite, le compagnonnage s’est développé surtout dans les métiers artisanaux urbains ; ses membres doivent faire le tour de France pour parfaire leur formation ; ils ont à lutter contre les tendances délétères de l’individualisme, valeur prônée par la société postrévolutionnaire ; les associations qui se créent sur cette base sont ouvertes aux ouvriers de différentes professions. Ajoutons que le compagnonnage a donné naissance à des sociétés de secours mutuel cherchant, notamment, à donner des ressources aux ouvriers pour résister aux baisses de salaire.
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    Développe le concept du "nomade coopératif"/"nomadisme coopératif"
Aurialie Jublin

Rémunérer les amateurs pour valoriser les externalités positives | :: S.I.Lex :: - 1 views

  • Bernard Stiegler mélange à mon sens deux choses différentes dans ses propos. Des travailleurs contributeurs participants à l’activité d’une entreprise et des individus contributeurs créant en ligne des contenus assimilables à des oeuvres de l’esprit au sens de la propriété intellectuelle.
  • Le poids de ces « User Generated Content » dans la valeur globale d’Internet est énorme, mais il est globalement rejeté dans l’ombre dans la mesure où ils sont essentiellement produit pas des amateurs, alors que les schémas mentaux traditionnels n’accordent de valeur aux contenus culturels que s’ils sont produits par des professionnels.
  • dans une économie de l’abondance, le fait de ne pas reconnaître de valeur aux contenus produits par les amateurs conduit à ce que cette valeur soit captée par des plateformes de type YouTube, Facebook ou autre, qui se les « approprient » par le biais de leurs conditions générales d’utilisation (CGU).
  • ...2 more annotations...
  • Bluetouff sur son blog va encore plus loin et estime que si Google paye la presse française, alors la presse devrait également payer les internautes, car eux aussi donnent de la valeur aux articles en les partageant !
  • Mais le rapport Colin & Collin repose sur une philosophie qui ne me paraît pas si éloignée de celle qui est à l’oeuvre dans la contribution créative, à savoir la nécessité de reconnaître la valeur de la contribution des myriades d’amateurs dans le système de l’économie numérique et celle de peser pour éviter une trop grande centralisation des échanges sur des plateformes qui finissent par capter l’essentiel de la valeur produite.
  •  
    rémunérer les amateurs : on rentre dans le vif du sujet, dans la continuité des propos de Stiegler 
  •  
    Reflexions sur la rémunération des amateurs-contributeurs, suite à l'interview de B. Stiegler dans Rue89.com sur le travail contributif. Cette rémunération pourrait passer par des systèmes de financement mutualisés qui pourraient prendre trois formes : - La mutualisation coopérative volontaire (système de crowdfunding type Ulule) - La mutualisation organisée par la loi (il s'agit là de la contribution créative, qui consiste à prélever un surcoût sur les abonnements internet des foyers connectés pour rémunérer les contenus en fonction de leur taux de partage en ligne.) - Le revenu de base (ou revenue de vie, revenu d'existence, etc)
anonymous

"J'appelle un ami..." La mobilisation du réseau chez les entrepreneurs | Muti... - 0 views

  • marche la plus difficile est celle qui nous fait passer de 0 à 1 »
  • Aujourd’hui, l’explosion des plateformes de mises en  relation (professionnelles -Linkedin- ou non -Facebook-) a changé la donne pour ce qui est de faire appel à son réseau afin d’obtenir une ressource, et ce quelle que soit sa nature;
  • si la mobilisation du réseau a évolué dans sa forme, qu’en est-il du choix même de la mobilisation du réseau?
  • ...29 more annotations...
  • A quel moment et pourquoi
  • dans la visée d’obtenir une ressource qui, dans l’immédiat, lui fait défaut?
  • phénomène de mobilisation des réseaux et des energies
  • l’entreprise est une réponse à des besoins économiques mais est également « construite par des individus dont l’action est à la fois facilitée et limitée par la structure et les ressources disponibles des réseaux sociaux où ils s’inscrivent ». Le cadre social de l’entreprise facilite l’accès aux ressources car il réunit un ensemble de connaissances et de compétences complémentaires. Mais il peut s’avérer limitant si la rigidité des structures et le manque de communication avec l’exterieur freinent l’entreprise dans son accès aux ressources manquantes.
  • lorsqu’on se lance dans la création d’entreprise, tout est à construire ou à trouver : on ne dispose pas encore de toutes les ressources nécessaires à la réalisation du projet
  • son joker : son réseau et ses amis.
  • ’importance de la mobilisation des relations sociales dans le processus de création d’entreprise
  • pour accéder à des ressources par rapport à l’usage d’autres voies d’accès à ces ressources que sont les dispositifs de médiation comme par exemple l’appel contractuel à un bureau d’architectes pour le design du lieu de travail.
  • Le mode d’accès par les dispositifs de médiation s’oppose à la mobilisation du réseau social dans le sens où il s’agit d’accéder à des ressources sans disposer de relation préalable
  • possible de faire directement appel à un professionnel dont le métier est précisément de jouer les intermédiaires
  • recrutement, la cooptation est pratiquée très largement
  • « au fil du processus de création, les médias et les organismes privés interviennent de plus en plus, alors que la présence des organismes publics et des médiateurs humains diminue avec la période initiale ».
  • place prépondérante des relations sociales pour des entreprises ayant moins de trois ans d’existence
  • « réseau social» auquel fait appel un entrepreneur
  • moins que le réseau social privé, c’est le réseau professionnel qui joue à plus de 80%, amis de travail ou  connaissances ponctuelles
  • éseau professionnel n’est pas uniquement issu du milieu du travail, mais s’est également formé durant les études ou par le jeu de la sociabilité
  • l n’existe pas de corrélation entre l’efficacité et la pérennité du réseau mobilisé : autrement dit, les « liens forts » (amis, anciens collègues) n’apparaissent pas plus efficaces que les « liens faibles » (recommandations).
  • en relation les types de ressources et leur accès
  • «si tous les types de ressources sont susceptibles de mettre en jeu des relations sociales, celles-ci sont particulièrement sollicitées pour le montage de partenariats, le recrutement des employés ou le choix des fournisseurs, et relativement peu pour les informations ou idées permettant de monter le projet, et le financement ».
  • la mobilisation du réseau social reste prépondérante dans le processus de création d’entreprise, celle-ci est toujours en interaction (que ce soit par complémentarité ou concurrence) avec les autres formes d’accès aux ressources
  • question qui se pose pour l’entrepreneur est alors de savoir où placer le curseur; autrement dit quand s’avère-t-il plus sage, ou plus optimal, de faire appel à un dispositif de médiation?
  • C’est généralement la répartition de ressources et la confiance dans les autres acteurs qui dictera sa conduite.
  • Il existe également des moyens « matériels » qui permettent aux entrepreneurs d’accéder à un certain nombre de ressources. On pense notamment aux médias (presse, web),
  • elativiser au cas par cas
  • De manière un peu caricaturale, on pourrait retenir un code de conduite : si c’est une histoire de qualité : conseils, partenaires, employés, faites confiance à vos amis, si c’est une histoire de quantité (fonds, locaux…) demandez à ceux qui en ont !
  • quelle place reste-il aux réseaux sociaux générateurs de liens “faibles” , dont l’éloignement peut faire douter de la capacité de mobilisation réelle du réseau.
  • les liens forts sont les seuls à permettre d’engager concrètement des collaborations et une aide importante nécessitant un niveau de confiance élevé
  • limite d’Internet, les liens faibles qu’il génère favorisent l’accès à l’information mais la collaboration réelle nécessite toujours une confiance et un sentiment d’engagement mutuel
  • l’accès aux connaissances et aux compétences utiles, ce n’est pas seulement savoir à qui s’adresser, c’est c’est aussi savoir s’insérer dans un environnement riche en sérendipité … 
  •  
    "Aujourd'hui, l'explosion des plateformes de mises en  relation (professionnelles -Linkedin- ou non -Facebook-) a changé la donne pour ce qui est de faire appel à son réseau afin d'obtenir une ressource, et ce quelle que soit sa nature; conseils techniques, juridiques, fonds, locaux… Ce phénomène a clairement bouleversé les manières d'envisager l'entrepreneuriat : en plus de faciliter les démarches, il ouvre un champ des possibles infiniment plus large qu'il y a trente ans pour une même action entrepreneuriale." "De manière un peu caricaturale, on pourrait retenir un code de conduite : si c'est une histoire de qualité : conseils, partenaires, employés, faites confiance à vos amis, si c'est une histoire de quantité (fonds, locaux…) demandez à ceux qui en ont !"
Aurialie Jublin

Livre: Homo economicus, prophète (égaré) des temps nouveaux - Daniel Cohen - 0 views

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    La société devient de plus en plus compétitive. Un monde néo-darwinien où les plus faibles sont éliminés et soumis au mépris des vainqueurs est en train de s'imposer. Dans les entreprises comme dans les couples, les indicateurs de bien-être reculent. Car la compétition sans la coopération ne fonctionne pas. Pour l'économiste Daniel Cohen, rien n'est inéluctable dans ces évolutions. Mais à l'heure où des milliards d'humains se pressent aux portes d'un modèle occidental défaillant, il y a urgence à repenser le rapport entre la quête du bonheur individuel et la marche des sociétés. Prolongeant les réflexions de son précédent livre, La Prospérité du Vice, l'auteur nous entraîne de la Rome antique au Pékin d'aujourd'hui en passant par l'Amérique, dressant une vaste carte des plaisirs et des peines du monde contemporain. Un essai aussi provocateur qu'intelligent.
  •  
    Notes suite à son intervention sur France Inter le 4 sept http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=444457 : Retrouver le gout du bonheur dans un modèle concurrentiel Homo œconomicus : personnage de fiction, devenu le modèle néo-classique en économie, et même un prophète Ex : directeur d'un centre de don de sang décide de donner une prime aux donneurs pour augmenter le nombre de dons, or c'est l'inverse qui se passe -> la prime financière a détruit la prime morale / les économistes oublient le souci moral L'homme moral quitte la salle quand l' Homo œconomicus y rentre Paradoxe : L'accumulation de richesse extraordinaire n'a pas haussé le niveau de bien être des sociétés depuis les années 50. Marchandisation, capitalisme financier, course au profit et à l'enrichissement incitation financière même au sein de l'entreprise, la valeur travail se délite -> appauvrissement de la société Homo-sapiens grande capacité d'adaptation mais incapable d'anticiper sur ses affects Travail - empreinte dans la matière (Lévis-strauss) Equilibre dans les années 50/60 entre coopération et compétition Syndicats - force de coopération Individu par défaut (Robert Castel) 3 forces : - Capitalisme financier (faire des résultats, contrainte sur les salariés) - Mondialisation triste - mise en concurrence, hausse de la compétition - Société de l'information/Avènement du numérique participe au délitement de la société, car c'est levier de mise en concurrence, qui pousse à se comparer aux autres ; pousse à la compétition plutôt qu'à la coopération (même si ya des communautés virtuelles) Putnam Société post-matérialiste - dernière forme de liberté, sortir de la nécessite, des besoins, redonner du sens à la coopération / réfléchir au mieux plutôt qu'au plus
Aurialie Jublin

Slashers et autres mutants sociaux | Le Cercle Les Echos - 1 views

  • cela maintient la personne en activité donc dans une ou plusieurs compétences, critères essentiels en situation de chômage ou de transition. Le slasheur est déjà alerte et agile dans son esprit et ses engagements et activités, il sera d'autant plus flexible pour de nouvelles opportunités professionnelles.
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    "Avoir plusieurs métiers en parallèle : conséquence de la crise, spécificité d'une génération, phénomène de société, typique de notre société en mutation?" Slasher = une particularité contemporaine multicausale : nécessité éco, quête de sens (explorer plusieurs vies), curiosité, accumulation de compétences (augmenter son employabilité)
Aurialie Jublin

À la rencontre des « raters », petites mains des « big data » - 0 views

  • Il y a aussi le « Google Now », ça c’est ce qu’ils appellent les « device actions ». Attention, là on rentre dans le genre de truc qui fait flipper les gens quand je leur dis. C’est quand tu notes la pertinence d’une action que le téléphone a faite quand une personne lui a demandé, à son téléphone, de faire quelque chose. Typiquement : « Envoie un message à Sarah, dis-lui que j’arrive dans 15 minutes. »
  • Quand ils ont fait leur moteur de recherche, ils se sont pas dit : « On va faire un annuaire de sites rempli à la main. » Avant ça existait, les annuaires de sites avec des gens qui remplissaient les rubriques, qui notaient les pages, etc. C’était avant le PageRank, qui fait ça automatiquement. Avec l’algorithme, c’est du passage à la chaîne. Moi, je suis le dernier ouvrier de la chaîne, qui est encore là parce qu’il y a encore un dernier truc qu’on ne sait pas faire faire à une machine.
  • Cette matière première issue de l’activité humaine est souvent considérée comme du « travail », au sens où elle participe de la création de valeur pour les entreprises du numérique, n’est pas le propos qui nous intéresse ici. Il est plutôt de souligner que même les univers les plus algorithmés sont consommateurs de main d’œuvre. Irréductible travail humain ?
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    "Mon taf, il existe parce que, aujourd'hui, on n'est pas capables de faire des machines aptes à comprendre le contexte des choses, d'aller plus loin que les instructions qui leur ont été données, et donc on est obligés de faire appel à de l'intelligence humaine pour faire le boulot que je fais. Si tu me demandes ce que c'est mon boulot et ce que j'en pense, je dirais que c'est une des étapes nécessaires dans le chemin vers l'intelligence artificielle."
Aurialie Jublin

Comment faire coopérer les tribus ? : Millenaire 3, Société - 0 views

  • Si l’on en donne une définition générale, coopérer consiste à travailler avec d’autres pour faire ce que l’on ne peut pas faire seul. Mais la forme particulière de coopération qui m’intéresse, c’est la coopération complexe qui consiste à communiquer avec des personnes que l’on ne comprend pas, des étrangers, voire des personnes que l’on n’aime pas. Malheureusement je constate que ces pratiques de coopération dans la différence sont en déclin dans de nombreux pays. En France, par exemple, seuls un quart des individus pensent spontanément que l’on peut faire confiance à autrui.
  • si vous avez pratiqué un sport, vous savez bien que vous devez coopérer avec votre équipe pour espérer vaincre l’équipe adverse. Mais, vous remarquerez aussi que dans le sport, il faut même coopérer avec son adversaire ! En effet, pour que le jeu et la compétition fonctionne, il est nécessaire de s’accorder sur les règles et sur ce que tricher veut dire. C’est entre cinq et huit ans que les enfants comprennent cela et apprennent à fonctionner en articulant coopération et compétition. De même, en tant qu’adultes, trouver le bon équilibre entre coopération et autonomie, entre coopération et compétition, fait partie du quotidien de notre vie. Pour que nous puissions vivre bien ensemble, notre société a besoin de cet état d’esprit, issu du jeu ou du sport, pour éviter de que notre monde devienne une caricature hobbesienne de société où la lutte entre les individus prime sur toute autre forme de relation.
  • La solidarité, pour moi, n’est pas une bonne option pour faciliter les relations entre des communautés très différentes. Je ne crois pas dans la valeur de solidarité car elle a une connotation trop idéologique. En outre, elle nous conduit à lisser les différences entre les personnes plutôt que valoriser leur diversité. La solidarité conduit à sacrifier la richesse qu’apporte la complexité. Il faut mobiliser d’autres moyens pour permettre le vivre ensemble, pour que les gens communiquent entre eux malgré leurs différences, ou en valorisant leurs différences. C’est tout le sens des compétences de coopération dont je parle dans mon livre. Cette forme d’interaction est la plus créative et la moins oppressive, elle laisse davantage de place à l’expression des singularités des individus
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  • Vous décrivez pourtant le déclin des compétences sociales de coopération. Peut-on les réparer ou les remobiliser ?Plutôt que de tenter de trouver les causes de ce phénomène pour y apporter des solutions globales, je propose d’observer la diplomatie du quotidien que déploient les gens dans leurs familles, dans leur vie professionnelle ou dans la rue. On y trouve des rituels et des pratiques de civilité qui ont traversé les âges et qui permettent à chacun de bien gérer ses relations avec l’autre, surtout quand il est vraiment différent de soi. Ces compétences mobilisées sont encore présentes et nous devons trouver le moyen de les réparer, de les reconfigurer pour pouvoir les mobiliser à nouveau dans la société.
  • La première compétence que l’on observe est une forme d’écoute dialogique qui ne permet pas forcément d’aboutir à un consensus mais qui fait que l’on apprend beaucoup sur soi-même et sur l’autre. A l’inverse, lorsque vous échangez avec quelqu’un dans une logique dialectique, c’est pour aboutir à une conclusion et à une synthèse, après avoir écouté s’énoncer la thèse et l’antithèse. Vous écoutez en cherchant à reformuler ce que l’autre vous dit pour faire converger vos idées. Alors que si vous pratiquez l’écoute dialogique, vous vous intéressez à la personne qui vous parle, à ses intentions, à ce qu’elle veut dire à mots couverts. Ce type d’échange est ouvert et il n’y a pas de moment où l’implicite, le caché, est rendu explicite et clarifié. Il n’y a pas de conclusion. C’est la même différence que l’on trouve entre un orchestre qui cherche à s’accorder en répétition sur la manière d’interpréter un morceau, et un groupe de jazz qui improvise en s’écoutant. Pour moi, l’écoute dialogique est bien une des bases de la diplomatie quotidienne et de l’art de la coopération, qui nous amène à valoriser le processus plutôt que le résultat, à rechercher ensemble des questions pertinentes autour desquelles dialoguer plutôt que de vouloir aboutir à des solutions consensuelles.
  • La deuxième compétence clé consiste à savoir utiliser un mode d’expression subjonctif. C’est le contraire d’une expression déclarative qui vise au maximum de clarté et qui est très souvent employée dans les débats pour persuader son auditoire. Le problème c’est que cela ne laisse pas beaucoup de place à la discussion et à la subtilité.
  • La troisième compétence à laquelle j’attache de l’importance consiste à gérer ses rapports aux autres avec empathie plutôt que sympathie. Bien sûr, ces deux modes de relation impliquent une reconnaissance de l’autre, nécessaire pour créer du lien. Dans certains cas, la sympathie fonctionne, vous aidant à surmonter les différences pour aider une personne en difficulté. Lorsqu’un inconnu se fait renverser par une voiture, vous courrez lui porter secours, par sympathie, parce que vous vous mettez à sa place et ressentez sa souffrance. Vous vous identifiez à lui. Mais dans d’autres cas, la sympathie vous conduit dans une mauvaise voie. Vous pensez bien agir mais vous vous mettez en position de supériorité par rapport à l’autre et, en fait, c’est vous qui avez le contrôle, voire de l’emprise sur lui dans une relation émotionnellement chaude et intense.
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    "<< Nous devons développer des institutions qui permettent aux différences d'entrer en dialogue, des institutions qui accueillent la diversité? >>."
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