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Pour une protection sociale des données personnelles - - S.I.Lex - - 0 views

  • Une première contestation est venue du Think Tank Génération libre par le biais d’un rapport défendant la thèse de la « patrimonalisation » des données personnelles. L’idée consiste à créer un droit de propriété privée sur les données personnelles de manière à ce que les individus puissent négocier leur utilisation sur une base contractuelle avec les plateformes, en se faisant éventuellement rémunérer en contrepartie. Ce point de vue sous-entend que c’est le marché qui doit réguler l’utilisation des données et que la vie privée sera plus efficacement protégée par ce biais qu’en la défendant comme un droit fondamental de la personne. A l’opposé de cette vision ultra-libérale, Antonio Casilli et Paola Tubaro ont publié une tribune dans les colonnes du Monde, formulant une critique d’ordre « social » du système actuel. Intitulé Notre vie privée : un concept négociable, ce texte invite lui aussi à un renversement profond de perspective résumé par la phrase suivante : « la défense de nos informations personnelles ne doit pas exclure celle des droits des travailleurs de la donnée ».
  • Le défi qui attend la CNIL est de devenir non pas un gardien de la propriété sur les données, mais un défenseur des droits des travailleurs de la donnée.
  • S’il y a un rapport de production assimilable à du travail, alors il faut s’assurer de l’extension des régimes de protection du travail, y compris à ceux qui, de prime abord, seraient présentés comme de simples usagers ou consommateurs.
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  • Il paraît en effet douteux que la CNIL puisse à elle seule assurer une défense des droits des travailleurs de la donnée, même si son champ d’action était élargi. Non pas que cette autorité soit dépassée, comme certains le laissent entendre, mais parce que la protection des travailleurs passe traditionnellement par des mécanismes juridiques et institutionnels d’une nature bien différente de la régulation assurée aujourd’hui par la CNIL. Historiquement, c’est un système de droits et la protection sociale qui se sont progressivement mis en place pour protéger les individus dans le cadre des relations asymétriques de travail. Il convient de ne pas participer à leur affaiblissement en morcelant les espaces de régulation, mais bien de faire valoir les droits sociaux existants.
  • Nous soutenons donc que si les données sont produites dans le cadre d’activités assimilables à de nouvelles formes de travail, alors ce sont des mécanismes de protection sociale enracinés dans le droit social qu’il convient de déployer pour garantir les droits des personnes.
  • Si la défense du droit à la vie privée dépend aujourd’hui avant tout d’une négociation collective, alors il convient de nous doter collectivement des moyens les plus efficaces possibles pour engager, conduire et peser dans ces négociations, dont les termes restent aujourd’hui dictés par le cadre profondément déséquilibré imposé par les plateformes. Un simple appel à la CNIL sera là encore sans doute insuffisant pour changer en profondeur cette situation. C’est en réinventant la protection des données sous l’angle de la protection sociale qu’il nous paraît possible de faire émerger de nouveaux moyens d’action collective qui sortiraient l’individu de l’isolement dans lequel il reste trop souvent enfermé lorsqu’il s’agit de vie privée, que ce soit face aux plateformes ou à l’État.
  • Car la protection sociale renvoie plus fondamentalement à la question des solidarités et celles-ci ne peuvent être uniquement une affaire d’État. Si négociation collective autour de la vie privée il y a, celle-ci doit être le fait d’une société civile collectivement organisée, sans quoi les individus ne pourront échapper aux rapports structurellement inégalitaires auxquels les soumettent les plateformes, et la négociation en cours ne pourra conduire qu’à la soumission collective.
  • Du point de vue d’une protection sociale entendue comme participant à la construction d’un « régime de travail réellement humain », on peut se demander si la seule option souhaitable ne consiste pas pour le législateur à interdire purement et simplement que l’on rémunère ce type de tâches à la pièce. Aucune « protection sociale » ne pourra jamais venir compenser après coup les dégâts causés par la réduction d’humains au rang de « tâcherons du clic » et l’accepter reviendrait à porter un coup mortel à l’idée que le travail puisse constituer une activité « réellement humaine ».
  • Il s’agit non seulement de s’intéresser aux architectures techniques des plates-formes qui permettent l’extraction et la circulation des données personnelles, mais aussi de créer les conditions pour que le travail de production et d’enrichissement des données (autant de la part des services de microtravail que des usagers de plates-formes généralistes comme Instagram ou Google) reste respectueux des droits des personnes et du droit du travail
  • Se référer à ce riche héritage juridique, institutionnel et social permettrait selon nous de dépasser certaines des insuffisances auxquelles la défense des données personnelles et de la vie privée se heurte encore trop souvent aujourd’hui. C’est notamment en suivant une telle piste qu’il nous paraît possible de réconcilier les dimensions individuelle et collective en matière de protection des données. Le système juridique actuel reste en effet imprégné d’un individualisme méthodologique qui n’envisage la personne que de manière isolée et indépendamment des rapports sociaux dans laquelle la vie privée est toujours étroitement enchâssée.
  • C’est ce fil que nous souhaitons suivre dans cet article qui vise à explorer les différentes dimensions d’une protection des données repensée comme une protection sociale. Comme le souligne la démonstration d’Antonio Casilli et Paola Tubaro, il convient de partir de l’idée qu’il existe un continuum de pratiques entre usagers et travailleurs des plateformes, depuis les utilisateurs de Google ou Facebook jusqu’aux chauffeurs d’Uber. Cette continuité justifie la construction de nouveaux droits et un nouveau volet de la protection sociale, pensé dans une solidarité entre usagers et travailleurs.
  • expliciter en préambule ce que nous percevons des liens qui se sont tissés entre données personnelles, vie privée, usages et travail numériques. Ces liens sont remarquables et inédits à plusieurs égards : leur volume, la précision des informations que produisent nos usages, et leurs méthodes de production
  • Le second phénomène inédit, intrinsèquement lié au premier, c’est le degré d’opacité des mécanismes techniques et humains de production des données qui forgent cette identité. Ce qui nous échappe, c’est donc autant la perception (y compris physique) de nos traces et signaux numériques, que les processus de production (partant de l’exploitation de ces signaux et traces) qui forgent une donnée, et enfin leur exploitation ou utilisation sous la forme d’une expression explicite de nos identités et de nos activités.
  • Cette triple perte de contrôle justifie à notre sens que notre relation avec les plateformes soit considérée sous l’angle d’une présomption de subordination d’usage. Elle permettrait d’acter en droit les déséquilibres de fait qui caractérisent les forces en présence, entre la société civile, les collectifs d’usagers et les travailleurs numériques d’une part, et les plateformes lucratives d’autre part. Notion distincte de la subordination des rapports de production dans l’espace du travail, elle viendrait s’articuler à elle, établissant en droit un continuum de négociation.
  • La subordination juridique et économique est ainsi reconnue et traditionnellement associée au statut d’employé. Mais elle déborde aujourd’hui ce cadre pour s’exercer sur les consommateurs et les usagers, également saisis par une subordination d’usage. Celle-ci intègre une logique lucrative, en ce qu’elle transforme en valeur financière – et donc « financiarise » à proprement parler – des rapports humains jusqu’alors vécus hors des sphères de production de marché orientées vers le profit.
  • Pour faire émerger ce concept de « subordination d’usage », il paraît possible de s’appuyer notamment sur les travaux d’Alain Supiot, qui propose depuis la fin des années 90 des moyens conceptuels pour identifier des formes de travail « au-delà de l’emploi ». Il propose en particulier de saisir les « nouveaux visages de la subordination » à partir du critère de la « dépendance économique » qui viendrait compléter celui de la subordination stricto sensu caractérisant aujourd’hui le contrat de travail. Dans cette vision, le rapport de production est bien conçu comme incluant d’emblée un rapport de subordination face à la figure de l’entreprise capitaliste, intégrant la notion de déséquilibre exorbitant dans les rapports sociaux, que le droit et la négociation doivent participer à « civiliser »
  • La présomption de subordination permettrait donc de faire correspondre au continuum des pratiques d’usage et de travail, une continuité de droits, puisant pour partie leur légitimité dans le caractère exorbitant et disproportionné des rapports induits à la fois par la nature propriétaire et par l’objectif d’exploitation des plateformes lucratives de marché. Pour faire émerger ce concept de « subordination d’usage », il paraît possible de s’appuyer notamment sur les travaux d’Alain Supiot, qui propose depuis la fin des années 90 des moyens conceptuels pour identifier des formes de travail « au-delà de l’emploi ». Il propose en particulier de saisir les « nouveaux visages de la subordination » à partir du critère de la « dépendance économique » qui viendrait compléter celui de la subordination stricto sensu caractérisant aujourd’hui le contrat de travail.
  • Cette continuité entre ces deux régimes d’action est liée au rapport de production (des données) que nous entretenons avec les plateformes, rapport qui vient se fondre dans la problématique de la régulation du travail. Un des enjeux est de faire émerger une identification claire du travail numérique, dans un moment historique d’exploitation des travailleurs les plus fragiles et des pratiques prédatrices de délocalisation de la main d’œuvre.
  • Il y a donc un double enjeu à mieux saisir ces rapports sociaux de production : il s’agit d’identifier ou de faire émerger plus distinctement les régimes de travail présent dans les espaces de production numérique pour mieux les encadrer d’une part, et d’autre part d’envisager les limites que nous voulons leur fixer pour protéger la vie privée et son exploitation.
  • La pénétration du travail numérique dans notre vie privée, au sens où il est saisi par les plateformes pour le transformer en valeur économique, interroge à la fois nos conceptions et nos imaginaires contemporains relatifs à la vie privée et au travail, en particulier le travail domestique.
  • Le second phénomène inédit, intrinsèquement lié au premier, c’est le degré d’opacité des mécanismes techniques et humains de production des données qui forgent cette identité. Ce qui nous échappe, c’est donc autant la perception (y compris physique) de nos traces et signaux numériques, que les processus de production (partant de l’exploitation de ces signaux et traces) qui forgent une donnée, et enfin leur exploitation ou utilisation sous la forme d’une expression explicite de nos identités et de nos activités.
  • Une patrimonialisation des données personnelles, telle qu’elle est proposée par Génération libre, ne constituerait pas un moyen d’ouvrir cette discussion collective, mais conduirait au contraire à y renoncer définitivement. En effet, la réparation de cette violence par la réaffirmation ou la revendication d’une propriété privée négociable sur un marché réduit la question politique du vivre ensemble à l’abandon total de toute volonté collective de débat démocratique – ici remplacé par la négociation sur le marché.
  • Accepter des micro-rémunérations corrélées aux données personnelles, c’est graver dans le marbre que les discussions collectives deviennent des petites négociations individuelles […] Ce micro-revenu est d’ailleurs en parfaite cohérence avec la promotion d’un revenu universel tel le que propose Génération Libre (attention, il y a plein de revenus universels différents) façon néo-libérale : on vous donne le minimum pour ne pas trop vous ennuyer dans ce nouveau monde plein de machines (dont personne n’a discuté au préalable, faute au déterminisme technologique, mais c’est encore un autre sujet). Ce qui nous laisse avec l’amère sensation d’avoir gagné quelque chose, alors que c’est justement le projet des libertariens. L’argumentaire de Génération Libre est subtil puisqu’il explicite un certain nombre de ces problèmes (surveillance de masse, ciblage publicitaire abusif, croisements de données non choisis) tout en prétendant qu’à partir du moment où l’on se ferait payer pour ses données, on deviendrait conscient – et consentant – quant à l’usage qui pourra en être fait…).[…]
  • La défense de la dignité et des libertés des personnes est centrale dans le fait de distinguer espace privé et espace de production. De fait, une part de nos gestes privés et intimes, exprimés dans des espaces numériques qui revêtent l’apparence de la sphère privée, sont accaparés dans un objectif de profit. De plus, les industries travaillent activement à influencer l’environnement et nos comportements numériques pour mieux capter la valeur issue des entrelacements de nos liens sociaux qui forment le « graphe social », reflet numérique de notre vie collective.
  • Il est urgent de revendiquer collectivement une régulation efficace contre ces phénomènes d’exploitation, mais aussi le soutien et l’encouragement au développement d’outils numériques émancipateurs. Car comme le souligne Irénée Régnauld, cette exploitation et cette violence ne sont pas des fatalités technologiques
  • Que reste-t-il de ces aspirations et du sens investi collectivement dans le travail lorsque l’on exerce des « métiers » de tâcherons développés par les industries numériques ? Au-delà des déséquilibres économiques, c’est la dignité des personnes qui est à protéger face au retour des modèles d’exploitation proprement féodaux. De même, il apparaît combien notre conception du travail sous-tend nos conceptions de la société dans son ensemble, et les perspectives de progrès social et de progrès humain partagé qu’il nous revient de discuter collectivement.
  • Compléter l’action de protection de la vie privée en l’articulant avec les enjeux de respect du droit du travail et la protection des travailleurs pourrait permettre d’enrichir le débat en réintroduisant les notions de consentement et d’intentionnalité, mais aussi d’intimité, associés à la notion de vie privée moderne, à réencastrer dans nos comportements au sein des plateformes. Relier l’exploitation des données et de la dimension potentiellement intime qu’elle recouvre, avec la question centrale d’un régime de travail décent des travailleurs professionnels, pourrait permettre de poser plus distinctement l’enjeu de rapports éthiques numériques, entre usagers, consommateurs et travailleurs, tels qu’ils sont discutés au sein des autres espaces de production
  • Or les données personnelles sont bien toujours également des « données sociales », parce que la vie privée elle-même est toujours enchâssée dans un tissu de relations sociales (amicales, familiales, professionnelles, territoriales, citoyennes, etc.). L’interconnexion des données, via les outils numériques, constitue par ailleurs un préalable indispensable à leur valorisation, y compris financière
  • Il y a donc d’emblée une double dimension collective caractéristique de nos données « personnelles », qui s’exprime au sens d’un usage du monde « en lien » dans nos pratiques numériques, de la connexion et de la mise en relation – autant que du point de vue des rapports de production qui sont nécessaires à l’existence et l’exploitation des données. Ces deux répertoires d’actions numériques sont difficiles à distinguer précisément car l’approche centrée sur « l’émission » de données est marquée par une grande continuité des effets, sinon des pratiques individuelles et collectives
  • Le droit des données personnelles reste aujourd’hui largement « aveugle » à cette double dimension collective et pour la chercheuse Antoinette Rouvroy, cette construction individualiste du statut des données est précisément ce qui entraîne aujourd’hui une « inadéquation des régimes de protection »
  • Le défi qui serait le nôtre aujourd’hui, relativement à la protection des données, pourrait donc s’énoncer ainsi: comment tenir compte, de la nature relationnelle, et donc aussi collective, à la fois de la donnée (une donnée n’est jamais que la transcription numérique d’une relation entre un individu son milieu, laquelle n’acquiert d’utilité, dans le contexte d’analyses de type big data, que mise en rapport avec des données « émises » par les comportements d’autres individus), et de ce qui mérite d’être protégé, y compris à travers la protection des données ?
  • Avec les données d’intérêt général, on songeait à donner à l’État une forme de pouvoir de « réquisition » de données détenues par des acteurs privés dans une série de secteurs stratégiques (santé, énergie, environnement, logement, etc.) ou pour faire face à des situations de crise. Ce concept a fait l’objet de nombreuses critiques et s’il a été maintenu dans la version finale du texte, ce n’est qu’au prix d’une profonde transformation, puisqu’il se réduit désormais à une simple obligation d’ouverture des données imposée aux personnes privées délégataires de service public.
  • Des négociations collectives avec des représentants des utilisateurs, formalisées et encadrées par la loi, pourraient intervenir ensuite pour obtenir des conditions plus favorables de la part des plateformes. Ces discussions pourraient se dérouler secteur par secteur, de la même manière que les négociations collectives en droit du travail se font au niveau des branches, permettant aux utilisateurs de s’organiser sur une base concrète. Il y aurait aussi intérêt à ce que ces négociations puissent s’ouvrir au niveau local, par exemple celui des métropoles, car on sait que c’est à cette échelle que des conflits peuvent naître à propos de l’utilisation des données avec des plateformes comme AirBnB, Uber ou Waze et qu’il existe des enjeux importants en termes de récupération des données pour la conduite de politiques publiques infrastructurelles (dans les transports, le logement, l’urbanisme, etc.).
  • Les choses sont différentes avec les plateformes comme Facebook ou Google qui s’appuient sur le « travail gratuit » de simples utilisateurs ne pouvant agir pour bloquer l’outil de production. Ils pourraient certes cesser de recourir à ces services, mais jusqu’à présent, même les plus grands scandales n’ont pas entraîné des exodes significatifs d’internautes hors de l’écosystème des GAFAM…
  • Mais imaginons à présent un « droit à la portabilité collective » qui puisse être actionné par des groupements d’individus agissant au sein d’associations ou de syndicats tels qu’évoqués plus haut, et plus seulement par des individus isolés revendiquant leur droit à la vie privée. Un tel droit collectif pourrait être opposé aux plateformes lorsque ces acteurs parviendraient à apporter la preuve que la récupération des données est nécessaire pour l’exercice de droits et libertés fondamentaux. On changerait alors l’échelle, mais aussi le sens même de la portabilité, car ce serait bien alors des portions entières du graphe qui pourraient être récupérées collectivement de cette manière, en conservant leur valeur « sociale » sans que celle-ci ne soit dissoute par l’atomisation que provoque fatalement la portabilité individuelle.
  • Si l’objectif est de réinventer la protection des données sous la forme d’une « protection sociale » à même de préserver la dignité et les droits fondamentaux des individus, n’importe-t-il pas de nous poser en amont la question de savoir si nous devons nous résigner à ce que toutes ces activités basculent dans des rapports de production, y compris lorsque nous ne l’avons pas choisi, individuellement et collectivement ? Si l’idée d’une « protection sociale des données » a un sens, ne devrait-elle pas précisément résider dans une faculté de déterminer quelle part de nos vies nous voulons voir saisies dans un rapport de production et quelle part nous voulons au contraire en préserver ?
  • Admettre d’emblée que toutes nos activités numériques sont assimilables à du Digital Labor ne revient-il pas à entériner que ce basculement dans des rapports de production est inéluctable et que plus rien de nous permettra d’échapper à cette « financiarisation » forcée de nos vies, y compris dans ce qu’elles ont de plus intime ? Si tel était le cas, la « protection sociale des données » pourrait recevoir la même critique que celle qu’on adresse parfois à la protection sociale tout court : que ces mécanismes, installés dans leur forme actuelle pendant la période fordiste, visent simplement à « compenser » les rapports de domination imposés aux individus dans la sphère du travail et non à remettre en cause le principe même de la soumission qu’ils impliquent. Pour conjurer ce risque, il importe selon nous d’être au contraire capable d’opérer des distinctions claires au sein même du continuum de pratiques décrites comme du Digital Labor, en les repositionnant soigneusement par rapport à l’idée de protection sociale.
  • Si l’idée d’une « protection sociale des données » a un sens, ne devrait-elle pas précisément résider dans une faculté de déterminer quelle part de nos vies nous voulons voir saisies dans un rapport de production et quelle part nous voulons au contraire en préserver ?
  • Face à ces situations de fragilisation brutale des individus, il importe de réactiver les principes de base de la protection sociale, en appelant à ce que les juges ou le législateur fassent preuve de volontarisme en requalifiant ces activités en emplois salariés. C’est de cette manière que le législateur a procédé par exemple avec les intermittents du spectacle dans les années 1990 en instaurant une présomption de salariat, alors même que ces activités s’exercent dans un cadre où la subordination traditionnellement associée à la situation d’emploi n’est pas nécessairement caractérisée. Même s’il y aurait beaucoup à dire sur les lacunes de la protection sociale des intermittents, il n’en reste pas moins que ce rattachement à l’emploi salarié participe à la sécurisation du parcours des individus œuvrant dans ce secteur.
  • En imposant aux individus d’inscrire leur intimité dans un rapport de production, les plateformes provoquent en réalité un effondrement de la distinction entre la sphère publique et la sphère privée, phénomène lourd de conséquences qu’Hannah Arendt a identifié comme un des mécanismes par lesquels le totalitarisme s’empare des sociétés. Le cadre analytique du Digital Labor traduit donc une certaine vérité, car à l’époque moderne c’est bien le fait de faire apparaître une activité dans l’espace public qui la transforme presque mécaniquement en « travail ».
  • Cela implique donc, lorsque nous utilisons des services numériques, de toujours être en mesure de savoir clairement si nous sommes engagés dans un rapport de production et de pouvoir en sortir, si nous le voulons. Sachant que cette possibilité de « sortir » reste en réalité profondément illusoire si n’existent pas des alternatives tangibles dans lesquelles nos activités sociales pourraient s’inscrire sans qu’on les soumette à des dominations à visée économique. C’est la raison pour laquelle une protection sociale des données personnelles passe nécessairement aussi par la construction de Communs numériques, basés sur des logiciels libres.
  • Compte tenu de ce contexte, il s’agit bien de construire une protection sociale des données en même temps que de revendiquer des conditions de travail dignes et réellement humaines pour les personnes impliquées professionnellement dans leur production. Cette double dimension collective dans la production et la gestion des données ouvre sur un vaste enjeu de solidarité, en action, dans la coordination de nos usages « amateurs »/non-professionnels avec ceux des travailleurs des plateformes. Discuter collectivement le fondement d’une éthique dans l’agencement de nos relations numériques nous amène nécessairement à regarder en face les grands équilibres économiques, l’exploitation et les mécanismes de prédation des grandes firmes sur les travailleurs les plus précaires, et souligne tout autant l’urgence de la construction de responsabilités collectives pour y répondre.
  • Il ne faut pourtant pas nous priver de penser des environnements et des pratiques numériques beaucoup plus émancipatrices, en s’appuyant sur ce que le monde du logiciel libre, le mouvement des communs et de l’économie solidaire, proposent conjointement : participer à la construction du progrès social et des capabilités numériques individuelles et collectives, permettant de prendre une part active dans l’organisation de nos pratiques. A cet égard, les activités d’éducation populaire développées par l’association Framasoft sont tout à fait remarquables, en ce qu’elles articulent des solutions logicielles alternatives avec un travail de fond d’éducation populaire – au sens d’une éducation qui prend en compte la dimension profondément politique de la construction et de la circulation des savoirs et des savoir-faire.
  • Dans cette même perspective, qualifier les données d’intérêt général, c’est aussi ne pas laisser s’échapper le caractère profondément politique de leur usage : c’est réaffirmer la dimension sociétale de nos usages individuels et collectifs.
  • Pour contrer cela, nous devons construire une nouvelle infrastructure pour permettre aux personnes de regagner cette souveraineté individuelle. Ces aspects de l’infrastructure qui concernent le monde qui nous entoure doivent appartenir aux biens communs et les aspects qui concernent les gens – qui constituent les organes de notre être cybernétique – doivent être détenus et contrôlés par les individus eux-mêmes.
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Favoriser le développement professionnel des travailleurs des plateformes num... - 0 views

  • pour beaucoup de travailleurs des plateformes, l’accompagnement dans les démarches administratives pour démarrer une activité ou  pour acquérir une « capacité » professionnelle, est un besoin plus prégnant que le contenu même de la formation nécessaire pour exercer l’activité.
  • L’univers des plateformes est par ailleurs évolutif et mouvant. Apprendre à y évoluer et à se transformer, nécessite, au-delà des formations classiques, des formes d’apprentissage entre pairs et une socialité professionnelle. Cela implique aussi des formats d’apprentissage adaptés à des travailleurs très isolés et à l’activité souvent fractionnée dans le temps, ce qui renforce le besoin d’une médiation collective.
  • L’enjeu est aussi d’amener la plupart des plateformesà investir davantage dans la formation des travailleurs qu’elles intermédient. #Leplusimportant suggère d’y remédier en rapprochant les droits de ces indépendants de ceux des salariés, via une contribution « unique » applicable à toutes les plateformes (par exemple de 1% des prestations versées). Des risques de distorsions existent cependant : entre travailleurs d’une part,  dont les niveaux de tarification et de revenus varient fortement selon le type d’activité ; entre plateformes d’autre part,  certaines faisant déjà  un effort notable de formation.
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  • La possibilité que l’État abonde par ailleurs spécifiquement les CPF des travailleurs des plateformes, pour faciliter leurs évolutions professionnelles vers d’autres formes d’emploi est une piste à expertiser. La question du financement de la formation professionnelle est à inscrire dans une réflexion plus globale sur la participation des plateformes à l’effort collectif (notamment en matière de fiscalité) et à la fixation des rémunérations (prix minima par exemple).
  • #Leplusimportant propose aussi de renforcer la capacité des travailleurs des plateformes à «disposer de leur capital réputation » immatériel, au travers d’une portabilité des données numériques personnelles et réputationnelles. Une distinction doit être opérée entre (1) les données personnelles fournies par la personne à la plateforme relevant du RGPD, (2) les données d’expérience/métier, renvoyant à la question de la qualification professionnelle et pour lesquelles il serait possible de s’appuyer sur des référentiels de compétences européens, (3) et les données de notation et de réputation, sujettes à de nombreux biais. Si un effort « pédagogique » auprès des clients, en vue de les sensibiliser à l’impact de leur évaluation sur les travailleurs, est nécessaire, davantage de transparence de la part des plateformes sur les données personnelles et les critères de notation est essentiel.
  • #Leplusimportant propose de faciliter l’orientation, par les services publics de l’emploi (SPE), des demandeurs d’emplois vers des plateformes labellisées « socialement responsables », reconnues ainsi comme acteurs d’insertion ou retour à l’emploi.  Les plateformes ouvrent en effet des opportunités inédites d'activité et l’articulation avec le SPE  est à consolider.
  • #Leplusimportant propose aussi de favoriser l’expérimentation de plateformes collaboratives d’insertion. Les débats ont souligné qu’il y a là une opportunité nouvelle, illustrée par une plateforme comme Lulu dans ma rue. Les encourager peut passer par la reconnaissance du statut d’entreprise d’insertion économique au-delà des relations salariées ou par l’utilisation de clauses sociales d’insertion dans les marchés publics.
  • Autorégulation, réglementation et dialogue social constituent sans doute les différentes pièces d’un même puzzle à assembler, celui d’une économie de plateforme à la fois « financièrement soutenable, techniquement innovante et socialement responsable ».
  • Par les exercices successifs de discussion qu’ils organisent  et qui ont vocation à se poursuivre, Sharers & Workers et France Stratégie visent à poser les bases d’un « observatoire partagé » des réalités de travail sur les plateformes, lieu d’expérimentation et d’échange sur les pratiques à l’œuvre dans les plateformes numériques, mais aussi de dialogue social et professionnel entre  des acteurs peu enclins à s’appuyer sur les instances traditionnelles (branches, syndicats, et organisation patronales).
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    "Quels sont les besoins des travailleurs des plateformes en matière de formation professionnelle ? Comment faire en sorte qu'ils aient un meilleur accès à des formations financées ? Qu'ils puissent faire valoir sur l'ensemble du marché du travail les compétences qu'ils ont acquises via leurs activités sur des plateformes ? Comment faire des plateformes des acteurs de l'insertion professionnelle et de l'inclusion sociale ? Autant de questions qui ont été discutées le 13 avril 2018 lors d'ateliers réunissant, à France Stratégie, les membres du réseau Sharers & Workers dans un format visant à susciter un dialogue concret mais informel entre des plateformes numériques, des représentants de travailleurs indépendants, des représentants syndicaux, des experts et des acteurs publics. Fidèle à la démarche expérimentée par le passé (voir ici), nous avons mis en débat des propositions, émises par le think et action tank #Leplusimportant qui a ainsi pu prolonger les échanges menés avec les acteurs dans le cadre de la préparation de son rapport « Favoriser le développement professionnel des travailleurs des plateformes numériques», paru en février 2018."
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Fiche de lecture d'Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du tr... - 0 views

  • idées qu'il défend - caractère central de l'expérience, importance de la confrontation avec le réel, primauté du rapport physique avec les choses
  • le malaise actuel de la société tient en partie au malaise dans le travail, au malaise du travail. Le sens du travail s'est perdu, le travail ouvrier et le travail de bureau ont subi une dégradation certaine, les travailleurs ne comprennent plus ce qu'ils font
  • Les travailleurs ne sont plus en confrontation directe avec le réel
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  • L'utilité du produit final et sa qualité sont perdus de vue, les travailleurs ne savent plus pour qui ni pourquoi ils travaillent, dés lors, le travail n'a plus de direction, plus de sens.
  • Crawford impute dans un premier moment la responsabilité essentielle de cette perte de sens au management et à la place exorbitante que les instruments déployés par celui-ci ont prise
  • L'activité de travail qui, comme une grande partie des activités humaines tire sa plénitude et sa perfection de son exercice même, a été en quelque sorte pourrie dans son cœur même dés lors qu'il a été décidé qu'on pourrait la séparer en une « conception » susceptible d'être déléguée à des bureaux des méthodes par exemple, et une « exécution » dont la performance serait mesurée
  • La société du savoir apparaît brutalement dans sa vérité, comme requérant des « arts serviles », cependant que la réparation de moto, symbole des arts mécaniques auparavant assimilés aux arts serviles apparaît comme source de liberté
  • D'un côté, donc, le travail moderne, voué définitivement à l'hétéronomie et à la séparation d'avec soi-même. La raison principale, Crawford s'en explique bien au chapitre 6, c'est la logique capitaliste qui s'est imposée au cœur du travail et a radicalement subverti le sens de celui-ci : « la présence de cette tierce partie qui cherche à maximiser une plus value sur mon dos en restant complètement insensible aux limitations de rythme dues à la nature même de la tâche effectuée tend par définition à, pousser le processus de travail au de là de ces limites.
  •  l'aliénation engendrée par un environnement de travail qui subordonne impitoyablement le bien intrinsèque d'une activité aux exigences extrinsèques du profit 
  • De l'autre, l'idéal de l'action réussie qui aujourd'hui s'est réfugié dans le loisir (seules les activités réalisées dans le temps libre manifesteraient notre vraie personnalité) mais qui pourraient, selon Crawford, exister à nouveau aujourd'hui dans le travail.
  • Crawford propose d'« essayer de trouver un travail dans les interstices de l'économie, un emploi dont le débouché marchand soit entièrement compatible avec l'échelle humaine des interactions face à face
  • Alors que le travail « moderne » repose en fin de compte sur des faux semblants et de la servilité, le travail tel que proposé par Crawford prend appui sur l'objectif de bien-être de la communauté, se développe à son service et est évalué par elle : c'est la communauté son origine et son point d'arrivée et le travail apparaît comme cette action pleine de sens qui permet non seulement à l'individu d'être en coïncidence avec lui-même, d'éprouver sa liberté, et en même temps d'être, sans servilité, au service d'une communauté d'usagers
  • nous sommes nombreux à être d'accord avec Crawford sur le fait que la logique capitaliste, la profondeur de la division du travail et le caractère subordonné du travail constituent des obstacles radicaux à la possibilité d'un travail « libre » et qu'une véritable révolution serait donc nécessaire si nous voulions que le travail actuel soit libéré et devienne conforme aux attentes immenses qui pèsent sur lui
  • Considérer le travail, ou du moins certains types de travaux ou de métiers, telle que la réparation ou les travaux manuels comme relevant de la praxis, terme généralement appliqué par Aristote aux activités morales et politiques comporte évidemment un très fort potentiel révolutionnaire...Mais de façon étonnante, Crawford ne justifie pas ce bouleversement qui pourrait constituer le fondement théorique d'une nouvelle pensée du travail.
  • nos économies devraient fonctionner à une autre échelle. Nous devrions prévenir la concentration du pouvoir économique qui porte atteinte aux conditions de possibilité d'un épanouissement humain authentique et Crawford appelle de ses vœux une position « républicaine » sur le travail. En effet, nombre de ses propos rappellent les arguments des républicains américains et notamment leur souci de développer des conditions économiques susceptibles de garantir avant toute chose l'indépendance des travailleurs.
  • Comment revenir à des échelles plus humaines, et remettre le souci de l'humain, de la vie bonne, de l'épanouissement au centre des sociétés et de leurs politiques ? « Je laisse à d'autres, mieux versés que moi dans les rouages des politiques publiques et mieux prévenus de leurs possibles conséquences involontaires, l'initiative de proposer des mécanismes qui permettraient de préserver un espace pour ce type d'activité entrepreneuriale
  • l'objectif de bien-être de la communauté
  • travail « moderne » repose en fin de compte sur des faux semblants et de la servilité
  • travail « moderne » repose en fin de compte sur des faux semblants et de la servilité, le travail tel que proposé par Crawford prend appui sur l'objectif de bien-être de la communauté
  • travail « moderne » repose en fin de compte sur des faux semblants et de la servilité
  • devrions prévenir la concentration du pouvoir économique qui porte atteinte aux conditions de possibilité d'un épanouissement humain authentique
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    Fiche de lecture faite par Dominique Méda : "L'Eloge du carburateur est un plaidoyer en faveur du travail manuel, qui déroule une critique implacable des politiques systématiques d'allongement de la scolarité et des visions optimistes qui conçoivent l'avenir du travail sous la forme radieuse de la "société de la connaissance", et de son armée de "manipulateurs de symboles" et de travailleurs intellectuels."
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Pourquoi tant d'hommes incompétents deviennent-ils des leaders ? - Harvard Bu... - 0 views

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    Il y a 3 explications populaires à la sous représentation des femmes dans le management, estime Thomas Chamorro-Premuzic : elles ne sont pas capables, elles ne sont pas intéressées, elles sont à la fois intéressées et capables, mais incapables de briser le plafond de verre des stéréotypes et préjugés qui empêchent les femmes d'accéder aux postes de décision. Pour Thomas CHamorro-Premuzic, la principale raison du déséquilibre des genres dans les fonctions de direction repose sur notre incapacité à distinguer la confiance de la compétence. C'est-à-dire que nous avons tendance à interpréter les signes de confiance comme des signes de compétences. Le charisme et le charme sont souvent confondus avec le potentiel à diriger. De plus, nous avons tendance à élire comme chef des personnes égocentriques, narcissiques et qui ont une grande confiance en elles, des traits de personnalités plus fréquents chez les hommes que les femmes. Freud soulignait déjà combien les disciples remplacent leurs propres tendances narcissiques par celles de leur chefs, de sorte que leur amour pour le leader est une forme déguisée de l'amour-propre, ou un substitut à leur incapacité à s'aimer eux-mêmes. Enfin, les hommes ont tendance à penser qu'ils sont plus intelligents que les femmes. Pourtant, l'arrogance et la suffisance sont inversement proportionnels aux talents de leadership. Quelque soit le domaine, les meilleurs leaders sont pourtant souvent des gens humbles... C'est ce qui explique que les incompétents soient plus souvent promus à des postes de management et de direction que des gens compétents. Pas étonnant qu'avec ces mauvais dirigeants, les sociétés, entreprises et organisations soient massivement mal gérées. Pourtant, certaines études ont montré que les femmes cadres sont plus susceptibles de susciter le respect et la fierté de leurs adeptes, communiquer leur vision, responsabiliser leurs subordonnés et résoudre des problèmes de f
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    Il y a 3 explications populaires à la sous représentation des femmes dans le management, estime Thomas Chamorro-Premuzic : elles ne sont pas capables, elles ne sont pas intéressées, elles sont à la fois intéressées et capables, mais incapables de briser le plafond de verre des stéréotypes et préjugés qui empêchent les femmes d'accéder aux postes de décision. Pour Thomas CHamorro-Premuzic, la principale raison du déséquilibre des genres dans les fonctions de direction repose sur notre incapacité à distinguer la confiance de la compétence. C'est-à-dire que nous avons tendance à interpréter les signes de confiance comme des signes de compétences. Le charisme et le charme sont souvent confondus avec le potentiel à diriger. De plus, nous avons tendance à élire comme chef des personnes égocentriques, narcissiques et qui ont une grande confiance en elles, des traits de personnalités plus fréquents chez les hommes que les femmes. Freud soulignait déjà combien les disciples remplacent leurs propres tendances narcissiques par celles de leur chefs, de sorte que leur amour pour le leader est une forme déguisée de l'amour-propre, ou un substitut à leur incapacité à s'aimer eux-mêmes. Enfin, les hommes ont tendance à penser qu'ils sont plus intelligents que les femmes. Pourtant, l'arrogance et la suffisance sont inversement proportionnels aux talents de leadership. Quelque soit le domaine, les meilleurs leaders sont pourtant souvent des gens humbles... C'est ce qui explique que les incompétents soient plus souvent promus à des postes de management et de direction que des gens compétents. Pas étonnant qu'avec ces mauvais dirigeants, les sociétés, entreprises et organisations soient massivement mal gérées. Pourtant, certaines études ont montré que les femmes cadres sont plus susceptibles de susciter le respect et la fierté de leurs adeptes, communiquer leur vision, responsabiliser leurs subordonnés et résoudre des problèmes de f
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Libérer le travail de l'emprise du marché total | Témoignage Chrétien - 0 views

  • Prenons par exemple le modèle allemand : il valorise les communautés de travail, au niveau de l’entreprise comme à celui des branches professionnelles. À la différence de leurs homologues français, les dirigeants des grandes entreprises allemandes en ont souvent gravi les échelons. Ils ont la même culture professionnelle que les travailleurs, qui sont de leur côté associés au contrôle de la direction. En revanche, ce système accorde une moindre place aux droits des individus, ce qui explique que les réformes Hartz de 2004, créant des contrats de travail sous-payés pour une population sans emploi, n’ont pendant longtemps pas suscité de fortes réactions syndicales. Ce n’est que dix ans après, au regard de la forte croissance des inégalités qu’elles avaient générées, que le gouvernement allemand de coalition s’est résolu à instaurer le salaire minimum. 
  • Dans les conditions actuelles, il est rare qu’un autoentrepreneur puisse maintenir longtemps son activité sans s’insérer dans des réseaux de dépendance économique, soit qu’il doive diriger le travail d’autrui, soit que son travail soit dirigé par autrui. C’est l’une des leçons qui peut être tirée de la crise du modèle industriel que l’on a mis en oeuvre en agriculture dans les années 1960. La plupart des éleveurs ont été intégrés dans des liens de dépendance économique à l’égard des grandes firmes agroalimentaires, de l’Union européenne et des banques. Ils ont ainsi perdu tout contrôle sur ce qu’ils produisaient, sur la façon dont ils le produisaient et sur la fixation des prix de leurs produits. C’est particulièrement vrai des éleveurs «hors-sol» qui sont en fait des travailleurs subordonnés mais demeurent en droit des entrepreneurs indépendants.
  • Dans l’économie actuelle, beaucoup d’entreprises petites ou moyennes sont ainsi les maillons de chaînes de production où ce sont les entités les plus puissantes, celles qui contrôlent non pas les moyens de production mais les systèmes d’information, qui disposent du pouvoir et captent la majeure partie de la valeur ajoutée. Sans avoir à répondre de la sécurité économique des travailleurs. Un chauffeur remercié par Uber n’est pas licencié, il est « déconnecté ».
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  • La réalisation de la justice sociale ne dépend pas principalement du droit du travail, mais bien davantage des règles qui régissent la sphère monétaire, le commerce international et le fonctionnement des grandes entreprises. C’est là que se situent les vraies « réformes structurelles » dont nous avons besoin. Il faut sortir de la schizophrénie actuelle qui fait que d’un côté l’Europe oblige les pays les plus pauvres à démanteler leurs barrières douanières et que de l’autre elle déplore l’émigration en masse de leur jeunesse ; que d’un côté on autorise le rachat par les sociétés de leurs propres actions, c’est-à-dire l’enrichissement des actionnaires aux dépens des ressources vives de l’entreprise, et que de l’autre on déplore la chute de l’investissement ; que d’un côté on autorise le dumping social et fiscal en Europe, et que de l’autre on s’inquiète de l’endettement des États et du délabrement des services publics.
  • La mutation que vous évoquez est celle de l’ubérisation, du self-employment. Elle transforme des formes de la dépendance économique qui affecte aussi bien les salariés que les entrepreneurs. Le travail n’est plus organisé sur le modèle taylorien du travail à la chaîne, c’est-à-dire d’une obéissance mécanique aux ordres, mais sur celui de la direction par objectifs, de la programmation du travailleur. La subordination ne disparaît pas mais change de forme. Ce n’est plus le moindre de ses gestes qui est dicté et mesuré, mais sa « performance ». L’obéissance fait place à l’allégeance du travailleur à l’égard d’un donneur d’ordre qui lui assigne une tâche qu’il peut organiser avec une certaine marge d’autonomie, pourvu qu’il remplisse ses « objectifs ».
  • Le cercle vertueux de la libération dans le travail et de la créativité ne peut être tracé que si ceux qui le réalisent ne vivent pas dans la peur du chômage et peuvent peser collectivement sur son contenu et son organisation.
  • La logique des droits de tirage sociaux est d’assurer une solidarité dans l’exercice d’une liberté individuelle ; par exemple, prendre un congé sabbatique, prendre soin de ses parents malades, acquérir des connaissances ou une formation nouvelle, créer une entreprise, élever ses jeunes enfants, etc. La personne qui ferait ce choix bénéficierait de dispositifs finançant la rémunération de ces différentes activités.
  • Les droits de tirage sociaux donneraient à chacun la possibilité de combiner diverses formes de travail dans une vie et de passer de l’une à l’autre sans mettre en péril ses revenus et ses droits. Cette proposition complète la Sécurité sociale, qui assure une solidarité face aux risques indépendants de la volonté, comme la maladie, l’accident ou la vieillesse.
  • Sans réduction des inégalités, notamment entre les revenus du travail et ceux du capital, et sans interdiction du dumping social et fiscal, le « compte personnel d’activité » prévu dans la loi el-Khomri risque de devenir un moyen de renvoyer chacun à une épargne individuelle qui renforcera encore le poids de la « bancassurance ». C’est seulement sur la base d’une plus juste distribution des revenus et des charges que de nouveaux dispositifs de solidarité pourront voir le jour, qui mettront les progrès de la productivité au service du plus grand nombre et permettront à chacun de faire ainsi plus de place à des tâches librement choisies.
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    "La loi Travail de Myriam El Khomri soulève des débats passionnés. Professeur au Collège de France, Alain Supiot pose un regard aiguisé sur ce qu'ils révèlent."
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Financer l'allocation universelle, par Baptiste Mylondo (Le Monde diplomatique, mai 2013) - 1 views

  • Si l’on se fie à son produit intérieur brut (PIB), la France est aujourd’hui le cinquième pays le plus riche du monde. En 2010, le revenu disponible (après versement des prestations sociales et prélèvement des impôts directs) s’y élevait à 1 276 euros par mois et par personne, adultes et enfants confondus. Nous disposons donc de ressources suffisantes pour garantir à chaque individu 1 276 euros si l’on décidait d’opérer un partage strictement égalitaire. C’est nettement plus que le seuil de pauvreté actuel, fixé en France à 60 % du revenu médian (1), soit 960 euros par adulte.
  • En plus de participer d’une logique de réduction des inégalités, les modalités de financement doivent aussi respecter des principes de prudence, de pérennité, d’adéquation, de cohérence et de pertinence. Elles doivent permettre une amélioration des conditions de vie, et, pour cela, il faut commencer par veiller à ce qu’elles n’entraînent pas une dégradation de la situation des plus démunis ni ne remettent en question les acquis sociaux. Cette considération est essentielle, et explique en partie les réserves, voire l’hostilité, exprimées par les syndicats. Le revenu inconditionnel n’impliquerait-il pas un recul de la protection sociale ?
  • on peut considérer que des fragments du revenu garanti sont déjà versés aujourd’hui, partiellement et sous condition, sous la forme de prestations sociales, de subventions diverses ou de bourses. Un revenu inconditionnel pourrait donc remplacer certains de ces dispositifs. Certains, peut-être, mais certainement pas tous, sauf à tomber dans la logique des propositions libérales
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  • Il convient par exemple de distinguer les prestations contributives relevant du régime assurantiel, financées par la cotisation — retraites, Sécurité sociale —, et les prestations non contributives — les aides sociales —, qui relèvent du régime de solidarité nationale et sont financées par l’impôt. Le revenu inconditionnel ne saurait remplacer le système assurantiel, dont les prestations ne visent pas simplement à protéger de la pauvreté, mais aussi à garantir le maintien du niveau de vie. En revanche, il peut remplacer les aides sociales auxquelles il viendrait se substituer parfaitement et avantageusement.
  • Par contre, pas question de supprimer la couverture-maladie universelle ou l’allocation aux adultes handicapés (AAH), qui ont des objets bien spécifiques.
  • Mais il faut encore trouver d’autres ressources. Plusieurs options peuvent être envisagées : l’introduction de nouvelles taxes ciblées, une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ou des impôts sur le revenu ou le patrimoine.
  • Certains impôts ont pour but d’orienter les comportements individuels grâce à des dispositifs incitatifs ou pénalisants. Ainsi, les écotaxes, la taxe Tobin sur les transactions financières, la taxe Keynes sur les transactions boursières, le plafonnement des rémunérations et des revenus (salaire et revenu maximums) sont parfois avancés comme des pistes de financement du revenu inconditionnel. Ils présentent en effet deux avantages notables. D’une part, l’écrasante majorité des contribuables n’y seraient pas ou peu assujettis. D’autre part, ils sanctionnent des comportements que l’opinion réprouve : nuisances écologiques, spéculation boursière, rémunérations obscènes et inégalitaires. Toutefois, il serait hasardeux de miser sur des comportements que l’on souhaite voir disparaître.
  • Il doit y avoir une adéquation entre la mesure financée et son mode de financement : la prévention routière peut être payée par les recettes des contraventions, par exemple. Il ne s’agit pas de renoncer aux taxes ciblées ; mais leur usage pour la mise en place d’un revenu inconditionnel ne pourrait qu’être transitoire — ou, du moins, il faudrait l’espérer.
  • le financement par une hausse de la TVA est une autre option.
  • Cette possibilité présente plusieurs avantages. D’abord, puisque tout le monde est consommateur, tout le monde s’acquitte de cette taxe. Or plus l’assiette est large, plus les taux appliqués peuvent être modérés. Ensuite, la TVA, directement intégrée dans les prix, est moins perçue par les contribuables que des taxes ciblées ou des prélèvements opérés après avis d’imposition. Par ailleurs, dans l’optique d’un impôt unique sur la consommation, le risque de fraude fiscale serait limité et ne concernerait que le marché noir. Enfin, la combinaison d’une taxe proportionnelle — la TVA — et d’une prestation forfaitaire — le revenu de base — équivaudrait selon Häni et Schmidt à la mise en place d’un impôt progressif, donc redistributif. Alors que l’on reproche souvent à la TVA son caractère inégalitaire et régressif, l’argument est important.
  • D’un point de vue technique, on peut craindre qu’une hausse de la TVA ne vienne compliquer la lutte contre la pauvreté en entraînant une augmentation des prix. Le revenu inconditionnel sera-t-il encore suffisant une fois que les prix auront augmenté ? Et, si les prix n’augmentent pas, les entreprises pourraient essayer de compenser la hausse de la TVA par une baisse équivalente des salaires.
  • Mais c’est surtout une question de cohérence qui doit être soulevée, notamment si le revenu inconditionnel est porté par une gauche antiproductiviste. Après avoir misé sur l’appât du gain des spéculateurs (taxes Tobin et Keynes) et sur l’inconscience écologique des citoyens (écotaxes), peut-on vraiment compter sur l’ardeur des consommateurs pour financer le revenu inconditionnel, et reconnaître ainsi une utilité sociale à la consommation ?
  • Remettant en question, à juste titre, la propriété privée lucrative, Friot propose de réaffecter presque intégralement la richesse produite par les entreprises — qui deviendraient alors « sans but lucratif » — à des caisses de cotisations permettant de financer, d’une part, un salaire à vie et, d’autre part, de l’investissement mutualisé.
  • Une dernière possibilité — dans cette liste non exhaustive de solutions sans doute appelées à se combiner — consisterait à s’appuyer sur l’impôt sur le revenu. L’avantage est que cela apporterait une réponse évidente à la question de la progressivité des prélèvements, mais aussi à celle de la hausse des prix, en faisant porter le financement sur les revenus des personnes physiques — ce qui ne signifie évidemment pas l’abandon par ailleurs de toute imposition des personnes morales. L’inconvénient est qu’un financement par l’impôt implique une profonde réforme fiscale et une forte hausse des taux d’imposition. Sur ce dernier point, les simulations de Marc de Basquiat (7) laissent présager une augmentation de l’ordre de 30 à 50 % du taux moyen de l’impôt sur le revenu si l’on souhaite financer un revenu inconditionnel de gauche.
  • Parallèlement, et pour limiter la hausse des taux d’imposition sur les premières tranches, il conviendrait de taxer davantage le patrimoine. D’ailleurs, si les inégalités de revenu sont flagrantes en France, les inégalités de patrimoine sont encore plus criantes, et justifient parfaitement cette réponse fiscale.
  • Compte tenu des défauts du système actuel, on pourrait sans doute s’accommoder d’un recul de l’activité économique ; mais, si la capacité de la société à répondre à ses besoins était remise en question, chaque actif, confronté à la baisse de son revenu inconditionnel, serait amené à travailler pour compléter ce revenu, contribuant ainsi à répondre aux besoins de tous…
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Les scientifiques doivent être les fers de lance de l'usage éthique des Big D... - 1 views

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    Pour le physicien Albert-László Barabási, le spécialiste de l'analyse des réseaux, la façon dont la NSA recueille les données personnelles des américains a brisé le modèle traditionnel qui lie la science et la société. La plupart des technologies ont plusieurs usages (pensez à l'énergie atomique, au génie génétique...) et on ne peut pas pour autant décider d'arrêter toute recherche du fait des risques qu'elles comportent. Au lieu de cela, les scientifiques doivent faire preuve de transparence sur les risques et les abus possibles et parvenir à un consensus avec la société pour l'usage de ces technologies. Les scientifiques dont les travaux ont alimenté la NSA ont échoués à montrer les dangers de ces outils. Les politiques, enivrés par la puissance de ces outils, n'ont pas réussi à faire que leur utilisation respecte les cadres strictes de la constitution. Les Big Data sont un saint Graal. Ils promettent de mettre à jour les lois mathématiques qui régissent la société. Barabási explique qu'il a lui-même utilisé des données de millions d'utilisateurs de téléphone mobile pour faire des analyses, sauf que les siennes étaient anonymisées afin de ne pas nuire aux utilisateurs. Mais oui, la fouille de données peut être une arme, reconnaît le chercheur. Il peut être tout aussi dommageable que la bombe atomique. Il empoisonne la confiance. Il peut cibler des combattants, mais aussi des civils innocents. Utilisée comme une arme, elle doit être traitée comme une arme. Et Barabási d'en appeler au concept de la non-prolifération pour tenter de trouver une règle d'apaisement en rendant public les outils, en prônant le désarmement et l'utilisation pacifique. Pour cela, il faut tisser une nouvelle alliance avec la société en amendant les droits de l'homme par le droit de propriété de ses données. Il faut réaffirmer que les données (mon historique et modèle de navigation, mes habitudes de consommation, mon historique de
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Que devient le travail dans l'économie digitale ? - Metis - 1 views

  • Cette économie ne peut se définir uniquement par les technologies digitales elles-mêmes mais par un ensemble de propriétés radicalement nouvelles. On en citera quelques unes qui montrent que l'on aborde des rivages nouveaux :- le rendement croissant des innovations et le coût marginal zéro. Le principe des rendements croissants, lié aux externalités de réseaux positives, fait que la valeur d'un bien ou d'un service digital est d'autant plus élevée qu'il bénéficie d'un réseau étendu. La conséquence est que les coûts de production et de distribution, quasiment indépendants du volume produit, doivent être payés dès l'investissement initial. Jusqu'ici nous avions vécu dans une économie de rendements décroissants !- des nouveaux modèles d'affaire se développent autour des plateformes en ligne générant une nouvelle forme de marché appelée marché « à deux versants ou bifaces ». Cela concerne des produits ou des services qui sont proposés simultanément à deux catégories d'utilisateurs via internet. Ces marchés induisent des types de concurrence en rupture avec les marchés traditionnels où plusieurs concurrents coexistent et sont en compétition. Là, le gagnant prend tout (the winner takes all).
  • Concernant l'impact des ruptures technologiques sur les environnements de travail, les auteurs, après avoir recensé six nouveaux champs (le cloud, les données massives, les applications mobiles, la géolocalisation, l'internet des objets, les machines apprenantes et la robotique mobile) notent bien des potentiels de transformation du travail notamment par un déplacement de la frontière entre les capacités des humains et des machines.
  • Les auteurs distinguent les nouvelles formes de travail ou d'emploi suivantes plus spécifiquement liés au développement de l'économie digitale:- les « nomades numériques » qui peuvent être des travailleurs salariés ou des indépendants. Leur activité est réalisée à l'extérieur des locaux de l'employeur ou du client. Cette forme de travail repose sur une grande autonomie et permet à des personnes exclues habituellement des emplois classiques de travailler. Mais qu'en est-il de la prise en charge de la santé et de la sécurité de ces nomades numériques ?- l' « externalisation ouverte » (crowd working) qui désigne le travail réalisé à partir de plates-formes en ligne permettant à des organisations ou des individus d'accéder, via internet, à un groupe indéfini et inconnu d'autres organisations ou individus pour résoudre des problèmes spécifiques ou fournir des services ou des produits spécifiques en échange de paiement. Ceci se traduit par le développement d'un marché orienté sur la tâche plutôt que sur l'emploi et une baisse de la qualité du travail ; on constate souvent un détournement des normes d'emploi. Certains parlent de «cybertariat » (cyber-prolétariat). D'une certaine manière, cela s'apparente à une formalisation de l'économie informelle.- le travail sur appel organisé par des plateformes. Il consiste en une relation d'emploi continu formalisée par un contrat de travail sans travail continu. Ce type de contrat repose sur le principe du travail sur appel, en fonction de la demande : c'est un travail occasionnel intermittent, une nouvelle forme d'intermédiation entre une demande de travail et des réserves de travailleurs en attente de tâches et de missions. Ces emplois sont caractérisés par un temps de travail très flexible, un salaire très variable et une disponibilité étendue : ils matérialisent un découplage entre le contrat de travail et le temps de travail, et soumettent la vie quotidienne à des horaires imprévisibles.
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  • Ces nouvelles formes de travail se caractérisent par un brouillage des frontières : recouvrement entre vie professionnelle et vie privée, ambivalence entre le statut de salarié et d'indépendant, ou parfois de collaborateur bénévole, difficultés à distinguer le producteur du consommateur, etc. D'où la conclusion provisoire : « si ces formes de travail ne sont pas entièrement neuves et si elles sont en partie porteuses d'éléments positifs pour les travailleurs, elles sont aussi accompagnées de nombreux effets qui suscitent l'inquiétude, qui bousculent les systèmes de relations sociales et qui requièrent des formes de régulation appropriées ».
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    "Le document de travail de Patricia Vendramin et Gérard Valenduc à l'origine de cet article est publié par l'Institut syndical européen (European Trade Unions Institute), un centre de recherche et de formation de la Confédération Européenne des syndicats (CES). L'Institut a demandé à deux professeurs-chercheurs de faire le point sur l'impact des technologies digitales sur le travail."
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Le business model des plateformes d'innovation - 0 views

  • Tous les services qui peuvent être rendus à des entreprises entrent dans le champ commercial des plateformes, en particulier l’accompagnement à l’intrapreneuriat, le conseil en innovation ou le soutien aux activités de créativité et d’idéation. Le modèle des sociétés par actions simplifiées devient progressivement la référence, avec ou sans mise en place parallèle d’une association sans but lucratif pour gérer une partie des services destinés à la vie de la communauté d’usagers ou pour rester éligible à divers types de subventions.
  • Les logiques de subvention persistent, mais elles prennent des formes directes et indirectes. Directes sous la forme de versements ou d’aides au démarrage ; indirectes quand il s’agit de faciliter l’accès à des locaux à un tarif préférentiel, de garantie sur des signatures de baux ou de dégrèvements fiscaux dans des zones à revitaliser.
  • Cela concerne pour l’essentiel des collectivités locales et territoriales qui émettent des appels d’offres, et pour lesquels les plateformes peuvent manifester leurs compétences distinctives ou leurs modèles économiques originaux dans la phase de mise en concurrence. C’est par exemple le cas du Tuba et de You Factory à Lyon, qui répondent conjointement à des appels d’offres de la communauté urbaine ou de la région. Gagner ce genre d’appel d’offres sert aussi de vitrine et donne de la crédibilité pour interagir avec d’autres interlocuteurs, publics ou privés.
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  • L’analyse des modèles d’affaire ou business models suppose d’articuler plusieurs parties : un modèle de services (le portefeuille des activités proposées aux clients ou usagers), un modèle de revenus (le chiffre d’affaires et la façon de tarifier les prestations), un modèle d’opérations (toutes les charges d’opération) et un modèle de financement.
  • Le modèle de financement peut prendre des formes très différentes (dette, autofinancement, subvention, prise de participation, etc.). Les coûts du financement et des investissements doivent être couverts d’une façon ou d’une autre par la marge brute. Il est également nécessaire d’anticiper le niveau des besoins en fonds de roulement (BFR) et en trésorerie.
  • Toutes les plateformes travaillent avec des flux de revenus parallèles et complémentaires, liés à des services rendus à leurs communautés, aux startups et aux grands comptes. Certains services rendus à la communauté sont payants, d’autres sont compris dans la participation à la plateforme d’innovation.
  • Les travaux réalisés depuis 2015 conduisent à souligner que l’adéquation entre sources de revenus et missions principales n’est pas toujours acquise. Ces éléments sont le plus souvent liés à une démarche pragmatique où les plateformes saisissent les opportunités qui se présentent pour générer du chiffre d’affaires. Elles se donnent pour cela un objet social large. L’enjeu consiste alors à aligner les orientations stratégiques avec les services pour lesquels la plateforme d’innovation est visible auprès de ses clients potentiels ou de ses concurrents.
  • Le problème se situe ailleurs, au niveau de la vie des communautés et de la qualité des interactions entre des acteurs aux intérêts et aux expériences variés. Tant que les liens entre membres de la communauté restent forts, alors la qualité de service reste assez élevée et permet d’attirer les usagers tout en améliorant la qualité du service qui leur est rendu. Mais au niveau des ressources incorporelles, réseau des experts et équipe d’animation, la croissance n’est pas infinie et les rendements ne croissent pas sans limite. Dès que les liens au sein de la communauté ou de l’écosystème s’affaiblissent, les rendements décroissent.
  • Dans le business model, il existe donc une logique de taille critique à prendre en compte pour les ressources incorporelles. Au moment où les liens forts se transforment en liens faibles au sein de la communauté, la qualité des prestations baisse. On constate alors un changement profond de la nature de l’activité. Quand la plateforme ne sait plus gérer les coûts d’animation de la communauté, dès qu’elle ne sait plus générer ou faire les liens « forts », elle va se transformer en une société de conseil tout à fait traditionnelle, et perdre son originalité initiale…
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    "Les travaux menés dans les dernières années sur les laboratoires d'innovation ouverte et sur les plateformes d'innovation ont permis de souligner plusieurs tendances qui contribuent à la stabilisation de ces organisations. Dans de précédents articles, nous avons déjà eu l'occasion de souligner le rôle des communautés, porteuses de nouvelles relations de travail ou encore l'importance de manager les processus de créativité. Nous avons aussi rappelé la nécessité de bien gérer l'espace physique."
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"J'appelle un ami..." La mobilisation du réseau chez les entrepreneurs | Muti... - 0 views

  • marche la plus difficile est celle qui nous fait passer de 0 à 1 »
  • Aujourd’hui, l’explosion des plateformes de mises en  relation (professionnelles -Linkedin- ou non -Facebook-) a changé la donne pour ce qui est de faire appel à son réseau afin d’obtenir une ressource, et ce quelle que soit sa nature;
  • si la mobilisation du réseau a évolué dans sa forme, qu’en est-il du choix même de la mobilisation du réseau?
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  • A quel moment et pourquoi
  • dans la visée d’obtenir une ressource qui, dans l’immédiat, lui fait défaut?
  • phénomène de mobilisation des réseaux et des energies
  • l’entreprise est une réponse à des besoins économiques mais est également « construite par des individus dont l’action est à la fois facilitée et limitée par la structure et les ressources disponibles des réseaux sociaux où ils s’inscrivent ». Le cadre social de l’entreprise facilite l’accès aux ressources car il réunit un ensemble de connaissances et de compétences complémentaires. Mais il peut s’avérer limitant si la rigidité des structures et le manque de communication avec l’exterieur freinent l’entreprise dans son accès aux ressources manquantes.
  • lorsqu’on se lance dans la création d’entreprise, tout est à construire ou à trouver : on ne dispose pas encore de toutes les ressources nécessaires à la réalisation du projet
  • son joker : son réseau et ses amis.
  • ’importance de la mobilisation des relations sociales dans le processus de création d’entreprise
  • pour accéder à des ressources par rapport à l’usage d’autres voies d’accès à ces ressources que sont les dispositifs de médiation comme par exemple l’appel contractuel à un bureau d’architectes pour le design du lieu de travail.
  • Le mode d’accès par les dispositifs de médiation s’oppose à la mobilisation du réseau social dans le sens où il s’agit d’accéder à des ressources sans disposer de relation préalable
  • possible de faire directement appel à un professionnel dont le métier est précisément de jouer les intermédiaires
  • recrutement, la cooptation est pratiquée très largement
  • « au fil du processus de création, les médias et les organismes privés interviennent de plus en plus, alors que la présence des organismes publics et des médiateurs humains diminue avec la période initiale ».
  • place prépondérante des relations sociales pour des entreprises ayant moins de trois ans d’existence
  • « réseau social» auquel fait appel un entrepreneur
  • moins que le réseau social privé, c’est le réseau professionnel qui joue à plus de 80%, amis de travail ou  connaissances ponctuelles
  • éseau professionnel n’est pas uniquement issu du milieu du travail, mais s’est également formé durant les études ou par le jeu de la sociabilité
  • l n’existe pas de corrélation entre l’efficacité et la pérennité du réseau mobilisé : autrement dit, les « liens forts » (amis, anciens collègues) n’apparaissent pas plus efficaces que les « liens faibles » (recommandations).
  • en relation les types de ressources et leur accès
  • «si tous les types de ressources sont susceptibles de mettre en jeu des relations sociales, celles-ci sont particulièrement sollicitées pour le montage de partenariats, le recrutement des employés ou le choix des fournisseurs, et relativement peu pour les informations ou idées permettant de monter le projet, et le financement ».
  • la mobilisation du réseau social reste prépondérante dans le processus de création d’entreprise, celle-ci est toujours en interaction (que ce soit par complémentarité ou concurrence) avec les autres formes d’accès aux ressources
  • question qui se pose pour l’entrepreneur est alors de savoir où placer le curseur; autrement dit quand s’avère-t-il plus sage, ou plus optimal, de faire appel à un dispositif de médiation?
  • C’est généralement la répartition de ressources et la confiance dans les autres acteurs qui dictera sa conduite.
  • Il existe également des moyens « matériels » qui permettent aux entrepreneurs d’accéder à un certain nombre de ressources. On pense notamment aux médias (presse, web),
  • elativiser au cas par cas
  • De manière un peu caricaturale, on pourrait retenir un code de conduite : si c’est une histoire de qualité : conseils, partenaires, employés, faites confiance à vos amis, si c’est une histoire de quantité (fonds, locaux…) demandez à ceux qui en ont !
  • quelle place reste-il aux réseaux sociaux générateurs de liens “faibles” , dont l’éloignement peut faire douter de la capacité de mobilisation réelle du réseau.
  • les liens forts sont les seuls à permettre d’engager concrètement des collaborations et une aide importante nécessitant un niveau de confiance élevé
  • limite d’Internet, les liens faibles qu’il génère favorisent l’accès à l’information mais la collaboration réelle nécessite toujours une confiance et un sentiment d’engagement mutuel
  • l’accès aux connaissances et aux compétences utiles, ce n’est pas seulement savoir à qui s’adresser, c’est c’est aussi savoir s’insérer dans un environnement riche en sérendipité … 
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    "Aujourd'hui, l'explosion des plateformes de mises en  relation (professionnelles -Linkedin- ou non -Facebook-) a changé la donne pour ce qui est de faire appel à son réseau afin d'obtenir une ressource, et ce quelle que soit sa nature; conseils techniques, juridiques, fonds, locaux… Ce phénomène a clairement bouleversé les manières d'envisager l'entrepreneuriat : en plus de faciliter les démarches, il ouvre un champ des possibles infiniment plus large qu'il y a trente ans pour une même action entrepreneuriale." "De manière un peu caricaturale, on pourrait retenir un code de conduite : si c'est une histoire de qualité : conseils, partenaires, employés, faites confiance à vos amis, si c'est une histoire de quantité (fonds, locaux…) demandez à ceux qui en ont !"
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Formation professionnelle : L'employeur n'est plus responsable de rien | Alternatives E... - 0 views

  • Ce deuxième alinéa raconte une histoire, notamment jurisprudentielle : au moment du recrutement, tout salarié est par construction « employable ». Au moment où la relation d’emploi cesse, l’employeur doit rendre au « marché du travail », un salarié dans l’état d’employabilité où il l’a embauché.
  • Ce deuxième alinéa raconte aussi une histoire politique, fruit d’un équilibre entre un accès à la formation d’adaptation au poste de travail, à la main exclusive de l’employeur, et la préservation de la capacité du salarié à occuper efficacement ce poste. La loi de 1971, faisant suite à l’accord national interprofessionnel (ANI) de 1970, avait « réglé » cette question en instituant, outre un droit individuel à un congé de formation, le plan de formation, soutenu par une obligation de dépense de l’employeur exprimée en % de la masse salariale.
  • Les réformes de 2013-2014 ont modifié substantiellement cet équilibre : à l’obligation de dépense des employeurs s’est substituée une obligation de « formation » ou plutôt une obligation de moyens pour permettre aux salariés de continuer à être « employables »3.  L’ANI de décembre de 2013 a prévu que cette obligation de moyens soit respectée pendant toute la durée de l’emploi pour ne pas éviter que l’absence de formation soit constatée trop tard, au moment d’un licenciement. D’où l’introduction de l’entretien professionnel tous les deux ans et la sanction de l’absence de formation et/ou d’évolution professionnelle du salarié au bout de six ans.
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  • Le gouvernement ne fait que parachever ce qu’avaient commencé la loi Travail de 2016 et les ordonnances de 2017 : l’employeur n’est dorénavant plus responsable de rien à l’égard de ses salariés. Il pourra appuyer le développement des compétences de certains de ses salariés, prendre en charge des compléments de formation pour ceux qu’il juge « à potentiel »… et se séparer des autres, en signant dans le pire des cas un chèque (forfaitaire, comme le souligne le projet de loi, article 1-II-13) après les avoir déqualifiés.
  • A cette heure, le projet de loi sur la formation professionnelle qui a été vendu comme le volet « sécurité » sensé équilibrer le volet « flexibilité » des ordonnances travail est avant tout un renforcement de la deresponsabililisation de l’employeur, l’employabilité se limitant à une responsabilité personnelle. On est très loin de l’équilibre que certains pouvaient espérer.
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    'L'annonce par la ministre du Travail du big bang de la formation professionnelle a fait l'objet de nombreux commentaires, qui ont généralement souligné la mise sous tutelle des partenaires sociaux et des régions par l'Etat et le transfert de l'apprentissage aux branches professionnelles. Toutefois, l'avant-projet de loi, baptisé « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », contient une autre disposition particulièrement préoccupante pour l'avenir des relations de travail. En effet, dans la version présentée au Conseil d'Etat début avril 2018, l'article 6.III, annonce laconiquement que « A l'article 6321-1, le deuxième alinéa est supprimé… ». Or ce second alinéa structure depuis de nombreuses années le cadre de la subordination salariale en tant qu'il fait obligation à l'employeur de veiller au maintien de la capacité à occuper un emploi"
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Comment les employés peuvent-ils souffrir dans des entreprises sans patron, c... - 1 views

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    De nombreuses entreprises se mettent aux structures organisationnelles plates, estime Klint Finley pour Wired. A l'exemple du développeur de jeu Valve ou de WL Gore, la firme derrière Gore-Tex. GitHub a la même ambition, et elle est d'autant plus symbolique que GitHub fournit un service qui permet justement de collaborer librement sur des projets logiciels. Mais les structures démocratiques plates ne veulent pas dire structures sans jeu de pouvoir. La semaine dernière GitHub a suspendu un de ses fondateurs accusé harcèlement. En 1972, Jo Freeman a décrit dans "La tyrannie de l'absence de structure" les premières expériences d'auto-organisation féministes. Le problème avec les organisations non-hiérarchiques est que les structures de pouvoir sont invisibles et donc inexplicables ce qui conduit souvent à des dysfonctionnements et des abus. Fred Turner décrit les mêmes problèmes quand il évoque les communautés hippies qui ont voulu éviter la division traditionnelle du travail et qui ont fini par envoyer les femme faire la cuisine, le nettoyage et l'éducation des enfants. Les communautés régies par des structures plus explicites finissent par pouvoir être plus progressives, les responsabilités pouvant être réparties de manière plus égales. La même impulsion anti-hiérarchique existe dans la Silicon Valley que dans les communautés autonomes des années 60, estime Finley. Un ancien de Valve révélait que l'entreprise ressemble parfois à une cours d'école, où les enfants les plus populaires et les fauteurs de troubles accaparent le pouvoir. Le risque est d'embaucher des gens qui correspondent à la culture de l'entreprise au risque de sa diversité. La Kellog School of Management a montré dans plusieurs études que la diversité des équipes était un meilleur moyen de résoudre les problèmes que d'avoir des décideurs : http://insight.kellogg.northwestern.edu/article/better_decisions_through_diversity . Le culte des employés qui corre
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Pourquoi les patrons peinent à recruter | Alternatives Economiques - 0 views

  • fin 2017, 48 % des embauches de plus d’un mois étaient signées en CDI, un taux inédit depuis mi-2008.
  • « Les entreprises qui ont du mal à recruter signent davantage de CDI pour tenter de garder les effectifs », note Denis Ferrand, directeur général de Coe-Rexecode, un think-tank proche du patronat. « Même s’il ne faut pas les surestimer, les difficultés de recrutement se font de plus en plus sentir », confirme Pascal Blain, directeur de Pôle Emploi Auvergne Rhône-Alpes. Autre signal, depuis janvier 2017, les patrons de l’industrie déclarent davantage de difficultés du côté de l’offre (leur capacité à produire) que du côté de la demande (le manque de commandes). Le taux d’utilisation des capacités de production s’élevait début 2018 à 85,8 %, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis dix ans.
  • Ces difficultés des recruteurs s’expliquent aussi par un contexte d’amélioration du marché du travail. 250 000 emplois ont été créés en 2017 en France. Une belle performance qui fait suite à des années 2015 et 2016 elles aussi dynamiques. Du coup, les clignotants de l’emploi sont plutôt au vert. Et les candidats sont moins nombreux à devoir se partager les offres. Ainsi, outre un taux de chômage au plus bas depuis 2009 (à 8,9 % en France métropolitaine), l’indice de tension sur le marché du travail – soit le rapport entre le nombre d’offres collectées par Pôle emploi et le nombre de demandeurs d’emploi inscrits –remonte depuis plusieurs trimestres. Mi-2017, on comptait 55 offres d’emploi pour 100 inscrits à Pôle Emploi, contre 42 offres pour 100 chômeurs fin 2014.
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  • Dans ce cadre d’éclaircie sur l’emploi, les problèmes bien réels des entreprises à trouver chaussure à leur pied ne doivent pourtant pas être surestimés. En 2017, 37,5 % des projets de recrutement étaient jugés difficiles. C’est certes plus qu’en 2016 (32,4 %) mais c’est moins qu’en 2012 (42,6 %).
  • De son côté, Denis Ferrand se veut beaucoup moins rassurant : « Les difficultés de recrutement touchent tous les secteurs. Et la première raison citée par les chefs d’entreprise, c’est le niveau de qualification ». « L’inquiétude que l’on peut avoir, c’est que la croissance soit freinée par manque de main d’œuvre qualifiée », poursuit-il. Il se pourrait qu’à moyen terme, la croissance atteigne un plafond pour ces raisons-là, et qu’on ait un taux de chômage structurel autour de 9 % ».
  • a Cour des Comptes dresse ainsi un bilan mitigé du « plan 500 000 » mis en place par François Hollande en 2016-2017. Les sages lui reprochent non seulement de ne pas avoir eu d’effet significatif sur le taux d’insertion dans l’emploi (51,2 % en 2016 soit sensiblement le même taux qu’en 2015) mais aussi d’avoir dépassé le budget alloué d’un demi-milliard d’euros.
  • Un jugement que ne partage pas Audrey Pérocheau, directrice de la formation à Pôle Emploi : « Actuellement en France, la formation a un effet positif très net sur l’emploi. Avec ce plan 500 000, nous avons doublé l’effort de formation, et nous avons touché des publics éloignés de l’emploi. Malgré cela, nous avons maintenu un taux d’accès à l’emploi de 51,2 % pour les demandeurs qui ont suivi une formation, ce qui prouve qu’il y avait un besoin »
  • Selon l’OCDE en effet, 23,4 % des salariés français de 15 à 64 ans sont sous-qualifiés, un taux plutôt élevé au regard des voisins européens.
  • A l’inverse, 11,6 % des salariés français sont surqualifiés, un taux plus faible que les autres pays comparables. La France se situe loin des pays les plus durement touchés par la crise économique (Portugal, Grèce, Italie, Espagne), dans lesquels le phénomène de déclassement est particulièrement spectaculaire. 
  • Dans une étude récente, Pôle Emploi analysait les 3,2 millions d’offres déposées en 2017. Et constatait que 2,9 millions d’entre elles avaient été pourvues dans l’année. Sur les 300 000 offres non-pourvues, 97 000 ont été annulées par les employeurs (parce que le besoin a disparu ou que le budget manque), et 53 000 offres sont toujours en cours. Restent donc 150 000 abandons de recrutement faute de candidats, soit seulement 4,7 % des offres. Sur ces 150 000 abandons, l’employeur a généralement reçu des candidatures (87 % des cas), mais n’a pas donné suite, essentiellement par pénurie de formation aux compétences nécessaires (51 % des cas).
  • il y en aurait en France entre 110 000 et 180 000 postes durables (CDI ou CDD de plus de six mois), non pourvus faute de candidats. Les combler grâce à des formations ciblées serait bien sûr positif. Mais cela ne permettrait pas de baisser sensiblement le nombre de demandeurs d’emploi (5,6 millions d’inscrits à Pôle Emploi en catégorie ABC).
  • Pour Morad Ben Mezian, le « tout formation » ne peut résoudre ces problèmes d’inadéquation entre l’offre et la demande. D’où la nécessité, estime cet expert de la formation professionnelle de recourir à des outils, comme les plates-formes de ressources humaines financées par les pouvoirs publics ou les branches professionnelles, pour les aider à mieux identifier les compétences dont elles ont besoin. « Lorsque les entreprises comprennent que la formation peut améliorer leur compétitivité, elles n’hésitent plus. » 
  • t toujours multi-factoriel », insiste Stéphane Ducatez.  Les employeurs reconnaissent également que les difficultés viennent parfois de leur propre fait, entre recrutement trop urgent, manque de moyens financiers, ou difficultés liées au processus interne de recrutement.
  • Avec une croissance supérieure et une meilleure formation, les non-diplômés trouveraient-ils vraiment un emploi, eux qui sont le plus touchés par le chômage ? Denis Ferrand en doute : « Le taux d’emploi* des non-diplômés ne cesse de reculer en France, contrairement à nos voisins européens. On peut se demander si les Bac+5 ne prennent pas les places des Bac +3, et ainsi de suite, poussant les sans diplômes vers le chômage ou l’inactivité »
  • Si les pays étrangers font un peu mieux que nous sur le plan du chômage, poursuit l’économiste, cela s’explique avant tout pour d’autres raisons : « La France a une démographie qui reste dynamique, avec 150 000 actifs en plus chaque année, et des gains de productivité qui restent assez élevés. Ces deux éléments empêchent une baisse rapide du chômage », assure Eric Heyer. Il faut en effet sans cesse créer davantage d’emplois pour absorber les nouveaux-venus sur le marché de l’emploi et plus une entreprise se montre efficace – plus elle optimise son organisation du travail et son appareil de production via la robotisation par exemple – moins elle a besoin de recruter. « L’Allemagne n’a pas cette démographie dynamique, l’Espagne n’a pas les gains de productivité. L’Italie n’a ni l’un ni l’autre. C’est donc plus simple pour eux de faire baisser le chômage, formation ou pas ».  
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    "5,6 millions de chômeurs d'un côté, des entreprises qui déclarent avoir du mal à recruter de l'autre… A première vue, le problème du marché du travail français semble frappé au coin du bon sens : les demandeurs d'emploi ne sont pas assez formés. Mais est-ce si simple ?"
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Le CDI ne fait plus le bonheur | Le Cercle Les Echos - 2 views

  • Premièrement, le CDI ne protège plus les salariés : dans un environnement économique où la durée de vie des entreprises ne cesse de raccourcir (75 ans dans les années 1930, 15 ans à l’aube des années 2000), détenir un contrat permanent ne garantit plus un emploi à vie. En Italie, 50% des CDI sont interrompus au bout de deux ans. Pire, l’emploi salarié est trop souvent associé à de la souffrance au travail : cadences extrêmes, management par le stress, logique de résultats inatteignables.
  • Deuxièmement, la relation de subordination incarnée par le CDI ne correspond plus à notre système productif. En se tertiarisant, l’économie exige prise d’initiative, agilité et adaptabilité. Il n’est plus demandé au salarié d’effectuer des tâches standardisées et répétitives, mais de mettre à la disposition de son employeur sa créativité, sa réactivité et sa personnalité. A l’heure du travail dématérialisé, le lien de subordination fait d’obéissance et de contrôles est devenu contre-productif et tend de plus en plus à être remplacé par du management collaboratif, où l’autonomie et la responsabilisation prévalent.
  • Troisièmement, le salariat, conçu au départ comme un système de redistribution de revenus, de droits et protections, a perdu nombre de ses avantages : la hausse des cotisations sociales s’accompagne d’une baisse des prestations sociales (retraites, sécurité sociale, indemnités chômage). La répartition des profits se fait de plus en plus en faveur des actionnaires, au détriment des travailleurs. Les carrières ne sont plus ascensionnelles, la rémunération ne suit plus l’ancienneté.
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  • L’essor de nouvelles formes de travail, telles que portage salarial, auto-entrepreneurs, groupements d’employeurs ou multi-activité, témoigne des mutations en cours et bouleverse la séparation stricte qui existait entre salariat et travail indépendant.
  • Cette nouvelle réalité du travail correspond aussi à la montée de l’individualisation de la relation d’emploi. Les gens ne veulent plus appartenir, ils veulent choisir. Le travailleur veut désormais consommer le travail comme il consomme biens et services.
  • Aujourd’hui, l’individu veut également pouvoir définir le cadre de sa relation d’emploi et personnaliser ses conditions de travail. A titre d’exemple, 52% des Français voudraient pouvoir travailler de chez eux et 68% des salariés à temps partiel déclarent avoir choisi ce mode de travail, le plus souvent pour concilier vie familiale et professionnelle.
  • Services publics de l’emploi, entreprises de travail temporaire, cabinets de recrutement, associations sociales... De nouveaux havres de stabilité sont nécessaires pour accompagner des travailleurs au parcours de plus en plus chaotique et un emploi fragmenté, individualisé et à la carte. Parions que l’avenir verra la résurgence des guildes professionnelles, à la fois garantes de la formation de leurs travailleurs, négociateurs de leurs conditions de travail, fournisseurs d’avantages sociaux et sources d’offres d’emploi.
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    "Et si le salariat n'était plus synonyme d'épanouissement au travail ? Cette question (tout comme le titre provocateur de cet article) vise à remettre en cause notre vision monolithique mais obsolète du marché du travail : seul le CDI à temps plein protège les travailleurs et leur apporte sécurité et stabilité professionnelles."
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    - Premièrement, le CDI ne protège plus les salariés : dans un environnement économique où la durée de vie des entreprises ne cesse de raccourcir (75 ans dans les années 1930, 15 ans à l'aube des années 2000), détenir un contrat permanent ne garantit plus un emploi à vie 2) Deuxièmement, la relation de subordination incarnée par le CDI ne correspond plus à notre système productif. En se tertiarisant, l'économie exige prise d'initiative, agilité et adaptabilité 3) Troisièmement, le salariat, conçu au départ comme un système de redistribution de revenus, de droits et protections, a perdu nombre de ses avantages : la hausse des cotisations sociales s'accompagne d'une baisse des prestations sociales (retraites, sécurité sociale, indemnités chômage). La répartition des profits se fait de plus en plus en faveur des actionnaires, au détriment des travailleurs. Les carrières ne sont plus ascensionnelles, la rémunération ne suit plus l'ancienneté.
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A quoi ressemblera l'entreprise de demain ? - Entreprise20.fr - 2 views

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    CR de Frédéric Cavazza de la réunion préparatoire de l'Enterprise 2.0 Summit. Un passage intéressant sur la définition de l'entreprise idéale du XXIe siècle :  Chacun a ainsi pu donner sa définition, l'occasion pour moi de noter quelques notions et mots-clés intéressants : - Responsabilisation (la collaboration est l'affaire de chacun, pas que des représentants de la génération Y) ; - Confiance (accepter de partager ses connaissances) ; - Plaisir (s'épanouir dans la collaboration et la performance collective) ; - Adaptabilité (prendre en compte le fossé culturel entre les nouveaux entrants et les "séniors") ; - Fluidité (des processus, des informations, mais également des collaborateurs) ; - Tolérance (vis-à-vis des idées qui sont partagées et des erreurs qui peuvent être faites lors de la phase d'adaptation aux pratiques collaboratives) ; - Engagement (principalement de la Direction et du Middle-Management) ; - Diversité (des profils, des parcours, des cultures) ; - Bienveillance (pas de censure ou d'inhibition). Au cours des discussions qui ont suivi, j'ai également pu noter des phrases et des idées dont je suis incapable de retracer l'origine (veuillez m'en excuser) : - "Arrêtons de parler de changement, car le changement fait peur, parlons plutôt d'adaptation" ; - "Les RSE (réseaux sociaux d'entreprise) sont les ERP de demain" ; - "Il faut reconfigurer l'organisation et les processus autour des savoirs et du capital humain" ; - "Nous devons passer à une logique d'apprentissage et de discussions / échanges permanents, donc trouver les bons stimuli auprès des collaborateurs" ; - "L'objectif est d'accélérer la prise de décision et la résolution de problèmes non plus grâce aux outils de production, mais à la collaboration" ; - "La hiérarchie devrait être là pour inspirer et modérer, plutôt que de surveiller et comptabiliser" ; - "Dans une dynamique de créativit
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Les données sont-elles du capital ou du travail ? - 0 views

  • Naturellement, la majorité du peuple de la Silicon Valley ne voit rien de mal à ce contrat numérique implicite. Hal Varian, chef économiste chez Google, affirme que les consommateurs reçoivent en retour des services très populaires et très pratiques, et ce gratuitement. Les annonceurs bénéficient d’un moyen bon marché et efficace pour mieux cibler leur audience. Si les utilisateurs n’aiment pas l’offre de Google, ils peuvent facilement le quitter pour d’autres services. Les concurrents peuvent générer ou acheter leurs propres données, libres de droits. La concurrence est à portée de clic.
  • Mais une équipe de chercheurs universitaires et technologues, sous la direction de M. Lanier, a récemment publié une étude qui remet en cause ce point de vue. Ils affirment que les données devraient être vues comme le produit du travail, et non le sous-produit des loisirs.
  • L'économie des données s’est développée par accident, plus que volontairement. Elle est inefficace, injuste et contre-productive, et devrait être totalement repensée, soutiennent-ils. Ils font la différence entre d’un côté, le modèle existant de Data as Capital, ou “données comme capital” (DaC en anglais), qui traite les données comme les produits de combustion de notre mode de consommation, la matière première d’un capitalisme de surveillance ; et de l’autre, un modèle théorique de Data as Labour, (DaL) ou “données comme travail”, qui traite les données comme une propriété générée par les utilisateurs et qui devrait profiter en priorité à ces derniers. Ils lancent un appel aux économistes du travail et aux entrepreneurs pour créer un véritable marché des données des utilisateurs. Un tel marché rémunérerait les données, créant ainsi de nouveaux emplois, tout en nourrissant une culture de “dignité numérique” et en donnant un coup de pouce à la productivité de l’économie. Cette idée est développée dans ‘Radical Markets’ (Les marchés radicaux), un livre d’Eric Posner et Glen Weyl, à paraître prochainement, et qui présente à la fois une critique féroce du “techno-féodalisme” et un appel idéaliste au partage plus équitable des fruits de notre intelligence collective. Pour M. Weyl, “le modèle actuel de propriété des données n’est pas économiquement viable”.
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  • Pour aiguiller l'économie des données dans la bonne direction, ils proposent de renforcer trois contre-pouvoirs. Premièrement, plus de concurrence et d’innovation sont essentielles pour stimuler le marché des données. Les grands acteurs technologiques ne devraient pas pouvoir mettre des bâtons dans les roues des nouveaux arrivants. Et de fait, peut-être faudra-t-il qu’un des grands groupes technologiques sorte des rangs pour promouvoir une nouvelle économie des données, étant donné l’ampleur vertigineuse et décourageante des économies d’échelle à réaliser.
  • Deuxièmement, les gouvernements devraient mettre à jour et appliquer une politique de la concurrence, en encourageant la portabilité des données et la croissance de l’économie du DaL. Un régime de régulation plus strict, comme le Règlement général de la protection des données (RGPD) de l’Union européenne, qui entrera en vigueur en mai, serait d’une grande aide. Enfin, nous consommateurs devrons devenir plus matures quant à notre rôle de travailleurs numériques et – en terminologie marxiste – développer une conscience de classe. Des syndicats des données numériques devront naître afin de se battre pour nos droits collectifs. Historiquement, l’approche du travail pour faire plier le capital a été la grève. On saura que le mouvement DaL est pris au sérieux lorsque nous commencerons à planter des piquets de grève numériques sur les réseaux sociaux avec le slogan : “pas de posts sans salaire !”
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    "Si Platon était encore de ce monde, il verrait la majorité de nos activités professionnelles comme des loisirs, et une grande partie des loisirs dont nous profitons comme du travail. Ces patrons aux salaires extravagants que l'on croise à Davos et qui voyagent dans le monde entier en jet privé pour débattre des grands sujets du moment ne feraient en fait à ses yeux que se livrer à un tourbillon sans fin de conférences. Mais Platon regarderait probablement de travers ceux qui prennent plaisir à pêcher, à jardiner ou à cuisiner - des activités laborieuses. C'est la thèse développée récemment lors d'une conférence du Financial Times par le philosophe tchèque Tomas Sedlacek. Son argument était surtout (je crois) une provocation intellectuelle, destinée à révéler comment nos définitions du travail et des loisirs dépendent du contexte culturel bien plus que de lois sociales immuables. "
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« Souvent, les salariés estiment passer de 20% à 30% de leur temps à quantifi... - 0 views

  • C’est un mouvement social qui affecte tous les métiers, y compris immatériels et relationnels. Le service public, depuis le passage à la LOLF (loi organique relative aux lois de finances, en 2006) expérimente ce passage au « tout quantitatif ». Chaque mission doit être déclinée en actions suivies avec des indicateurs quantifiés. Dans les hôpitaux, la « tarification à l’acte » imprime, par exemple, une logique comptable et marchande à tous les actes médicaux et de soin. Dans le travail social, arrive une logique de comptage du nombre d’entretiens réalisés, du nombre de problématiques abordées, de cases « cochées »…
  • Pourquoi, dans leur grande majorité, les salariés semblent coopérer à ce management par les chiffres ? Existe-t-il des résistances ? Dans un premier temps la quantification peut être comprise comme une promesse de reconnaissance : « Ils vont enfin se rendre compte du boulot qu’on abat ! », « Il faut savoir tout ce que l’on fait ! », entend-on. C’est une première raison de coopérer. Ensuite, la mise en concurrence sur des moyens crée une forme d’obligations à jouer le jeu, si on ne veut pas tout perdre, tout de suite. Lorsque le classement des individus, des équipes, des services ou même des pays se fait à partir de mesures, et qu’elle alimente une comparaison automatique, chacun a intérêt à produire les meilleurs chiffres possibles, même à contrecœur et à contresens. Pour contester ce management, il faudrait que tous ceux qui sont mis en compétition par ces chiffres arrêtent simultanément de les fournir.
  • Ces chiffres sont centralisés, et servent à fabriquer des tableaux de bord généraux, permettant de comparer des individus, les équipes, les organisations sur des critères quantitatifs
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  • Les travailleurs perçoivent très bien l’enjeu de faire remonter les « bons chiffres »
  • chacun va donc consacrer du temps à la fabrication de ces chiffres, à leur arrangement, de sorte qu’ils soient « bons »
  • « pour mesurer la performance, il faut commencer par la dégrader ». Car pour fabriquer un bon « reporting », il faut tordre le réel.
  • incommensurable : la compétence collective, la confiance, les routines discrètes, la qualité de l’écoute, la justesse d’un sourire
  • . Ils sont pourtant décisifs pour la performance, la santé des travailleurs et le sens du travail.
  • La quantification prétend ainsi rendre compte de situations complexes, mouvantes et plurivoques au moyen de chiffres simples, stables et univoques : ils donnent une image partielle du réel. Étonnamment, cette réduction de la réalité, et finalement son amputation, sont réputées « objectiver » la connaissance qu’il est possible d’en avoir
  • Les pratiques dites « d’évaluation » dans le management ne cherchent généralement pas à créer les cadres d’une délibération permettant de savoir « ce que vaut » ce que l’on est en train de produire et comment.
  • Pourtant, travailler, c’est aussi évaluer
  • Elles réalisent plutôt une mesure du travail
  • Or cette évaluation de la valeur du travail fourni, qui demande du temps et de la délibération, est régulièrement découragée par le management
  • ’évaluation qualitative, délibérative et contradictoire perd du terrain face à une quantification bureaucratique réputée indiscutable
  • Nous assistons à un conflit social sourd, entre ceux qui expérimentent des situations professionnelles concrètes et ceux qui la saisissent et pensent la connaître au moyen de chiffres. Les premiers disent être du côté du « réel », tandis que les seconds disent agir au nom du « réalisme économique ».
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    "Des chaînes de production aux salles de classes, des plateformes téléphoniques aux hôpitaux, le management par les chiffres, les « entretiens d'évaluation » et le reporting, ont envahi le monde du travail. Une tendance qui s'appuie sur la quête d'une traduction financière rapide et qui frappe le secteur public comme le secteur privé. Cette évaluation du travail uniquement quantitative demeure « partiale et partielle », explique la chercheuse Marie-Anne Dujarier. Et nuit à l'activité, quand elle ne dégrade pas la santé des salariés. Entretien."
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    la mesure quantitative a progressivement gagné du terrain dans les pratiques managériales, au point de devenir omniprésentes et banalisées. le salariat saisit l'activité humaine comme produit, échangé sur le marché du travail La sélection des travailleurs sur des critères physiques, sociaux et maintenant psychologiques a été progressivement étendue et rationalisée avec la mise en place de tests et d'épreuves visant à mesurer les qualités des hommes au regard des compétences attendues pour les postes.  mesurée, tracée, commentée lors « d'entretiens d'évaluation » et finalement comparée Ces quatre formes de quantification ont ouvert la voie à la comparaison, et finalement à la compétition, qu'il s'agisse des produits, du salaire, de l'accès à l'emploi, ou enfin, de la légitimité des équipes et organisations. « pour mesurer la performance, il faut commencer par la dégrader ». Car pour fabriquer un bon « reporting », il faut tordre le réel Ce qui pose problème, c'est la réduction qu'opère la quantification.  L' incommensurable : la compétence collective, la confiance, les routines discrètes, la qualité de l'écoute, la justesse d'un sourire…. Ils sont pourtant décisifs pour la performance, la santé des travailleurs et le sens du travail.
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Travail nomade et contrats de projets: vers l'entreprise sans toit ni loi? - 3 views

  • La question de la légitimité du manager et donc du partage du pouvoir et de la démocratie dans l’entreprise sera aussi posée. Rêvons un peu : dans une entreprise construite non plus comme une pyramide hiérarchique mais comme un réseau d’associés, elle pourrait pousser jusqu’à organiser un processus d’élection des managers, voire du patron. A minima, il y aura une évaluation du management par l’ensemble des salariés, comme le suggère déjà la généralisation du 360°. Ce sera le prix à payer pour s’assurer de l’engagement des salariés, leur permettre de travailler ensemble et… les garder !
  • Si elle veut perdurer sous sa forme actuelle et s’assurer de l’engagement de ses salariés, l’entreprise devra repartir de ce qu’ils sont réellement c’est-à-dire des individus à la fois déliés et renouant sans cesse de nouveaux liens autour des projets successifs qu’elle leur proposera. C’est ce que rend possible l’arrivée massive du numérique : travailler à distance dans une sorte de nomadisme coopératif. Évidemment, cela ne concerne ni toutes les structures, ni tous les métiers. Mais c’est une tendance de fond, qui devrait à terme concerner un nombre grandissant de travailleurs, bien au-delà des professionnels et managers globalisés et hautement qualifiés dont c’est le cas aujourd’hui.
  • L’entreprise de demain sera précisément l’inverse : une unité de temps, celui d’un projet, d’un contrat, d’un marché, mais sans unité de lieu puisque les salariés embauchés pourront se trouver à des milliers de kilomètres de distance, dans des bureaux disjoints ou chez eux en télétravail etc. Cette dé-spatialisation du travail est la grande nouveauté. Travailler, ce n’est plus se retrouver avec d’autres dans un lieu construit pour cela, mais se mettre en réseau avec d’autres et organiser une sociabilité commune.
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  • Qu’on le veuille ou non, la société de l’activité, de l’autonomie individuelle ou du travail libéré sera plus que jamais une société de consommation et de travail invisible. On touche ici à l’un des paradoxes les plus secrets du processus d’individualisation : l’autonomie et l’épanouissement de l’individu dans et hors du travail se paient d’une double aliénation. L’une liée au besoin de consommer et l’autre liée à la nécessité de faire appel à un travail invisible, souvent pénible et précaire, nécessaire à cette consommation. Ce paradoxe des sociétés démocratiques ne va pas se défaire demain : le post-matérialisme, qui se lit dans l’autonomie des individus, libère totalement la figure du consommateur alors même que l’individu croit s’en affranchir en se libérant du travail.
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    "L'organisation du travail a connu depuis quarante ans des évolutions majeures, mais nous ne sommes qu'au début du chemin. Si elle veut perdurer sous sa forme actuelle et s'assurer de l'engagement de ses salariés, l'entreprise devra repartir de ce qu'ils sont réellement, c'est-à-dire des individus à la fois déliés et renouant sans cesse de nouveaux liens autour des projets successifs qu'elle leur proposera. C'est ce que rend possible l'arrivée massive du numérique : travailler à distance dans une sorte de nomadisme coopératif. La généralisation du travail en mode projet pourrait avoir pour conséquence l'avènement de « contrats de projet ». Jusqu'à ces dernières décennies, l'entreprise disposait d'une unité de lieu. L'entreprise de demain sera marquée par une unité de temps, celui d'un projet, d'un contrat, d'un marché, mais sans unité de lieu puisque les salariés pourront se trouver à des milliers de kilomètres de distance, dans des bureaux disjoints, ou chez eux en télétravail. Travailler, alors, ce n'est plus se retrouver avec d'autres dans un lieu construit pour cela, mais se mettre en réseau et organiser une sociabilité commune. L'idée même de l'entreprise y survivra-t-elle?"
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CFDT - Travailleurs des plateformes : beaucoup de bruit pour rien ? - 0 views

  • Devant la cour d’appel, son contrat, dénommé « contrat de prestations de services », a été passé au peigne fin. Il en est ressorti que, si le livreur pouvait choisir ses plages horaires (« shifts ») pour effectuer des livraisons, il ne pouvait, sans pénalité, se désengager moins de 72 heures avant leur commencement. Qui plus est, la société Take eat easy se réservait le pouvoir de résiliation du contrat dans certains cas. Aussi, la société avait-elle édicté un « petit guide du coursier », instaurant un système de bonus-malus, les malus étant plus couramment appelés strike. 3 strikes en 1 mois conduisait à une convocation à un entretien avec la société sur les motivations du coursier et 4 strikes à la rupture des relations contractuelles. A la suite du rejet de ses prétentions par le conseil de prud’hommes de Paris, le livreur a interjeté appel. Par une décision du 20 avril 2017, la cour d’appel de Paris a refusé de reconnaître l’existence d’un contrat de travail. Selon les juges du fond, bien que le système de bonus/malus mis en place évoque un pouvoir de sanction, les pénalités sanctionnent des manquements à des obligations contractuelles, ce qui ne caractérise pas un pouvoir de sanction de type salarial. De plus, la cour relève que ces stipulations ne remettent pas en cause la liberté du coursier de choisir ses horaires, le moment de ses congés, tout comme sa durée de travail. Les juges du fond en déduisent que la société Take eat easy « ne détermine pas unilatéralement les conditions d’exécution du travail ».
  • Selon la Cour, le système de la géolocalisation du livreur permettant son suivi en temps réel, ainsi que le système de sanctions auraient dû conduire les juges du fond à reconnaitre l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle et celle d’un pouvoir de sanction. Toutes choses caractérisant l’existence un contrat de travail.
  • Dans sa décision très attendue, la Haute juridiction contredit la solution retenue en appel. La Cour de cassation considère que le livreur était bien lié à la plateforme par un contrat de travail. A cette fin, elle applique les principes classiques en matière de reconnaissance de la qualité de salarié.
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  • La cour relève également que le livreur n’est lié par aucune clause d’exclusivité. Régisseur dans un petit théâtre parisien, celui-ci exerce même une seconde activité professionnelle. Aux yeux des juges d’appel, « cette liberté totale de travailler ou non (…) est exclusive d’une relation salariale ».
  • En tout cas, les décisions semblaient autant se fonder sur le degré d’autonomie du travailleur que sur les principes classiques de qualification d’un contrat de travail, qu’elles rappelaient malgré tout. Manière sans doute de prendre en compte la nouveauté de ces situations… La Cour de cassation ne l’entend pas ainsi. Pour elle, dès lors que les indices classiques de l’existence d’un lien de subordination sont présents, l’autonomie (réelle ou supposée selon les cas) des travailleurs du numérique n’est pas déterminante. Ce qui compte c’est l’existence, ou non, d’un pouvoir de direction et de contrôle, sur lequel s’appuie le pouvoir de sanction.
  • En tout cas, il n’est sans doute pas anodin que, dans la note explicative de l’arrêt, la Haute juridiction indique que les textes actuellement existants concernant les travailleurs des plateformes (pas applicables en l’espèce) ne comportent aucune réponse à la question. La Cour de cassation prend ainsi explicitement position pour dire que la loi Travail (9) ne pose pas de présomption d’indépendance vis-à-vis de ces travailleurs, mais seulement l’esquisse d’une responsabilité sociale des plateformes.
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    "Grande première : la Cour cassation vient d'analyser la relation liant un livreur à une plateforme ! Appliquant des principes très classiques à cette situation pourtant spécifique, la Haute juridiction a considéré que le livreur était bien lié à la plateforme par un contrat de travail. Selon la Cour de cassation, la plateforme disposait d'un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction sur le livreur. Cass.soc.28.11.18, n°17-20079."
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The Rise of Anti-Capitalism - NYTimes.com - 2 views

    • abrugiere
       
      Cette économie d'abondance et de production à coût marginal a des impacts réels sur le marché du travail. C'est dans les communs collaboratifs que se trouvent dorénavant les nouvelles opportunités de travail (ou d'emplois ?). Aux USA le nombre d'ONG est augmenté de 25% entre 2001 et 2011 pour passer de 1M3 à 1M6, tandis que les entreprises ont augmenté de 1/2 % dans le même temps.  Aus USA, CAnada, Angleterre, le secteur non concurrentiel excède 10% de la main d'oeuvre 
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    Article de J Rifkin  Nous vivons en ce moment un vrai paradoxe du capitalisme : la dynamique de compétitivité des marchés qui tend à réduire toujours plus les coûts, associée à une révolution technologique, est en train de produire des biens et des services en abondance : à coût nul ou marginal.  On le voyait déjà avec Napster à la fin des années 90. De l'industrie de la musique, on a vu ce phénomène s'étendre à l'énergie, aux livres, à l'industrie manufacturière ou l'éducation.  Aujourd'hui, avec l'internet des objets, cela va s'étendre à l'économie entière. L'internet des objets, c'est demain 11 bilions de capteurs rattachés à des ressources naturelles, des lignes de production, des smart gris, des réseaux de logistiques, dans les maison, les bureaux, les magasins... En 2020, on prévoit 50 bilions de capteurs qui seront connectés.  Les individus pourront connecter leur réseau et exploiter les données par des big data, des algorithmes, et par là accélérer l'efficience des objets, des réseaux, et donc diminuer toujours plus les coûts d'utilisation. Cisco prévoit que vers 2022 les gains de productivité du secteur privé engendrés par l'internet des objets excédera les 14 trillion de dollars. Une autre étude de General Electric estime elle que la croissance de la productivité par l'internet des objets pourrait affecter la moitié de l'économie globale en 2025. 
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